Intervention de François Marc

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 24 octobre 2012 : 1ère réunion
Programmation et gouvernance des finances publiques — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de François MarcFrançois Marc, rapporteur :

Le projet de loi s'inscrit dans la continuité des deux premières lois de programmation, dont il élève au rang organique les principes et les adapte en vue de la transposition du TSCG et du two-pack.

L'article 1er établit le principe que les lois de programmation fixent l'objectif de moyen terme et la trajectoire de solde structurel. Les informations nécessaires pour les apprécier figureront soit dans la LPFP elle-même, soit dans le rapport annexé. Sur ce dernier point, le dispositif proposé ne change rien à la pratique actuelle.

Le texte comporte une nouveauté en termes de contenu et donc de procédure d'examen de la loi de finances. Alors que, depuis 1959, les lois de finances sont découpées en deux parties, désormais, avant la première partie, il faudra se prononcer sur un article liminaire qui portera sur l'ensemble des administrations publiques et présentera l'exécution de l'année n-1, la prévision d'exécution de l'année n et la prévision pour l'année n+1. Il s'agit d'assurer une cohérence entre les dispositions des lois de finances et le cadre plus global des programmations dans lesquelles elles s'inscrivent : les écarts éventuels apparaîtront de manière explicite. Cet article figurera seulement dans la loi de finances, car, comme l'a indiqué le ministre lors de son audition, elle est le dernier texte adopté, ce qui permet de prendre en compte les modifications apportées lors de la discussion au Parlement à la fois au projet de loi de finances mais aussi au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

J'en viens à la grande innovation, le Haut Conseil des finances publiques, qui constituera le conseil budgétaire indépendant prévu par le droit européen. Il comprendra onze membres. L'équilibre atteint à l'Assemblée nationale est intéressant : les membres de la Cour des comptes ne sont plus majoritaires, mais le président reste, de droit, le Premier président de la Cour des comptes ; les membres désignés par le Parlement proviendront à parité de la majorité et de l'opposition, ce qui réduit les risques de complaisance vis-à-vis du Gouvernement ; les membres seront nommés en raison de leurs compétences dans le domaine des « prévisions macroéconomiques » et des « finances publiques » ; enfin la participation ès qualité du directeur général de l'Insee crédibilisera les travaux.

Le HCFP n'a pas vocation à être une assemblée de sages chargée de formuler des recommandations mais sera un organisme technique chargé de donner des avis sur des données économiques, voire économétriques. La loi organique qualifie le Haut Conseil des finances publiques d'organisme indépendant, sans préciser s'il s'agit d'une catégorie juridique bien identifiée ou de l'affirmation d'un principe. Comme pour les autorités indépendantes, ses membres ne pourront pas recevoir d'instruction ou en solliciter dans l'exercice de leur mandat. Leur statut prévoit l'impossibilité d'exercer des fonctions électives, l'obligation de remplir une déclaration d'intérêts, l'absence de rémunération. Les moyens du Haut Conseil ne sont pas précisés ; sans doute en sera-t-il doté puisqu'il pourra faire appel à des organismes extérieurs. Nous avons relevé une anomalie : ses modalités de fonctionnement sont renvoyées à un décret, ce qui parait incompatible avec son indépendance.

Selon les articles 9 à 13, le premier rôle du Haut Conseil sera de donner des avis sur les différents textes financiers. Mais le gouvernement ne sera pas obligé de les suivre. Ils porteront sur les prévisions macroéconomiques, sur la cohérence entre la programmation proposée et les engagements européens de la France, dans le cas des projets de loi de programmation des finances publiques, et sur la cohérence entre les dispositions proposées et les dispositions des lois de programmation des finances publiques, dans le cas des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Toutefois, l'avis n'est pas obligatoire s'agissant des projets de lois de finances rectificatives et de lois de financement rectificatives. Enfin, s'il n'y a pas d'exigence d'avis conforme, on ne peut exclure qu'il soit négatif ou réservé.

Le deuxième rôle du Haut Conseil est de vérifier le respect de la trajectoire de solde structurel permettant de parvenir à l'objectif de moyen terme : chaque printemps, le Haut Conseil constatera les écarts entre la prévision et l'exécution de l'année précédente. Le Parlement disposera de son avis lors de l'examen du projet de loi de règlement.

Cette mission du Haut Conseil est importante car elle peut avoir des conséquences pratiques : s'il constate un « écart important », de plus de 0,5 point de PIB, le gouvernement devra obligatoirement prendre des mesures correctrices - d'où le nom de « mécanisme de correction automatique » -, sans avoir, néanmoins, à corriger immédiatement l'intégralité de l'écart constaté. Il faudra simplement qu'il « tienne compte » de cet écart. Si l'on combine les dispositions de la loi organique et celles du projet de LPFP que nous examinerons la semaine prochaine, nous constatons qu'il sera possible de s'écarter pendant trois ans de la trajectoire.

Comment le respect de la règle créée sera-t-il assuré ? Comment l'atteinte de l'objectif sera-t-elle mesurée ? Il n'existe pas de consensus sur le niveau du PIB potentiel, et donc sur le calcul du solde structurel. Or les enjeux politiques sont forts car le non-respect de l'objectif de solde structurel a des conséquences juridiques : déclenchement du mécanisme de correction automatique dans le cadre national, sanctions dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité. La notion de solde structurel devient dès lors aussi importante politiquement qu'elle est imprécise techniquement.

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