Le contrôle en matière de discriminations fait partie des missions de l'Inspection du travail. A ce titre, nous sommes compétents pour les cas de harcèlement, qu'il soit moral ou sexuel.
Les problèmes de discrimination sont assez peu abordés au cours de la formation initiale des inspecteurs du travail. En matière méthodologique, pour les cas de harcèlement, nous nous déplaçons souvent à deux personnes, parce que ce sont des situations qui demandent qu'on leur consacre beaucoup de temps et parce qu'elles sont émotionnellement difficiles.
J'en reviens donc aux conséquences qui peuvent être tirées des contrôles que j'effectue sur place. L'inspecteur du travail est libre des suites qu'il entend donner à un contrôle. Ainsi, si des irrégularités sont constatées, nous pouvons soit rédiger un courrier d'observation demandant à l'entreprise de se mettre en conformité avec la loi, soit dresser un procès-verbal. C'est précisément là que s'arrête notre mandat. Une fois dressé, le procès verbal nous échappe. Il revient au procureur de saisir ou non, en opportunité, le juge qui, lui-même, décidera ou non, de condamner l'employeur.
Pour vous donner un ordre de grandeur, sur les procès verbaux dressés par l'Inspection du travail en 2005 : 7 ans après, 13 % sont toujours en cours, 40 % ont fait l'objet d'un dessaisissement du Parquet, 23 % ont été classés sans suite. Par conséquent, seuls 48 % ont fait l'objet d'une poursuite, dont 17 % d'une alternative aux poursuites. C'est peu, et démotivant pour les agents. C'est la raison pour laquelle a été mis en place, au niveau ministériel, un Observatoire des suites pénales, afin d'avoir une visibilité sur ce qui constitue en réalité notre seul véritable moyen de contrainte. Vous voyez donc que nous sommes confrontés à une série d'obstacles pour assurer l'effectivité de nos procédures puisqu'il faut d'abord que le Parquet puisse déférer les procès verbaux devant les magistrats, faute de quoi ils rechercheront une alternative aux poursuites ; ensuite que les tribunaux aient le temps de statuer, alors même que le droit pénal du travail fait figure de parent pauvre dans les tribunaux de grande instance (TGI). Enfin, on peut espérer aboutir à une condamnation.
Le code pénal prévoit au maximum 3 700 euros d'amende pour sanctionner la rupture d'égalité dans la rémunération. En cas de discrimination à l'embauche, les peines sont plus conséquentes : elles peuvent atteindre 45 000 euros et être assorties, le cas échéant, d'une peine de prison de trois ans.
A cet égard, l'Inspection du travail n'a pas l'exclusivité du dépôt de la plainte : la victime, ou une association d'aide aux victimes, peut aussi saisir la justice, parfois de manière plus rapide que l'Inspection du travail.
Quand on sait qu'il se passera trois ans en moyenne avant de subir, éventuellement, une amende maximum de 3 700 euros, on peut se demander si certaines entreprises ne préfèrent pas courir ce risque plutôt que de faire des efforts pour résorber les écarts.
J'estime quant à moi que cette situation n'est pas satisfaisante.
Comme vous le savez, une disposition légale nouvelle, entrée en vigueur le 1er janvier 2012, permet à l'administration du travail d'infliger une sanction financière à une entreprise de plus de cinquante salariés qui n'aurait pas conclu d'accord, ou à défaut de plan d'action sur l'égalité professionnelle,
Cette disposition légale nouvelle a été présentée comme une avancée, à condition qu'elle soit effectivement appliquée. Or, sa mise en oeuvre est compliquée. Après la mise en demeure de l'Inspection du travail, l'entreprise dispose d'un délai de six mois pour remédier à la carence constatée ; à l'issue de ce délai, l'Inspection saisit le directeur régional du travail qui, en fonction de la bonne foi de l'employeur, ou de difficultés économiques alléguées, peut moduler la sanction.