Intervention de Kader Arif

Commission des affaires sociales — Réunion du 30 octobre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission anciens combattants mémoire et liens avec la nation - Audition de M. Kader Arif ministre délégué auprès du ministre de la défense chargé des anciens combattants

Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants :

C'est un plaisir d'être ici, seconde étape de la présentation du budget des anciens combattants au Parlement après mon audition, le 3 octobre dernier, par la commission de la défense de l'Assemblée nationale. Votre commission occupe une place centrale au Sénat et je me félicite de trouver parmi vous de grands connaisseurs du monde combattant qui pourront m'aider à mettre en oeuvre mes priorités. Je souhaite établir une relation de confiance entre le Gouvernement et les parlementaires : cela me semble indispensable pour une collaboration sereine de long terme.

Le monde combattant a toujours souhaité un portefeuille ministériel pérenne. Il a été entendu par François Hollande et Jean-Marc Ayrault qui, en me confiant un ministère délégué auprès du ministre de la défense, ont donné à ce poste une vision d'ensemble sur la politique de la Nation et me permettent de participer pleinement à la vie politique du pays, que ce soit durant le conseil des ministres ou les différents séminaires gouvernementaux.

Le projet de loi de finances pour 2013 est marqué par la volonté, inscrite dans le dialogue et la concertation, de redresser les comptes publics et d'assainir les finances publiques tout en engageant une politique active de justice sociale. Le budget des anciens combattants répond à ces objectifs. Il est en diminution de 2,4 % par rapport à 2012, dans le cadre de l'effort demandé à l'ensemble des ministères. Cela constitue une économie de 73 millions d'euros. Toutefois, si la diminution du budget avait été proportionnelle à la baisse du nombre d'anciens combattants, elle aurait été de 4,4 %, soit 133 millions d'euros. Grâce au dialogue que j'ai pu avoir avec Bercy, 40 millions d'euros ont été préservés pour renforcer les politiques à l'égard du monde combattant.

Ce budget permet de continuer à répondre au souci de reconnaissance du monde combattant et consacre le rôle des opérateurs qui lui sont dédiés. Il réaffirme la priorité donnée à la jeunesse, en cohérence avec les engagements du Président de la République. Il soutient la politique en faveur des harkis et des rapatriés, qui entre dans le périmètre de mon portefeuille ministériel. Il impulse une politique de mémoire dynamique, en particulier en renforçant le lien armée-Nation, qui me semble indispensable à notre pays.

L'objectif premier est la préservation des droits des anciens combattants et de leurs ayants cause. Elle se traduit en premier lieu par l'augmentation au 1er juillet dernier de quatre points de la retraite du combattant, fixée désormais à quarante-huit points. Le principe général d'une diminution de 7 % des dépenses d'intervention dans tous les ministères avait été annoncé. J'ai donc dû rappeler que les anciens combattants ne sont pas des citoyens comme les autres. Cet engagement de mon prédécesseur, non budgété, a donc été tenu, pour un coût de 54 millions d'euros.

L'aide différentielle au conjoint survivant (ADCS) constitue un second aspect de l'action en faveur des anciens combattants et de leurs familles. Créée en 2007 pour un montant de 500 euros, elle a été portée en plusieurs étapes à 900 euros au 1er avril dernier. Elle est distribuée par l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (Onac), qui ne disposait pas des ressources nécessaires pour honorer la dernière revalorisation. Il a donc fallu trouver les moyens de la financer. C'est une réponse aux besoins de personnes en difficulté, parfois en situation de détresse sociale ou financière. Ce dossier est, à mes yeux, très important, et cet engagement devait être tenu. A l'avenir, il faudrait même tendre vers une ADCS à 964 euros, seuil de pauvreté tel qu'il est défini à l'échelle européenne.

Un effort particulier est réalisé dans le budget en faveur des dépenses sociales de l'Onac, qui augmenteront de 500 000 euros par an jusqu'en 2015, soit une dépense supplémentaire de 3 millions d'euros sur trois ans.

Le point de pension militaire d'invalidité (PMI) est actuellement fixé à 13,87 euros. Son évolution est alignée sur celle du traitement des fonctionnaires. Nombreux sont ceux qui demandent sa hausse ainsi qu'une révision de son mode de calcul. Il faut être prudent sur ce point : il n'y a pas, à l'heure actuelle, d'indice satisfaisant, autre que celui de l'Insee, qui permette de calculer de manière juste l'évolution de la rémunération des fonctionnaires, primes comprises. Il faudrait travailler sur l'élaboration d'un nouvel outil statistique. J'ai également découvert que les décrets qui prennent acte de l'augmentation de la valeur du point PMI sont souvent pris avec retard. Ce n'est pas acceptable et nous ferons, à l'avenir, preuve de plus de réactivité sur le sujet.

Si toutes les générations du feu ont leurs spécificités, je pense, à titre personnel, qu'il faut cesser de faire des distinctions autre qu'historiques entre elles. Elles composent avant tout l'histoire de notre pays. La quatrième génération du feu, celle des opérations extérieures (Opex) et de l'Afghanistan, mérite toute notre reconnaissance. 60 000 de nos jeunes sont allés dans ce pays au sein d'unités combattantes, dont les dernières vont achever leur retrait à la fin de l'année. Le premier de nos devoirs envers eux est de leur faciliter l'octroi de la carte du combattant. Le décret du 28 juin 2012 a modifié la liste des opérations y donnant droit en ajoutant de nouvelles opérations : Monusco au Congo, Amisom en Somalie, Minustah en Haïti, Minul au Libéria et bientôt Harmattan en Libye. Les nouveaux critères doivent permettre d'augmenter de 25 % à 50 % le nombre de cartes du combattant attribuées au titre des Opex.

La reconnaissance symbolique due à ces soldats, si elle fait débat, me semble évidente : c'est pourquoi la première pierre du monument dédié aux morts en Opex sera posée en 2013. Un million d'euros sont prévus dans le budget pour le réaliser. Il sera situé place Vauban à Paris ; les noms de tous les soldats tombés en Opex y seront inscrits.

Sur le plan juridique, la refonte engagée du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), à la demande du Conseil d'Etat, sera poursuivie. L'objectif est d'aboutir à la rédaction d'un document clair, à jour, complet et juridiquement infaillible. Les associations représentant le monde combattant vont être, comme elles en ont fait la demande, associées à ce travail.

En ce qui concerne la guerre d'Algérie, plusieurs questions se posent. Il y a d'abord celle de l'attribution de la carte du combattant aux soldats présents dans ce pays après le 2 juillet 1962. Jusqu'à présent, seuls peuvent l'obtenir ceux qui justifient de quatre mois de présence en Algérie entre le 31 octobre 1954 et cette date. Je tiens à rappeler que les militaires stationnés dans ce pays après le 2 juillet 1962 ne sont pas pour autant oubliés : le CPMIVG prévoit qu'ils peuvent recevoir, pour une présence jusqu'en 1964, le titre de reconnaissance de la Nation (TRN). Celui-ci ouvre droit à la souscription d'une rente mutualiste et les rend ressortissants de l'Onac. Je suis néanmoins très attentif à ce dossier. Il n'a pas été possible de le faire évoluer dans le budget 2013, mais j'intégrerai l'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants ayant servi en Algérie quatre mois à cheval sur le 2 juillet 1962 dans le budget 2014. Le coût de cette mesure est d'environ 5,5 millions d'euros. Le débat concernant l'attribution de la carte jusqu'en 1964 ou 1967 est différent et ne peut être réglé aussi facilement.

Le 25 septembre dernier, lors de la journée nationale d'hommage aux harkis, j'ai lu un message du Président de la République. Le traitement subi par les harkis et les rapatriés est une question qui nous abime collectivement ; c'est un point douloureux pour chacun d'entre nous. Il ne faut pas nier que beaucoup de choses ont déjà été faites, mais quelques améliorations peuvent être apportées. La mission interministérielle aux rapatriés (Mir) doit être revue, ainsi que ses priorités. Il en va de même, en accord avec les membres de son conseil d'administration, de la fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie. L'Etat y est engagé à hauteur de 3 millions d'euros.

Je ne souhaite pas que la politique spécifique en direction des harkis et des rapatriés, qui est l'accumulation de plusieurs séries de mesures, s'éloigne trop du droit commun. Il faut évidemment préserver l'existant, notamment le plan emploi et les emplois réservés dans la fonction publique. Ceux-ci doivent être développés : seulement quatre cents embauches ont été réalisées alors que les collectivités territoriales manquent d'information sur le sujet. Il faudrait désigner, auprès du préfet, un coordonnateur chargé de veiller à la cohérence de l'action publique en la matière. Cette mission pourrait être assurée par le directeur départemental de l'Onac, ce qui d'ailleurs justifierait la présence de cet opérateur sur tout le territoire.

Il faut également que les harkis et rapatriés bénéficient pleinement du droit commun et des politiques du Gouvernement : emplois d'avenir, contrats de génération, aides de la future banque publique d'investissement (BPI). Les harkis ne doivent pas être considérés comme des citoyens de seconde zone avec des droits spécifiques, ce qu'ils ne sont pas. Ils sont des citoyens à part entière envers lesquels il faut réparer les dégâts de l'histoire.

Les crédits affectés à la politique de mémoire sont en augmentation de 50 % en 2013, passant de 12 à 17 millions d'euros. La commémoration du centenaire de la Grande Guerre s'étalera de 2014 à 2018, selon les événements marquants pour nos partenaires : centenaires de la bataille de la Somme en 2016, pour les Britanniques et de l'arrivée de leurs troupes en France en 2017, pour les Américains. Un groupement d'intérêt public (Gip) a été mis en place pour organiser ce processus commémoratif ; il n'est pas remis en cause. La direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) va quant à elle s'occuper des commémorations liées au soixante-dixième anniversaire de la Seconde Guerre mondiale. Dès 2013, le souvenir de la résistance intérieure sera à l'honneur avec les soixante-dix ans de la création du Conseil national de la résistance (CNR) le 27 mai 1943, qui trouve écho dans l'ensemble des familles politiques. Le débat sur cette question n'est plus aussi sensible que celui sur la guerre d'Algérie, qui reste douloureuse.

Un effort particulier est fait pour la rénovation des nécropoles de la Première Guerre mondiale, avec un budget de 5 millions d'euros. Afin de répondre aux demandes des collectivités territoriales, les travaux sont programmés jusqu'en 2017.

Une mission interministérielle a été créée pour piloter ce travail de mémoire et impulser de nouvelles orientations. Je souhaiterais d'ailleurs que le Parlement puisse y être associé, à travers la création d'une structure permanente dans chaque chambre chargée de suivre ces questions.

Enfin, le tourisme de mémoire ne doit pas être négligé : il a généré l'an dernier des recettes de 45 millions d'euros, sans même prendre en compte l'hébergement et la restauration. Il faut donc faciliter son développement car les territoires concernés peuvent grandement en bénéficier. 70 000 Canadiens devraient se rendre en France en 2017 pour le centenaire : il convient de réfléchir dès maintenant à leur accueil et aux retombées pour les collectivités territoriales et les acteurs économiques.

Enfin, la journée défense et citoyenneté (JDC) constitue le coeur du lien armée-Nation. C'est un moment de rencontre unique entre la jeunesse et son armée. Je fais partie des gens qui regrettent la suspension du service militaire car il constituait un vrai creuset républicain pour les 260 000 jeunes hommes accueillis chaque année.

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