Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 7 novembre 2012 à 14h30
Prélèvements obligatoires. - programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Débat et discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la troisième fois que le Parlement examine un projet de loi de programmation des finances publiques. Chaque fois, notre commission se saisit pour avis. Quoi de plus légitime lorsque l’on sait que les administrations de sécurité sociale représentent 46, 5 % des dépenses publiques et 54, 4 % des prélèvements obligatoires !

En matière de finances sociales, d’où partons-nous ? Le déficit des administrations de sécurité sociale a atteint en 2011 0, 6 point de PIB, soit 12, 5 milliards d’euros. Ce déficit est à mettre en perspective, d’une part, avec le déficit total des administrations publiques en 2011, qui est de 5, 2 % du PIB, soit 103, 6 milliards d’euros, d’autre part, avec le montant total des dépenses d’administration de sécurité sociale, dont il représente un pourcentage de l’ordre de 2 %. Rappelons pour mémoire que le déficit des administrations publiques centrales représente environ 20 % de leurs dépenses et celui des administrations publiques locales près de 0, 4 %.

Le projet de loi vise un redressement du solde des administrations de sécurité sociale très significatif sur la période de la programmation. L’équilibre des comptes sociaux serait retrouvé dès 2014, avec un excédent de 0, 8 point de PIB en 2017.

Un tel excédent n’est pas exceptionnel : l’exercice 2008 a ainsi révélé un excédent de 0, 7 point de PIB. En revanche, c’est le déficit des administrations de sécurité sociale qui constitue une anomalie grave, au moins pour sa partie structurelle, en faisant payer les prestations sociales d’aujourd’hui par les générations futures.

Il faut le rappeler, le creusement du déficit des administrations de sécurité sociale sur la période de la crise économique est très majoritairement dû à l’accroissement du déficit structurel. Ainsi, en 2009, la composante structurelle représentait 60 % du déficit des administrations de sécurité sociale. Pour 2010, cette part atteignait même 75 % et, en 2011, le solde structurel représentait encore les deux tiers du déficit des administrations de sécurité sociale.

Où allons-nous ?

Par rapport au programme de stabilité et de croissance présenté en avril 2012 par le précédent gouvernement, les objectifs du texte sont plus ambitieux en termes de réduction du déficit social pour les prochaines années, alors que le scénario macroéconomique est, lui, plus raisonnable pour l’exercice 2013 – le programme de stabilité prévoyait une croissance de 1, 75 % en 2013 – et identique – 2 % de croissance – pour les exercices suivants.

Là où le précédent gouvernement prévoyait un déficit de 0, 4 point de PIB en 2013, puis encore de 0, 1 point de PIB en 2014, la programmation du Gouvernement actuel vise un effort supplémentaire de 0, 2 point de PIB en 2013 et de 0, 1 point de PIB en 2014, par la remise en cause de « niches sociales » et la mobilisation de ressources justement réparties.

La démarche politique est claire : c’est celle d’un croisement des courbes de recettes et de dépenses. Ce croisement est matérialisé en recettes, dès l’exercice 2012, par une remise à niveau des prélèvements sociaux susceptible de couvrir de manière durable la dynamique de la protection sociale. En dépenses, il se traduit par un « rebasage », à hauteur des besoins en 2012 et 2013, avant la réalisation des bénéfices et des gains de productivité issus de la modération de l’ONDAM sur la période 2014-2017. L’effort en dépenses est réparti de manière progressive sur la période de programmation.

La programmation ne prévoit pas de poursuivre la hausse des prélèvements obligatoires affectés aux administrations de sécurité sociale au-delà de 2013. Les projections du Gouvernement ne comprennent aucune mesure nouvelle par rapport à celles qui sont inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Si l’on examine plus en détail la trajectoire financière, on remarque que l’on passerait d’un déficit social de 10, 4 milliards d’euros en 2012 à un excédent à l’horizon 2017 de 18, 8 milliards d’euros pour l’ensemble des administrations de sécurité sociale.

Il y a, en réalité, trois catégories d’administrations de sécurité sociale, qui connaissent des situations différentes.

Premièrement, le Fonds de réserve pour les retraites et la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, sont en excédent structurel, pour un montant qui représenterait 10, 4 milliards d’euros en 2012 et s’établirait en 2017, en fin de période de programmation, à 13, 5 milliards d’euros. Il réduit de moitié le déficit des administrations de sécurité sociale en 2012 et représenterait près des trois quarts de leur excédent en 2017. Cet excédent, c’est d’abord celui de la CADES, et c’est aussi la raison d’être de cette caisse : il lui faut un excédent entre les recettes qu’elle perçoit et la charge d’intérêts qu’elle supporte pour rembourser la dette sociale qui lui a été transférée.

Deuxièmement, les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, qui nous occuperont lors de l’examen prochain du projet de loi de financement de la sécurité sociale, présentent des objectifs de réduction des déficits ambitieux après les situations défavorables enregistrées en 2010 et 2011, sans que soit prévu un retour à l’équilibre, à l’échéance de 2017, pour d’autres branches que la branche accidents du travail et maladies professionnelles. On enregistrerait encore un déficit en fin de période, ce qui est, en soi, peut-être le gage d’une prévision sincère et réaliste. Le déficit des régimes obligatoires de base passerait de 15, 2 milliards d’euros en 2012 à 9, 1 milliards d’euros en 2017. Les dépenses seraient couvertes à hauteur de 98, 3 % par des recettes en 2017, alors que ce pourcentage n’était que de 95, 7 % en 2011. Le Fonds de solidarité vieillesse connaîtrait, lui, une amélioration significative de sa situation financière, avec un déficit en fin de période de 0, 6 milliard d’euros contre 4, 1 milliards d’euros en 2012.

S’agissant de la branche maladie, la maîtrise de l’ONDAM conduirait à une amélioration significative du solde d’ici à 2017, même si l’équilibre n’était pas encore tout à fait atteint.

Pour ce qui concerne les branches famille et vieillesse, la situation demeurerait moins satisfaisante d’ici à 2017.

La branche famille enregistrerait un déficit tendanciel préoccupant de 2, 6 milliards d’euros en 2013, de 2, 4 milliards d’euros en 2014, avec ensuite un reflux attendu jusqu’à un déficit de 1, 3 milliard d’euros en 2017.

Sans surprise, le déficit cumulé de la branche vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse resterait à un niveau élevé jusqu’en 2017, avec un déficit global de 8, 5 milliards d’euros en fin de période.

Je n’oublie pas que des concertations sont en cours sur l’assurance vieillesse et sur la branche famille avec les partenaires sociaux. La conclusion de cette concertation ne peut donc être intégrée, à ce stade, dans le projet de loi de programmation.

Concernant le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse, les déficits présentent par ailleurs un caractère particulier : ils sont financés « par avance » en application de l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Cet article prévoit la reprise à compter de 2012 des déficits 2011 à 2018 de la branche vieillesse du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, dans la limite de 10 milliards d’euros par an et de 62 milliards d’euros au total. En l’état actuel des projections du Gouvernement, le besoin de financement de la période devrait rester en deçà du plafond.

Troisièmement, les autres administrations de sécurité sociale, au titre desquelles figurent les régimes complémentaires et l’UNEDIC, et qui n’entrent pas dans le champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale, apporteraient une contribution décisive à l’amélioration des soldes sociaux sur la période de programmation. Ils se trouveraient en fort excédent en 2017.

L’analyse rétrospective du solde des administrations de sécurité sociale souligne que les composantes UNEDIC et régimes complémentaires se sont déjà trouvées en excédent, parfois important, dans le passé.

Pour la période de programmation 2013-2017, comme d’ailleurs pour les programmations précédentes, nous ne disposons pas de projection sur ces régimes. En raison de ce que j’appelle cette « boîte noire » dans la programmation, j’ai défendu un amendement au projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques tendant à ce que nous ayons, à l’avenir, une meilleure connaissance de l’évolution financière de l’UNEDIC et des régimes complémentaires.

La programmation repose sur l’hypothèse d’une modération des dépenses des administrations de sécurité sociale. Leur croissance serait limitée à 1, 1 % en volume sur la période 2012-2017. Rappelons que, sur moyenne période, l’évolution en volume des dépenses des administrations de sécurité sociale s’est établie à 2, 25 %.

L’effort du Gouvernement en dépenses dans le champ des administrations de sécurité sociale est donc particulièrement substantiel. Il repose largement sur une modération de l’ONDAM par rapport à une tendance spontanée évaluée à 4, 1 %.

Le projet de loi de programmation détermine un objectif pour l’ONDAM, d’ici à 2017, correspondant à une progression de 2, 7 % en 2013, de 2, 6 % en 2014, puis de 2, 5 % sur la période 2015-2017.

Les objectifs du Gouvernement constitueraient des minima historiques pour l’évolution de l’ONDAM, avec un maximum, atteint en 2002, de 7 %. Pour une année donnée, l’écart entre la tendance spontanée et l’objectif moyen sur la période de 2013-2017 représente une économie de 2, 7 milliards d’euros. Au total, les économies seraient de l’ordre de 0, 6 point de PIB en fin de période.

Certes, les objectifs de l’ONDAM retenus par le Gouvernement apparaissent moins sévères pour les exercices 2013 et 2014 que ceux qui ont été présentés dans le programme de stabilité 2012-2016 adressé en avril 2012 par le précédent gouvernement à la Commission européenne.

Mais, tout d’abord, il s’agit d’un choix politique assumé, qui vise, d’une part, à ne plus accroître le reste à charge des patients et, d’autre part, à accompagner des « projets prioritaires de mise en sécurité et de restructuration-rationalisation ».

Ensuite et surtout, la rigueur du précédent gouvernement, en ce qui concerne l’ONDAM, était toute relative. Le montant pour 2012 a été en fait fixé par rapport à la prévision de 2011 et non par rapport à la réalisation, inférieure de 800 millions d’euros à la prévision. L’ONDAM pour 2013 est, lui, fixé en référence à la réalisation estimée pour 2012, inférieure de 350 millions d’euros à la prévision. En retenant la méthode de calcul de l’ONDAM de 2013 pour l’appliquer à l’ONDAM de 2012, on arrive en réalité à un taux, non pas de 2, 5 %, mais de 2, 8 %.

Dernier élément financier : la dette.

Malgré les efforts du Gouvernement, la dette sociale restera pour nous un sujet d’attention. Nous n’avons pas de précisions concernant une éventuelle reprise des déficits sociaux par la CADES au-delà des mesures déjà prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Or, pour la période 2012-2017, les projections évaluent le déficit cumulé des branches maladie et famille à 34, 6 milliards d’euros.

Quels que soient les scénarios, il faudra organiser la reprise et prévoir des mesures nouvelles en recettes, non intégrées au présent projet de loi de programmation. Ces mesures nouvelles auront un effet sur la part des prélèvements obligatoires dans le PIB, un effet réel quoique minime au regard des sommes concernées. Le résultat de mes simulations varie, selon les dates de reprise et l’échéance retenue pour l’extinction de la CADES – 2024 ou 2025 – entre 0, 12 et 0, 3 point de CRDS.

Enfin, j’évoquerai brièvement les mesures de bonne gestion des recettes et des dépenses contenues dans le projet de loi.

Deux dispositifs ont particulièrement retenu mon attention : d’une part, l’évaluation socio-économique des investissements civils des hôpitaux ; d’autre part, la reconduction des procédures de gel des dépenses d’assurance maladie.

Sur ce dernier point, il me semble possible de concevoir des modalités de mise en réserve plus intelligentes que celles qui sont actuellement mises en œuvre. Tel est l’objet de l’un des deux amendements que je présenterai.

Sous le bénéfice de toutes ces observations, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur ce projet de loi, réaliste sur le plan des hypothèses, rigoureux quant à la gestion des finances publiques, juste dans la répartition de l’effort. §

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