Intervention de Frédéric Van Roekeghem

Commission des affaires sociales — Réunion du 6 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 — Audition de M. Frédéric Van roekeghem directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés cnam

Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam :

Nous avons effectivement abouti à un accord sur les dépassements d'honoraires qui devra être jugé à l'aune de ses résultats. La situation n'était pas simple du fait de disparités territoriales massives entre Paris et certains départements de l'Ile-de-France, comme les Hauts-de-Seine et les Yvelines, le Rhône et le reste de la France, l'Alsace étant un cas à part.

Dans un contexte économique aussi contraint que le nôtre, nous voulions valoriser les médecins qui respectent les tarifs de la sécurité sociale, réguler les excès et instaurer des sanctions réellement dissuasives. Les médecins en secteur 2 doivent en effet pratiquer des tarifs compatibles avec les capacités financières de leurs patients.

Le système de sanctions, qui reposait sur le « tact et la mesure », s'est révélé inefficace, car il n'existait pas de définition claire de ce principe que l'Ordre des médecins était chargé de faire respecter. En outre, les sanctions devaient être prises en fonction de chaque acte, de chaque dossier, ce qui était bien trop compliqué. L'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) a donc souhaité supprimer la référence au principe de tact et de mesure et le renvoi des sanctions à l'Ordre. Désormais, la convention prévoit des sanctions pour ceux qui pratiqueraient des tarifs excessifs. Mais selon que l'on se place du côté des patients ou des médecins, la définition de l'excès n'est pas du tout la même. C'est pourquoi l'Union des caisses a retenu des critères mesurables : le taux et la fréquence des dépassements et le reste à charge pour les patients sur une période d'un an. Dès le début de l'année prochaine, chaque médecin recevra le relevé de sa situation qui sera comparée à celle de ses confrères.

Nous avons voulu un système de sanctions efficace qui puisse aller jusqu'à un déconventionnement temporaire ou même définitif, jusqu'à la fin de la convention. L'objectif de ces sanctions est d'être dissuasif, afin de favoriser les bonnes pratiques. Nous voulons aussi éviter des déconventionnements volontaires. C'est pourquoi j'ai suggéré, lors des négociations, que le déconventionnement s'accompagne de l'arrêt du remboursement du groupement homogène de séjour (GHS) correspondant, afin d'éviter la fuite vers le secteur 3. Enfin, il serait souhaitable que les praticiens hospitaliers exercent dans le cadre conventionné.

Compte tenu des délais de procédure, nous devrons attendre début décembre avant que cet accord soit approuvé : s'il l'est, nous élaborerons dès le premier trimestre 2013, avec la commission paritaire nationale, les principes qui prévaudront pour l'identification des professionnels dont l'activité serait susceptible d'être examinée par les commissions paritaires régionales. Ces cas ne seront en effet pas traités au niveau local pour éviter une trop grande proximité entre les différentes parties.

Nous ferons tout notre possible pour que cette convention soit appliquée, mais nous sommes conscients de prendre un risque car il n'est pas aisé de mettre fin à des pratiques qui perdurent depuis une trentaine d'années.

Deuxième point de l'accord : tous les assurés dont les revenus sont inférieurs au seuil d'éligibilité de l'aide à la couverture complémentaire santé (ACS) doivent bénéficier de soins au tarif opposable : nous estimons leur nombre à 4,7 millions, dont 900 000 bénéficient déjà de l'attestation de droit. Lorsque nous communiquerons sur ce nouveau droit auprès des médecins et des patients, la demande sera certainement importante, ne serait-ce que parce que 1,2 million d'assurés disposant d'une couverture collective n'avaient pas d'intérêt jusqu'à présent à demander une attestation de droit.

Troisième point : le contrat d'accès aux soins. Pour qu'il entre en application, il faudra qu'au moins un tiers des médecins du secteur 2 y souscrive dans les six premiers mois de 2013. Les médecins éligibles - ceux pratiquant des tarifs excessifs ne le seront pas - s'engageront à stabiliser leurs tarifs pendant trois ans et l'assurance maladie améliorera la prise en charge des patients dont le reste à charge diminuera. L'impact de ce contrat ne sera pas négligeable, car pour une consultation de 35 euros, le remboursement passera de 23 à 28 euros, si bien que le reste à charge diminuera de près de moitié. Ce contrat bénéficiera donc davantage aux patients qu'aux praticiens, mais cela permettra à ces derniers de voir reconnue par l'assurance maladie la part de leur activité pratiquée au tarif opposable. Nous comptons également sur l'engagement des praticiens hospitaliers, dont un grand nombre, d'ailleurs, répond d'ores et déjà aux critères du contrat d'accès aux soins.

Dernier point : cet accord n'a été obtenu que parce que nous avons reconnu que certains de nos tarifs étaient historiquement sous-cotés, notamment en chirurgie et gynéco-obstétrique. Nous n'avons en revanche pas retenu la proposition de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) de majorer les consultations des personnes âgées, qui aurait été mal comprise par les assurés. Nous avons cependant développé des formes complémentaires de rémunération du médecin traitant.

L'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (Unocam), la CSMF, le syndicat des médecins généralistes (MG-France) et le syndicat des médecins libéraux (SML) ont signé cet accord. La Fédération des médecins de France (FMF) réserve sa décision jusqu'à son assemblée générale prévue début décembre. Quant au syndicat Le Bloc, il y a eu une divergence entre le syndicat des anesthésistes libéraux, qui milite pour le secteur 2, et l'Union des chirurgiens de France (UCDF). Nous avons assisté à un revirement des positions après la fin des négociations, ce qui fait peser sur le seul SML, pour la médecine spécialisée, l'agrément de cet accord.

L'effort financier portera essentiellement sur les activités cliniques, peu valorisées en France, sur les médecins en secteur 1, sur les remboursements aux patients, si le contrat d'accès aux soins se met en place. Parallèlement, nous avons négocié près de 200 millions d'économies sur la radiologie et l'imagerie. Les forfaits IRM restaient encore bien valorisés et certains actes de radiologie étaient surcotés. Nous avons aussi réduit les remboursements des échographies, à l'exception des écographies obstétricales. En trois ans, leur prix diminuera de 7,5 %. Cet accord ne remet cependant pas en cause l'activité échographique ni les IRM.

Je rappelle que 75 % des médecins exercent en secteur 1 et cet accord leur est globalement favorable. Il peut l'être aussi pour les médecins de secteur 2 qui font beaucoup de tarifs opposables et dont les taux de dépassement sont raisonnables. Avec cet accord, nous souhaitons faire évoluer les comportements. Grâce à la menace de sanctions, les tarifs devraient être plus modérés.

J'en arrive maintenant aux questions qui m'ont été adressées par le rapporteur général, notamment l'article 39 du projet de loi de financement. Il prévoit la mise en place de soins de proximité de manière coordonnée par différentes catégories de professionnels de santé, alors que les dispositions conventionnelles antérieures ne le permettaient pas. Des expérimentations sur les nouveaux modes de rémunérations avaient certes été lancées, mais ces accords ne pouvaient intégrer plusieurs professions médicales et paramédicales. L'accord signé avec les syndicats prévoit une négociation au cours du premier semestre 2013 sur ce sujet ; elles devraient concerner les sorties d'hospitalisation, la prise en charge des pathologies chroniques, le suivi des patients en phase aiguë et l'accompagnement des personnes âgées. L'objectif est donc d'identifier clairement les services nouveaux dont nos concitoyens auraient besoin. Cette prise en charge plus collective permettrait de promouvoir des associations plus fortes que celles qui existent actuellement avec les groupes de médecins ou de professionnels paramédicaux. Lors des sorties d'hospitalisation, notamment après une intervention orthopédique, 70 % des personnes âgées préfèrent recevoir les prestations à domicile dès lors qu'on leur garantit la prise en charge du transport sanitaire, le déplacement du masseur-kinésithérapeute, du généraliste ou de l'infirmier. Les assurés doivent comprendre que ces nouvelles rémunérations, loin d'être un cadeau, répondent à des services concrets.

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