Intervention de Laurence Rossignol

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 31 octobre 2012 : 1ère réunion
Principe de participation du public — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol, rapporteure :

Le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement a été déposé le 3 octobre 2012 sur le bureau de notre assemblée, après avoir été soumis à consultation du public du 11 au 24 septembre, conformément au principe qu'il entend mettre en oeuvre.

Une Feuille de route pour la transition écologique a été établie à l'issue de la conférence environnementale, qui appelle à une participation effective du public dans la mise en oeuvre et le suivi des politiques. Tirant les conclusions de quatre décisions de censure du Conseil constitutionnel, ce projet de loi a pour but de définir les conditions et les limites de la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l'environnement.

Le principe de participation du public provient du droit international. La déclaration de Rio de 1992 a énoncé que « la meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens au niveau qui convient ». La Convention d'Aarhus, signée le 25 juin 1998 par la France, vise à garantir le droit à l'information des citoyens en matière environnementale, leur participation au processus décisionnel, leur accès à la justice.

De nombreux États ont mis en oeuvre ce principe. Les États-Unis font figure de modèle, bien qu'ils ne soient pas exemplaires en matière de respect de l'environnement. L'Administrative procedure act de 1946 prévoit une procédure extrêmement détaillée, s'appliquant à la majorité des textes réglementaires. Au Québec, un Bureau d'audiences publiques permet, depuis 1978, de consulter la population sur les dossiers relatifs à l'environnement et les projets d'infrastructures.

En France, la consécration du principe de participation est intervenue en 2004 avec l'adoption de la Charte de l'environnement, adossée en 2005 à la Constitution. Dans son article 7, la Charte dispose que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. » Cette disposition a été codifiée, à l'occasion de la loi Grenelle II, à l'article L. 120-1 du code de l'environnement. Cet article s'applique quand aucun autre dispositif n'est prévu, une enquête publique par exemple.

Les décisions ayant « une incidence directe et significative sur l'environnement » sont soumises à participation. Si la saisine d'un organisme consultatif est obligatoire, le projet de décision fait l'objet d'une publication, avant d'être transmis à cet organisme. Quand aucun avis n'est requis, le projet de décision est publié par voie électronique et le public formule ses observations.

A l'occasion de l'examen de questions prioritaires de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé non conformes à la Constitution quatre dispositifs spécifiques prévus dans le code de l'environnement et similaires à celui de l'article L. 120-1. Le Conseil a estimé que les décisions individuelles devaient, au même titre que les décisions réglementaires et les décisions d'espèce, faire l'objet d'une participation du public. L'abrogation des dispositions concernées interviendra au 1er janvier et au 1er septembre 2013. Une autre décision du Conseil devrait intervenir en novembre, portant cette fois directement sur la constitutionnalité de l'article L. 120-1.

C'est dans ce cadre contraint que nous travaillons. Que cela ne nous empêche pas de proposer des modalités d'application faisant vivre pleinement le principe de participation !

L'article 1er réécrit l'article L. 120-1, anticipant la décision à venir du Conseil constitutionnel. Son champ d'application, limité actuellement aux seules décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics, est étendu à l'ensemble des décisions autres qu'individuelles. Le critère d'incidence directe et significative sur l'environnement est abandonné, ce qui constitue une réelle avancée. Une procédure de recueil direct des observations du public devra être suivie, avec publication par l'administration d'une synthèse des observations reçues.

Je vous proposerai d'adopter sept amendements sur ce premier article, pour en renforcer la portée, rappeler les objectifs et les principes de la participation du public afin de bien faire comprendre l'intérêt de la réforme, préciser le contenu de la note technique jointe au projet de décision, modifier les délais de transmission des observations - avec le souci de n'exclure aucun citoyen -, prévoir la publicité des observations, comme c'est l'usage aux Etats-Unis, rendre la participation plus efficace et plus transparente, mieux articuler consultation d'un organe collégial consultatif et participation du public, assurer la prise en considération des observations par l'administration, enfin, préciser les critères de dispense de participation, ou au moins de contraction du délai, en cas d'urgence.

Les articles 2 et 3 mettent le droit des installations classées en conformité avec la Constitution. Les dispositions de l'article L. 120-1 leur deviendront applicables. Je vous proposerai un article additionnel après l'article 2, afin de tirer les leçons des censures du Conseil constitutionnel en matière de canalisations de transport d'hydrocarbures et de produits chimiques et de plans de prévention des risques naturels prévisibles, deux volets oubliés dans le projet de loi.

L'article 4 met en conformité avec la Constitution l'article L. 211-3 du code de l'environnement relatif aux zones d'alimentation des captages d'eau potable et aux zones d'érosion.

Je vous proposerai un article additionnel après cet article 4, dans le but d'aménager la composition des comités régionaux des trames verte et bleue pour y intégrer les gestionnaires d'espaces naturels, les représentants des usagers de la nature, l'État et ses établissements publics, ou encore les organismes de recherche. L'article 5 modifie l'article L. 914-3 du code rural et de la pêche maritime pour assurer la cohérence avec l'article L. 120-1.

L'article 6 module l'entrée en vigueur du nouveau dispositif. Le texte prendra effet au 1er janvier 2013, sauf pour les décisions qui ont déjà donné lieu à participation du public en application des articles L. 120-1 du code de l'environnement et L. 914-3 du code rural. C'est une solution de sagesse, afin de ne pas obliger les autorités à réitérer la procédure de participation.

Enfin, l'article 7 habilite le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour prévoir la participation du public aux décisions qui ne sont pas mentionnées à l'article L. 120-1 - décisions des collectivités territoriales et des autorités administratives indépendantes, décisions individuelles. Pour celles-ci, une modulation des exigences sera nécessaire. Le Gouvernement a conscience du paradoxe qu'il y a à légiférer par ordonnance sur un tel sujet. Mais le Conseil constitutionnel ayant fixé la date limite de mise en conformité au 1er septembre 2013, cette solution apparaît la meilleure. Elle garantira la concertation la plus large avec les collectivités locales et leurs représentants.

Bien que ce texte soit né d'une sanction du Conseil constitutionnel, il n'en constitue pas moins une opportunité pour rendre pleinement effectif le principe fondamental de participation du public. Avec ce texte, nous ferons, je l'espère, un pas de plus vers la mise en place d'une véritable démocratie environnementale. Les délais sont courts, mais imposés par le Conseil constitutionnel. Espérons qu'il ne les censurera pas...

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