Inlassablement depuis 2005, la politique culturelle extérieure de la France porte les stigmates de la restriction budgétaire. Dans un projet de loi de finances pour 2013 considérablement contraint, le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État » ne fera logiquement pas exception. Il se verra appliquer la norme gouvernementale de réduction de 7 % des dépenses de fonctionnement, d'intervention ou de subventions aux opérateurs.
Les crédits hors titre 2 (hors dépenses de personnel) consacrés à l'action culturelle à l'étranger devraient s'élever, à périmètre constant, à 102 millions d'euros en 2013, contre 114 millions d'euros accordés en 2012, soit une diminution de 10,5 %. Depuis 2007, la diminution des crédits consacrés par le ministère des affaires étrangères à la culture s'établit à - 24 %.
La dotation totale consentie par l'État à l'Institut français devrait s'établir à un peu plus de 43 millions d'euros, dont seulement 1,13 million d'euros de subvention de la part du ministère de la culture. Le niveau de la subvention du ministère de la culture correspond à une diminution de près de 30 % par rapport à l'engagement pris dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens (COM).
Faut-il rappeler qu'après avoir longuement revendiqué la double tutelle sur le nouvel opérateur de l'action culturelle extérieure, le ministère de la culture est désormais associé à la désignation de son président, à la définition de ses orientations stratégiques et à l'élaboration de son COM ? Un COM est un contrat, il serait utile que tous les partenaires tiennent leur parole, y compris le ministère de la culture...
Dans ces conditions, la diminution effective des financements versés par l'État à l'Institut français devrait être sensiblement supérieure à la norme gouvernementale de - 7 %. L'établissement a déjà enregistré une baisse de sa dotation de trois millions d'euros qui a été compensée par un prélèvement de deux millions d'euros sur son fonds de roulement. Cette somme est donc à retrouver par redéploiement en budget initial 2013.
Les charges fixes de l'institut se sont mécaniquement accrues en raison des recrutements nécessaires pour assurer ses nouvelles missions. La baisse de 7 % de sa subvention pour charges de service public ne peut donc être que très marginalement répercutée sur les dépenses de personnel et les frais de fonctionnement. Le budget d'activités de l'institut est de fait l'assiette principale des économies à réaliser : il devrait être lourdement diminué, de l'ordre de - 20 %.
Face à l'impasse budgétaire dans laquelle risque de se trouver l'Institut français, le ministère des affaires étrangères envisage de réduire le montant de la réserve légale qui s'applique à son opérateur afin de rester en dessous de la barre des 20 % de baisse du budget d'activité.
Soulignons le soutien substantiel consenti par le ministère des affaires étrangères au réseau des alliances françaises, avec près de 8 millions d'euros de subventions et 33 millions d'euros de masse salariale mise à disposition. Les relations avec l'Institut français s'apaisent malgré parfois quelques incompréhensions qu'il appartient à nos ambassadeurs de lever pour que notre réseau s'appuie de façon équilibrée sur ses deux jambes, publique et associative.
Quant à la Francophonie, que dire sinon qu'elle résiste sur le plan budgétaire, à hauteur de 56 millions d'euros de contributions à l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et aux opérateurs toujours inscrits sur le programme 209 de la mission « Aide publique au développement ». Un plan d'action a été présenté dernièrement par la ministre déléguée, nous pouvons nous en féliciter, en particulier de l'accent mis sur la valorisation des femmes dans l'espace francophone et leur insertion dans le monde du travail, ou encore le développement des contenus francophones sur la toile... Mais c'est véritablement une prise de conscience qu'il faut susciter au sein des pouvoirs publics.
Comment la France peut-elle espérer être prise au sérieux lorsque même le législateur cède devant la domination de l'anglais dans les documents de sécurité aéronautique ? Quand, dans les gares françaises, on préfère prévenir les usagers contre les sols glissants en disant « Caution » plutôt que tout simplement « Attention » ? Quand on provoque des accidents de radiothérapie, comme à Épinal, en imposant des formations et des logiciels d'utilisation des équipements en anglais ? Quand on décide que l'anglais sera la seule langue étrangère obligatoire au concours d'entrée à l'École nationale de la magistrature ? À l'intérieur même de nos frontières, on frise le ridicule...
La suppression du dispositif de prise en charge (PEC) des frais de scolarité des élèves français inscrits dans notre réseau d'enseignement à l'étranger a été entérinée par la dernière loi de finances rectificative pour 2012. Elle constitue la première étape d'une réforme plus globale de l'aide à la scolarité dont les conditions d'attribution n'ont pas été révisées depuis une vingtaine d'années alors que la communauté française expatriée a doublé en nombre. Plusieurs pistes sont pour l'heure explorées par la commission nationale des bourses dont les conclusions nous seront prochainement communiquées. L'objectif est d'augmenter le nombre de familles éligibles à des bourses totales ou partielles, en tout cas plus ouvertes aux familles à revenus intermédiaires, via notamment l'instauration d'un quotient familial net des frais de scolarité, ou le plafonnement des tarifs pris en compte dans le calcul du montant des aides.
Les défis financiers demeurent, néanmoins, considérables pour l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), dont la dotation par l'État n'augmente que très légèrement, à 425 millions d'euros. L'AEFE devra continuer de consacrer une part substantielle de ses ressources propres à la prise en charge des pensions civiles des personnels détachés, amputant d'autant plus ses moyens en faveur la réhabilitation des bâtiments de notre réseau. L'agence est dans la situation d'une entreprise en croissance et dans l'impossibilité d'assurer son financement alors que d'année en année elle doit faire face à l'inscription de 4 000 à 5 000 nouveaux élèves conduisant de facto à une diminution régulière de la dotation de l'État par élève scolarisé.
Venons-en, pour terminer, à l'attractivité de la France auprès des élites étrangères. Que dire de Campus France sinon que les incertitudes perdurent et inquiètent ? Le Quai d'Orsay a remporté les arbitrages contre le ministère de l'enseignement supérieur : le transfert des activités internationales du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) vers Campus France a bien eu lieu, le 1er septembre 2012, quoique bien au-delà du délai fixé par la loi. Un certain nombre de points mériteraient cependant d'être clarifiés sur lesquels j'interrogerai le Gouvernement :
- comment se fait-il que Campus France rencontre des difficultés à dialoguer directement avec les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) pour organiser l'accueil des étudiants étrangers, face à l'opposition du CNOUS qui insiste pour que tout passe par lui ? ;
- que va-t-il advenir des bureaux d'accueil des étudiants étrangers au niveau des CROUS, le CNOUS restant évasif sur cette question ?
Pour l'ensemble des incertitudes exprimées précédemment, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 185 au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».