Intervention de Ronan Kerdraon

Commission des affaires sociales — Réunion du 7 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 — Examen du rapport

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon, rapporteur pour le secteur médico-social :

La loi de financement ne retrace chaque année qu'une partie de l'ensemble des crédits destinés au secteur médico-social puisqu'il s'agit de l'Ondam médico social, c'est-à-dire de la contribution de l'assurance maladie au financement des établissements et services accueillant des personnes âgées et handicapées. Si l'on effectue une comparaison avec la progression de 2,7 % en 2013 de l'Ondam global, le secteur médico-social apparaît particulièrement préservé, les dépenses d'assurance maladie qui lui sont destinées augmentant de 4 % par rapport à l'année 2012. Cette progression est de 4,6 % dans le secteur personnes âgées, où l'Ondam s'élève à 8,39 milliards d'euros, et de 3,3 % dans celui des personnes handicapées où il s'établit à 8,72 milliards d'euros.

Autre différence avec l'Ondam dans son ensemble: la contribution de l'assurance maladie au financement des établissements et services médico sociaux ne constitue pas en tant que tel un objectif de dépenses mais bien une enveloppe fermée complétée par une partie des ressources propres de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). C'est cette enveloppe qui constitue l'objectif global de dépenses (OGD). Défini par voie réglementaire, celui-ci devrait s'établir en 2013 à 18,25 milliards d'euros, en hausse de 3,7 % par rapport à l'année précédente.

Sur les 650 millions d'euros de crédits supplémentaires qui seront alloués à l'OGD en 2013, 255 millions sont destinés à la reconduction des moyens dans les Ehpad et les établissements pour personnes handicapées, contre 137 millions en 2012. Il s'agit là d'un effort non négligeable qui devrait en particulier permettre aux établissements de faire face plus sereinement à l'évolution de leurs charges de personnel. Par ailleurs, 147 millions d'euros seront consacrés à la médicalisation des Ehpad ce qui, selon le Gouvernement, devrait contribuer au renouvellement des conventions tripartites de près de 900 établissements. Des installations de places (3 200 dans le secteur des personnes âgées et 3 000 dans celui des personnes handicapées) seront financées à hauteur de 100 millions d'euros. Elles s'effectuent dans le cadre du plan solidarité grand âge et du plan pluriannuel de création de places pour un accompagnement tout au long de la vie des personnes handicapées.

Si, de ce point de vue, le Gouvernement s'inscrit dans une certaine continuité avec les actions menées au cours des années précédentes, l'évaluation du plan Alzheimer et son élargissement à l'ensemble des maladies neurodégénératives, annoncés par le Président de la République le 21 septembre dernier, devraient contribuer à lui donner un souffle nouveau. Avec un taux d'installation des structures planifiées de 27 % en 2011, le plan Alzheimer affiche en effet un bilan relativement mitigé. Selon les acteurs de terrain que j'ai pu rencontrer au cours de mes auditions, ces difficultés d'installation seraient notamment dues à la lourdeur des procédures d'appels à projets et à la rigidité des cahiers des charges exigés par les agences régionales de santé (ARS) pour la création des pôles d'activités et de soins adaptés (Pasa). Sans doute faudra-t-il songer, à l'avenir, à donner davantage de souplesse à ces procédures ainsi qu'à trouver les moyens d'une meilleure articulation entre les structures nouvelles et celles qui leur préexistaient avant la mise en oeuvre du plan Alzheimer.

Je souhaite attirer votre attention sur les difficultés que pose la sous consommation chronique de l'OGD. Nous ne disposons pas encore de données définitives pour l'année 2012, mais nous savons qu'en 2011, seuls 271 millions d'euros ont été consommés. Cela signifie que le Parlement vote chaque année un Ondam médico-social dont la progression ne se traduit pas entièrement par des moyens supplémentaires accordés aux établissements et services médico-sociaux, alors même que les besoins sont patents. Parmi les raisons évoquées pour expliquer cette situation figure, notamment la lourdeur de la procédure de délégation des crédits aux ARS, qui conduit à diminuer considérablement la période de l'année durant laquelle les établissements sont en mesure de dépenser les moyens qui leur sont effectivement alloués. Cet enjeu devra faire l'objet d'une attention particulière dans les prochaines années. Il serait en effet regrettable de continuer à se féliciter chaque année du rythme d'évolution de l'Ondam médico-social tout en sachant pertinemment que ces crédits ne sont quasiment jamais consommés dans leur totalité.

Deux articles du PLFSS ne sont pas directement rattachés au secteur médico-social mais constituent de premiers jalons vers la mise en oeuvre de la réforme de la perte d'autonomie, tant attendue et annoncée pour l'année 2014 : l'article 16 traduit la volonté du Gouvernement de mobiliser dès à présent les ressources qui seront nécessaires au financement de cette réforme, et l'article 41 vise à expérimenter de nouveaux modes d'organisation des soins de façon à améliorer le parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d'autonomie. En autorisant des dérogations aux règles de facturation et de tarification pour le parcours de santé dans son ensemble, cette expérimentation devrait contribuer au décloisonnement des secteurs sanitaire et médico-social.

Au sein même du secteur médico-social, des marges de manoeuvre existent pour mieux faire travailler entre eux les intervenants auprès des personnes âgées dépendantes. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement portant article additionnel demandant au Gouvernement la remise d'un rapport au Parlement sur le dispositif des services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad). Sont dénommés ainsi les services qui exercent à la fois les missions de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et de services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad). Alors qu'elles pourraient être les vecteurs d'une meilleure articulation entre les services intervenant auprès des personnes âgées dépendantes, ces structures n'ont jusqu'à présent fait l'objet d'aucune évaluation. La proposition d'amendement que je vous soumettrai vise à remédier à cette situation.

Dans le projet de loi initial du Gouvernement, quatre articles se rattachaient spécifiquement au secteur médico-social. Ils ont été complétés par deux articles en première lecture à l'Assemblée nationale. Je m'arrêterai quelques instants sur les principaux d'entre eux.

L'article 53 a pour objet de limiter à un an le délai dont disposent les établissements accueillant des personnes handicapées, et tarifés au prix de journée pour émettre et rectifier leurs données de facturation à l'assurance maladie. S'il s'agit avant tout d'une mesure technique et de bonne gestion destinée à assurer un meilleur suivi de la consommation des crédits alloués à ces établissements, cet article a suscité des craintes quant aux difficultés que pourrait soulever son application immédiate. En effet, pour réceptionner les factures qui leur sont transmises, certaines caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) exigent qu'y soient annexées les notifications des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) relatives à la décision d'orientation de la personne accueillie dans l'établissement concerné. Or les délais de notification de ces dernières sont généralement longs, ce qui peut rendre très difficile le respect du délai d'un an. Face à cette situation, le Gouvernement s'est engagé - à juste titre - à mettre en place des mesures d'accompagnement des établissements et des CPAM. Afin de laisser à ces mesures le temps de produire pleinement leurs effets, je vous proposerai un amendement tendant à reporter du 1er janvier au 1er juillet 2013 la date d'entrée en vigueur de l'article 53.

L'article 55 fixe, pour l'année 2013, le montant du plan d'aide à l'investissement (PAI) financé par la CNSA à près de 50 millions d'euros. La politique menée dans ce domaine par la Caisse sur la période 2006-2011 a conduit à la mobilisation de près d'1,6 milliard d'euros pour accompagner 2 296 opérations d'investissement. L'article 55 permet à la CNSA de continuer dans cette voie au service de la modernisation des établissements médico-sociaux.

Je souhaite cependant vous alerter sur un point. Que ce soit en 2011 ou en 2012, les crédits du PAI votés en LFSS ont été en grande partie, voire entièrement gelés en raison des mesures de régulation de l'Ondam. Les montants finalement notifiés s'en sont trouvés fortement diminués en 2011. Pour l'année 2012, la mobilisation des réserves de la CNSA devrait finalement conduire à augmenter le montant du PAI initialement voté en loi de financement. Quoi qu'il en soit, il me semble que ces mesures de gel et de dégel successives ne peuvent qu'être source d'incertitude pour les établissements et risquent en définitive de nuire à la lisibilité de la politique d'aide à l'investissement menée par la CNSA.

J'en viens maintenant à l'article 55 bis, inséré à l'initiative du Gouvernement à l'Assemblée nationale, qui vise à mettre en place un fonds de restructuration de 50 millions d'euros à destination des services d'aide à domicile. Un premier dispositif d'un montant équivalent avait été créé par la loi de finances pour 2012, destiné à être versé en deux temps, cette année puis en 2013. Au mois de septembre dernier, 576 services d'aide et d'accompagnement à domicile avaient bénéficié de la première tranche. Contrairement au premier fonds, abondé à partir du budget de l'Etat, ce nouveau dispositif sera financé par un prélèvement effectué sur les réserves de la CNSA. Comme en 2012, il donnera lieu à la signature de conventions de financement pluriannuelles devant organiser le retour à l'équilibre pérenne des comptes des services concernés. Ce fonds constitue à mon sens une mesure indispensable dans l'attente d'une réforme plus profonde du secteur des services d'aide et d'accompagnement à domicile. Celle-ci devra notamment porter sur leur tarification. Or, en même temps qu'elle créait le premier fonds d'urgence, la loi de finances pour 2012 a autorisé des expérimentations sur ce sujet, et plusieurs départements se sont d'ores et déjà engagés dans de telles démarches. Afin que le nouveau fonds constitue un outil à part entière de restructuration du secteur, je vous proposerai donc un amendement tendant à préciser que les conventions de retour à l'équilibre sont conclues prioritairement dans le cadre des expérimentations de tarification prévues par la loi de finances pour 2012.

Il y a un an, je suis intervenu devant vous en exprimant ma profonde déception face à l'abandon du projet de réforme de la dépendance par le gouvernement précédent, alors même que des travaux nombreux et riches avaient été menés dans le cadre du débat national organisé au cours du premier semestre 2011. Aujourd'hui, je suis particulièrement satisfait de ce qu'un projet de loi sur la prise en charge de la perte d'autonomie soit clairement annoncé pour l'année 2014. Nombreux sont les enjeux qui devront être traités, notamment ceux du reste à charge pour les personnes âgées dépendantes en établissement ou du vieillissement des personnes handicapées.

L'un d'entre eux me semble devoir être abordé plus spécifiquement dans le cadre de l'examen de ce PLFSS. Il s'agit de la tarification dans les Ehpad. Aujourd'hui, le processus de tarification dit « au Gir moyen pondéré soins » est encore loin d'être achevé. La tarification à la ressource prévue par la LFSS pour 2009 reste ineffective faute de publication du décret nécessaire à sa mise en oeuvre. Enfin, l'expérimentation d'une modulation du forfait soins en fonction d'indicateurs de qualité et d'efficience, inscrite dans la LFSS pour 2012, demeure au point mort faute, là encore, de la parution des textes réglementaires indispensables à sa mise en place. Certes, le sujet est particulièrement complexe. Force est cependant de constater que le gouvernement précédent n'est pas parvenu à fixer de cap clair à une réforme pourtant essentielle pour le secteur. Il faut donc reprendre ce chantier, afin que le Gouvernement et le Parlement travaillent ensemble pour mettre en place les fondements d'un mode de tarification plus adapté dans les Ehpad.

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