Séance en hémicycle du 7 novembre 2012 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • PIB
  • compétitivité
  • l’effort

La séance

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La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Lors de sa réunion du mardi 6 novembre 2012, conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 592-2 du code de l’environnement, la commission des affaires économiques a émis un vote favorable (10 voix pour) sur le projet de nomination de M. Pierre-Franck Chevet, en qualité de président de l’Autorité de sûreté nucléaire.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 76 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, le rapport sur les conséquences de la réforme de la fiscalité directe locale induite par la suppression de la taxe professionnelle.

Il a par ailleurs a reçu de M. Jean Ludovic Silicani, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, le rapport sur la neutralité de l’internet, établi en application de l’article 21 de la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Le premier a été transmis à la commission des finances et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, le second à la commission des affaires économiques et à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Ils sont disponibles au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’ordre du jour appelle le débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, et la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (projet n° 69, rapport n° 96, avis n° 73).

Dans le débat et la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, le constat est fait par tous et il n’est, je crois, remis en cause par quiconque : le stock de dette de notre pays, 1 700 milliards d’euros, est considérable. Cela revient pour la France à servir chaque année entre 45 milliards d’euros et 50 milliards d’euros d’intérêts, 47, 5 milliards d’euros cette année. L’année prochaine, ce poste de dépenses sera le premier du budget de l’État !

Cette situation n’est pas acceptable. Elle ne peut plus durer pour des raisons que chacun connaît bien, pour des raisons de souveraineté nationale. Chacun le constate, les politiques qui sont menées dans notre pays, de par la volonté et sous le contrôle du peuple, semblent d’abord soumises à une approbation de la part d’entités irresponsables, au sens juridique et politique du terme, que sont nos prêteurs, les grands intermédiaires chargés de drainer l’épargne vers tel ou tel État, sans parler des agences de notation.

Il y a donc un problème de souveraineté nationale incontestable et un problème de justice ou de morale, puisque cette dette constitue un véritable impôt dès la naissance. Les générations qui nous suivent ne devraient pas, me semble-t-il, avoir à acquitter cet impôt-là, dans la mesure où nombre de ces dépenses, parce qu’elles relèvent de dépenses de fonctionnement et non de dépenses d’investissement, ne profiteront en rien à celles et ceux à qui pourtant nous nous apprêtons implicitement à demander de les assumer.

De plus, on ne le souligne pas assez, cet endettement représente un grave handicap de compétitivité, tant il est vrai que l’épargne levée à ce niveau par la puissance publique ne peut être investie dans le secteur productif. À n’en pas douter, la dégradation de la compétitivité de notre pays ces dix dernières années trouve, au moins en partie, son origine dans cette épargne levée par la puissance publique au détriment des facteurs de production privée.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Cet état de fait ne peut donc pas durer, et le président de la République a décidé non seulement de ne pas s’en satisfaire, mais de rompre avec des politiques menées continûment depuis de très nombreuses années, cette rupture prenant la forme d’actions protéiformes, quoique complémentaires et en tout cas cohérentes.

Il s’agit d’abord d’une action européenne. On sait que des décisions ont été prises en juin, que l’Europe a enfin décidé – peut-être insuffisamment aux yeux de certains, mais elle l’a néanmoins décidé – de relancer l’activité économique, en tout cas au sein de la zone euro ; c’est le mandat confié à la Banque européenne d’investissement, qui va investir 120 milliards d’euros, montant qui sera doublé grâce à un effet de levier. Ce sont, en réalité, 240 milliards d’euros qui seront ainsi investis en Europe et cette nouvelle ne peut que réjouir toutes celles et tous ceux qui connaissent l’importance de cette relance en Europe et en tout cas en France.

Ces décisions ont également abouti – indirectement certes, mais elles ont néanmoins abouti – à ce que la Banque centrale européenne lance son programme OMT, Outright Monetary Transactions, de rachat de dettes à court terme pour les États les émettant.

Ces décisions ont également abouti à un partage peut-être plus équilibré – c’est en tout cas le point de vue que je me permets d’émettre de cette tribune – des responsabilités au sein de la gouvernance européenne, les visions que la France pourrait émettre étant, semble-t-il, davantage prises en compte que par le passé.

Cette politique européenne est donc la première pierre d’une rupture mise en œuvre maintenant depuis quelques mois, le deuxième élément étant constitué par la politique de redressement de nos comptes publics entamée avec le projet de loi de finances rectificative, complétée bientôt – car j’en espère le vote – par le projet de loi de finances initiale pour 2013.

Le dernier élément dont je me permettrai de dire quelques mots sera bien évidemment le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, pacte qui, j’en suis sûr, fera l’objet de quelques débats avant d’être soumis au Parlement, très vraisemblablement au premier trimestre de l’année prochaine.

Le redressement de nos comptes a donc été entamé. Il l’a été grâce à un effort portant à la fois sur la fiscalité et sur la dépense.

L’effort sur la fiscalité, nous le connaissons : il s’agit d’un effort entamé, je le répète, dans le projet de loi de finances rectificative, car l’urgence était là. Il fallait bien donner à notre pays les moyens de respecter l’engagement qu’il avait pris de limiter le déficit public à 4, 5 % du PIB en 2012. Chacun l’a constaté lors de l’examen de ce texte, à défaut de prendre ces mesures, cet engagement de réduction du déficit à 4, 5 % du PIB n’aurait pas été tenu.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Cet engagement a donc été respecté grâce aux mesures que nous avons prises et je ne crois pas que le maintien ou la suppression de la TVA sociale aurait changé quoi que ce soit, puisqu’il s’agissait de gager une dépense. Dès lors, monsieur le président, cette mesure était, me semble-t-il, rigoureusement neutre en termes d’équilibre de nos finances publiques.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

En revanche, elle n’aurait pas été neutre pour la consommation des ménages, tandis que la stratégie économique qui a été déployée et que j’assume tendait bien à préserver la consommation des ménages en 2013, ce qui sera le cas, tant il est vrai que la croissance économique que nous espérons l’année prochaine pour notre pays...

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

... viendra pour l’essentiel de la consommation des ménages, nonobstant la prévision de la Commission européenne à laquelle, monsieur le président, vous faites référence, prévision qui, naturellement, ne tient pas compte du pacte qui vient d’être proposé aux Français et dont le Parlement sera bientôt saisi.

Par conséquent, je ne crois pas que l’on puisse d’ores et déjà condamner cette politique. Bien au contraire, on voit en quoi elle diffère de celle qui a été menée jusqu’alors et qui, me semble-t-il, n’a pas donné les résultats espérés.

J’ai dit ce qu’il en était du stock de dettes. J’aurais pu rappeler ce qu’il en était de la perte des emplois industriels – 750 000 en près de dix ans –, du déficit du commerce extérieur – 73 milliards d’euros en 2012, alors qu’il était excédentaire de près de 3 milliards d’euros en 2002.

Bref, tous ces indicateurs montrent bien que les politiques menées, pour sincères qu’elles aient pu être, n’avaient pas produit les résultats que ses promoteurs pouvaient en attendre. Le constat est, je le crains, sans appel, même s’il faut admettre que la conjoncture a pu ne pas aider à la réussite de ces politiques-là.

Quoi qu’il en soit, le redressement de ces comptes est en cours et nous estimons que l’effort fiscal qui va de pair est juste. En effet, tant pour les ménages que pour les entreprises, il fait appel aux agents économiques qui peuvent consentir de tels efforts, sans que les premiers aient à diminuer leur consommation – 90 % de l’effort fiscal sera assumé par 10 % de nos compatriotes – et sans que les secondes aient à modifier leur capacité d’investissement.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Bref, cet effort est juste. C’est une stratégie fiscale que nous assumons. Elle diffère d’ailleurs de celle qui a été suivie ces dernières années et qui, via des taxes ou des hausses de CSG, voire de TVA, ne faisait pas la part entre les entreprises ou les ménages qui pouvaient plus ou moins facilement, voire très difficilement, consentir de tels efforts.

Nos choix politiques sont différents de ceux qui furent faits à l’époque et, bien évidemment, nous en espérons – permettez-moi de le dire devant vous – des résultats économiques meilleurs que ceux que nous avons pu constater.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

L’histoire jugera et, dans l’hypothèse où ces résultats ne seraient pas meilleurs, je ne doute pas que vous saurez nous le rappeler avec les propos incisifs dont vous pouvez, les uns et les autres, être capables ! Le Gouvernement assumera éventuellement une telle situation, tout comme, je l’imagine, l’opposition constatera le succès si celui-ci est bien au rendez-vous.

Au-delà de cet effort fiscal, la gouvernance va changer, et tout d’abord à l’égard de l’État. Si la révision générale des politiques publiques, RGPP, a été abandonnée, ce n’est pas pour autant, bien au contraire, que nous récusons la nécessité de moderniser l’appareil d’État.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

La méthode ne sera pas la même. Le levier budgétaire utilisé pour la révision générale des politiques publiques, reste évidemment un levier puissant, mais nous n’avons pu que constater son relatif échec quand il était utilisé isolément.

Supprimer des postes ici ou là a permis un effet d’affichage incontestable, mais n’a pas pour autant diminué la dépense publique ces dernières années, ...

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

... comme les promoteurs de ces politiques pouvaient l’espérer. Bien au contraire, la règle du « un sur deux » concernant le non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite n’a produit comme économie, année après année, que quelques centaines de millions d’euros – 300 millions d’euros selon le rapport de la Cour des comptes –, c’est-à-dire bien moins que le milliard d’euros attendu lorsque cette politique fut annoncée, puis votée et mise en œuvre.

La révision générale des politiques publiques appartient donc au passé si la modernisation de l’appareil d’État est toujours d’actualité, et c’est à chaque ministre qu’il reviendra, sous le contrôle et sous l’autorité du Premier ministre, qui demandera très régulièrement des comptes à chacun, de proposer des réformes de nature structurelle pour son administration, afin que, précisément, les économies dont je vais parler dans un instant de conjoncturelles deviennent structurelles et garantissent que l’effort de redressement que la France a engagé repose non pas exclusivement sur des recettes fiscales – chacun sait bien que le redressement ne pourrait se faire à ce seul prix –, mais bien aussi sur une économie dans la dépense, tant les deux sont évidemment nécessaires. C’est la première différence.

Par cette gouvernance radicalement modifiée, nous comptons bien aussi – c’est la seconde différence – demander aux opérateurs curieusement épargnés jusque-là de contribuer à l’effort d’ajustement de nos dépenses publiques.

On le sait, ces dernières années, les opérateurs ont vu leurs dépenses de fonctionnement progresser de 15 %, sans que les autorités de ce pays s’en émeuvent.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

On le sait, ces dernières années le plafond d’équivalent temps plein a été dépassé de 13 %, sans que quiconque réagisse, semble-t-il, parmi les responsables qui auraient peut-être dû s’en préoccuper.

Par ailleurs, les emplois de ces opérateurs ont progressé de 6 %, au moment où ceux de l’État baissaient dans la même proportion. Comment accepter que l’État, censé contrôler les opérateurs, voie ses agents diminuer de 6 % quand ceux qu’il contrôle voient les leurs augmenter de 6 % ? Il y a eu là une dérive tout à fait insupportable sur le plan de l’équité, et préjudiciable à l’effort de redressement du pays.

La gouvernance changera donc, puisque le plafond des taxes affectées sera abaissé. Les opérateurs soumis à ces plafonds verront leur nombre augmenter. Nous escomptons réaliser ainsi des économies de l’ordre de 140 millions d’euros l’année prochaine, de 200 millions d’euros en 2014 et de 400 millions d’euros l’année suivante. Sans compter que le Parlement a toujours la possibilité non seulement de faire entendre sa voix, mais aussi d’imposer sa volonté s’il estime que des efforts supplémentaires peuvent être consentis par les opérateurs en général ou par l’un d’entre eux en particulier.

La gouvernance sera également modifiée pour ce qui concerne les investissements que la puissance publique se doit de consentir. Près de 240 milliards d’euros devaient être investis par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, dont les dotations représentent chaque année, dans le meilleur des cas, 1 milliard à 2 milliards d’euros. Par conséquent, il aurait fallu à cette agence entre un siècle et demi et deux siècles et demi pour réaliser la totalité de ce programme ! Une révision de ses projets s’avère donc indispensable. Le Commissariat général à l’investissement s’est vu confier cette mission, qui devrait permettre au Gouvernement de choisir les investissements qu’il convient de retenir en fonction, bien évidemment, de leur coût, de leur rentabilité socio-économique, de leurs conséquences en termes d’emplois et de leur utilité territoriale. Ceux qui regretteront les choix retenus devront nous dire quels moyens de financement auraient pu permettre à cette agence d’assumer tous les investissements prévus.

On le sait bien, au cours des années précédentes, à peu près toutes les propositions d’investissement ont été sinon retenues, du moins inscrites au programme de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. Ceux-là mêmes qui inscrivaient ces investissements savaient parfaitement que leur réalisation immédiate ou dans un délai raisonnable était rigoureusement impossible. Il nous incombe désormais d’opérer un choix indispensable, décevant pour certains, entre ces différentes propositions.

Dès 2012 et 2013, nous proposons une gouvernance différente, avec une stratégie de redressement de nos finances publiques comportant dans un premier temps un effort nominal. Nous devrons ensuite parvenir à un équilibre structurel, puisque, à partir de 2015, une fois respecté l’objectif d’un déficit nominal inférieur à 3 % en 2013, nous ne devrons pas excéder un déficit structurel supérieur à 0, 5 point de PIB. Cet objectif structurel n’est d’ailleurs pas une facilité, même si certains en espèrent peut-être une politique moins rigoureuse. Il est même beaucoup plus crédible que ce qui a pu être annoncé, non pas en France, mais dans d’autres pays de la zone euro, tant il est vrai que les investisseurs, au-delà des chiffres mis en avant de manière plus ou moins sincère, savent parfaitement juger de la véracité d’un plan de redressement des finances d’un pays. Par conséquent, passer d’un objectif de déficit nominal à un objectif de déficit structurel renforcera la crédibilité de la parole de la France. Le cycle économique ne pouvant être considéré comme quantité négligeable dès lors qu’il s’agit de redresser nos finances publiques, il faut savoir laisser jouer les stabilisateurs économiques quand cela est nécessaire. Il faut savoir également de ne pas recycler en dépenses des recettes fiscales qui s’avéreraient excédentaires par rapport à telle ou telle prévision. Tous les gouvernements ont été amenés à commettre une telle erreur, qui ne devrait absolument pas se reproduire à l’avenir.

Dans l’immédiat, la fiscalité contribuera pour une part importante au redressement de nos finances publiques. Les acteurs économiques seront également sollicités dans les mêmes proportions.

J’ai déjà indiqué les efforts de l’État en la matière. Je le confirme devant vous une nouvelle fois, mesdames, messieurs les sénateurs, sur la totalité de la mandature, la norme « zéro valeur » s’appliquera aux dépenses de l’État. Je me permets de le rappeler, cette norme ne fut pas la règle sous la mandature précédente, puisqu’une progression moyenne de 0, 8 % de la dépense était constatée chaque année.

Cette norme « zéro valeur » s’entend naturellement hors du champ du service de la dette et des pensions, car l’on ne peut imaginer que ces dépenses entrent dans ce périmètre. Une fois rappelée cette précision, que l’honnêteté commande d’apporter, on peut affirmer qu’une telle prévision de dépenses n’a jamais été faite sur une mandature. Si certains regrettent que l’on n’en fasse pas davantage, si d’autres considèrent cet effort comme excessif, convenons en tout cas qu’aucun gouvernement, dans notre histoire politique contemporaine, n’a jamais proposé au pays, en début de mandature, un effort de maîtrise de la dépense aussi considérable et, je le crains, aussi nécessaire.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Cette norme « zéro valeur » pour les dépenses de l’État suppose donc de mettre en œuvre les moyens que j’ai indiqués tout à l’heure. Chaque administration, c'est-à-dire chaque ministre, devra ainsi proposer les réformes structurelles nécessaires pour garantir la maîtrise de la dépense. En fin de mandature, l’ajustement de 100 milliards d’euros, dont tout le monde sait qu’il est absolument nécessaire entre 2012 et 2017 pour revenir à l’équilibre de nos finances publiques, aura donc été réalisé pour moitié par le biais de mesures fiscales et pour moitié par la maîtrise de la dépense, l’État n’étant pas le seul à fournir un tel effort. Comment, d’ailleurs, imaginer le contraire ?

La protection sociale et les opérateurs, dont j’ai déjà dit un mot, seront également sollicités.

Pour l’année prochaine, le taux de progression de l’ONDAM, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, est fixé à 2, 7 %. Certains considèrent que c’est excessif, d’autres insuffisant. Là encore, pour les trois ans qui viennent, le Gouvernement propose au Parlement d’accepter un taux moyen de 2, 6 %, dans le cadre de la programmation des finances de l’assurance maladie.

Sous la dernière mandature – pardonnez-moi de rappeler ces exemples qui nous permettent de répondre à certaines critiques –, nous avons assisté chaque année, en moyenne, à une progression de 3, 3 %, même si, en fin de période, le taux de progression de l’ONDAM – je parle sous le contrôle de M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales – fut fixé à 2, 5 %. Il est toutefois indispensable d’ajouter que cet objectif a pu être considéré comme respecté en se référant à l’exécution et non pas à la prévision.

Si l’on mesure la progression de l’ONDAM en s’appuyant sur les paramètres aujourd’hui retenus, la comparaison est alors moins flatteuse pour la période récente, puisque ce n’est pas 2, 5 %, mais 2, 8 % qu’il convient de comparer aux 2, 7 % que nous proposons. Sur ce point, je devine l’approbation de M. le rapporteur de la commission des affaires sociales, et je l’en remercie. Je crois en effet qu’il faut bien préciser les choses dès lors que l’on compare l’action publique menée par les uns et par les autres.

Ainsi, l’année prochaine, outre les 10 milliards d’euros d’efforts consentis par l’État, 2, 5 milliards d’euros supplémentaires le seront par la protection sociale. C’est donc une réduction de la dépense de 12, 5 milliards d’euros qui sera réalisée par notre pays, ce qui contribuera évidemment puissamment au redressement de nos finances publiques.

Les collectivités locales devront-elles être mises à contribution dans le cadre de cet effort ? Je devine, en abordant ce sujet, intéresser peut-être davantage encore celles et ceux qui m’écoutent. Chacun sait parfaitement qu’il n’est pas envisageable d’exonérer les collectivités locales de cet effort.

C’était la position défendue par le gouvernement précédent. L’actuel a retenu la même hypothèse. L’année prochaine, vous le savez, la norme « zéro valeur » s’appliquera aux dotations sous plafond ; un effort de 750 millions d’euros sera demandé en 2014, la même chose en 2015, ce qui représentera au total, sur trois ans, un effort de 1, 5 milliard d’euros. Je forme évidemment le vœu que cette contribution déjà importante sera la seule qui sera demandée aux collectivités locales…,

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

… sans naturellement pouvoir affirmer que tel sera le cas, ne pouvant préjuger de l’évolution de la situation d’ici là, ni de la nécessité impérieuse qui pourrait s’imposer si le salut de notre pays était en jeu… À ce jour, le Gouvernement propose au Parlement de soutenir l’effort que je viens de décrire. Je me suis permis de présenter ces chiffres au Comité des finances locales, et j’ai eu le sentiment de constater sinon une approbation enthousiaste, du moins une compréhension « bénévolante » à l’égard de l’effort mesuré mais réel demandé aux collectivités locales.

L’effort en faveur de la maîtrise de la dépense, qui est nécessaire, est donc réel. Il se poursuivra avec la mise en œuvre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Cette nouvelle politique sera pour moitié financée par un nouvel effort de maîtrise de la dépense.

Le Gouvernement pense que ce pacte, ce contrat, était nécessaire. J’ai indiqué tout à l’heure les résultats du commerce extérieur de notre pays. On sait par ailleurs ce que furent les pertes d’emplois dans l’appareil industriel. Quant à la baisse du pouvoir d’achat de la France en Europe, elle a été tout à fait considérable, puisque nous sommes passés de 12, 5 % à 9, 4 % en une dizaine d’années. C’est bien au sein de la zone euro que nos entreprises ont perdu des parts considérables de marché ; c’est donc au sein de la zone euro qu’il va nous falloir les regagner.

Nous y avons veillé, le contrat que nous proposons ne sollicitera pas les ménages l’année prochaine. Nous devons en effet pouvoir compter sur la consommation des ménages afin de maintenir une croissance économique de 0, 8 %, peut-être insuffisante, mais néanmoins indispensable.

Ce contrat de compétitivité permettra d’abaisser le coût du travail de 6 %, soit beaucoup plus que ce qui avait été proposé par la majorité précédente, puisque, si ma mémoire est bonne, celle-ci prévoyait une baisse de 2 %. Cette diminution du coût du travail touchera bien sûr l’ensemble des secteurs, car il est impossible de faire la part entre ceux qui sont exposés et ceux qui sont protégés. Elle représentera 20 milliards d’euros nets, alors que la majorité précédente annonçait une baisse de 12 milliards à 13 milliards d’euros du coût du travail, sans tenir compte de la baisse de l’impôt sur les sociétés qui aurait résulté, bien évidemment, de cette mesure.

Nous consentons en fait un effort plus important, et ce sans compromettre la consommation des ménages ni en 2012 ni en 2013. C’est une différence majeure entre les deux politiques. Surtout, c’est un effort que nous finançons pour moitié par des économies, alors que le projet que nous avons récusé cet été et qui est encore défendu par les parlementaires de l’opposition ne faisait en rien appel à la maîtrise de la dépense pour financer la compétitivité, ce qui, selon moi, était une erreur de conception assez grave.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Monsieur le président de la commission, restez dans votre rôle !

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Je l’ai dit en propos introductif, si les déficits publics que nous connaissons sont graves, c’est aussi parce qu’ils obligent l’État, la protection sociale et les collectivités locales à emprunter sur le marché des liquidités, lesquelles, à due concurrence, ne peuvent s’investir dans le secteur productif. Ainsi, les économies réalisées par la puissance publique permettront, dans le cadre du plan que nous proposons, de rendre deux fois service à la compétitivité : d’abord, en la finançant ; ensuite, en évitant durablement à l’État et à la protection sociale d’avoir à emprunter sur le marché des montants qui trouveront beaucoup mieux à s’employer sous forme d’investissements dans l’industrie.

Si cette politique a peut-être l’apparence de la politique menée par l’ancienne majorité – je pense à la modulation de la TVA –, elle est en réalité totalement différente, dans la mesure où elle n’est ni conçue ni exécutée dans le même esprit.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

En effet, elle ne demande pas le même effort à celles et ceux qui s’apprêtaient à être sollicités en ce moment critique que constituent les années 2012 et 2013, au cours desquelles nous nous apprêtons – et nous aurions tous été dans cette obligation – à demander un effort considérable à nos concitoyens.

Ce plan va-t-il modifier la trajectoire de nos finances publiques ? Non !

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Les soldes restent les mêmes puisque ce plan est parfaitement équilibré. À cet égard, les chiffres présentés dans les documents dont vous disposez n’ont pas à être modifiés, même si un amendement du Gouvernement envisagera cette hypothèse pour l’avenir.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Il n’a paru ni nécessaire ni même déloyal ou malhonnête d’indiquer que cette trajectoire pourrait être modifiée.

Nous aurons l’occasion, j’en suis sûr, monsieur le président de la commission des finances, de débattre plus précisément de cet amendement. Je vous vois vous délecter à l’avance de la discussion que nous nous apprêtons à avoir. Croyez bien que le Gouvernement ne se dérobera pas devant les arguments que, probablement, vous défendrez.

M. le président de la commission des finances sourit.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les points que je souhaitais développer devant vous à l’occasion de la présentation, par le Gouvernement, de ce projet de loi de programmation des finances publiques.

Dans cette intervention d’ensemble, je n’ai pas souhaité m’étendre sur la question des prélèvements obligatoires ; l’examen des articles me donnera l’occasion d’apporter toutes les précisions utiles à ce sujet.

Ayant appris à apprécier la qualité des débats qui se déroulent dans cette enceinte, j’attends avec impatience celui qui nous occupera tout à l’heure.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de manière très logique, la conférence des présidents a décidé de fusionner la discussion générale du projet de loi de programmation des finances publiques et le débat sur les prélèvements obligatoires, que nous organisons pour la onzième fois au Sénat, en application de l’article 52 de la loi organique relative aux lois de finances.

Cette onzième fois sera aussi la dernière puisque le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, que nous avons voté la semaine dernière, supprime cet article et fusionne le rapport sur les prélèvements obligatoires et le rapport économique, social et financier.

En tout état de cause, notre débat se tient dans un contexte riche en rebondissements, puisque la veille de notre séance publique, le Gouvernement a annoncé une réforme de grande ampleur de notre système de prélèvements obligatoires, dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.

Cette annonce confirme ce que le Gouvernement a montré, aussi bien dans la loi de finances rectificative du mois de juillet que dans le projet de loi de finances pour 2013 : il ne s’abrite pas derrière la nécessité de redresser les comptes pour renoncer à modifier notre système de prélèvements obligatoires de façon à le rendre plus juste et plus à même d’améliorer le fonctionnement de notre économie.

Depuis le mois de mai, le Gouvernement plaide auprès de nos partenaires européens pour une gouvernance économique qui repose à la fois sur la discipline budgétaire et sur la recherche de la croissance et de la compétitivité.

Le pacte national pour la croissance présenté hier, si on le combine avec les engagements déclinés dans le projet de loi de programmation des finances publiques que nous examinons aujourd’hui, transpose au niveau national l’approche que nous défendons au niveau européen.

L’ajustement budgétaire est un processus exigeant. Nos concitoyens en connaissent la nécessité. Ils l’accepteront encore plus s’ils savent qu’il s’inscrit dans une perspective de croissance.

Cela dit, notre séance d’aujourd’hui a avant tout pour objet d’examiner le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, la troisième loi de programmation depuis la création de cet outil juridique par la révision constitutionnelle de 2008.

Là encore, la situation n’est pas banale, puisque j’interviens cet après-midi en tant que rapporteur d’un texte que la commission, contrairement à ma préconisation, a décidé de rejeter. Je n’ai pas été suivi en commission, mais, en cet instant, rien ne dit que le Sénat ne va pas se ressaisir en séance plénière !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

L’un de nos anciens collègues aimait à dire que le législateur se devait d’examiner un texte, et non un contexte. §

Fidèle à cet enseignement, je voudrais rappeler les dispositions du texte que la commission a majoritairement rejeté afin que ceux qui prendront part au scrutin sur l’ensemble, tout à l’heure, aient bien à l’esprit quelle sera la portée de leur vote.

Quelles sont donc ces dispositions ?

En premier lieu, M. le ministre vient de nous le rappeler, une mise en perspective des engagements européens de la France en fixant l’équilibre structurel des finances publiques comme objectif de moyen terme et en définissant le mode de fonctionnement du mécanisme de correction des écarts par rapport à la trajectoire de solde structurel.

Les annonces faites hier par le Gouvernement ne modifient pas cet objectif.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

En deuxième lieu, une trajectoire de retour vers l’équilibre effectif des comptes publics, avec un objectif de déficit effectif de 3 % du PIB en 2013 et de 0, 3 % en 2017, c’est-à-dire l’équilibre ou presque, lequel n’est pas non plus affecté par le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, mais aussi avec le vote par le Parlement, d’ici à 2017, de mesures en dépenses et en recettes représentant 3, 4 points de PIB, c’est-à-dire 70 milliards d’euros environ.

Dans le texte que nous examinons, cet effort porte pour 30 milliards d’euros sur les prélèvements obligatoires et pour 40 milliards d’euros sur les dépenses. L’effort structurel sur les dépenses serait donc supérieur d’une dizaine de milliards d’euros à l’effort sur les recettes. Il serait lissé sur la période tandis que l’effort sur les recettes serait concentré sur 2012 et 2013.

Si le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi devait modifier cette répartition, il appartiendrait au Gouvernement de nous indiquer de quelle manière.

Enfin, le ratio de dette rapporté au PIB diminuerait, au cours de cette période, de 7 points à la suite des mesures prises et sous réserve de la confirmation du scénario macroéconomique.

En troisième lieu, ce projet de loi de programmation comporte des objectifs pour toutes les catégories d’administrations publiques : le plafonnement année par année des dépenses des régimes obligatoires de base sur un objectif de croissance de l’ONDAM fixé année par année à 2, 6 % en moyenne sur la période – M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales en parlera mieux que moi ; la réduction de 750 millions d’euros des concours aux collectivités en 2014 et en 2015 et le principe de l’association des collectivités territoriales aux modalités de leur participation au respect de l’objectif de moyen terme ; la fixation des plafonds des crédits des missions du budget général fixés pour trois ans, dans le respect de la règle de stabilisation en valeur des dépenses de l’État hors charge de la dette et des pensions.

En quatrième lieu, ce projet de loi de programmation comporte de nouveaux outils pour le pilotage des finances publiques, avec en particulier un meilleur contrôle sur les dépenses et les recettes des opérateurs, une stabilisation des plafonds d’emploi et une rationalisation des dépenses fiscales.

Tels sont donc les quatre volets essentiels de ce projet de loi de programmation et aucune majorité ne s’est dégagée en commission des finances pour approuver ces objectifs et ces orientations.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Il est tout à fait explicable que la stratégie fiscale du Gouvernement ne reçoive pas un soutien unanime des différents acteurs politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

C’est le pluralisme des opinions !

La hiérarchie des priorités budgétaires a, on l’a vu ces dernières années, été établie sur des bases différentes. On a pu le constater en comparant les projets respectifs des deux candidats à la présidence de la République.

On peut d’ailleurs considérer que, si la tâche du Gouvernement est aujourd’hui si lourde, c’est bien parce que la ligne libérale qui a été privilégiée toutes ces années n’a pas eu les effets qui étaient escomptés.

Mes chers collègues, ces débats sur les priorités budgétaires et fiscales, nous les aborderons dans les semaines à venir lors de l’examen du projet de loi de finances, du collectif de fin d’année et de tous les textes visant à traduire en mesures concrètes les orientations inscrites dans la loi de programmation.

Je ne souhaite donc pas en l’instant m’éloigner du sujet du moment qui porte sur l’engagement global de notre pays à redresser ses finances publiques et sur la mise en perspective d’une programmation à cet effet, laquelle vise à arrêter le rythme et les modalités du retour à l’équilibre.

Pour être en mesure de porter une appréciation sur cette programmation – et c’est là la finalité première du vote que nous allons émettre aujourd’hui –, il y a lieu, me semble-t-il, de se fier à un critère essentiel, celui de la crédibilité. Dans le contexte de crise de la zone euro, nous ne pourrions pas nous permettre de présenter une programmation qui ne serait pas solide et réaliste.

À titre personnel – je le précise puisque la commission des finances a été majoritairement d’un autre avis –, je considère que les objectifs figurant dans ce projet de loi de programmation traduisent une approche ambitieuse et courageuse de la politique des finances publiques et que le calibrage de la programmation sera à même de renforcer notre crédibilité européenne.

Lorsque j’entends certaines critiques qui sont formulées à l’encontre de cette programmation, je m’inquiète de la cohérence des arguments qui lui sont opposés.

J’entends des propos contradictoires sur les collectivités territoriales. Faudrait-il les mettre plus à contribution ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

M . François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En commission des finances, certains collègues siégeant plutôt de ce côté-ci de l’hémicycle

L’orateur désigne la partie droite de l’hémicycle.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Vous pourrez consulter le compte rendu de la commission pour retrouver les noms !

J’entends surtout qu’il faudrait en faire plus sur les dépenses et moins sur les recettes. Pour être plus précis, disons que l’opposition conteste la stratégie consistant, d’une part, à lisser l’effort en dépenses sur la période et, d’autre part, à concentrer l’effort en recettes sur l’année 2013.

Je retourne la question : comment assurer autrement le respect de l’objectif de 3 % en 2013 ? Aurait-il fallu faire porter l’intégralité de l’effort supplémentaire de 2013 sur les seules dépenses ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Aurait-il vraiment fallu réduire d’une trentaine de milliards d’euros en une seule année les dépenses des administrations publiques, ce que la majorité précédente n’a jamais fait quand elle était au pouvoir et ce qu’elle n’a même jamais annoncé dans aucune de ses programmations pluriannuelles et dans aucun de ses programmes électoraux ?

Je serais heureux d’entendre les arguments de l’opposition sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’année après année la Commission européenne et le Conseil ont critiqué nos programmations passées en raison de leur « volontarisme non étayé » en matière de réduction des dépenses.

Les annonces ont été nombreuses, mais qu’en a-t-il été véritablement ? On a vu le résultat et il revient au gouvernement actuel d’assumer la facture.

Dois-je rappeler ici que, durant les dix années qui viennent de s’écouler, les programmations budgétaires pluriannuelles ont été calibrées sur une annonce de progression en volume des dépenses de l’ordre de 1 % en moyenne. Or, pendant ces dix années, les dépenses publiques ont, dans notre pays, progressé à un rythme moyen de 2 %, ...

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

… chiffre à opposer à celui de 1 % qui était annoncé régulièrement par les gouvernements en place.

On comprend dès lors qu’il soit dorénavant nécessaire que la programmation soit d’une fiabilité exemplaire pour pouvoir porter remède au scepticisme manifesté ces derniers temps à l’égard de la France.

Il me semble que l’approche qui nous est proposée répond à cette attente : c’est une approche ambitieuse, certes, mais elle paraît tenable et, dès lors, crédible, surtout si elle est complétée par des réformes structurelles visant à améliorer la compétitivité de notre pays.

Dois-je rappeler qu’au mois de février 2012 la Commission européenne a constaté, dans le cadre de la nouvelle procédure sur les déséquilibres macroéconomiques, que la France connaissait des déséquilibres sérieux, en particulier du point de vue de sa compétitivité et de ses performances à l’export au cours des cinq dernières années ?

Il faut donc se féliciter que le Gouvernement propose, dans le même temps, une programmation budgétaire qui permettra de mettre fin à la procédure pour déficit excessif engagée contre la France et un pacte pour la croissance et la compétitivité.

J’ajoute que, pour la première fois, une programmation pluriannuelle sera mise en œuvre sous le contrôle d’un Haut Conseil des finances publiques qui aura mission de vérifier si les engagements pris sont tenus. Pour ce premier exercice, le Gouvernement n’a pas choisi la facilité et n’a pas reculé devant ses responsabilités.

Au total, je considère que la mise en œuvre de l’ensemble des articles de cette loi de programmation serait de nature à nous aider à traverser la crise de la zone euro.

En inversant la pente de notre courbe d’endettement, nous retrouverons des marges pour préserver notre modèle social, auquel nous sommes tous très attachés.

Tels sont, mes chers collègues, les quelques éléments susceptibles d’expliquer mon adhésion à ce projet de loi de programmation des finances publiques, même si la majorité des membres de la commission des finances ont émis un vote défavorable. §

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la troisième fois que le Parlement examine un projet de loi de programmation des finances publiques. Chaque fois, notre commission se saisit pour avis. Quoi de plus légitime lorsque l’on sait que les administrations de sécurité sociale représentent 46, 5 % des dépenses publiques et 54, 4 % des prélèvements obligatoires !

En matière de finances sociales, d’où partons-nous ? Le déficit des administrations de sécurité sociale a atteint en 2011 0, 6 point de PIB, soit 12, 5 milliards d’euros. Ce déficit est à mettre en perspective, d’une part, avec le déficit total des administrations publiques en 2011, qui est de 5, 2 % du PIB, soit 103, 6 milliards d’euros, d’autre part, avec le montant total des dépenses d’administration de sécurité sociale, dont il représente un pourcentage de l’ordre de 2 %. Rappelons pour mémoire que le déficit des administrations publiques centrales représente environ 20 % de leurs dépenses et celui des administrations publiques locales près de 0, 4 %.

Le projet de loi vise un redressement du solde des administrations de sécurité sociale très significatif sur la période de la programmation. L’équilibre des comptes sociaux serait retrouvé dès 2014, avec un excédent de 0, 8 point de PIB en 2017.

Un tel excédent n’est pas exceptionnel : l’exercice 2008 a ainsi révélé un excédent de 0, 7 point de PIB. En revanche, c’est le déficit des administrations de sécurité sociale qui constitue une anomalie grave, au moins pour sa partie structurelle, en faisant payer les prestations sociales d’aujourd’hui par les générations futures.

Il faut le rappeler, le creusement du déficit des administrations de sécurité sociale sur la période de la crise économique est très majoritairement dû à l’accroissement du déficit structurel. Ainsi, en 2009, la composante structurelle représentait 60 % du déficit des administrations de sécurité sociale. Pour 2010, cette part atteignait même 75 % et, en 2011, le solde structurel représentait encore les deux tiers du déficit des administrations de sécurité sociale.

Où allons-nous ?

Par rapport au programme de stabilité et de croissance présenté en avril 2012 par le précédent gouvernement, les objectifs du texte sont plus ambitieux en termes de réduction du déficit social pour les prochaines années, alors que le scénario macroéconomique est, lui, plus raisonnable pour l’exercice 2013 – le programme de stabilité prévoyait une croissance de 1, 75 % en 2013 – et identique – 2 % de croissance – pour les exercices suivants.

Là où le précédent gouvernement prévoyait un déficit de 0, 4 point de PIB en 2013, puis encore de 0, 1 point de PIB en 2014, la programmation du Gouvernement actuel vise un effort supplémentaire de 0, 2 point de PIB en 2013 et de 0, 1 point de PIB en 2014, par la remise en cause de « niches sociales » et la mobilisation de ressources justement réparties.

La démarche politique est claire : c’est celle d’un croisement des courbes de recettes et de dépenses. Ce croisement est matérialisé en recettes, dès l’exercice 2012, par une remise à niveau des prélèvements sociaux susceptible de couvrir de manière durable la dynamique de la protection sociale. En dépenses, il se traduit par un « rebasage », à hauteur des besoins en 2012 et 2013, avant la réalisation des bénéfices et des gains de productivité issus de la modération de l’ONDAM sur la période 2014-2017. L’effort en dépenses est réparti de manière progressive sur la période de programmation.

La programmation ne prévoit pas de poursuivre la hausse des prélèvements obligatoires affectés aux administrations de sécurité sociale au-delà de 2013. Les projections du Gouvernement ne comprennent aucune mesure nouvelle par rapport à celles qui sont inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Si l’on examine plus en détail la trajectoire financière, on remarque que l’on passerait d’un déficit social de 10, 4 milliards d’euros en 2012 à un excédent à l’horizon 2017 de 18, 8 milliards d’euros pour l’ensemble des administrations de sécurité sociale.

Il y a, en réalité, trois catégories d’administrations de sécurité sociale, qui connaissent des situations différentes.

Premièrement, le Fonds de réserve pour les retraites et la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, sont en excédent structurel, pour un montant qui représenterait 10, 4 milliards d’euros en 2012 et s’établirait en 2017, en fin de période de programmation, à 13, 5 milliards d’euros. Il réduit de moitié le déficit des administrations de sécurité sociale en 2012 et représenterait près des trois quarts de leur excédent en 2017. Cet excédent, c’est d’abord celui de la CADES, et c’est aussi la raison d’être de cette caisse : il lui faut un excédent entre les recettes qu’elle perçoit et la charge d’intérêts qu’elle supporte pour rembourser la dette sociale qui lui a été transférée.

Deuxièmement, les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, qui nous occuperont lors de l’examen prochain du projet de loi de financement de la sécurité sociale, présentent des objectifs de réduction des déficits ambitieux après les situations défavorables enregistrées en 2010 et 2011, sans que soit prévu un retour à l’équilibre, à l’échéance de 2017, pour d’autres branches que la branche accidents du travail et maladies professionnelles. On enregistrerait encore un déficit en fin de période, ce qui est, en soi, peut-être le gage d’une prévision sincère et réaliste. Le déficit des régimes obligatoires de base passerait de 15, 2 milliards d’euros en 2012 à 9, 1 milliards d’euros en 2017. Les dépenses seraient couvertes à hauteur de 98, 3 % par des recettes en 2017, alors que ce pourcentage n’était que de 95, 7 % en 2011. Le Fonds de solidarité vieillesse connaîtrait, lui, une amélioration significative de sa situation financière, avec un déficit en fin de période de 0, 6 milliard d’euros contre 4, 1 milliards d’euros en 2012.

S’agissant de la branche maladie, la maîtrise de l’ONDAM conduirait à une amélioration significative du solde d’ici à 2017, même si l’équilibre n’était pas encore tout à fait atteint.

Pour ce qui concerne les branches famille et vieillesse, la situation demeurerait moins satisfaisante d’ici à 2017.

La branche famille enregistrerait un déficit tendanciel préoccupant de 2, 6 milliards d’euros en 2013, de 2, 4 milliards d’euros en 2014, avec ensuite un reflux attendu jusqu’à un déficit de 1, 3 milliard d’euros en 2017.

Sans surprise, le déficit cumulé de la branche vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse resterait à un niveau élevé jusqu’en 2017, avec un déficit global de 8, 5 milliards d’euros en fin de période.

Je n’oublie pas que des concertations sont en cours sur l’assurance vieillesse et sur la branche famille avec les partenaires sociaux. La conclusion de cette concertation ne peut donc être intégrée, à ce stade, dans le projet de loi de programmation.

Concernant le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse, les déficits présentent par ailleurs un caractère particulier : ils sont financés « par avance » en application de l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Cet article prévoit la reprise à compter de 2012 des déficits 2011 à 2018 de la branche vieillesse du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, dans la limite de 10 milliards d’euros par an et de 62 milliards d’euros au total. En l’état actuel des projections du Gouvernement, le besoin de financement de la période devrait rester en deçà du plafond.

Troisièmement, les autres administrations de sécurité sociale, au titre desquelles figurent les régimes complémentaires et l’UNEDIC, et qui n’entrent pas dans le champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale, apporteraient une contribution décisive à l’amélioration des soldes sociaux sur la période de programmation. Ils se trouveraient en fort excédent en 2017.

L’analyse rétrospective du solde des administrations de sécurité sociale souligne que les composantes UNEDIC et régimes complémentaires se sont déjà trouvées en excédent, parfois important, dans le passé.

Pour la période de programmation 2013-2017, comme d’ailleurs pour les programmations précédentes, nous ne disposons pas de projection sur ces régimes. En raison de ce que j’appelle cette « boîte noire » dans la programmation, j’ai défendu un amendement au projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques tendant à ce que nous ayons, à l’avenir, une meilleure connaissance de l’évolution financière de l’UNEDIC et des régimes complémentaires.

La programmation repose sur l’hypothèse d’une modération des dépenses des administrations de sécurité sociale. Leur croissance serait limitée à 1, 1 % en volume sur la période 2012-2017. Rappelons que, sur moyenne période, l’évolution en volume des dépenses des administrations de sécurité sociale s’est établie à 2, 25 %.

L’effort du Gouvernement en dépenses dans le champ des administrations de sécurité sociale est donc particulièrement substantiel. Il repose largement sur une modération de l’ONDAM par rapport à une tendance spontanée évaluée à 4, 1 %.

Le projet de loi de programmation détermine un objectif pour l’ONDAM, d’ici à 2017, correspondant à une progression de 2, 7 % en 2013, de 2, 6 % en 2014, puis de 2, 5 % sur la période 2015-2017.

Les objectifs du Gouvernement constitueraient des minima historiques pour l’évolution de l’ONDAM, avec un maximum, atteint en 2002, de 7 %. Pour une année donnée, l’écart entre la tendance spontanée et l’objectif moyen sur la période de 2013-2017 représente une économie de 2, 7 milliards d’euros. Au total, les économies seraient de l’ordre de 0, 6 point de PIB en fin de période.

Certes, les objectifs de l’ONDAM retenus par le Gouvernement apparaissent moins sévères pour les exercices 2013 et 2014 que ceux qui ont été présentés dans le programme de stabilité 2012-2016 adressé en avril 2012 par le précédent gouvernement à la Commission européenne.

Mais, tout d’abord, il s’agit d’un choix politique assumé, qui vise, d’une part, à ne plus accroître le reste à charge des patients et, d’autre part, à accompagner des « projets prioritaires de mise en sécurité et de restructuration-rationalisation ».

Ensuite et surtout, la rigueur du précédent gouvernement, en ce qui concerne l’ONDAM, était toute relative. Le montant pour 2012 a été en fait fixé par rapport à la prévision de 2011 et non par rapport à la réalisation, inférieure de 800 millions d’euros à la prévision. L’ONDAM pour 2013 est, lui, fixé en référence à la réalisation estimée pour 2012, inférieure de 350 millions d’euros à la prévision. En retenant la méthode de calcul de l’ONDAM de 2013 pour l’appliquer à l’ONDAM de 2012, on arrive en réalité à un taux, non pas de 2, 5 %, mais de 2, 8 %.

Dernier élément financier : la dette.

Malgré les efforts du Gouvernement, la dette sociale restera pour nous un sujet d’attention. Nous n’avons pas de précisions concernant une éventuelle reprise des déficits sociaux par la CADES au-delà des mesures déjà prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Or, pour la période 2012-2017, les projections évaluent le déficit cumulé des branches maladie et famille à 34, 6 milliards d’euros.

Quels que soient les scénarios, il faudra organiser la reprise et prévoir des mesures nouvelles en recettes, non intégrées au présent projet de loi de programmation. Ces mesures nouvelles auront un effet sur la part des prélèvements obligatoires dans le PIB, un effet réel quoique minime au regard des sommes concernées. Le résultat de mes simulations varie, selon les dates de reprise et l’échéance retenue pour l’extinction de la CADES – 2024 ou 2025 – entre 0, 12 et 0, 3 point de CRDS.

Enfin, j’évoquerai brièvement les mesures de bonne gestion des recettes et des dépenses contenues dans le projet de loi.

Deux dispositifs ont particulièrement retenu mon attention : d’une part, l’évaluation socio-économique des investissements civils des hôpitaux ; d’autre part, la reconduction des procédures de gel des dépenses d’assurance maladie.

Sur ce dernier point, il me semble possible de concevoir des modalités de mise en réserve plus intelligentes que celles qui sont actuellement mises en œuvre. Tel est l’objet de l’un des deux amendements que je présenterai.

Sous le bénéfice de toutes ces observations, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur ce projet de loi, réaliste sur le plan des hypothèses, rigoureux quant à la gestion des finances publiques, juste dans la répartition de l’effort. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion que nous abordons est, en vérité, assez surréaliste.

D’abord, parce qu’elle porte, fait assez exceptionnel dans cet hémicycle, sur un texte qui a été rejeté par la commission saisie au fond.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ensuite et surtout, parce que l’actualité la plus récente rend ledit texte obsolète. Peut-être allons-nous découvrir tout à l'heure un amendement substantiel, et sans doute faudra-t-il, monsieur le rapporteur général, que la commission se réunisse pour l’examiner.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

et je me dois d’ajouter que, dans le projet du Gouvernement, tout n’est pas à condamner.

Si l’opposition sénatoriale l’a rejeté en commission, c’est parce qu’elle n’approuve pas le chemin choisi pour atteindre les objectifs fixés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Car il va de soi que nous adhérons à l’objectif des 3 % et à celui d’une réduction du déficit structurel de 0, 5 point de PIB par an ! Sinon, nous n’aurions voté ni le TSCG ni la loi organique.

Quant à la trajectoire, nous l’assumons : ce n’est là que la continuité des responsabilités prises par l’ancienne majorité.

Au demeurant, monsieur le ministre, cette ancienne majorité ne mérite pas l’indignité dont vous la couvrez aujourd’hui quant au respect de ses engagements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Attendez les chiffres, mon cher collègue !

En 2010, nous avions prévu 8 points de PIB au titre du programme de stabilité, et l’année s’est achevée à 7, 1 points. En 2011, nous avions prévu 6 points, et nous avons fini l’année à 5, 2 points.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pour 2012, nous avions prévu 4, 5 points. Si nous aboutissons finalement à ce chiffre, les efforts accomplis en début d’année n’y seront certainement pas pour rien.

Vous pourriez donc témoigner un peu de considération et de solidarité envers ceux qui vous ont précédés !

La marche d’escalier exceptionnellement haute qu’il convient de gravir en 2013 appelle, me semble-t-il, votre indulgence. Or, à ce titre, les condamnations rétrospectives que j’ai entendues me paraissent un peu excessives.

Parmi les points qui pourraient nous convenir dans ce texte, figurent trois mesures que je tiens à mentionner, par souci d’objectivité.

Premièrement, la stabilisation en valeur du montant des niches fiscales figurait dans la précédente loi de programmation. Néanmoins, j’aurais tendance à regretter que certaines catégories de niches, notamment les dispositifs relatifs à l’outre-mer, échappent à cette mesure, bénéficiant d’une sorte de passe-droit, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… et constituent ainsi un point de fuite. De fait, si les niches relatives à l’outre-mer sont traitées plus favorablement que les autres, le respect de la norme « zéro valeur » pour ces dernières sera, arithmétiquement, d’autant plus difficile ; le principe annoncé, qui n’est pas juridiquement contraignant, risque fort d’être très éloigné de la réalité.

Deuxièmement, vous vous placez dans la continuité du précédent gouvernement lorsque vous prévoyez le plafonnement des taxes affectées aux opérateurs. J’approuve les propos que vous avez tenus il y a quelques instants quant à la nécessité de soumettre ces organismes à la même discipline que les services de l’État stricto sensu.

Cela dit, à mes yeux, votre engagement serait plus abouti s’il ne tolérait aucune exception, notamment si notre cher Centre national de la cinématographie, le CNC, n’était pas maintenu à l’écart de la règle commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Troisièmement, enfin, s’agissant des collectivités territoriales, si vous nous dites qu’il s’agit de les traiter proportionnellement aux efforts que l’État s’administre à lui-même, nous ne pourrons que saluer la continuité des principes. Toutefois, la réduction des concours de l’État, à hauteur de 750 millions d’euros pour 2014, et de 750 autres millions d’euros pour 2015, semble bien éloignée d’un tel objectif : de surcroît, ces sommes excèdent de beaucoup les malheureux 200 millions d’euros qui, voilà un an, avaient suscité un apitoiement généralisé dans cet hémicycle – mais tout particulièrement à sa gauche –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… en tout cas un exposé complaisant de toutes les misères subies par nos collectivités.

Mais venons-en à l’essentiel.

Si nous pouvons souscrire à l’objectif et à la trajectoire, les moyens nous apparaissent inacceptables, car non cohérents.

À nos yeux, le problème est triple.

En premier lieu, l’effort à accomplir en 2013 est excessivement concentré sur les recettes et sur les taxes, avec 20 milliards d’euros de charges fiscales nouvelles, en cumulant, bien sûr, les effets de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale. En tenant compte des mesures adoptées précédemment, on aboutit à un total de 30 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires pour l’année 2013. En regard, il n’y a que 10 milliards d’euros de freinage des dépenses par rapport à leur tendance acquise : autrement dit, le compte n’y est pas !

Un euro d’économies pour trois euros de fiscalité supplémentaire, c’est un rapport que nous ne pouvons approuver. §

En deuxième lieu, une vaste opération de communication – domaine dans lequel le Gouvernement excelle souvent, j’en conviens, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … en dépit de phases successives un peu contradictoires – avait fait impression, il y a quelques semaines. Je veux parler des annonces que le Premier ministre avait multipliées pour tenter de prouver à l’opinion que seuls les plus riches seraient touchés par ces 30 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires.

M. Henri de Raincourt s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Or c’était négliger l’impact de la mesure mettant fin à la défiscalisation des heures supplémentaires sur une partie beaucoup plus nombreuse et moins bien nantie de la population ; c’était négliger les 20 % de forfait social qui pénalisent l’intéressement et la participation ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il est clair que ces 30 milliards d’euros pèseront très fortement sur les couches populaires et sur les classes moyennes.

Quant aux hausses d’impôts concernant les entreprises, il est évident qu’elles nuiront à l’investissement et aggraveront la dépression de l’activité.

En troisième lieu, nous ne pouvons nous satisfaire du taux de croissance prévisionnel de 0, 8 % qui est annoncé pour 2013, sans même parler des 2 % affichés pour les années à venir.

Nous ne pouvons pas non plus prendre pour argent comptant, si j’ose dire, les estimations de recettes fiscales, particulièrement en matière d’impôt sur les sociétés. De fait, ces projections me semblent calculées selon les méthodes traditionnelles de votre direction de la législation fiscale, qui n’intègrent pas les schémas compréhensibles d’évolution des comportements des agents économiques.

Mais tout cela, qui a motivé notre vote défavorable, mes chers collègues, est surpassé par l’actualité immédiate. En effet, nous avons appris hier que les entreprises allaient subir chaque année une taxation supplémentaire de 10 milliards d’euros à compter de 2013, mais qu’on leur rendrait, au titre des années suivantes, à partir de 2014, 20 milliards d’euros de charges patronales, qu’elles devront préfinancer en puisant dans leur trésorerie. Selon un système complexe…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… de crédit d’impôt, une restitution interviendrait à partir de 2014.

Monsieur le ministre, à l’instant même, vous nous avez annoncé le dépôt d’un projet de loi de finances rectificative dès le premier trimestre de 2013, ce dont je me réjouis pour le plan de charge de la commission des finances. §

Notre commission, lorsqu’elle est saisie d’un projet de loi de finances rectificative, est toujours heureuse d’approfondir la réflexion, de mener des auditions, de confronter les points de vue, bref, de faire vivre le débat. Néanmoins, vous reconnaîtrez qu’il est très étrange d’aborder une programmation budgétaire qui sera modifiée en séance au Sénat par l’intégration d’éléments supplémentaires dont l’Assemblée nationale n’a pas eu connaissance.

De même, vous admettrez qu’il est très étrange d’aborder un projet de loi de finances et un projet de loi de financement de la sécurité sociale dans des conditions qui sont destinées à évoluer radicalement.

En effet, de deux choses l’une : soit le choc de confiance que vous appelez de vos vœux est réellement important et significatif ; soit il ne s’agit que d’une rectification mineure apportée à ce projet de loi au cours de la navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Dans ce dernier cas, on pourrait comprendre qu’il y ait lieu d’amender ce texte. En revanche, si la modification est à ce point importante que la confiance en dépend, de même que le succès de la politique économique, est-il bien légitime de procéder ainsi, par la voie d’un simple amendement déposé au Sénat, alors que l’Assemblée nationale – vous étiez naguère le gardien vigilant de ses prérogatives, monsieur le ministre – n’a pas eu à débattre d’une telle inflexion de notre politique économique et fiscale ?

Je n’aurai pas l’audace de rappeler toutes les déclarations faites, en juillet dernier, mais aussi plus récemment, sur le transfert de charges sociales vers la TVA. Que n’a-t-on entendu ! Je choisis volontairement l’une des plus modérées, des plus pondérées de ces déclarations, celle de Pierre Moscovici lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2013 : « L’évidence, c’est que la TVA sociale, c’est nous qui l’avons supprimée, car nous la trouvions injuste et inefficace dans un moment où il fallait soutenir le pouvoir d’achat et la consommation. »

Je vous ai écouté attentivement, monsieur le ministre. Peut-on vraiment imaginer qu’en 2014, lorsque les relèvements de taux interviendront, la consommation se portera beaucoup mieux ? Peut-on vraiment imaginer que le taux de croissance de notre pays aura alors retrouvé son niveau potentiel ou s’en approchera, de telle sorte que les supposés dommages sur la consommation que vous avez jusqu’à présent allégués ne soient plus à redouter ?

Et que dire des arguments que vous utilisiez voilà quelques mois encore quand vous avanciez que la mesure prise au début de l’année 2012 – à la fois tardive et insuffisante, je le reconnais – devait être condamnée parce qu’elle ne concernait que très minoritairement l’industrie ? J’ai même le souvenir d’une démonstration très cohérente faite, en commission des finances, par notre collègue Jean-Pierre Caffet, et que j’avais écoutée avec beaucoup d’attention !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Comment peut-on ainsi changer son fusil d’épaule à si peu de mois d’intervalle ?

Certains ici s’en réjouiront ; d’autres se poseront naturellement beaucoup de questions…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En vérité, ces 10 milliards d’euros supplémentaires d’économies que nous voyons apparaître ainsi avec une certaine surprise, des économies qui ne sont pas « documentées » et qui ne s’appliqueront qu’en 2014, sonnent un peu comme un aveu de la justesse de nos thèses, lorsque nous disions que, sur le chemin de convergence, les efforts engagés pour réduire la dépense publique étaient insuffisants.

Et puis, que n’a-t-on entendu sur cette misérable révision générale des politiques publiques ! Pourtant, M. l’ancien ministre de la défense, ici présent, se souvient comme moi des efforts réalisés.

M. Gérard Longuet acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Or c’est exactement ce que nous découvrons dans le document du Gouvernement ! Il s’agit bien de la même démarche systématique, de la même ambition. Les nécessités de la communication vous obligeront sans doute à utiliser un autre sigle, un autre intitulé, mais, au final, vous ferez peu ou prou la même chose.

Monsieur le ministre, ces quelques considérations vous permettront de comprendre que notre commission, au-delà des différences qui existent en son sein, se sent vraisemblablement confortée dans le vote qu’elle a déjà émis sur le projet de texte que vous nous soumettez. En tout cas, les membres de mon groupe et moi-même confirmerons leur vote négatif.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Monsieur le président, je répondrai évidemment tout à l'heure aux orateurs que nous venons d’entendre, en même temps qu’à ceux qui s’exprimeront dans la suite de la discussion générale.

Pour l’heure, je souhaiterais qu’une suspension de séance d’au moins une demi-heure soit accordée, l’amendement évoqué dans mon intervention étant à présent déposé.

Il me semble que les sénateurs, notamment les membres de la commission des finances, auront à cœur de l’examiner pour pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le ministre, voilà une heureuse conjonction : nous avons effectivement besoin de réunir la commission pour examiner votre amendement.

En conséquence, nous allons travailler « en temps masqué ». M. le rapporteur général a déjà dû réfléchir à cet amendement et, si vous le voulez bien, mes chers collègues, il nous soumettra d’ici quelques instants son analyse en salle de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La séance est reprise.

Dans la suite du débat et de la discussion générale, la parole est à M. Éric Bocquet.

Mme Marie-France Beaufils applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, maintenant que le corps électoral a parlé et manifesté sa volonté de changement, la France doit-elle tout faire pour être le meilleur élève de la classe européenne ?

Devons-nous penser l’action publique, nos impôts, nos taxes, notre système de prélèvements obligatoires en général, notre manière de gérer les affaires publiques et nos réponses aux besoins de la société au travers de ce seul objectif : l’équilibre des comptes publics en 2017 ? Cela passe par la réduction des déficits de tous ordres, réduction portée par la croissance des recettes et la maîtrise, sinon la diminution, des dépenses ?

Devons-nous nous satisfaire, mes chers collègues, après les 30 milliards d’euros d’impôts supplémentaires décidés pour 2013, d’une longue phase de latence de 2014 à 2017, aucune mesure ne venant accroître significativement le poids des impôts, taxes, prélèvements et cotisations, comme le prévoit l’article 2 bis du présent projet de loi de programmation ?

Devons-nous penser que la maîtrise des dépenses publiques, marquée par la réduction des crédits de l’essentiel des missions budgétaires, hors les priorités accordées à l’enseignement, la recherche, la justice et la sécurité, est la seule voie qui s’ouvre à nous ?

Devons-nous espérer que la croissance « spontanée » née du comportement vertueux des agents économiques sera suffisante pour engendrer, une année ou une autre, cinq ou dix milliards d’euros de recettes supplémentaires qui viendront alléger la dette publique d’autant, comme le prévoit l’article 14 du projet de loi ?

Devons-nous prendre pour argent comptant les prévisions linéaires de croissance à 2 % l’an à compter de 2014 et de croissance de la masse salariale privée de 4 % par an, comme si, d’un seul coup ou presque, tout allait s’arranger pour le mieux dans le meilleur des mondes ?

Devons-nous, enfin, croire aux vertus de la progression des dépenses d'assurance maladie, fixée de manière linéaire à 2, 5 % par an, c'est-à-dire environ 4, 5 milliards d'euros de plus, par l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, l’ONDAM ?

Évidemment, des circonstances exceptionnelles – canicule, virus de la grippe particulièrement résistant aux vaccins, vague de froid polaire, … – pourraient faire dévier quelque peu de la « trajectoire » ainsi fixée. D’aucuns espèrent pourtant tenir ce cap, qui, pourtant, prive déjà la plupart des hôpitaux publics des moyens de leur développement, ampute leur capacité à investir et à embaucher des personnels qualifiés, et met parfois en cause la qualité même du service.

Les questions que je viens de rappeler – tout comme d’ailleurs le début de cette discussion – montrent à quel point la manière de poser les problèmes est biaisée dans notre pays, dès lors que l'on parle de dépenses publiques, d’impôts ou de taxes, c'est-à-dire dès que l'on tente de répondre à la question générique « qui paie et pour quoi faire ? ».

Depuis longtemps, le débat public est comme pollué par l’idée qu’un niveau élevé de prélèvements obligatoires, au regard de la production marchande, constituerait un handicap pour le développement de notre économie et de notre société.

À l’aune des premiers commentaires sur le rapport Gallois qui, en bien des domaines, vient apporter de l’eau au moulin de ceux qui font l’opinion depuis trop longtemps, je fais observer d’emblée que ledit rapport ne fait pas de l’importance de nos prélèvements un problème majeur de compétitivité.

L’auteur de ce rapport en est d'ailleurs tellement convaincu que, faute de mieux et comme toujours, il préconise de substituer à une partie de ces prélèvements – en l’espèce des cotisations sociales collectées auprès des entreprises – de nouveaux prélèvements sous forme de hausse de la TVA, de la CSG ou encore de la fiscalité écologique.

Taxe carbone pour tous, profits en hausse pour quelques-uns !

Car c’est bien vers cela que nous nous dirigeons ! La modification relative de notre système de prélèvements vise un double objectif : conduire, d’une part, vers l’équilibre des comptes publics et assurer, d’autre part, la rentabilité du capital. Que représentent 30 milliards de cotisations sociales ? C’est 1, 5 point de PIB « seulement » et surtout encore moins de justice sociale. L’exercice est fort délicat et va sans doute nécessiter quelques explications au-delà de notre hémicycle.

Notre discussion n’est pas guidée par l’analyse des conséquences de la fiscalisation renforcée de notre système de sécurité sociale ― va-t-elle favoriser l'investissement, l'innovation, l'embauche et la progression des salaires ou conduire, une fois encore, à l’étouffement progressif du système ? ―, mais par le souci des marges« historiquement basses » des entreprises françaises, selon l’expression des dirigeants de l'Association française des entreprises privées, l’AFEP. Ces marges vont-elles ou non se redresser ?

Comme Mme Parisot, je vais en effet m'inquiéter de ces marges historiquement basses.

Songez, mes chers collègues, que, malgré trois millions de chômeurs complets, deux millions de chômeurs à temps partiel, sept millions de travailleurs mal payés grâce aux exonérations de cotisations sociales, le taux de marge de nos entreprises est historiquement tombé aux alentours de 28 % à 28, 5 % du produit intérieur brut marchand !

Comme il faut bien remettre les choses en place, on rappellera que ce pourcentage correspond à la somme de 550 à 600 milliards d'euros, ce qui, chacun en conviendra ici, est un montant très important.

Seuls 50 à 55 milliards de ces euros finissent ensuite dans le produit de l'impôt sur les sociétés. Vous constatez comme moi que le taux de prélèvement apparent frappant les profits bruts des entreprises se situe, bon an mal an, à 10 % environ, soit assez loin de l'impôt confiscatoire tant décrié parfois et assez proche du taux de prélèvement annuel ordinaire subi par n'importe lequel de nos salariés percevant un salaire médian ou légèrement supérieur à la moyenne.

Par conséquent, le transfert de 30 milliards d'euros de cotisations sociales souhaité par certains apparaît comme une fausse bonne solution.

Notre débat est également biaisé par les déclarations de ceux qui, par habitude, ont tendance à travestir la réalité, négligeant les vrais sujets.

Car si nous sommes d'accord avec M. Gallois sur quelques points de son rapport, c'est bien quand il constate que nous souffrons en France de quelques déficits. Et il ne s’agit pas seulement de ceux des finances publiques ou de la sécurité sociale, mais aussi des déficits en matière d'innovation sociale et technologique, et parfois en matière d'imagination politique !

Proposer, en 2012, d'enfoncer un coin de plus dans le financement solidaire de la sécurité sociale, par sollicitation de la création de richesses sur le lieu de production en basculant un volume donné de cotisations sur la fiscalité et, pour une part, sur la réduction de la dépense publique ― on se demande bien comment cela va se passer dans les faits ―, revient à faire fi d'une expérience déjà ancienne.

La proposition n'est donc pas originale et la recette est déjà largement éprouvée. Elle a été lancée dès les années soixante-dix dans le domaine de l'insertion professionnelle des jeunes, transformés en « cobayes » d'une expérience aux attendus douteux. La politique d'allégement de cotisations sociales a pris son élan en 1993, avec la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi, et à la formation professionnelle, dite loi Giraud, et fait aujourd'hui office d’étalon de mesure pour toute loi portant sur l'emploi ou la formation.

Alors qu’avant la loi Giraud les exonérations s’élevaient à un milliard d'euros, nous sommes aujourd'hui passés à quelque chose comme 40 milliards d'euros dans les bonnes années, sans même que cela soit imputable aux 35 heures !

Certains ici ont peut-être oublié que M. François Fillon a fait voter, dès 2003, l’application à tous les salaires de la ristourne dégressive sur les bas salaires, trente-cinq heures ou pas, et qu’avec cette décision la facture n'a fait que croître et embellir. Elle apparaît aujourd'hui d'autant plus élevée elle n'a pas permis, au vu du diagnostic établi par M. Gallois, de maintenir l'emploi industriel, d’améliorer la situation de notre commerce extérieur, de renforcer la position de la France à l'international ni d’éviter l'installation dans notre pays d'un volant sans cesse plus important de main-d’œuvre privée d'emploi.

Mes chers collègues, en distribuant aveuglément des exonérations de cotisations sociales, qu'a-t-on fait en réalité ? On a encouragé le développement des emplois de service sous-payés, on a favorisé la stagnation de la masse salariale, on a assuré la rentabilité de la restauration rapide et de grands groupes de la distribution, entreprises dont l'exposition à la concurrence internationale est particulièrement faible puisque leur raison d'être est de vendre, ici et maintenant, en pressurant leurs pauvres fournisseurs, n'importe quel produit ou n'importe quelle denrée, nonobstant sa provenance !

Je ne peux qu'inviter les spécialistes de la macro-économie, nourris des travaux de l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, ou du Centre d’observation économique et de recherches pour l’expansion de l’économie et le développement des entreprises, ou Coe-Rexecode, à mesurer les incidences sur l'économie en général et les comptes publics en particulier que peut entraîner le fait de compter cinq millions de personnes privées d'emplois et sept millions de salariés mal payés.

Notre système de prélèvements obligatoires et, par conséquent, la trajectoire de nos finances publiques appellent de sérieuses études et modifications. La justice fiscale doit, dès aujourd'hui, être au rendez-vous des changements choisis par les Français au printemps dernier. Le chantier doit s’ouvrir dès le projet de loi de finances pour 2013, et la modulation de l’impôt sur les sociétés doit figurer en très bonne place dans cette réforme fiscale.

Pour le moment, il a suffi du battement d'ailes de quelques pigeons rapaces pour que le Gouvernement revoie sa copie. Les arguments avancés furent et demeurent fallacieux mais soutenus par une publicité sonore et péremptoire. Comme les explications furent embrouillées, nous sommes arrivés au résultat que nous connaissons.

Rendre ainsi 600 millions d'euros à quelques « entrepreneurs » se dépêchant de revendre leur entreprise avant qu'elle ne connaisse l'inexorable baisse tendancielle du taux de profit est cependant apparu incompréhensible pour tous ceux qui, d'ArcelorMittal à Florange à la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne, sont aujourd'hui confrontés à une quasi-absence de perspective, faute de décision judiciaire comme de volonté politique.

Nous devons aller plus avant dans la réforme fiscale parce que, comme le disait si justement M. Louis Schweitzer, ancien P-DG de Renault et président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, « dans le cas des pigeons, il s'agit de gens dont l'objectif est avant tout de s'enrichir en revendant leur start-up. Ils ne sont pas attachés à un territoire. Il y a là un vrai problème : plus vous êtes riche, plus vous êtes mobile et capable de vous installer à l'étranger. Avec ce genre de raisonnement, il n'y aura plus que les ouvriers à la chaîne qui paieront des impôts ».

Je crois que ces pigeons ne sont attachés qu’à leur intérêt personnel immédiat et, sans vouloir de nouveau citer Adam Smith, il me semble que cet intérêt personnel n'a pas grand-chose à voir avec l'intérêt général.

Or, mes chers collègues, notre système de prélèvements comme notre gestion des finances publiques ne doivent tendre qu'à un seul but : la mise en pratique de l'intérêt général !

Dès lors, il est évident que nous ne pouvons nous satisfaire du fragile équilibre qui se dessine : un choc fiscal en 2013 puis quatre ans de latence ; la mise en place de la banque publique d’investissement, la BPI, comme une sorte de roue de secours d'un système bancaire qui ne remplit plus son rôle de financement de l'économie depuis trop longtemps, de nouvelles ponctions sur les collectivités locales, les hôpitaux publics, les établissements publics pour les faire participer, bon gré mal gré, à la réduction des déficits dont ils sont rarement responsables et une croyance immodérée dans la soudaine conversion de nos entreprises à l'investissement dans l'innovation, la recherche, la création d'emplois, et j’en passe.

Il me vient, à ce stade de la discussion, une réflexion de fond. Notre économie est de plus en plus une économie de services, en général à faible valeur ajoutée, dont les salariés sont largement précarisés, souvent bien moins payés que dans le secteur industriel, et souffrant d’un manque abyssal de perspectives de promotion sociale.

Nous ne croyons pas au devenir d'une économie fondée sur le développement de centres d'appel téléphoniques, de plateformes d'échange cybernétique d'objets d'occasion, de vente à distance de produits importés de Chine par conteneurs débarqués sur le port de Hambourg ou de Rotterdam, sur la généralisation des services marchands d'aide aux personnes âgées dépendantes ou de protection du paysage et de l'environnement par simple balayage de feuilles mortes et ramassage de papiers gras.

Par ailleurs, il est grand temps que nous fassions l’effort de regarder l’histoire économique récente.

Ainsi, ne trouvez-vous pas étonnant, mes chers collègues, que la privatisation de nos principales entreprises industrielles, de nos banques, de nos compagnies d’assurance, organisée à partir de la loi Balladur de 1986, présente, sur la durée, un bilan pour le moins douteux ?

Qu’est devenu Pechiney, qui fut leader mondial dans le travail des métaux non ferreux ?

Qu’est devenu le Crédit Lyonnais, dont on ne dira jamais assez à quel point son plan de redressement, conduit à partir d’une structure dédiée, entraîna de coûteuses moins-values pour les deniers publics?

Qu’est devenue Renault, alliée à Volvo, puis à Nissan, et qui, aujourd’hui, contribue plus au déficit commercial de notre pays qu’elle ne participait jadis à notre excédent industriel, étant donné qu’elle réimporte une bonne partie de ses gammes de véhicules pour les vendre en France ?

Nous sommes arrivés à un point de non-retour, qui soulève directement la question de notre politique économique et de la gestion, par l’État, de son propre patrimoine, y compris les actions dont le cours est suivi par l’Agence des participations de l’État...

Prenons un exemple simple : la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne, qui emploie directement 600 salariés environ, est aujourd’hui dans l’attente d’un repreneur. Avons-nous seulement mesuré les incidences qu’une telle situation peut avoir sur l’ensemble des activités économiques tant en amont – je pense notamment aux activités du terminal pétrolier du Havre – qu’en aval, sur les secteurs de la chimie, des colorants ou encore, par exemple, des plastiques ?

Le débat sur les prélèvements obligatoires, comme sur la programmation des finances publiques, ne saurait être qu’un débat de comptables et une bataille de chiffres. Il a vocation à être considéré, en première et dernière instance, en phase avec une politique économique nouvelle, volontaire et déterminée, qui en souligne à la fois les urgences et les priorités.

Aider la recherche, ce n’est pas simplement prendre en compte les conclusions d’un rapport parlementaire sur le crédit d’impôt recherche. Cela passe, d’abord et avant tout, que nous le voulions ou non, par un renforcement de la recherche publique et par la mobilisation des moyens adéquats à la formation de nombreux chercheurs dans nos universités et établissements d’enseignement supérieur.

Je ne vous renvoie pas à l’exemple des États-Unis en la matière, mais, sans recherches menées sur commande des agences d’État, nul doute que ce pays ne serait pas là où il en est ! Ils ont su nationaliser Delphi General Motors quand l’entreprise a été à deux doigts de faire faillite !

En conclusion, comme nous l’avons fait en commission des finances, nous ne voterons aucun des articles ni l’ensemble de ce projet de loi, celui-ci s’inscrivant dans la droite ligne de la philosophie du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, et de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, deux textes auxquels nous nous étions, en toute cohérence, opposés. Chacun peut donc se rendre compte ici que les raisons qui motivent le vote de nos collègues de l’opposition sénatoriale divergent fondamentalement des nôtres. Le groupe CRC combat aujourd'hui, comme il le faisait hier, à la fois les moyens et les objectifs du TSCG, de la loi organique et de ce projet de loi de programmation. C’est une tout autre logique que nous portons, une logique antilibérale. §

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons voté le projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, qui nous engage dans une convergence des politiques économiques et fiscales des pays de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Pour tenir ces engagements, il faut baisser la fiscalité, et non pas l’augmenter ; il faut réduire les dépenses publiques et non pas seulement les stabiliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

En faisant l’exact contraire – pourtant, vous vous réclamez encore aujourd'hui de cette action européenne ! –, nous nous révélons incohérents et schizophrènes.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Le niveau beaucoup trop élevé de notre dépense publique nous condamne à emprunter dès le mois d’octobre pour payer nos fonctionnaires, et donc à alimenter la dette, au lieu d’investir.

On considère que, avec une dette publique de plus de 90 %, un pays ne crée plus de croissance.

Une baisse drastique de la dépense publique est la clé de l’assainissement de nos finances publiques. La RGPP, la révision générale des politiques publiques, pouvait peut-être être améliorée, mais c’était une très bonne mesure à court terme et, surtout, à moyen et long terme. Je n’imagine pas que vous refusiez une baisse de la dépense publique au prétexte de satisfaire une clientèle électorale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

… surtout dans les circonstances actuelles, avec une économie française fortement menacée.

Or que proposez-vous pour rétablir nos finances ?

Vous proposez d’augmenter les prélèvements obligatoires, qui s’élèveront à 44, 9 % du PIB cette année et à 46, 3 % l’an prochain, contre 39, 7 % en moyenne dans l’Union européenne, sans réduire notre dépense publique, qui représente 56 % du PIB, contre 48 % en Allemagne et 50 % en moyenne dans l’Union européenne. Mais vit-on moins bien en Allemagne, en Belgique, en Italie, en un mot, dans les pays pionniers de l’Union européenne, qu’en France ? Leurs services publics seraient-ils de moins bonne qualité ? Non, ils sont comparables aux nôtres.

D’autres pays se sont trouvés dans des situations similaires à celle que nous connaissons ; je pense en particulier au Canada, à la Belgique et à la Suède, qui ont supporté une dette excessive et l’ont fait très fortement baisser grâce à une refonte totale de la fonction publique.

Souvenez-vous, dans les années quatre-vingt-dix, du gouvernement social démocrate suédois, tenant d’une idéologie proche de la vôtre, qui avait fortement augmenté les impôts : les conséquences de cette hyper-fiscalité furent une fuite des cerveaux, un appauvrissement de la société, une chute du PIB, l’apparition du chômage, alors que celui-ci plafonnait jusqu’alors à 2 %. Voilà qui devrait, pour le moins, infléchir votre politique.

Les responsables allemands qualifient la France d’« homme malade de l’Europe » ; le chancelier Schröder déclare que la France pourrait devenir le problème de l’euro ; la presse modérée dénonce « l’illusion française » d’un président et de son gouvernement accrochés à leurs promesses, refusant de voir la réalité en face et soutenant que le bond économique se fera sans effort et sans économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Le journal Bild, lui, sombre dans la caricature et prédit à la France le sort de la Grèce.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Les marges des entreprises françaises sont parmi les plus faibles de l’Union européenne : 28, 3 %, contre 38 % en moyenne dans l’Union européenne et 21 % dans l’industrie, contre 36 % dans l’industrie allemande. Or vous voulez les restreindre davantage encore, en infligeant aux entreprises une fiscalité encore plus contraignante.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Pourtant, le Président de la République, le Premier ministre et vous-même, monsieur le ministre, soulignez le rôle essentiel, car incontournable, des entreprises pour résoudre le problème très préoccupant de l’emploi. Vous clamez votre amour pour les entrepreneurs. Toutefois, vous le savez aussi bien que moi : en amour, il y a les paroles, mais surtout les actes. (M. le ministre sourit.)

Que faites-vous en ce sens ?

On agresse les cadres et les patrons, en les désignant comme des profiteurs…

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

… et en infligeant à certains une fiscalité démente, avec la tranche à 75 % ! Cette politique a eu pour conséquence un exode vers les pays voisins : 2 500 élèves français seraient inscrits en liste d’attente dans les lycées de Londres ; ils seraient 600 au lycée Charlemagne de Bruxelles.

Les entrepreneurs perdent confiance. Même avec des marges très faibles, ils préfèrent souvent prendre leurs dividendes plutôt que de développer leur entreprise, car ils sont aujourd’hui démotivés. Vous ne créez donc pas le choc de confiance souhaité par Louis Gallois.

Prenons l’exemple concret d’une PME enregistrant un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros. Celle-ci dégage, après impôts, des bénéfices à hauteur de 100 000 euros, une somme qui se partage ainsi : 63 000 euros pour l’État et 37 000 euros pour l’entrepreneur, ce qui correspond à un revenu net de 3 000 euros par mois.

Considérant que, pour créer sa société, l’entrepreneur a mis en garantie ses biens, hypothéqué sa vie familiale, pris des risques, pour un résultat financier somme toute modeste, il est évident que la hausse de la fiscalité aura pour conséquence un effondrement du nombre de candidats à l’entreprise. Dans la guerre économique mondiale, nos officiers vont déserter.

Les forces et les faiblesses de chaque pays sont amplifiées par la mondialisation. Or la politique que vous nous proposez, monsieur le ministre, accentue nos faiblesses. La compétitivité est la clé du redressement de notre économie. Les charges sociales en sont un élément majeur, les propositions du président Gallois, grand serviteur de l’État, homme de gauche et chef d’entreprise remarquable, sont à mettre résolument en œuvre pour rendre à notre pays sa faculté d’innovation et son dynamisme économique. Je partage en particulier son souhait de voir notre économie s’appuyer beaucoup plus sur l’offre que sur la consommation.

L’industrie européenne telle qu’elle existait du temps de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, la CECA, est à bout de souffle, sauf dans des niches où le très haut niveau de formation, de recherche ou de technologie est déterminant. L’industrie de demain reposera sur ces mêmes critères, qui sont nos propres véritables atouts, auxquels il faut apporter un élément essentiel : l’envie.

Tous ceux qui ont concrétisé une idée dans une entreprise étaient poussés par une formidable envie de réussir, n’imaginant pas être sanctionnés, comme vous avez l’intention de le faire, par une fiscalité confiscatoire.

Imaginez un Steve Jobs, un Bill Gates, un Mark Zuckerberg ou un Richard Branson français. Il doit en exister quelques-uns dans le creuset de nos grandes écoles ou de nos universités !

Les ingrédients indispensables pour traduire une idée originale, parfois même géniale, en une entreprise sont la conviction que l’idée correspond à un besoin, la volonté, l’envie et un capital. Ensuite, il ou elle cherche un investisseur. Mais pensez-vous un instant que la personne physique ou le fonds d’investissement, considérant la fiscalité que l’actuel Gouvernement met en place, voudra que la société s’implante en France ? Évidemment, non ! Il exigera que l’entreprise soit domiciliée dans un pays ayant des ressources humaines et des infrastructures équivalentes, mais dont la fiscalité lui permettra d’obtenir un meilleur retour sur investissement.

Pour préparer l’avenir immédiat, le moyen et le long terme, toutes les solutions dépendent de la bonne santé et du nombre des PME et des ETI, les entreprises de taille intermédiaire. Pour ce faire, il faut que l’État diminue ses dépenses afin de mettre en œuvre une fiscalité incitative.

Or on ne trouve presque rien dans votre projet de loi qui aille en ce sens : vous maintenez heureusement le crédit d’impôt recherche, et j’espère que vous maintiendrez également les lois Dutreil sur la transmission d’entreprise. Je refuse d’ironiser sur votre retour à une hausse de certains taux de la TVA. Au contraire, je salue le courage que vous avez montré en renonçant à certaines positions électoralistes. Je regrette cependant que vous n’ayez pas maintenu le taux de TVA anti-délocalisation originel, qui visait à alléger fortement les charges sociales et constituait un frein aux importations.

Votre choix en matière de crédit d’impôt me semble trop compliqué pour être immédiatement efficace. Or il y a urgence.

Après vous avoir soutenu pour la ratification du TSCG et pour la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, il ne nous est pas possible de soutenir aujourd'hui un texte qui donne la préférence à l’impôt et à la dépense plutôt qu’aux entreprises et aux économies budgétaires. J’espérais que vous vous affranchiriez de toute idéologie dans l’intérêt du pays, mais faire de l’hyper-fiscalité la solution à nos déficits est une faute qui va à l’encontre de l’intérêt de tous les Français. Aussi le groupe UDI-UC votera-t-il contre votre projet de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le marathon budgétaire n’aura jamais aussi bien porté son nom que cette année.

À la suite de l’adoption du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire et de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, et avant de se saisir des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2013, notre assemblée examine le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

On aurait tort de penser que cette vague de textes constitue une longue litanie ; il s’agit, au contraire, d’un véritable changement de pratiques dans l’élaboration du budget de l’État.

Ce projet de loi de programmation préfigure et inaugure également les nouveaux outils en matière de mesure des finances publiques ; il s’inscrit dans une démarche pluriannuelle, engagée depuis la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, et renforcée par les textes récemment votés par le Parlement.

Le projet dont nous débattons aujourd’hui fixe le cap budgétaire pour les cinq années à venir et même au-delà. L’élaboration d’un tel texte de programmation s’inscrit également dans une perspective plus large de réorientation du budget de la nation et constitue incontestablement une rupture avec la politique menée par la majorité précédente.

Dressons d’abord l’état des lieux.

S’agissant de nos finances publiques, il est assez sombre, comme le souligne la Cour des comptes dans son récent rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.

À vrai dire, il est même plutôt catastrophique, tant est inquiétant notre déficit structurel, largement supérieur à celui de nos partenaires européens : il s’est établi à 5, 7 % du PIB en 2010 et à 4, 1 % du PIB en 2011, contre respectivement 4, 1 % et 3, 2 % du PIB dans l’ensemble de la zone euro.

Certes, la dérive de nos comptes publics est ancienne, comme l’ont rappelé plusieurs orateurs de part et d’autre ; mis à part quelques rares millésimes, elle a été le fait de nombreux gouvernements au cours des quarante dernières années. La dette qui en résulte va dépasser les 90 % du PIB.

Plus qu’une contrainte européenne, la lutte contre la dette est un impératif politique absolu.

Lors de la campagne présidentielle, François Hollande, aujourd’hui Président de la République, a promis de ramener le déficit de l’État à 3 % du PIB dès 2013 et de parvenir à un budget en équilibre dès 2017. Voilà qui est courageux et qui marque une rupture absolue avec la méthode du gouvernement précédent et de l’ancienne majorité !

En effet, il faut du courage pour prendre de tels engagements et de la détermination pour les mettre en pratique. Je sais, monsieur le ministre, que vous ne manquez ni de l’un ni de l’autre.

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 est la concrétisation législative de cet engagement courageux.

Il faut tenir le cap, là où la majorité précédente a laissé totalement filer les déficits. Pour ce faire, nous devons mettre fin aux cadeaux fiscaux consentis ces dernières années et revenir à un effort justement réparti.

L’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales prévue à l’article 17 du projet de loi de programmation constitue un exemple indéniable d’amélioration.

Nous devons également tirer les enseignements de la mise en œuvre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 : comme notre collègue François Marc l’indique dans son excellent rapport, fait au nom de la commission des finances, elle a été globalement décevante, du fait notamment des prévisions de croissance surévaluées.

À cet égard, comme mon collègue Jacques Mézard qui montera à cette tribune dans quelques instants, je m’interroge sur l’optimisme qui a prévalu dans la définition des hypothèses macroéconomiques retenues dans le présent projet de loi de programmation, en particulier s’agissant de la croissance.

Puisque notre débat porte aussi sur les prélèvements obligatoires et sur leur évolution, je veux rappeler que, en matière de recettes, la présente législature doit être à mes yeux celle d’une grande réforme de l’imposition des revenus des ménages.

Les radicaux, attachés de longue date à cette idée, répèteront inlassablement leur conviction : l’impôt sur le revenu doit être fusionné avec la CSG dans un grand impôt unique qui soit – c’est là le plus important – progressif et juste

En d’autres temps, j’avais été amené à proposer cette fusion et à la défendre. J’espère que, sur ce sujet comme sur d’autres, les radicaux seront un jour entendus.

Dans la même perspective, il serait opportun de réfléchir à l’instauration d’un impôt sur les sociétés également progressif : l’assiette de cet impôt serait élargie et son taux modulé en fonction des bénéfices.

Concernant les dépenses de l’État, le projet de loi de programmation met en lumière les priorités de la majorité.

La première priorité est l’emploi, dont nous savons qu’il est l’un des grands enjeux de la législature. L’emploi, encore et toujours l’emploi !

Nous nous réjouissons que le Parlement ait déjà adopté la loi portant création des emplois d’avenir ; nous examinerons dans les prochaines semaines le projet de loi relatif aux contrats de génération.

Le Premier ministre a présenté les autres priorités : l’éducation nationale, la jeunesse, la justice et la sécurité.

Il s’agit de redéployer les effectifs de l’État, lesquels resteront stables pendant le quinquennat. En d’autres termes, les secteurs prioritaires verront leurs effectifs renforcés, ces augmentations étant compensées par des réformes structurelles dans les autres secteurs.

En tout cas, mes chers collègues, nous sommes loin de la règle, absurde parce qu’aveugle, du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

La politique du Gouvernement permettra tout de même de maîtriser les dépenses de fonctionnement.

Enfin, l’article 8 du projet de loi de programmation prévoit que les collectivités territoriales contribueront également à l’effort de redressement des finances publiques.

En 2013, cet effort se traduira par la stabilisation des concours qui leur sont versés par l’État, hors fonds de compensation pour la TVA. Ces concours baisseront en 2014 et en 2015 selon des modalités et une répartition définies en concertation avec les collectivités territoriales. Naturellement, cet effort devra être équitable grâce à un renforcement de la péréquation.

Comme de nombreux élus locaux, je considère avec attention la disposition prévoyant que les modalités d’association des collectivités territoriales dans le cadre d’un « pacte de confiance et de solidarité » seront négociées en 2014.

Monsieur le ministre, vous qui avez été longtemps un élu local – vous l’êtes d’ailleurs toujours, même si vous n’êtes plus en charge d’un exécutif –, vous savez qu’il ne faut pas trop montrer du doigt les collectivités territoriales, car leur gestion a été meilleure que celle de l’État !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Il ne s’agit pas, cet après-midi, de rejouer les débats qui ont précédé l’adoption du projet de loi autorisant la ratification du TSCG ni même ceux qui ont porté sur le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 est technique, mais notre vote sera politique.

Les sénateurs radicaux de gauche et, avec eux, la majorité des membres du groupe RDSE soutiennent le Gouvernement dans sa volonté, rappelée hier encore par le Premier ministre, de redresser avec courage et détermination les finances et l’économie de la France. C’est pourquoi nous voterons le projet de loi de programmation.

Mes chers collègues, nous convenons tous que la trajectoire ainsi tracée dessine un effort ; mais ce qui rend cet effort supportable, c’est qu’il est partagé et juste. C’est aussi cela, le changement ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, cette première loi de programmation des finances publiques du quinquennat est particulièrement significative, puisqu’elle impulse une stratégie de long terme et fixe les grands objectifs à atteindre.

L’écologie politique s’envisageant aussi sur le long terme, je mesure avec quelle attention le projet de loi de programmation doit être examiné.

C’est d’autant plus vrai que nous sommes aujourd’hui à un carrefour : le chemin dans lequel nous allons nous engager déterminera certes les objectifs d’équilibre budgétaire, mais aussi et surtout l’évolution de notre modèle de société, de notre qualité de vie et de notre environnement.

L’objectif du désendettement, je le partage ; la marche forcée, beaucoup moins.

Le projet de loi de programmation fixe l’obligation de parvenir à un déficit effectif de 3 % en 2013 et à un équilibre structurel en 2016.

Oui, la France doit honorer ses engagements européens, dont la ratification a été autorisée – je le dis même si j’ai pu combattre certains d’entre eux –, mais vous ne m’empêcherez pas de penser que cette trajectoire est précipitée et que ses conséquences sont trop lourdes pour être supportées sans séquelles.

S’il semble pertinent de chercher à réduire la dette compte tenu de la charge que constitue le service de ses intérêts, on peut se demander quel est l’intérêt de se lier à ce point les mains pour tout le quinquennat.

Les écologistes, comme la plupart des économistes, ne se font pas d’illusions sur la croissance. Même le FMI – il peut parfois avoir raison – table sur une croissance limitée à 0, 1 % en 2012 et à 0, 4 % en 2013.

Or la présente programmation repose sur des prévisions de croissance de 0, 3 % en 2012, de 0, 8 % en 2013 et de 2 % à partir de 2014. Ces chiffres sont très optimistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Nos prévisions nous portent à croire que nous n’arriverons pas à atteindre les objectifs fixés en matière de réduction du déficit.

Des mesures de correction sont prévues pour rattraper la trajectoire définie en deux ans au plus au cas où un écart avec la programmation serait constaté.

Dans cette hypothèse, les règles imposées par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, votée la semaine dernière, sont suffisamment contraignantes ; pourquoi vouloir durcir encore le mécanisme de correction automatique des écarts en cas de difficulté à atteindre les objectifs affichés ?

Bien sûr, il reste possible de s’écarter temporairement de la trajectoire définie en cas de « circonstances exceptionnelles ».

Cette disposition est positive, mais j’ai peur qu’on ne s’en saisisse que trop tard : nous faudra-t-il attendre d’être englués dans une crise sans précédent, que nous aurons nous-mêmes accentuée, pour réaliser que l’austérité n’est pas souhaitable ?

Mais gardons-nous d’imaginer le pire ; examinons plutôt ce que prévoit le projet de loi de programmation en matière de dépenses.

Monsieur le ministre, vous avez dit qu’il était difficile de faire davantage d’économies. Je suis d’accord : nous atteignons déjà un seuil très inquiétant.

En effet, entre 2012 et 2015, les crédits de paiement alloués à la culture ont baissé de 7, 5 % et ceux dévolus au logement et à l’égalité des territoires de 5, 7 % ; les crédits alloués au travail et à l’emploi ont même baissé de 4, 8 % !

Pour 2013, on annonce une baisse de 6 % des crédits de fonctionnement du ministère de l’enseignement supérieur, alors que nos universités, déjà si dégradées, doivent faire face de plus en plus à une concurrence difficile.

Comme vous pouvez l’imaginez, je regrette aussi que l’écologie ne fasse pas partie des priorités du Gouvernement, au même titre que l’éducation, la jeunesse, l’emploi, la justice et la sécurité.

L’écologie est oubliée, parfois même sacrifiée : entre 2013 et 2015, il est prévu que les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » baissent de 11, 5 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

En même temps, vous n’avez que dix sièges…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Lorsque l’on sait que le ministère en question est responsable de l’énergie, du climat, de l’eau, de la biodiversité, du développement durable, de l’aménagement, et j’en passe, on a de sérieuses raisons de croire que, même si le ministère de l’écologie n’est pas le seul concerné par les mesures d’économies, la transition écologique, ce n’est pas pour maintenant, ni manifestement pour demain…

La même mission budgétaire comprend aussi les crédits alloués aux transports. Dans ces conditions, que fait-on pour le développement du fret ferroviaire, laissé à l’abandon au profit du transport routier de marchandises ? Pour le transport collectif de voyageurs dans les grandes villes et dans nos campagnes – notamment dans le Cher, monsieur Pointereau ? Et pour le Grand Paris, qui préoccupe tous les Franciliens ?

Lors de la conférence environnementale, le Président de la République a pourtant fixé un cap très clair en faveur de la transition écologique.

Les associations et les élus s’en étaient félicités, car la transition écologique représente une chance, notamment en période de crise : elle n’est pas un problème, mais une solution !

En effet, la transition écologique permet de réduire les dépenses énergétiques, de dynamiser l’industrie, de créer des emplois, de trouver de nouvelles recettes à la fois utiles et justes, de financer les investissements d’avenir et de soutenir les PME innovantes. Comment le Gouvernement pourra-t-il s’engager sérieusement dans cette voie, s’il ne prévoit pas les moyens humains et matériels nécessaires ?

Nous aurions bien voulu déposer des amendements au projet de loi de programmation pour équilibrer les crédits entre les missions, mais, comme vous le savez, l’article 40 de la Constitution nous en empêche.

À ce propos, la représentation nationale devrait être frappée par la faiblesse des marges de manœuvre dont les parlementaires, de toutes les sensibilités, disposent en matière de finances publiques ; cette situation est de moins en moins démocratique.

Pourtant, l’écologie aurait toute sa place dans le projet de loi de programmation des finances publiques, car il est primordial d’envisager la transition dans une stratégie de long terme et au travers de réformes structurelles.

J’anticipe quelque peu sur le débat que nous aurons à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2013. Mais, à l’heure où l’on doit réaliser des économies et trouver rapidement des recettes, dans le respect de la justice, qu’attend-on pour s’attaquer aux niches fiscales dommageables à l’environnement et à la fiscalité écologique ?

Le président socialiste de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, Jean-Paul Chanteguet – célèbre dorénavant… –, estime que « si on n’attaque pas sérieusement ce chantier d’ici à la fin de 2013, il sera trop tard : la fiscalité écologique ne verra jamais le jour pendant ce quinquennat »…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

J’ai bien entendu le Premier ministre parler de fiscalité écologique ; mais il annonce cette réforme pour 2016, ce qui est bien lointain.

La crise économique que nous traversons ne doit pas nous faire oublier que nous sommes aussi confrontés à une grave crise climatique et environnementale, qui lui est profondément liée.

Le ministre de l’économie et des finances a dit qu’opposer l’économique et le social n’avait pas de sens, et même que c’était une faute ; il en va exactement de même avec l’environnement ! La politique que j’appelle de mes vœux est une démarche à la fois économique, sociale et environnementale.

Vous l’avez compris, notre vigilance sur ces sujets égale notre inquiétude.

Pour ce qui concerne le renforcement de la justice, je salue le souci du Gouvernement de préserver les couches populaires et les couches moyennes, ainsi que les PME et les PMI ; c’est extrêmement important dans la période de crise que nous connaissons.

M. le rapporteur général de la commission des finances acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

En effet, c’est sur le développement de nos entreprises de taille intermédiaire, susceptibles de créer des millions d’emplois, notamment dans l’économie verte, et suffisamment puissantes pour développer des produits innovants, qu’il faut compter.

À cet égard, les régions françaises, chefs de file du développement économique, ont un rôle considérable à jouer. D'ailleurs, je m’inquiète des incidences qu’aura la loi de programmation sur nos collectivités territoriales et sur les impôts locaux. Les couches populaires, le tissu économique local et l’action de terrain ne risquent-ils pas d’être considérablement affectés par la baisse des dotations de l’État ?

Toutefois, si certaines dépenses sont gelées ou diminuées, d’autres augmentent, et de façon très significative.

On observe une augmentation des crédits alloués, pour les années à venir, à des secteurs importants mais trop longtemps délaissés par les gouvernements précédents. Ainsi, les crédits de la jeunesse augmenteront de 14, 3 % en trois ans, ceux de la justice de 4, 9 % sur la même période, ceux de l’enseignement scolaire de 2, 6 %, ceux de la solidarité de 9, 6 %. Les crédits dévolus à la sécurité, mission que je suis de près en tant que rapporteur spécial, connaîtront une hausse de 3, 3 %.

D'ailleurs, à ce titre, j’ai pu entendre plusieurs hauts fonctionnaires et des représentants des syndicats se réjouir de l’abandon de la RGPP

Murmures sur plusieurs travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Monsieur Mercier, telle est la réalité ! Je peux vous assurer que les fonctionnaires du ministère de la justice, dont vous avez eu précédemment la charge, portaient sur elle un regard sévère ! Et, tandis que vous ne cessiez, avec beaucoup de talent, de vous battre pour la justice, la RGPP faisait des dégâts !

Dans tous les ministères qui bénéficieront d’une augmentation de crédits, les agents supplémentaires permettront que soit assuré un service public de qualité, mis à mal ces cinq dernières années.

Les dépenses fiscales et les niches sociales seront également mieux évaluées et les projets d’investissement public, notamment les projets d’infrastructures, feront l’objet d’évaluations poussées. Cette évolution est positive.

Les écologistes se réjouissent de la mise en place d’une nouvelle procédure d’évaluation socio-économique pour les investissements de l’État, des établissements publics et des établissements de santé, ainsi que de la contre-expertise obligatoire, au-delà d’un certain montant.

Il s’agit d’une très bonne initiative, comblant une véritable lacune. Jusque-là, il n’y avait pas d’évaluation systématique et indépendante des projets d’investissement, fussent-ils d’ampleur. Afin de compléter cette avancée, nous proposerons d’ailleurs un amendement tendant à étendre le champ de l’évaluation aux impacts environnementaux, amendement qui, je l’espère, intéressera le rapporteur général et le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Pour conclure, malgré les demandes réitérées de l’opposition, le Gouvernement a su, dans le projet de loi de programmation, opérer un équilibre subtil entre mesures d’économie et mesures fiscales concernant à la fois les ménages et les entreprises les plus favorisés.

Toutefois, les mesures d’économie vont peut-être trop loin, tandis que les mesures fiscales auraient probablement pu aller plus loin, car on voit bien que les ménages et les entreprises les plus favorisés bénéficient d’effets d’aubaine énormes et ne participent que peu à l’investissement de notre pays

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Telles ne sont pas les conclusions du rapport Gallois !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Néanmoins, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici lors du débat sur le TSCG et, tout à l'heure, en introduction de mon propos, la stratégie rigide « des 3 % » n’est pas la bonne. Le ministre des finances nous a demandé de le juger sur les résultats et c’est ce que nous ferons : d’ici à quelques mois, nous verrons ce qu’il en est. Le Président de la République et le Premier ministre ont parlé d’un an ou deux. Rendez-vous est pris !

Je le répète, le pire n’est jamais sûr, et nous espérons nous être trompés dans nos analyses, car l’aggravation de la crise économique, sociale et environnementale n’est de l’intérêt de personne. Si la confiance est là, elle n’exclut ni la lucidité ni l’inquiétude.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

M. Jean-Vincent Placé. C’est donc dans cet esprit, et en gage de notre confiance, que nous voterons pour le projet de loi de programmation.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Monsieur le ministre, vous ne bénéficiez ici que d’un soutien modéré : celui d’un certain nombre de sénateurs de la majorité présidentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

En tout cas, soyez assuré que, pour réduire à 3 % du PIB le déficit de nos finances publiques en 2013 et progressivement atteindre l’équilibre en 2017, …

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Mais, si l’objectif est commun, encore faut-il que l’on se mette d’accord sur les mesures permettant de l’atteindre ! Pour notre part, nous considérons que ces mesures doivent être crédibles et certaines, au moment crucial où, avec une dette représentant 90 % de notre PIB, nous approchons des récifs dangereux dans une mer agitée par les crises successives.

Monsieur le ministre, cela est d’autant plus vrai que, si j’en crois le rapport de notre collègue, qui me semble bien informé, vous allez devoir emprunter 170 milliards d’euros en 2013. À ce sujet, il serait hautement souhaitable que nous bénéficiions, comme en 2012, de taux proches de 2 % pour une durée d’emprunt de dix ans. Il faut quand même rappeler à nos collègues de gauche que c’est la capacité de la France à respecter ses engagements ces trois dernières années qui a rendu possibles de tels taux.

Pour le Parlement comme pour les marchés, tout le problème aujourd’hui est de savoir si votre politique – dans laquelle s’inscrit ce projet de loi de programmation – est crédible au regard de votre volonté de réduire le déficit à 3 % du PIB en 2013 et d’engager les réformes de structure qui, seules, pourront conduire au quasi-équilibre en 2017.

Certes, le présent texte prévoit un partage égal de l’effort entre les dépenses et les recettes, mais, pour 2013, un tiers de l’effort portera sur les dépenses. C’est pour le moins un mauvais signal, en contradiction d’ailleurs avec les préconisations de la Cour des comptes, et cela représente un manque d’économies de l’ordre de 5 milliards d’euros.

Monsieur le rapporteur général, vous précisez d’emblée dans votre rapport que les lois de programmation sont des lois ordinaires. Il n’empêche qu’elles doivent évaluer de façon sincère les perspectives de dépenses, de recettes, de solde et d’endettement des administrations publiques !

Or, au regard de la situation présente et compte tenu, d’ailleurs, de l’amendement essentiel qu’a – tardivement – déposé le Gouvernement, le projet de loi de programmation qui est soumis à notre examen répond-il à cet objectif de sincérité ?

En outre, les mesures envisagées depuis hier pour améliorer la compétitivité, à la suite de la remise du rapport Gallois, semblent condamner l’essentiel des hypothèses portant sur les sujets les plus sensibles, à commencer par le taux réel des prélèvements obligatoires et leurs conséquences sur la croissance. En réalité, monsieur le ministre, ce projet de loi de programmation est déjà caduc, essentiellement du fait de vos propres indécisions, auxquelles s’ajoutent des prévisions qui relèvent parfois plus de l’imaginaire que de la rationalité économique.

De surcroît, jusqu’à hier, il n’était question d’aucune mesure concrète et positive pour le rétablissement d’un appareil productif et compétitif. Pourtant, nous savons tous ici que c’est la seule solution pour combattre efficacement le chômage et pour réduire notre endettement. Sans compétitivité, les hausses d’impôts se perdent dans les dédales d’un État omnipotent et la chute des ressources liées à l’activité conduirait à aggraver encore les déficits publics. Mais, monsieur le ministre, sur cette question centrale de la compétitivité, l’accueil réservé par votre majorité plurielle aux préconisations du rapport de M. le commissaire général à l’investissement nous interpelle sur votre capacité à agir réellement !

Toutes les subtilités de présentation ne peuvent cacher un choc fiscal de 30 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires pour 2013 – lesquels, pour l’essentiel, perdureront jusqu’en 2017 – ni une baisse des dépenses publiques, globalement limitée à 10 milliards d’euros sans que l’on en connaisse l’exacte répartition ! Il s’agit d’une grave erreur de calibrage.

Du reste, des exemples historiques démontrent que les plans de redressement des finances publiques qui ont utilisé prioritairement les hausses d’impôts ont un effet récessif, entraînant une baisse systématique de la croissance, alors que les plans axés sur la réduction de la dépense publique ont produit des résultats bien plus probants.

Quand on prélève 1, 2 % du PIB en hausse d’impôts, on perd – dans les hypothèses moyennes – 1, 2 % de croissance. Par conséquent, au lieu de s’établir à 0, 8 % – comme vous l’annoncez, monsieur le ministre –, la croissance risque plutôt d’avoisiner 0 %, tandis que le déficit pourrait s’élever à 3, 5 %, par le seul effet des multiplicateurs budgétaires. Cela vous conduira immanquablement à revoir votre copie, à moins que, d’ici à l’automne prochain, vous obligiez notre pays à demander à la Commission européenne une année supplémentaire, à l’instar de ce qu’a fait l’Espagne !

Vous manquez de volontarisme pour réaliser les réformes indispensables – et inévitables – à la relance de notre économie, sur des bases assainies, réformes qui, d’ailleurs, figurent aujourd'hui, pour l’essentiel, dans le rapport Gallois et font l’objet d’un large consensus parmi nous.

D’après l’OCDE, avec nos quelque 45 % de prélèvements obligatoires, nous avons rattrapé la Suède en la matière et seul le Danemark, où ces prélèvements représentent 48, 1 % du PIB, nous devance encore. Quand ces derniers seront portés à 46, 7 % du PIB en 2015, notre deuxième place sera sérieusement consolidée ! Je rappelle que le taux de prélèvements obligatoires s’élève en Allemagne à 39, 5 %.

Mais, malgré un niveau aussi élevé de prélèvements, avons-nous pour autant les meilleurs services publics du monde ? Avons-nous les autoroutes les moins chères ?

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

M. Francis Delattre. Avons-nous le meilleur système éducatif, la police la plus efficace, l’armée la mieux équipée, les médias publics les plus pertinents et les plus objectifs ?

M . Marini fait un signe dubitatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Des audits sur ces grands secteurs de dépenses seraient aujourd’hui plus volontaristes que le seul gel en valeur des dépenses de l’État, hors pensions et dettes, pour moderniser et optimiser leurs résultats.

À vrai dire, monsieur le ministre, le second paragraphe de l’exposé des motifs de votre amendement correspond tout à fait à ce que nous souhaitons vous voir faire.

En réalité, depuis six mois, nous avons assisté à une politique anticompétitive et ni le présent projet de loi ni aucun rapport ne peuvent estomper cette réalité. En juillet dernier, le Gouvernement a alourdi le coût du travail, par la hausse des cotisations retraite, par celle de la fiscalité sur l’épargne salariale, par la taxation des heures supplémentaires, par la suppression de la fiscalité antidélocalisation, par l’augmentation du SMIC, etc. En septembre, il a augmenté les impôts sur les entreprises de 10 milliards d’euros et, au 1er janvier 2013, il remet le couvert pour récupérer la même somme.

Pour tous les observateurs, cette politique ne peut que casser ce qui nous reste de croissance et ne peut engendrer qu’un effondrement de l’investissement des entreprises, alors que beaucoup d’entre elles sont déjà peu profitables. Tel est, du reste, le constat inscrit en toutes lettres dans le rapport Gallois.

Alors que notre économie connaît déjà un problème d’offre, avec un déficit abyssal de sa balance des paiements, est-il opportun de décourager à ce point l’investissement – dans des proportions jamais atteintes ! – et donc les emplois de demain ? Est-il raisonnable de tarir les marges des entreprises et, parallèlement, d’annoncer l’impérieuse nécessité de la réindustrialisation du pays ?

Après cette canonnade fiscale, est-il cohérent d’imaginer un dispositif de crédits d’impôts ? Ce dispositif, présenté en catastrophe hier, mais qui remet à 2014 l’essentiel de l’effort, sera-t-il suffisant pour panser les plaies ?

Monsieur le ministre, il en faudra sûrement un peu plus pour refaire de la France une terre d’initiative entrepreneuriale !

Aujourd’hui, vous recherchez surtout les bienfaits d’une confiance devant être renouée avec les chefs d’entreprise et leurs équipes. Ce scénario des derniers jours est au moins porteur de quelques vertus pédagogiques. Ainsi, l’augmentation de la TVA permettant de diminuer les charges pesant sur les entreprises – que vous présentiez comme le mal absolu il y a encore un an – est aujourd’hui un instrument tout à fait adapté pour corriger l’anomalie qui fait porter sur le coût du travail la politique familiale de l’État.

Mes chers collègues, pour ce qui nous concerne, nous persistons à dire que la TVA antidélocalisation, que nous avions votée, qui diminuait de 13 milliards d’euros les charges en question, était un outil mieux adapté, plus simple et applicable dès 2013, …

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

… qui sera une année très difficile pour nos finances, comme pour nos entreprises.

En réalité, monsieur le ministre, nous ne croyons pas à votre conversion, et la schizophrénie qui consiste à détricoter sans discernement les mesures et les réformes engagées par le précédent gouvernement est, sinon un signe d’immaturité, du moins une source d’inquiétude profonde pour le corps social.

Conférer à l’impôt une mission de vengeance sociale – les accents du discours que vous teniez tout à l'heure reflétaient cette tendance néfaste – plutôt que d’efficacité économique est une faute, d’autant que les torts supposés sont dressés par des justiciers autoproclamés, qui ne sont pas sûrs de faire mieux, loin de là. Un tel comportement relève de l’arrogance

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

De notre point de vue, le rapport Gallois sonne la fin de la récréation et, surtout, celle du déni de réalité. Nombre de ses préconisations offensives, notamment à l’égard des problèmes liés au phénomène inéluctable qu’est la mondialisation, devraient pouvoir rassembler nos énergies.

Puisque vous devez nous présenter une loi de programmation totalement refondue, ayez le courage, monsieur le ministre, de vous inspirer profondément des préconisations du rapport rendu par M. Gallois et d’oublier enfin vos litanies électoralistes !

À défaut, l’échec est programmé : ce sera celui de la France et, plus encore, de celles et ceux qui connaissent le plus de difficultés, à la recherche d’un emploi, d’une espérance. Vous illustrerez ainsi le constat de l’auteur de l’ouvrage Fractures françaises qui démontre assez bien que « la gauche est forte là où le peuple est faible ».

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, autant le dire tout de suite, contrairement à beaucoup d’orateurs précédents, je veux d’emblée saluer ce projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

Il le mérite à plusieurs titres.

Tout d’abord, il souscrit aux engagements internationaux de la France.

Ensuite, il définit une stratégie cohérente et équilibrée de redressement de nos comptes publics, devenue impérative après dix années de dérive budgétaire, les cinq dernières ayant été marquées par une gestion erratique et calamiteuse des finances publiques.

Enfin, ce projet de loi se donne les moyens d’atteindre les objectifs assignés et repose sur des hypothèses raisonnables, dès lors que le Gouvernement s’engage sur le chemin difficile des réformes structurelles trop longtemps différées lors de la précédente décennie.

Ce projet de loi souscrit aux engagements internationaux de la France, disais-je à l’instant. C’est bien le moins ! Sinon, quel pays serait la France ? Un pays qui ne disposerait plus de la moindre crédibilité internationale, ne jouerait plus aucun rôle dans la poursuite de la construction européenne et, finalement, perdrait sa souveraineté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Au-delà du respect de la parole donnée, c’est bien notre souveraineté nationale qui serait en jeu, si la France venait à dépendre de ses créanciers et de ses prêteurs dont les deux tiers résident à l’étranger.

Rompre avec la spirale infernale des déficits et de la dette est donc devenu une tâche d’intérêt national. Force est de reconnaître que l’héritage qui nous a été légué est particulièrement lourd. Les chiffres sont connus et parlent d’eux-mêmes : 600 milliards d’euros de dette supplémentaire entre 2007 et 2012, qui s’ajoutent aux 300 milliards d’euros accumulés entre 2002 et 2007. Au total, 900 milliards d’euros, soit un doublement du stock de dette existant en 2002.

On nous a dit et on continuera à nous dire que la faute en incombe à la crise. Cette dernière a indéniablement joué un rôle, mais elle n’explique pas tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

En réalité, pendant la dernière décennie, les gouvernements successifs ne se sont pas attaqués aux causes structurelles du déficit, sauf – je vous l’accorde, monsieur le président de la commission des finances – à partir de 2011, c’est-à-dire quand la contrainte est devenue incontournable. Entre 2007 et 2010, selon la Cour des comptes, le déficit structurel n’a jamais été inférieur à 3, 3 % du PIB.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Finalement, ce qui s’est passé est simple : pendant dix ans, les gouvernements successifs ont diminué les recettes et laissé filer la dépense publique. Preuve en est qu’en 2001 la dépense publique représentait 52, 9 % du PIB et qu’elle a atteint 56 % du PIB l’an dernier. Dans le même temps ou presque, les prélèvements obligatoires sont passés de 43, 8 % du PIB à 42, 1 % du PIB en 2009, avant de remonter sous la contrainte de l’endettement excessif à 43, 9 % du PIB, c’est-à-dire au niveau de 2001. Ces chiffres prouvent à l’envi ce que je viens d’affirmer à l’instant : l’attitude des gouvernements de droite qui se sont succédé pendant dix ans explique, en grande partie, la situation d’endettement dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.

Face à cette situation, la stratégie de ce projet de loi est donc claire : réduire l’endettement du pays en revenant à l’équilibre structurel en 2016, en faisant porter l’effort à la fois sur les recettes et les dépenses publiques, mais de manière différenciée dans le temps.

L’effort sur les recettes se concentre en effet en début de période, notamment en 2013. Les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires s’élèveront à environ 24 milliards d’euros l’an prochain, ce qui portera leur poids dans le PIB à 46, 3 %, poids qui devrait rester pratiquement constant sur le reste de la période. Quant aux dépenses, la stratégie affichée est celle d’un effort continu à hauteur de 0, 3 point de PIB l’an prochain et de 0, 4 point de PIB les années suivantes, jusqu’en 2017. Au total, sur l’ensemble de la période, les prélèvements obligatoires auront progressé de 1, 5 point de PIB et les dépenses publiques reculé de 1, 9 point de PIB. Ceux qui condamnent ce texte au nom d’une trop faible diminution des dépenses ont donc tort, ou ne l’ont pas lu !

Cette stratégie est-elle la bonne ? La question est légitime au regard de la controverse sur l’efficacité respective de l’augmentation des recettes ou de la diminution des dépenses dans la réduction des déficits publics. Certaines études, abondamment citées par l’opposition, semblent indiquer que le meilleur moyen de réduire les déficits sans trop peser sur la croissance consiste à diminuer les dépenses ; d’autres études disent le contraire. En réalité, comme souvent dans les désaccords portant sur la meilleure politique économique à suivre, la vérité se situe entre les deux.

À court terme, la réduction de la dépense publique est plus récessive que l’augmentation des recettes. À moyen terme, c’est l’inverse qui est vrai. Le Gouvernement a suivi cet enseignement et l’on ne peut que l’approuver. Au demeurant, on ne peut que souscrire à l’objectif d’une maîtrise des dépenses qui ne progresseraient en volume que de 0, 7 % en moyenne sur la période 2012-2017, alors qu’elles ont augmenté, toujours en volume, de 2, 5 % entre 2002 et 2006 et de 1, 7 % entre 2007 et 2011. Chacun pourra ainsi comparer l’effort passé en termes de réduction des dépenses publiques à l’engagement pris par le Gouvernement dans ce projet de loi.

J’ajoute que d’autres aspects de cette stratégie vont dans le bon sens, comme la juste répartition de l’effort que nos concitoyens sont appelés à consentir.

L’effort en recettes en 2013 n’est pas indifférencié : il repose sur une réforme profonde de la structure des prélèvements, comme en témoignent la nouvelle tranche à 45 % de l’impôt sur le revenu, la limitation des avantages offerts par les niches fiscales et sociales, ou encore l’alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail. Il en va de même, à notre sens, de l’association au redressement de nos comptes publics de l’ensemble des administrations publiques, l’État et ses opérateurs bien sûr, mais également les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale.

Enfin, cette stratégie est-elle crédible ? Répondre à cette question suppose à la fois d’évaluer les moyens que se donne le Gouvernement pour respecter sa trajectoire de finances publiques et d’examiner les hypothèses de nature macroéconomique sur lesquelles repose cette dernière.

Au titre des moyens, et sans tomber dans l’exhaustivité, je voudrais rappeler les principaux instruments de pilotage.

L’article 5 du projet de loi introduit une norme de dépense de l’État qui implique la réalisation d’un effort structurel de l’ordre de 10 milliards d’euros par an – cela ne s’était jamais vu ! Elle comprend le gel en valeur des dépenses de l’État, hors charge de la dette et des pensions versées.

L’article 6 prévoit la stabilisation des effectifs de l’État et de ses opérateurs en créant des postes là où ils sont nécessaires et en en supprimant ailleurs. Chacun connaît les priorités qui ont été affichées et sont maintenues.

Les opérateurs de l’État sont appelés à contribuer, par l’article 7, au respect de la trajectoire du solde structurel, grâce à la réduction du produit des taxes qui leur sont affectées ou des subventions qui leur sont versées.

Quant aux régimes obligatoires de base, dont mon collègue Yves Daudigny a abondamment parlé, ils voient leurs dépenses encadrées à l’article 9, essentiellement par une norme de progression de l’ONDAM qui, de 2, 7 % en valeur pour 2013, passerait à 2, 6 % l’an prochain et à 2, 5 % sur le reste de la période de projection.

Enfin, en cas d’écart important entre l’exécution budgétaire et la trajectoire programmée par le Gouvernement, le mécanisme de correction dit « automatique » se déclenchera avec le projet de loi de règlement et le débat parlementaire d’orientation des finances publiques.

À ceux qui douteraient de la détermination du Gouvernement de réduire notre endettement en pesant sur la dépense publique, je réponds que ces instruments de pilotage devraient être de nature à les rassurer.

Bien évidemment, un tel scénario de désendettement et de retour à l’équilibre structurel repose sur des hypothèses macroéconomiques. Parmi celles-ci, deux revêtent une importance particulière, à savoir la croissance potentielle et la croissance effective.

En premier lieu, ce projet de loi retient une hypothèse de croissance potentielle de 1, 4 % en 2013, de 1, 5 % pour les deux années suivantes et de 1, 6 % sur le reste de la période. Cette hypothèse me semble prudente. Certes, la récession de 2008-2009 a affaibli la croissance potentielle et il est difficile de dire si cet affaiblissement est temporaire ou s’il s’avérera durable. En tout état de cause, je relève que la Cour des comptes table sur une hypothèse comparable.

Une croissance de 2 % par an devrait être également atteignable, dès lors que la crise de l’euro semble s’éloigner de notre horizon, grâce aux décisions prises par le Conseil européen de juin dernier pour soutenir l’activité tout en poursuivant la consolidation des finances publiques.

Les aléas entourant ce scénario restent toutefois importants. D’aucuns subordonnent sa réussite ou son efficacité à la mise en œuvre de réformes structurelles qu’ils appellent de leurs vœux avec d’autant plus d’impatience qu’ils ne les ont jamais engagées. Je veux redire ici notre confiance dans la détermination du Gouvernement à mener à bien ces réformes, qu’il s’agisse de l’amélioration de la compétitivité de notre appareil productif ou de la sécurisation des parcours d’emploi, pour laquelle une négociation est engagée.

En effet, je ne vois pas de raisons vraiment fondamentales pour que notre pays ne renoue pas progressivement avec la croissance, dès lors que son environnement international s’améliore. Si la crise devait se poursuivre, c’est sans doute que l’Europe entière serait touchée. Les défis auxquels nous serions confrontés seraient d’une autre nature que celui du désendettement national et il nous faudrait alors, telle est ma conviction, renforcer considérablement les initiatives de croissance prises l’été dernier et probablement réfléchir ensemble, au niveau européen, au rythme de réduction des déficits des principaux pays de la zone euro. Heureusement, nous n’en sommes pas là !

Pour conclure, mes chers collègues, depuis le premier choc pétrolier, jamais sans doute un tel effort collectif de redressement n’avait été engagé avec le souci de juste répartition des efforts à consentir. Le désendettement du pays n’est pas incompatible avec la croissance et la création d’emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

M. Jean-Pierre Caffet. Il n’est pas synonyme d’austérité : il est au contraire la condition pour retrouver une croissance durable. Le présent projet de loi organise cet effort dans la justice, car il y va de la place de la France en Europe ; il y va surtout, et peut-être avant tout, de notre souveraineté. C’est pourquoi nous le voterons sans hésitation.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, nous allons procéder à l’examen d’un projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, ce qui représente une réelle avancée, due à la révision constitutionnelle intervenue sous la précédente législature.

Il s’agit donc d’un texte important, mais je serai néanmoins extrêmement bref, car nous examinons ce projet de loi dans un contexte totalement inédit, comme l’ont rappelé certains orateurs.

Le premier élément de ce contexte, vous le savez, est le rejet de ce texte par la commission des finances, lors de sa réunion du 31 octobre dernier. Cette situation est relativement inédite, puisque le Gouvernement dispose normalement d’une majorité au Sénat, mais une partie de la majorité sénatoriale a cru bon de ne pas adopter ce projet de loi.

Deuxième élément de contexte tout à fait inédit, les mesures qui ont été annoncées hier par le Gouvernement remettent très largement en cause la programmation sur la période 2013-2015, c'est-à-dire le texte lui-même. Je prendrai trois exemples pour illustrer mon propos.

En matière de fiscalité, tout d'abord, le Gouvernement a annoncé dans son pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi une baisse significative de la fiscalité des entreprises de 20 milliards d’euros – 10 milliards d’euros la première année, 10 milliards d’euros l’année suivante – alors que le projet de loi de finances pour 2013 augmente de 10 milliards d’euros les impôts des entreprises. Concrètement, ces décisions sont assez contradictoires : on commence par augmenter de 10 milliards d’euros les prélèvements sur les entreprises puis on annonce une baisse de 10 milliards d’euros les deux années suivantes !

En matière de dépenses, ensuite, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit une diminution de l’ordre de 10 milliards d’euros. Hier, le Gouvernement a annoncé de nouveau 10 milliards d’euros d’économies afin, notamment, de financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Nous n’avons pas de précisions sur ces dépenses.

Ma troisième observation porte sur les collectivités territoriales, dont le Sénat est le représentant. Vous le savez, le projet de loi prévoit une stabilisation des concours financiers de l’État aux collectivités en 2013, puis une baisse de 1, 5 milliard d’euros en 2014 et en 2015. Or le Premier ministre a annoncé hier une nouvelle diminution des dépenses des collectivités : à quelle hauteur, et sur quelles dépenses ?

Ces trois observations montrent que le projet de loi de programmation que nous nous apprêtons à voter est tout simplement rendu caduc par les annonces du Gouvernement. Il est également rendu caduc par les prévisions de croissance publiées à la mi-journée par la Commission européenne, qui sont ramenées, pour la France, à 0, 4 % en 2013 puis à 1, 2 % en 2014.

Monsieur le ministre, j’en tire la conclusion qu’il faut revoir ce texte. Qu’en serait-il, sinon, de sa sincérité ?

À défaut de pouvoir nous prononcer sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, je dirai quelques mots sur la stratégie de réduction du déficit.

À cet égard, je serai très clair : notre groupe soutient sans aucun état d’âme l’objectif de réduction des déficits à 3 % en 2013 et à 2, 2 % en 2014. Cet objectif est indispensable, tous les intervenants en conviennent, quelle que soit leur sensibilité politique, compte tenu de notre endettement, qui s’élève à plus de 1 710 milliards d’euros. Même en tenant l’objectif de 3 %, nous devons en effet emprunter encore 60 milliards d’euros. Si nous avons tous la volonté d’atteindre cet objectif de 3 % en 2013, nous pouvons néanmoins nous interroger sur notre capacité à y parvenir.

Comme je l’ai dit, la Commission européenne vient de ramener la prévision de croissance de la France à 0, 4 % – le Gouvernement avait tablé sur 0, 8 % – et elle a très clairement conclu à l’impossibilité d’atteindre les 3 % en 2013. Elle repousse plutôt cet objectif à 2014, à condition, indique la commissaire aux affaires économiques et monétaires, de prendre des mesures d’économies supplémentaires en 2014 et en 2015.

La Commission insiste en outre pour que les efforts soient plus équilibrés entre, d’une part, les hausses d’impôts et, d’autre part, la réduction des dépenses publiques. Or le projet du Gouvernement met l’accent sur les augmentations d’impôts à hauteur des deux tiers et sur les réductions de dépenses à hauteur d’un tiers.

En définitive, s'agissant du texte qui nous est soumis, abstraction faite des annonces qui ont été faites hier, j’émettrai simplement deux brèves critiques.

La première critique porte sur les recettes, dont on peut d’ores et déjà estimer qu’elles sont surévaluées. Certes, l’évaluation des recettes inhérente aux lois de finances est toujours un exercice difficile. Néanmoins, nous devons tenir compte de la révision de l’hypothèse de croissance, qui aura nécessairement un impact sur les recettes.

Il convient en outre, comme l’a souligné le président de la commission des finances, de considérer l’attitude des acteurs économiques en fonction des nouvelles donnes de la fiscalité. Le « choc fiscal » de 20 milliards d’euros supplémentaires inscrit dans le projet de loi de finances pour 2013 peut, en provoquant des changements de comportement, rendre l’impôt moins performant, et en tout cas diminuer son rendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

L’hypothèse de croissance vient justement d’être révisée par la Commission européenne, comme je l’ai indiqué précédemment.

La seconde critique porte sur les hypothèses de dépenses, qui sont largement imprécises. La reconduction des règles dites « zéro volume » et « zéro valeur » ne suffit pas. Il faut également financer les créations de postes supplémentaires, en particulier dans l’éducation. Or le projet de loi ne comporte aucune précision sur le moyen de parvenir à la réduction de ces dépenses.

En définitive, avec les mesures annoncées hier par le Gouvernement, nous sommes confrontés à un dilemme : soit nous considérons qu’elles sont mineures et le texte peut être modifié par voie d’amendement, soit nous considérons qu’elles sont majeures, comme le Gouvernement nous le présente, et le texte doit être récrit. Dans ce cas, nous ne pouvons en confier la responsabilité à la seule commission mixte paritaire.

Il aurait été plus respectueux des droits du Parlement, monsieur le ministre, soit de lever la procédure accélérée et de revenir avec un texte révisé, soit d’apporter ces modifications dans un prochain collectif budgétaire – l’expérience montre que nous sommes assez fréquemment saisis de collectifs budgétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Vous nous dites, monsieur le ministre, qu’il n’y a pas lieu de récrire le projet de loi, car l’objectif de 3 % reste inchangé. Nous en prenons acte.

Quoi qu’il advienne, reconnaissons que le chemin varie : pour se rendre à Compostelle, on peut partir du Puy-en-Velay – ou d’ailleurs – et passer par Villeneuve-sur-Lot, par exemple, mais reconnaissons que la feuille de route est très différente !

Monsieur le ministre, le groupe de l’UMP vous invite à récrire la feuille de route ; c’est pourquoi il votera contre ce projet de loi de programmation des finances publiques !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, ce projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, joint aux annonces faites hier par le Gouvernement, nous permet d’évoquer la stratégie financière et la politique macroéconomique de notre pays pour les cinq prochaines années.

La durée est en effet un élément important du redressement, tout comme la constance, et il serait erroné de croire qu’une politique économique de quelques mois puisse être efficace. Il en va de même, d’ailleurs, d’une politique budgétaire de progrès et de redressement.

Je me situe, comme mon collègue Jean-Pierre Caffet, dans la ligne de ceux qui approuvent la stratégie du Gouvernement. L’appui des Français s’est manifesté au moment des élections présidentielle et législatives, un an après le changement de majorité, en quelque sorte prémonitoire, qui a eu lieu dans cette enceinte. Pour changer les choses, il faut l’appui des Français. Des sondages sont évoqués ici ou là, mais ce n’est pas ce qui compte. Dans n’importe quelle collectivité territoriale, chacun d’entre nous le sait, vous êtes critiqué quand vous engagez des travaux et, une fois ceux-ci terminés, vous êtes encensé ! Par conséquent, ce qui importe, c’est la confiance et le travail dans la durée.

Partout, les gens nous demandent, quelles que soient leur catégorie sociale et leur fonction, si nous pouvons arrêter la « glissade » de la France observée depuis une dizaine d’années. Je ne donnerai pas dans la polémique et la politicaillerie, attitude qui se répand trop souvent, et pas seulement depuis dix ans, car ce thème, les gens le savent, conduit au renoncement à la politique et alimente les raisonnements de l’extrême droite.

Mme Michèle André acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Pouvons-nous, disais-je, arrêter cette « glissade » ? Le sujet, bien sûr, c’est la croissance potentielle, mais aussi la vraie croissance. Pouvons-nous tolérer l’augmentation continue du chômage sur notre continent ou celle des inégalités de revenus ? Devons-nous considérer en sifflotant les quelque 1 700 milliards d’euros de dettes et continuer dans cette voie ? Est-il normal que la France produise moins en 2012 qu’en 2007 ? Tout le monde devrait pouvoir répondre : « Non, cela ne peut pas durer ! » C’est d'ailleurs ce que pense la grande majorité des Français.

Le Gouvernement a également observé ce qui s’était passé ailleurs et avant. Il a refusé l’austérité généralisée, parce qu’il ne faut pas casser notre modèle social et miser uniquement sur les rémunérations pour redevenir compétitif. Rappelons-nous ce à quoi ont abouti, en 1983, les prélèvements sur le pouvoir d’achat des ménages et la réduction brutale des dépenses de l’État, dans un équilibre instable et en une période de faible compétitivité. Ne réitérons pas les échecs passés ! On me demande de le taire ; je pense au contraire qu’il faut le dire.

Dans cette reconquête, en tout cas je le souhaite, les mesures qui sont annoncées, la ligne que tiendra le Gouvernement pendant cinq ans doivent viser non pas à démolir notre modèle social, mais à le renouveler.

Soixante-sept ans après la Libération, on peut considérer que notre modèle social doit être conservé, mais, pour cela, il faut le moderniser, le renouveler et oser aborder un certain nombre de sujets tabous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Ce qui importe, dans ce projet de loi comme dans les annonces qui ont été faites – en tout cas, je le ressens ainsi –, c’est que le Gouvernement ose le faire. Enfin, un réel dialogue, indispensable dans la réussite de ce type de politique, est engagé.

Il n’est pas nécessaire d’être économiste de formation pour comprendre la stratégie du Gouvernement. Elle comporte une politique de la demande et du pouvoir d’achat guidée par l’exigence de la justice sociale. Les mesures annoncées tiennent compte de la consommation des classes populaires et moyennes. Il est nécessaire d’organiser le pouvoir d’achat et la consommation au sein de notre pays au service des débouchés économiques des entreprises, des PME, des artisans, des commerçants. Il ne suffit pas d’invoquer sempiternellement le pouvoir d’achat, qui, si on l’augmente sans changer un certain nombre de structures économiques, creuse immanquablement le déficit du commerce extérieur.

Le Gouvernement tient compte, aussi, des leçons du passé. Rappelons-nous ce qui s’est produit en 1983 : la relance, comme d’autres phénomènes, ne fonctionne pas lorsqu’elle est cantonnée à un seul pays. Pas de relance isolée ! Ce projet de loi de programmation s’intègre donc évidemment dans une perspective européenne. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement.

Je salue d’ailleurs le courage du Gouvernement qui a annoncé qu’il accepterait, à la fois pour augmenter les recettes et jouer sur la compétitivité, de modifier la TVA.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Mais oui, il acceptera de modifier les taux de la TVA !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Quelqu’un ici se souvient-il que Lionel Jospin avait diminué le taux de la TVA de 1 % ? Quel en a été le résultat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Il ne me semble pas que les Français l’aient alors applaudi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Cette mesure a privé l’État de plusieurs milliards d’euros de recettes.

Il faut accepter, me semble-t-il, de faire un certain nombre de choses. Il faut savoir dans quels secteurs il est possible d’augmenter la TVA, laquelle n’est pas forcément un impôt injuste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Je le dis d’autant plus facilement que j’ai toujours été sur cette ligne, monsieur Marini, car je suis un homme libre.

Stratégie de la demande, stratégie de l’offre : la stratégie de l’offre, c’est le « paquet compétitivité ». Sur le fondement d’un diagnostic partagé, il s’agit, par différentes mesures, de redonner confiance, goût au progrès, goût d’innover, d’entreprendre, de créer, d’inventer. C’est donc un sujet important.

Évidemment, la mise en œuvre d’un tel programme requiert un financement. Cela ne peut se faire sans réduction de la dette et sans régulation financière.

Je n’ai rien à ajouter à ce qu’a dit M. Caffet. J’indiquerai simplement que, concernant les collectivités locales, monsieur le ministre, il faudra bien faire de la régulation. Certes, les collectivités locales doivent contribuer à l’effort, mais pas n’importe comment. Un bon ajustement est nécessaire entre la péréquation et les diminutions des dotations de l’enveloppe normée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Il ne faut pas faire les choses trop durement, car, attention à l’investissement ! Je ne dis pas cela pour défendre les collectivités locales par corporatisme, mais qui réalise les investissements en France ? Le plan du Gouvernement prévoit un fort ralentissement des investissements des collectivités locales en 2013-2014. Or cela pourrait en obérer le résultat.

J’évoquerai maintenant brièvement la régulation financière. Vous avez annoncé une reprise en main des comportements nocifs pour l’économie française. Un projet de loi sur le secteur bancaire a notamment été présenté, lequel prévoit de nouvelles modalités de financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire via la banque publique d’investissement.

J’attire également votre attention, monsieur le ministre, sur un sujet que nous ne lâcherons pas au Sénat, à savoir le logement, plus particulièrement la question de l’accession sociale à la propriété. Il s’agit du dossier du Crédit immobilier de France, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir.

En conclusion, le redressement de notre pays s’apparente à une véritable course de fond, non à un sprint. Nous sommes sur la ligne de départ. Nous espérons que nous atteindrons ensemble la ligne d’arrivée et que les Français en seront satisfaits. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’exercice auquel nous nous livrons a un caractère insolite. C’est une innovation : nous avons un débat d’orientation budgétaire tout en examinant le projet de loi de programmation des finances publiques.

Je me garderai bien de tout propos péremptoire, monsieur le ministre, car, en matière de sortie de crise, nous devons les uns et les autres faire preuve de beaucoup d’humilité. §

M. Gallois nous rend probablement un immense service avec son rapport. Il nous permettra peut-être de sortir du déni de réalité et de nous approprier un certain nombre de données objectives, ainsi que le diagnostic qu’il a posé.

Comment peut-on laisser un pays se désindustrialiser à ce point ? Comment s’en tenir à des discours qui flattent systématiquement le consommateur, alors que, pour faire plaisir au consommateur, on étrangle le producteur ? Dans une économie globalisée, la sanction est immédiate : le chômage ne cesse de progresser. Le décrochage est là, et nous sommes sortis de l’anesthésie.

Dans le cadre du débat d’orientation budgétaire, et concernant le choc de compétitivité, permettez-moi de dire, monsieur le ministre, au risque d’être un peu répétitif, que nous avons tous compris qu’il fallait élever les gammes, sortir par le haut. Toutefois, cela ne suffira pas. Le coût du travail pose également problème.

Ce matin, lors de son audition, qui fut très suivie, M. Gallois nous a dit qu’il n’était nullement légitime de financer la politique familiale et l’intégralité de notre système de santé par des cotisations assises sur les salaires. Il faut fiscaliser ces recettes et alléger en conséquence le coût du travail.

M. Gallois s’en tient à une jauge de 30 milliards d’euros. Pour ma part, j’estime que le choc de compétitivité sera difficilement atteint en deçà de 50 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Gallois préconisant une application immédiate, j’avoue que je ne comprends pas l’attitude du Gouvernement, monsieur le ministre. Vous n’allez pas au bout de la démarche. Cela étant, je rends hommage aux progrès que nous sommes en train d’accomplir. Chers collègues, les tabous tombent enfin !

Pour ma part, j’ai beaucoup regretté que la législature précédente n’ait pas, dès 2007, pris la décision d’alléger les charges sociales et d’augmenter corrélativement la TVA.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Convenons qu’une telle décision doit être prise non pas en fin mais en début de mandature.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Bon, c’est le passé… Il faut maintenant sortir de la crise. Franchement, je ne comprends pas que l’on n’aille pas, plus directement, plus rapidement, vers un allègement des charges sociales et un rehaussement de la TVA.

Augmenter la CSG, c’est affecter immédiatement le pouvoir d’achat de tous les Français. C’est aussi, monsieur le ministre, se priver de l’une des rares ressources dont vous aurez certainement besoin pour équilibrer la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, voire le budget de l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Levons donc complètement les tabous qui nous ont empêchés, à droite, à gauche et parfois au centre, de progresser et d’être conséquents. Peut-être vivons-nous un moment historique et allons-nous enfin prendre en main, avec lucidité et courage, les problèmes que nous avons à régler ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

J’en viens maintenant au pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, annoncé hier par M. le Premier ministre, au sujet duquel j’aimerais que l’on dissipe quelques ambigüités.

J’ai bien compris que l’allégement des charges sociales serait limité à 20 milliards d’euros. Toutefois, alors que M. Gallois propose d’alléger immédiatement les charges sociales de 20 milliards d’euros, le Gouvernement propose un allégement en trois ans : de 10 milliards d’euros en 2013, de 15 milliards d’euros en 2014 et de 20 milliards d’euros en 2015. Ces allégements seront constatés dans le budget avec un décalage d’un an. Pouvez-vous nous confirmer ce point, monsieur le ministre ?

Les entreprises vont donc considérer qu’elles ont acquis pour 2013 un droit à crédit d’impôt. À la fin de l’exercice 2013, lorsqu’elles clôtureront leurs comptes, elles constateront une créance de 10 milliards d’euros sur le Trésor public. Est-ce à dire que l’État aura, à la fin de l’année 2013, une dette de 10 milliards d’euros envers les entreprises ?

La loi organique relative aux lois de finances prescrit la sincérité des comptes publics. Je n’imagine pas qu’un droit acquis par les entreprises en 2013 ne donne pas lieu à la constatation d’une dette et donc à l’amplification du déficit de l’année 2013 de 10 milliards d’euros. J’aimerais vous entendre sur ce point, monsieur le ministre.

Le crédit d’impôt est une mécanique compliquée. Il implique une cible, des seuils. C’est un champ merveilleux pour tous les optimisateurs. C’est la providence pour les cabinets de conseil en fiscalité et en réduction des cotisations sociales !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Permettez-moi également de vous mettre en garde contre tous les contentieux qui pourraient résulter de la mise en œuvre de ce crédit d’impôt. L’État va devoir envoyer un chèque aux entreprises ne payant pas d’impôts sur les bénéfices, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… à l’instar de ce qui s’est passé avec le bouclier fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il faudra aussi en envoyer un à Mme Bettencourt !

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Elle en a pris l’habitude !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Plaisanterie mise à part, le dispositif que vous proposez est commode, car il vous permet de dire aux partenaires sociaux que vous ne toucherez pas aux cotisations sociales et que la légitimité de la gestion paritaire ne sera pas remise en cause. Tout cela est bien ambigu, monsieur le ministre. Pourquoi ne pas avoir opté pour un allégement direct des cotisations sociales, d’allocations familiales et d’une fraction de l’assurance maladie ? On maintient un artifice, et je le regrette.

Ce qui m’étonne, c’est que vous ayez annoncé avec plus d’un an d’avance une hausse de la TVA. C’est sans précédent ! Jusqu’à présent, toute annonce par un gouvernement d’une modification du taux de la TVA était d’application immédiate, ce qui choquait parfois légitimement le Parlement.

J’ai compris que le taux de 19, 6 % passerait à 20 %, que celui de 7 % passerait à 10 % et que celui de 5, 5 % passerait à 5 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je félicite le Gouvernement d’avoir choisi de faire disparaître les chiffres après la virgule. C’est incontestablement un progrès, monsieur le ministre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… et je le mets au crédit du Gouvernement.

Cela étant dit, lorsqu’on annonce, un an à l’avance, une augmentation de la TVA, on suscite des modifications de comportement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Imaginez quelle sera l’attitude des entrepreneurs qui mettent sur le marché des produits taxés à 7 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Pendant toute l’année 2013, spécialement durant le mois de décembre, ils ne manqueront pas d’inciter les consommateurs à passer leurs commandes au plus vite, au motif que, demain, ce sera 3 % plus cher. Nous faussons les comportements.

Interrogez-vous, monsieur François Marc, sur ce qui se passera au début de l’année 2014 dans le secteur du bâtiment puisque tous les travaux de réparation et d’entretien auront été effectués au cours de l’année 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je blâme cette façon de faire, qui n’est pas convenable.

Enfin, abaisser le taux de 5, 5 % à 5 % permet de disposer d’un élément de langage très utile pour les discours …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… mais, très franchement, c’est se priver de quelques ressources dans des conditions que, personnellement, je trouve contestables.

On a rencontré tant de difficultés avec les restaurateurs : l’écart entre le taux de 19, 6 % et celui de 5, 5 % est en effet beaucoup trop important.

Je mets à votre actif l’instauration d’un taux intermédiaire de 10 %, mais il faudra peut-être aller au-delà.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je vous remercie de répondre à ces quelques questions, monsieur le ministre. Ce qui serait élégant de votre part, ce serait de revenir vers nous dans quelques jours pour nous présenter le présent projet de loi de programmation ajusté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

En effet, l’amendement que la commission des finances a examiné il y a quelques instants laisse à penser que le texte n’est pas encore véritablement « stabilisé ». Je n’aurai donc pas de difficulté à ne pas voter ce projet de loi.

J’avoue que je place beaucoup d’espoir dans la discussion qui s’ouvre, car j’ai l’impression que les tabous commencent à tomber. Cela permettra sans doute d’orienter la gouvernance vers plus de réalisme et de crédibilité. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous soyez convaincu, mais, à défaut d’être à l’écoute, vous savez surtout être convaincant.

D’aucuns ont déjà souligné le caractère original de ce débat. Le rapport Gallois et les mesures proposées par le Gouvernement dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi change la donne. Cela a été rappelé. C’est un moment important, manifestement le signal d’un nouveau cap, que nous saluons, car il nous laisse espérer une amélioration des finances publiques. C’est en tout cas une révision tout à fait claire des orientations.

Monsieur le rapporteur général, dans vos rapports successifs, vous avez constaté « l’échec global des programmations » jusqu’à présent, en soulignant leur « décalage permanent » avec les objectifs fixés, plus particulièrement avec « l’objectif de retour à l’équilibre ».

Vous l’avez rappelé, des hypothèses de croissance exagérément et systématiquement optimistes sont la première cause de cet échec. L’optimisme n’est peut-être pas un défaut mais, en matière de finances publiques, il est impératif d’être réaliste !

Le projet de loi organique que nous avons adopté la semaine dernière devait permettre de rendre les lois de programmation des finances publiques plus crédibles et plus utiles, si j’en crois son exposé des motifs et son étude d’impact.

Permettez-moi, dès lors, de m’interroger sur la crédibilité d’une prévision de croissance annuelle de 2 % à partir de 2014, alors que notre potentiel de croissance est évalué à 1, 5 % et que la situation économique – même si j’espère, comme tous les membres de cette assemblée, qu’elle se redressera rapidement – n’est guère florissante. Je constate, soit dit en passant, que personne ne conteste l’objectif de redressement que nous nous assignons.

J’entends bien les arguments du rapporteur général, qui souligne que les prévisions retenues dans le présent projet de loi de programmation ne présentent « pas d’écart inhabituel par rapport au consensus des conjoncturistes » et qu’il faut « relativiser » l’enjeu des hypothèses de croissance « dès lors que l’on retient une règle de solde structurel ».

Certes, la « règle de solde structurel », prévue par le TSCG et mise en application dans le présent projet de loi, introduit une certaine souplesse, mais le respect de la trajectoire et la crédibilité des engagements de notre pays dépendent toujours très largement de prévisions macroéconomiques sous-jacentes.

J’espère donc que le projet de loi de programmation que nous examinons ne se résumera pas, comme les précédents, à une série de promesses difficilement tenables, voire irréalisables.

Je l’espère d’autant plus, monsieur le ministre, qu’avec la majorité des membres de mon groupe je souscris à l’objectif principal de ce texte, qui est de redresser les comptes publics dans la justice. La raison en est simple : nous ne pouvons pas prendre le risque d’un accroissement insoutenable de notre endettement, qui pèserait à la fois sur les choix politiques actuels et sur les générations futures.

La trajectoire retenue par le Gouvernement ne doit pas porter atteinte à la croissance ni à la compétitivité de nos entreprises. Sur ce point, les annonces faites hier par le Premier ministre nous semblent donc positives.

L’augmentation des prélèvements obligatoires doit respecter l’exigence fondamentale d’équité. Monsieur le ministre, vous savez combien les radicaux de gauche sont attachés à la progressivité de l’impôt et à la justice fiscale. Ces valeurs, je le sais, guident également votre action.

Cependant, il y a d’autres questions à prendre en considération. Je rappellerai les mots d’un ancien Président de la République et président du Conseil sous la IIIe République, qui doivent nous servir de règle : « avant de répartir les richesses, il faut d’abord les créer ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Si une augmentation des impôts équitablement répartie est sans doute nécessaire pour redresser le pays, il ne faut pas perdre de vue l’efficacité économique de la stratégie en matière de prélèvements obligatoires.

Autrement dit, il nous semble que la fiscalité ne doit pas entraver la compétitivité de nos entreprises, comme le souligne très justement M. Gallois dans son rapport. Nous devons créer un environnement favorable au développement de nos petites et moyennes entreprises grâce à une simplification administrative et fiscale.

Nous savons combien l’absence d’un tissu véritablement dynamique de PME est un disque manquant dans la colonne vertébrale de notre économie. Nous devons donc prendre des mesures d’urgence pour remédier à cette situation. Sur ce point, monsieur le ministre, il est légitime de se demander si l’échéance de 2014 annoncée hier par le Premier ministre n’est pas un peu éloignée.

Pour redresser les comptes publics, le Gouvernement a choisi de réaliser un effort légèrement plus important en dépenses qu’en recettes sur la durée globale de la programmation, mais il a concentré les mesures concernant ces dernières sur l’année 2013, durant laquelle les prélèvements obligatoires devraient, sous réserve des modifications à venir, sensiblement augmenter.

Or la Cour des comptes, dans son audit rendu en juillet dernier, précisait que « le levier de maîtrise des dépenses devait jouer un rôle essentiel » par rapport à celui de l’augmentation des recettes et ce dès 2013. Soyons clairs : la maîtrise des dépenses publiques doit constituer un axe majeur du redressement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

La programmation du Gouvernement préserve trois domaines prioritaires : la jeunesse, l’emploi, la justice et la sécurité, conformément aux engagements du Président de la République. Par conséquent, le fait que les autres missions du budget fassent l’objet d’économies d’autant plus importantes n’est pas contestable a priori.

La répartition de ces économies, telle qu’elle est présentée à l’article 10 du présent projet de loi de programmation, suscite néanmoins un certain nombre d’interrogations. Les réductions drastiques des crédits dans les domaines de l’agriculture, de l’écologie ou de la culture semblent parfois un peu trop extrêmes et difficiles à justifier.

Une autre source d’économies – à laquelle la Cour des comptes recommandait d’ailleurs de s’attaquer en priorité, monsieur le ministre – réside dans les fameuses niches fiscales et sociales. Il en est question dans le texte qui nous est soumis, tout comme dans le projet de loi de finances pour 2013. Il est urgent, comme le soulignait la Cour dans son rapport de juillet, de « remettre en cause ceux de ces dispositifs dont l’efficience est la plus contestable ».

De ce point de vue, je suis surpris, monsieur le ministre, que vous ayez choisi de préserver en 2013 certaines niches dont l’inefficience a pourtant été maintes fois démontrée. Je pense notamment au « dispositif Girardin », qui concerne l’outre-mer, que vous avez exclu du coup de rabot général que vous prévoyez. Vous continuez d’oublier les îles de l’intérieur, probablement moins riches d’un point de vue électoral.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Enfin, permettez-moi de terminer par une question qui m’est chère : la péréquation entre les collectivités territoriales.

Il est normal que les collectivités contribuent à l’effort de redressement des finances publiques. Je dois d’ailleurs dire que, généralement, elles s’y plient déjà, monsieur le ministre. Mais il est tout aussi nécessaire que, comme pour la fiscalité des ménages ou des entreprises, la justice et l’équité s’appliquent aux efforts qu’elles doivent réaliser. Il s’agit d’un principe constitutionnel, tout comme celui de libre administration des collectivités territoriales. Ces principes essentiels doivent rester en permanence à l’esprit du législateur, je tenais à vous le rappeler.

Sous les réserves que je viens d’exprimer sur certains des choix effectués ainsi que sur le réalisme des hypothèses qui sous-tendent ce projet de loi de programmation des finances publiques, la très grande majorité des membres du groupe RDSE soutient la stratégie de redressement des comptes et de justice fiscale du Gouvernement et votera par conséquent en faveur de ce projet de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on pourrait penser que la loi de programmation des finances publiques fixe des objectifs, une stratégie et des perspectives.

Nous avons déjà eu l’occasion d’exprimer des réserves sur la sincérité du document et la probabilité que les réalisations soient en adéquation avec vos projections.

Il y a plusieurs raisons à cela. De l’avis de nombreux économistes, la croissance de l’année 2012 sera inférieure aux prévisions. Quant aux hypothèses pour 2013 et 2014, elles sont très optimistes, pour ne pas dire improbables. Il s’ensuit que l’ensemble des scénarios ont peu de chances de se réaliser. Si les bases de départ sont erronées, c’est tout le dispositif qui s’en trouve affecté.

Monsieur le ministre, vous persistez à renvoyer la baisse de la dépense publique à 2014 et au-delà, alors que c’est dès à présent qu’il faut l’amorcer. Vous justifiez une hausse des impôts sans réduction de la dépense publique au motif que celle-ci serait plus récessive que l’augmentation des impôts. Cela semble plus relever du dogme que de la réalité. J’en veux pour preuve la baisse annoncée de la consommation pour le quatrième trimestre 2012, à hauteur de 0, 1 %, conséquence de la majoration des prélèvements obligatoires.

Si j’en juge par les déclarations du président de l’Assemblée nationale, qui met en doute la possibilité de respecter la loi de programmation et même l’intérêt d’atteindre un déficit de 3 % du PIB, j’ai un peu le sentiment que l’on est dans l’habillage, pour ne pas dire dans le verbiage.

Mais je m’interroge également sur l’actualité même de ce débat.

Après nous avoir expliqué qu’il n’y avait pas de problème de compétitivité-coût, voici que l’on nous annonce un plan de 20 milliards d’euros au titre de la compétitivité, décliné selon un mécanisme de crédit d’impôt pour les entreprises dont les modalités d’application restent à préciser et qui ne semble pas être un modèle de simplicité. Pour autant, le projet de budget pour 2013 maintient une augmentation très sensible des prélèvements.

Après nous avoir expliqué qu’il ne fallait surtout pas toucher à la TVA, impôt « injuste », voici que l’on nous annonce son augmentation, qui serait désormais juste, pour les taux principal et intermédiaire.

Ces deux mesures tournent le dos au présent projet de loi, au discours qui prévalait jusqu’à hier et au projet de budget que nous commençons à examiner.

Tout cela donne le tournis et justifie sans doute que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée sur ce texte, tant nous ne savons pas ce que la semaine prochaine nous réservera comme nouvelle surprise.

Dans le même temps, je m’interroge sur l’opportunité d’y avoir eu recours, puisque l’amendement que vous déposez cet après-midi, monsieur le ministre, n’a pas d’autre objet que de réviser la loi, ce qui tend à montrer qu’elle est déjà dépassée, ou qu’il n’y avait pas matière à recourir à la procédure accélérée.

En réalité, ainsi que nous l’a dit tout à l’heure le rapporteur général en commission des finances, vous voulez renvoyer à la commission mixte paritaire le soin d’ajuster le tir, réduisant ainsi à néant le débat public.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Vous ouvrez la possibilité que le texte soit entièrement réécrit, puisque l’amendement que vous venez de déposer mentionne l’article 2 du projet de loi, lequel, je le rappelle, comprend la mesure principale dudit projet, à savoir le retour à l’équilibre des finances publiques et l’objectif des 3 % en 2013.

En réalité, en déposant cet amendement, vous vous offrez la possibilité de renoncer à vos propres objectifs.

Je souhaite maintenant aborder un point particulier : l’article 8 du présent projet de loi. Cet article est essentiel puisqu’il affecte les relations financières entre les collectivités territoriales et l’État, au moment même où le Gouvernement nous parle d’un « contrat de confiance » entre l’État et ces dernières.

Selon cet article, « les collectivités territoriales contribuent à l’effort de redressement des finances publiques selon des modalités à l’élaboration desquelles elles sont associées ».

Voici une innovation, je devrais même dire une double innovation.

C’en est une sur le principe, tout d’abord, non pas pour ceux qui défendaient ce point de vue voilà un an, mais pour ceux qui le combattaient alors, quand le gouvernement de l’époque envisageait de minorer l’enveloppe allouée aux collectivités de 200 millions d’euros.

Ceux-là mêmes – c’est la seconde nouveauté – proposent aujourd’hui une ponction de 3 milliards d’euros ! Rappelez-vous, ils n’avaient pas de mots assez forts pour critiquer cette approche – ils parlaient même de « hold-up » –, car ils estimaient que les collectivités n’avaient pas à payer pour l’impécuniosité de l’État, n’étant en rien responsables de son déficit. Il est assez piquant que ce soient les mêmes qui, aujourd’hui, justifient la mesure en faisant valoir que le poste qui pèse le plus lourd dans les dépenses de l’État est celui des collectivités territoriales, que, par conséquent, il ne peut y avoir de limitation de la dépense publique sans repenser les concours financiers qui leur sont dévolus, et que les collectivités territoriales elles-mêmes devraient s’engager dans un processus de limitation de leurs dépenses.

Ce qui paraissait impensable l’an dernier pour 200 millions d’euros devient non seulement possible mais encore impératif, par la seule grâce de l’alternance, pour un montant de 3 milliards d’euros ! Je tiens à la disposition de ceux qui auraient la mémoire courte les déclarations faites l’an dernier par d’éminentes personnalités sur ce sujet.

Mes chers collègues, c’est une évidence : il ne peut y avoir de réduction du déficit public sans limitation de la dépense publique et, par voie de conséquence, des concours de l’État à nos collectivités. Monsieur le ministre, nous ne vous reprochons pas tant de changer d’avis et de regarder la réalité en face que d’avoir sciemment refusé, par démagogie ou par cynisme, et ce pendant des années, de tenir un langage de vérité. §

L’an dernier, comme nous, vous saviez très bien que les recettes de nos collectivités ne pouvaient, hélas, pas être déconnectées de la réalité économique. Pourquoi l’avoir nié ? Pourquoi avoir également condamné la transformation, qui s’imposait, de la taxe professionnelle en contribution économique sur la valeur ajoutée ? À ce sujet, je n’ai pas noté que vous sembliez vouloir remettre en cause cette réforme.

L’article 8 dispose donc que « les collectivités territoriales contribuent à l’effort de redressement des finances publiques selon des modalités à l’élaboration desquelles elles sont associées ».

Ce dernier membre de phrase a son importance. La loi de finances est votée par le Parlement. Le Sénat, de par la Constitution, représente les collectivités territoriales. Nous contestons donc que des arbitrages soient rendus par on ne sait quel « haut comité », dont la légitimité démocratique et institutionnelle sera par définition moindre que celle du Parlement en général et de la Haute Assemblée en particulier.

Nous serons vigilants sur ce point, d’autant plus que vous êtes d’ores et déjà en passe de prendre des décisions qui sont en contradiction totale avec cet engagement de concertation.

Je ne prendrai que deux exemples. L’on nous parle beaucoup de la réforme des rythmes scolaires. Sur le fond, je fais, a priori, confiance aux spécialistes.

Cependant, je crains qu’une telle réforme, décidée par décret, n’ait pour conséquence de faire peser des charges nouvelles sur nos finances locales : plus de transports scolaires, plus de cantines, plus de personnels, je pense en particulier aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, ou ATSEM. Les collectivités locales n’ont pas été associées à la réflexion, et je n’ai entendu à aucun moment le ministre chargé de ce dossier aborder la question des éventuelles conséquences financières de la démarche.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Les évolutions que nous constatons dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013 nous inquiètent. Prenons le cas de la mission « Sécurité civile » : les dotations d’aide à l’investissement pour les départements sont purement et simplement supprimées. Où sont la concertation et la transparence dont vous parlez tant ? Où est le contrat de confiance que vous nous promettez ? Une telle décision n’a fait l’objet d’aucune consultation, ni même d’aucune information !

En outre, vous persistez dans votre refus d’engager la réduction des charges liées aux normes. Pourtant, cette diminution, réclamée par Éric Doligé et par nombre de nos collègues, serait un vrai ballon d’oxygène pour nos collectivités.

Devant tant de revirements, devant tant d’imprécisions, devant tant de contradictions entre le discours et les actes, il ne nous est pas possible de voter ce projet de loi, au demeurant déjà dépassé par les faits et par vos propres déclarations. La commission des finances l’a d’ailleurs rejeté.

Toutefois, compte tenu d’autant de revirements, on ne devrait même plus dire que c’est la commission qui a rejeté le texte ; en fait, c’est le Gouvernement lui-même, qui, par ses déclarations et par l’amendement dont nous discuterons tout à l’heure, prend l’initiative de le rendre obsolète ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Berson

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 correspond – faut-il le rappeler ? – à une double ambition : rompre, d’une part, avec la spirale infernale de l’endettement public, passé de quelque 900 milliards d’euros en 2002 à près de 1 700 milliards d’euros en 2012 ; ramener, d’autre part, le budget de l’État à l’équilibre en 2016, en réduisant le déficit public effectif à 3 % dès 2013.

Cette double ambition, placée au service du redressement productif, de la croissance et de l’emploi, suppose de réaliser un effort budgétaire sans précédent.

Ainsi, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit, rappelons-le, 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires prélevées sur les ménages les plus aisés, 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires prélevées sur les entreprises disposant des plus grandes marges de manœuvre et 10 milliards d’euros d’économies réalisées sur les dépenses de l’État, tout en préservant – cela a déjà été souligné – les secteurs sanctuarisés, en l’occurrence l’emploi, l’éducation et la recherche, la justice et la sécurité.

C’est dans ce cadre qu’il est demandé aux collectivités territoriales de participer elles aussi à l’effort de redressement des finances publiques. Et c’est bien compréhensible au regard de la gravité de la situation financière et budgétaire de notre pays, dont l’actuelle majorité a hérité.

Bien sûr, cela implique que l’effort demandé aux collectivités locales soit un effort partagé, solidaire et responsable, c’est-à-dire juste et équilibré.

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 et le projet de loi de finances pour 2013 s’inscrivent précisément dans cette perspective. Ils confirment pour 2013 la reconduction en valeur des concours financiers versés en 2012, pour un total de 50, 53 milliards d’euros. Et, précisons-le, le Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, sera bien évidemment exclu de cette enveloppe gelée en valeur.

Cette première mesure constitue une réelle marque de soutien aux collectivités locales dans l’élaboration de leurs budgets, qui pourra s’effectuer en 2013 selon les mêmes bases de concours qu’en 2012.

La deuxième mesure consiste à diminuer les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales de 750 millions d’euros par an en 2014 et en 2015, soit une baisse totale de 2, 25 milliards d’euros sur les années 2013, 2014 et 2015.

Une telle disposition est en rupture totale avec l’objectif annoncé par Bruno Le Maire lors de la présentation du programme présidentiel du candidat Nicolas Sarkozy, le 15 décembre 2011. Il était tout simplement proposé de réduire les concours financiers aux collectivités locales de 2 milliards d’euros par an sur la durée du quinquennat, soit une baisse de 12 milliards d’euros, en cumulé, pour la seule période 2013-2015.

Entre les 2, 25 milliards d’euros de réduction annoncés par l’actuel gouvernement et les 12 milliards d’euros de baisse « prévus » par l’ancien gouvernement, on peut mesurer toute la différence…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Berson

… de traitement des collectivités territoriales.

Sans l’élection d’une nouvelle majorité, le désengagement financier de l’État aurait été massif, aveugle, désastreux, dans une période où il faut relancer l’activité économique et l’investissement public, dont, je le rappelle, les collectivités territoriales assurent plus de 70 %.

Dès lors, les critiques que l’actuelle opposition formule à l’endroit du présent projet de loi de programmation sont pour le moins étonnantes.

Par exemple, n’a-t-on pas entendu un sénateur UMP déclarer en commission des finances le 31 octobre dernier que la « diminution des concours de l’État » aux collectivités territoriales ébranlerait « encore davantage » – cela sous-entend que c’était déjà le cas auparavant – « leurs budgets » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Berson

Ce sénateur concluait en indiquant que, pour ces raisons, il ne pourrait pas « voter une telle loi de programmation ».

De telles critiques témoignent soit d’un réel manque de cohérence, soit d’une mauvaise foi flagrante. Cette attitude, diamétralement opposée à ce que l’on avait l’habitude d’entendre voilà quelques mois encore, montre que l’actuelle opposition, hier chargée de la gestion de l’État, n’a toujours pas de cap pour nos finances publiques. §

La troisième mesure sur laquelle il convient d’insister concerne la péréquation verticale et horizontale, qui, je le sais, soulève des débats.

La péréquation sera approfondie dès 2013, ce qui permettra de renforcer la solidarité entre les territoires et de rendre la participation des collectivités au redressement des comptes de la nation plus équitable.

Mes chers collègues, les temps changent. Un climat de confiance est en train de naître entre l’État et les collectivités locales. §

Ainsi, l’article 12 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 prévoit d’associer les collectivités locales aux modalités de répartition des concours financiers de l’État.

Un pacte de confiance et de solidarité permettra d’engager une concertation, puis d’alimenter la réflexion sur les modalités de répartition des concours de l’État entre les différentes catégories de collectivités locales.

Voilà qui marque le retour d’une relation équilibrée entre l’État, le Parlement et les collectivités locales. Cela s’inscrit dans une logique partenariale, réaffirmée depuis plusieurs mois par la tenue des états généraux de la démocratie territoriale au Sénat, par l’annonce par le Président de la République de la création d’un « Haut conseil des territoires », ainsi que, récemment, le 27 septembre

M. Francis Delattre sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Berson

Nous constatons que la démarche du Gouvernement est à l’opposé de ce qui se pratiquait hier. Faut-il évoquer la suppression de la taxe professionnelle, qui a été engagée de manière brutale ? §Faut-il rappeler les différentes conférences des déficits publics, qui n’ont pas cessé d’accuser les collectivités locales de remettre en cause leur principe d’autonomie financière et de dénoncer une gestion prétendument dispendieuse des collectivités locales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Berson

… le redressement des finances publiques dans la justice qui est engagé.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Berson

Aujourd'hui, nous voulons tout mettre en œuvre pour retrouver notre souveraineté face aux marchés.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier les intervenants qui ont bien voulu participer à ce débat.

Tous les propos tenus ne rencontrent pas ma totale approbation.

M. François Trucy s’esclaffe.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac

Certains orateurs, très nombreux, m’ont fait le plaisir de soutenir à la fois, me semble-t-il, la trajectoire de retour à l’équilibre de nos finances publiques et, plus généralement, la politique du Gouvernement.

Je n’ai pas retrouvé ce soutien dans les propos de M. le président de la commission des finances. Le contraire eût été surprenant. Je souhaiterais néanmoins répondre à quelques-unes de ses critiques, en espérant peut-être, ce faisant, qu’il les reprenne plus tard de manière moins virulente. §

D’abord, sur la forme, je comprends ses remarques quand il indique que la donne peut sembler avoir changée depuis peu. Mais de là à en déduire que l’affaire serait sans précédent et qu’il faudrait – d’autres ont repris cet argument à leur compte – revoir sans délai le projet de loi de programmation des finances publiques, il y a peut-être un pas à ne pas franchir.

D’autant que, à la fin de l’année 2008, le projet de loi de finances pour 2009 n’était pas encore voté que le Parlement était déjà saisi d’un projet de loi de finances rectificative…

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

La loi de finances initiale fut votée par le Parlement alors que le projet de loi de finances rectificative, qui allait modifier assez sensiblement les choses – vous étiez rapporteur général à l’époque, monsieur Marini –, avait déjà été déposé devant le Parlement. Et la majorité de l’époque, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, a fait comme si le projet de loi de finances initiale pour 2009 était bien celui qui serait non seulement voté – cela va de soi –, mais aussi exécuté. Tout le monde savait pourtant qu’il n’en serait rien.

Je ferai également une observation sur les efforts des uns et des autres pour ramener le déficit public à 4, 5 % en 2012, en espérant, là encore, que cela permette d’atténuer certaines critiques.

C’est effectivement la majorité précédente qui a fixé l’objectif des 4, 5 %. Ce faisant, la parole de la France s’est trouvée engagée. Et nous avons à cœur de la respecter.

Je le rappelle, selon le rapport de la Cour des comptes de l’été dernier, toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire en ne tenant compte que des mesures votées par la majorité précédente, la parole de la France n’aurait pas été tenue.

Les débats parlementaires l’ont d’ailleurs bien montré. Tout le monde était d'accord pour constater qu’il s’en fallait de beaucoup, pratiquement de 0, 5 point de PIB. Le projet de loi de finances rectificative s’imposait donc. Et le débat a porté moins sur la nécessité d’une action supplémentaire que sur ses modalités.

Vous aviez regretté qu’il n’y ait pas davantage d’économies sur les dépenses. Mais vous-même et tous ceux qui, dans cette enceinte, sont rompus aux débats sur les finances publiques savez très bien qu’il est tout simplement impossible de réaliser près de 10 milliards d’euros d’économies en quelques semaines, surtout en cours d’année ! Quand les dépenses sont engagées, quand les coups sont partis, il faut courir très vite, plus que nous tous réunis, pour les rattraper !

Soyons donc raisonnables. Certains ont d’ailleurs lancé des appels à la raison, voire à la modestie. Je voudrais à mon tour lancer un appel à la modestie : convenons-en, pour respecter la parole donnée par la France, il n’y avait cet été pas de solution autre que celle que le Gouvernement a proposée.

Des critiques plus ponctuelles ont été faites.

D’abord pour indiquer, m’a-t-il semblé, que toutes les mesures déjà prises n’allaient toucher que les classes moyennes ou, peut-être, l’ensemble des Français. Cela n’est pas tout à fait exact. Je prendrai deux exemples.

En ce qui concerne le régime social des indépendants, déplafonner les cotisations, c’est-à-dire demander à ceux qui gagnent plus de 180 000 euros par an de bien vouloir cotiser sur le surplus et au-delà de cette somme, ne me semble pas relever de l’injustice la plus criante. Elle m’apparaît plutôt comme une nécessité, celle de l’effort partagé dans la justice. D’autant que cette réforme du régime social des indépendants fait tout de même plus de 4, 5 millions de gagnants, je veux parler de ceux qui ont un chiffre d’affaires inférieur à 36 000 euros et qui verront leurs cotisations diminuer. Sans doute faut-il appréhender avec un peu plus d’objectivité l’effort demandé aux uns et la concession légitime faite aux autres. Rien de tout cela ne me paraît mériter des critiques trop sévères.

La même remarque vaut pour les donations. À mes yeux, nous sommes finalement parvenus à un point d’équilibre acceptable. En 2007, avant le paquet fiscal, on pouvait donner sans acquitter de droits de donation 50 000 euros par parent et par enfant tous les six ans. Nous en sommes maintenant à 100 000 euros par parent et par enfant tous les quinze ans. Je ne crois pas que cette disposition qui, objectivement, est un peu plus dure que celle à laquelle la majorité précédente était arrivée à la suite du paquet fiscal – 150 000 euros par parent et par enfant et tous les six ans ! – soit critiquable. Il me semble, au contraire, que le cheminement qui fut celui du Parlement, au gré d’une alternance politique, était souhaitable.

Des critiques ont également été formulées sur le taux de croissance retenu par le Gouvernement. Il s’agit d’un débat classique. Membre de l’opposition, j’ai suffisamment nourri ce débat pour ne pas en vouloir à ceux qui, à leur tour, décident de l’enrichir. Je ferai simplement remarquer que les parlementaires de l’opposition à l’Assemblée nationale, en tout cas ceux qui sont membres de la commission des finances, ont décidé par principe de ne pas contester ce taux de croissance, estimant qu’il n’était pas absurde. On sait ce qu’il en est du consensus des économistes, qui n’est qu’une moyenne des prévisions faites par les différents économistes consultés. Cette moyenne prend en compte des prévisions présentant des écarts considérables, puisque certains envisagent une récession de 0, 7 %, alors que d’autres tablent sur une croissance de 1, 3 %. La moyenne s’établit à 0, 3 %. Prendre pour référence le taux de 0, 8 %, en dépit des prévisions de la Commission, qui ne tient évidemment pas compte du paquet « compétitivité », est de bonne pratique parlementaire lorsque le débat doit avoir lieu. Pour autant, le taux de 0, 8 % me paraît vraisemblable.

Quant au taux de 2 % envisagé à terme, il me paraît également raisonnable. C’est plutôt moins que ce que notre pays a pu constater dès lors qu’il parvenait à sortir de la crise, de la récession ou de la stagnation. Ce chiffre est étayé par les chiffres de croissance potentielle qui sont les nôtres : de mémoire, 1, 6 % à partir de 2015. C’est d’ailleurs également le chiffre retenu par la Commission et par la Direction du Trésor. Aujourd’hui, il peut être assumé par le Gouvernement, au nom duquel je m’exprime.

On a aussi critiqué la répartition de l’effort. Là encore, c’est de bonne guerre, vous avez indiqué que l’affirmation selon laquelle seul un Francais sur dix, un ménage sur dix, devrais-je dire, serait concerné méritait d’être nuancée. Elle l’a été, puisque ce que l’on peut affirmer n’est pas exactement cela mais s’en rapproche : 90 % de l’effort, au regard des mesures qui sont comprises dans la loi de finances initiale et dans la loi de financement de la sécurité sociale, est assumé par 10 % des foyers fiscaux.

Quant aux mesures relatives aux entreprises, je rappelle qu’elles ont été saluées par votre homologue de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Gilles Carrez, qui a estimé qu’elles étaient nécessaires. En tout cas, à l’Assemblée nationale, la majorité précédente avait œuvré pour restaurer l’assiette de l’impôt sur les sociétés qui s’évaporait au travers de dispositifs parfaitement légaux, qu’il s’agisse notamment du report en avant des déficits et de l’imputation de déficits contractés peut-être ailleurs qu’en France. Tous ces dispositifs ont abouti à un formidable paradoxe : les entreprises du CAC 40 n’ont contribué en 2010 – c’est la dernière année parfaitement connue – que pour un peu moins de 3, 5 milliards d’euros aux recettes de l’impôt sur les sociétés sur les 45 milliards d’euros récoltés cette année-là, les deux tiers de ces 3, 5 milliards étant assumés par des entreprises publiques. Cela signifie donc que les grandes entreprises parvenaient, et parviennent encore puisque la loi n’est pas encore promulguée, à faire s’évaporer de façon suffisamment massive les profits réalisés pour n’avoir plus à payer d’impôt sur les sociétés. La restauration de ces assiettes permettra de financer des mesures favorables à d’autres entreprises qui, peut-être moins armées pour utiliser le plus légalement du monde toutes les finesses d’une fiscalité que le Parlement a su élaborer, ont clairement besoin d’être aidées.

Enfin, j’ai bien entendu votre remarque sur l’amendement déposé par le Gouvernement. Selon moi, il ne contrevient pas à la nécessité de voir l’Assemblée nationale saisie en premier des dispositions de lois de finances. Le projet de loi de financement pluriannuel n’est pas une loi de finances, et je ne crois donc pas que cet amendement fasse courir le moindre risque d’inconstitutionnalité au texte que le Sénat s’apprête à examiner.

Qu’il me soit permis de formuler encore trois remarques.

Premièrement, il y a une différence assez sensible entre ce que nous proposons et ce que vous aviez voté et défendu, je veux parler de ce que vous appeliez « la TVA sociale ». Nous, nous ciblons les allégements de charges jusqu’à 2, 5 SMIC, ce qui nous paraît une bonne façon d’intégrer de manière préférentielle l’industrie puisque la grande majorité des salaires de l’industrie se situe entre 1, 6 et 2, 5 SMIC. C’est donc la bonne mesure à prendre si l’on souhaite aider ce secteur.

Deuxièmement, vous avez regretté que les taxes affectées ne comprennent pas en leur sein celles qui sont relatives au Centre national du cinéma, le CNC. C’est un débat que les spécialistes connaissent bien. Nous savons les innombrables ressorts que les défenseurs de cette belle activité industrielle sont capables de faire jouer pour obtenir année après année et, je dois le reconnaître, majorité après majorité que le CNC prospère, avec un fonds de roulement de plus de 800 millions d’euros, des taxes affectées d’à peu près la même somme et une politique immobilière étrange…

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

… qui fait que le CNC, bien que disposant d’une réserve de trésorerie pour l’achat immobilier, emprunte, d’ailleurs à un taux plus élevé que ce que lui rapportent ses 23 millions d’euros de trésorerie, quand il les place. Il s’agit d’un curieux choix financier, qui ne peut que susciter l’étonnement quand on sait que le directeur du CNC est un ancien inspecteur des finances. Peut-être a-t-il oublié certaines règles élémentaires en changeant de fonction ?

Il est vrai que le CNC ne fait plus partie des opérateurs dont les taxes affectées sont plafonnées. Pour autant, quand nous sommes arrivés aux responsabilités, le montant des taxes affectées aux opérateurs était de 3 milliards d’euros. Si la loi de finances initiale est votée telle que le Gouvernement le souhaite, le montant de taxes affectées s’élèvera à 4, 5 milliards d’euros. Un facteur multiplicateur de 1, 5 d’une année sur l’autre, monsieur le président de la commission des finances, nourrit peut-être quelques regrets chez vous, mais ne devrait pas appeler de critiques trop virulentes dès lors que les choses sont examinées avec un peu d’objectivité.

Quant au solde, il sera maintenu. Les annonces faites par le Gouvernement hier, dont j’aurai naturellement à m’expliquer, ne remettent pas en cause ce solde. Là est l’essentiel.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

D’autres parlementaires ont repris vos critiques sur les éléments relatifs à la compétitivité.

Certes, monsieur Delattre, nous souhaitons prélever 10 milliards d’euros sur les entreprises. Prétendre qu’au fond on prélèverait ce que l’on s’apprête à rendre, c’est méconnaître que ceux qui sont sollicités ne sont pas ceux qui seront aidés, sauf à feindre d’ignorer ce que sont lesdites mesures de prélèvement, qui sont d’ailleurs, pour l’essentiel, sinon exclusivement, des mesures d’assiette ne concernant que les grandes entreprises. J’en ai dit un mot tout à l’heure.

La vérité, qu’il s’agisse de la loi de finances rectificative, de la loi de finances initiale ou de la loi de financement de la sécurité sociale, est que les PME et les ETI, les entreprises de taille intermédiaire, sont scrupuleusement préservées des mesures de prélèvement. Le dispositif pour les jeunes entreprises innovantes est maintenu, de même que l’ISF-PME. L’avantage au titre de l’impôt sur le revenu de la loi Madelin est lui aussi préservé. Tous ces dispositifs concernent les petites et moyennes entreprises. Les fonds communs de placement sont également préservés. Cela représente plusieurs centaines de millions d’euros chaque année. Ces dispositifs, objectivement, préservent les PME et les ETI ; j’aurais du mal à imaginer qu’ils soient critiqués sur certaines travées puisque c’est précisément de ces travées que la plupart d’entre eux émanent.

Aussi, je ne crois pas que l’on puisse retenir l’argument des 10 milliards d’euros prélevés puis rendus. Les bénéficiaires ne sont pas les payeurs. Nous consentons un effort tout à fait légitime et nécessaire en faveur des PME et des ETI.

D’autres intervenants ont souhaité aborder des sujets différents.

M. Bocquet a remis en cause les économies qui sont réalisées. Le Gouvernement a fait un choix politique, celui de ne pas juger raisonnable un ajustement des finances publiques de l’ampleur que nous connaissons en n’utilisant que le levier de la fiscalité. Je peux comprendre que l’on critique ce choix, mais il faut, selon moi, bien prendre conscience que l’effort fiscal que nous demandons au pays est important. Il est d’ailleurs tellement important qu’il est comparable à celui qui fut demandé par la majorité précédente. Un article récent, datant d’une quinzaine de jours, du journal Les Échos, qui n’est pas connu comme l’un des soutiens les plus acharnés à la politique de l’actuel gouvernement, faisait remarquer qu’entre les plans Fillon 1, Fillon 2 et les mesures votées en loi de finances initiale le gouvernement précédent et la majorité précédente avait consenti un effort fiscal de l’ordre de 30 milliards d’euros, et que le gouvernement actuel, au travers des différentes lois de finances et de financement, s’apprêtait à consentir un effort comparable en recettes.

Il fallait donc faire cet effort de 55 à 60 milliards d’euros. D’une certaine manière, peut-être pourrons-nous les uns et les autres nous rassurer en constatant que chacun aura pris la part qui lui revient de cet effort, l’opposition jouant naturellement son rôle chaque fois qu’une majorité propose et adopte quelques mesures difficiles. Évidemment, il n’est jamais agréable d’augmenter les impôts. Solliciter les ménages ou les entreprises n’est pas chose plaisante. On sait ce que cela suppose d’efforts de la part des uns et des autres. Pour autant, il faut malheureusement en passer par là, car ceux qui imaginaient que, année après année, endettement supplémentaire après endettement supplémentaire, les choses pourraient se régler comme par magie ou ne pas se régler et continuer de la sorte se trompaient.

Il est incontestable que les impôts de cette année comme ceux de l’année prochaine résultent clairement des endettements successifs. Tous les gouvernements y ont contribué. On peut néanmoins constater que certains y ont contribué plus que d’autres. Je rappelle qu’entre 2002 et 2012 le stock de dette a doublé ; or notre pays n’a pas connu la crise pendant ces dix années. À tout le moins peut-on regretter sur certaines travées les 300 milliards d’euros de dette supplémentaire contractée entre 2002 et 2007 sans que la crise puisse expliquer quoi que ce soit.

Si nous n’avions pas ces 300 milliards d’euros dans notre stock de dette, convenons-en, la situation de notre pays serait plus simple et ni vous, mesdames, messieurs les parlementaires de l’opposition, ni vous, mesdames, messieurs les parlementaires de la majorité de la gauche ou gouvernementale, n’auriez eu à vous poser la question d’une augmentation d’impôt. De telles augmentations, on le voit, sont toujours difficiles à décider, délicates à voter et compliquées à assumer quand il peut nous en être fait reproche.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Nous ne contestons pas l’augmentation des impôts en soi, mais l’usage qui en est fait.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Ces augmentations d’impôts servent clairement à rétablir l’équilibre des finances publiques, pour des raisons parfaitement assumées. En effet, nous estimons que dès lors que l’on souhaite que la France continue à parler haut et fort et à être entendue dans le concert des nations – il me semble que c’est un souhait partagé par tous –, il lui faut mettre de l’ordre dans ses comptes publics, sauf à constater la situation que nous connaissons depuis quelques années, un affaiblissement de notre parole en Europe et plus généralement dans le monde, précisément parce que nos comptes et notre économie vont mal. La puissance d’un pays ne se juge pas uniquement au nombre de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, …

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

… pas davantage à un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, elle se juge aussi à la force de son économie et à la puissance de son industrie. Or nous en sommes là, à restaurer la puissance de notre économie et celle de notre industrie, qui complètera heureusement ce que la tradition depuis près de cinquante ans a permis à la France d’avoir, c'est-à-dire une capacité de dissuasion faisant de notre pays une des grandes puissances du monde et une des grandes économies, même si, constatons-le, parmi les forts nous sommes désormais devenus faibles, et cela, quels que soient les choix politiques que l’on peut faire, n’est évidemment pas acceptable.

Ces mesures relatives à la compétitivité, que M. Bocquet a un peu critiquées par anticipation, ne seront pas totalement sans contrepartie. Il existe des dispositions qui ne relèvent pas de la compétitivité prix, mais qui sont prévues dans le plan présenté par le Premier ministre et dont le Parlement sera bien sûr saisi, en début d’année prochaine, je vous le confirme, monsieur le président de la commission des finances.

Ces mesures permettront de disposer d’un certain nombre de garde-fous afin d’éviter que l’effort que la nation s'apprête objectivement à consentir pour l'économie, c'est-à-dire pour les entreprises et, partant, pour les salariés, ne soit mal utilisé par certains chefs d'entreprise, auxquels il n’est pas destiné. En effet, si les entreprises vont mal, il sera difficile de les sauver et, par conséquent, de faire refluer le chômage. Chacun sait bien ce qu’il en est à cet égard.

M. Aymeri de Montesquiou considère que ceux qui sont au pouvoir depuis cinq mois sont responsables du bilan que nous faisons de la situation de notre pays ; d’autres intervenants ont feint de penser la même chose. Nous aurions vraiment fait preuve de beaucoup de maladresse et d'une rare incompétence si, en cinq mois, on pouvait nous reprocher 900 milliards d'euros de déficit supplémentaire, 3 millions de chômeurs, 73 milliards d'euros de déficit commercial, une hausse incontestable de la dépense publique rapportée au PIB et des prélèvements obligatoires.

Sommes-nous responsables de cette situation, que chacun connaît, de par les cinq mois qui nous voient responsables des affaires de ce pays ? Poser la question, c'est évidemment y répondre.

Je comprends bien l'art politique qui consiste à décrire une situation regrettable en faisant comme si ceux qui sont au pouvoir en portent l'entière responsabilité, mais chacun sait bien ce qu'il en est en réalité. Il n'est peut-être pas indispensable que je revienne sur les responsabilités précises des uns et des autres, qu’il s’agisse de ceux qui étaient au pouvoir entre 2002 et 2007 ou de ceux qui le furent entre 2007 et 2012. Ce qui est vrai, c'est que des décisions ont été prises, des engagements souscrits, notamment en termes de stabilité fiscale, en particulier à l'égard des entreprises. Nous devrons tenir ces engagements, car la visibilité à moyen et à long terme est un élément de compétitivité pour les entreprises. On peut regretter tel ou tel aspect de la fiscalité, mais chacun s'accorde à reconnaître que la stabilité, quel que soit son point d’équilibre, est un élément nécessaire à notre compétitivité.

M. Jean-Michel Baylet a souhaité que le Gouvernement reprenne à son compte un certain nombre de propositions, notamment en matière de baisse d’impôt sur les sociétés. Si cette mesure ne figure pas dans le plan de compétitivité, elle a néanmoins été annoncée de manière assez forte par le Président de la République devant les responsables d’OSEO. Il serait intéressant, me semble-t-il, de la mettre en œuvre, peut-être dans un autre cadre. D’ailleurs, c’était un engagement du candidat aujourd'hui Président de la République. J’imagine assez mal que cet engagement ne soit pas tenu.

Monsieur Placé, vous avez indiqué au début de votre propos que la croissance serait de 0, 8 % en 2013 et de 2 % en 2014. Ces chiffres, que je confirme, sont réalistes et volontaristes, pour les raisons que j’ai indiquées tout à l’heure ; 2 %, c’est raisonnable car, je le répète, c’est moins que ce que notre pays a pu faire en sortie de crise, c'est-à-dire après une récession ou une stagnation, des épisodes que notre pays a déjà malheureusement connus. Je ne crois donc pas que ce soit exagérément optimiste. D’ailleurs, par rapport au consensus des économistes, nous ne sommes pas si déraisonnables que cela, et pas davantage par rapport à la Commission européenne ou au FMI.

Nous croyons à notre capacité de résoudre la crise, notamment européenne. Je l'ai dit, des décisions fortes ont déjà été prises depuis plusieurs mois. Je pense au plan de relance, qui va être mis en œuvre par la Banque européenne d'investissement – 240 milliards d'euros. Je pense également aux décisions de la Banque centrale européenne, qui a lancé un programme de rachat des dettes à court terme de certains États. Je pense encore à la mise en œuvre du Mécanisme européen de stabilité, ou à la décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, qui a totalement validé les positions de l'Allemagne, dont nous connaissons l'importance dans la conduite des politiques européennes. Tous ces éléments invitent à un optimisme raisonnable, en tout cas certainement pas au pessimisme.

Quant à la fiscalité écologique, le plan « compétitivité » annonce clairement un chantier, puisqu’il s’agit d'élaborer d’ici à 2015 une fiscalité écologique d’un rendement important, non pas parce que la fiscalité écologique se doit d'avoir un fort rendement – après tout, c'est le propre de toute fiscalité ! –, mais parce que cela sera le signe qu'une politique incitative forte est mise en œuvre pour assurer la transition écologique, qui est l’un des engagements de campagne du Président de la République.

Je voudrais par ailleurs rectifier un effet d'affichage concernant les crédits de la mission « Écologie ». La lecture des documents budgétaires laisse à penser que ceux-ci baissent de 11, 4 %. En réalité, il faut tenir compte de l'affectation par la loi de la fameuse taxe poids lourds, qui entraîne une diminution à due concurrence des crédits budgétaires. Ces crédits ne baissent pas dans la proportion que vous avez indiquée, monsieur Placé, mais de moins de 1 %. J'espère avoir eu raison des inquiétudes que vous avez pu manifester, lesquelles m’ont permis – et je vous en remercie d'ailleurs – d’apporter cette correction en valeur. Le ministère de l’écologie est certes soumis à la norme « zéro valeur », mais les crédits, je le redis, ne baissent pas de 11, 4 %. En réalité, en faisant masse de l'ensemble, notamment des taxes affectées, ils augmentent de 3, 7 %.

Monsieur Delattre, vous avez été bien sévère avec la politique du Gouvernement, …

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

… mais nous y sommes habitués. Et c'est parce que vous êtes très modeste que vous protestez !

Vous me faites penser, malgré vous, à un dessin humoristique §paru voilà quelques mois dans un grand journal du soir.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Au fond, c'est ce que vous nous avez dit. Alors que nous avons le même but – la réduction des déficits –, vous nous expliquez que notre méthode n’est pas du tout la bonne. J'ai quand même envie de vous rappeler que vous avez soutenu un gouvernement – j'ignore si vous avez approuvé les modalités qu’il avait choisies pour réduire le déficit –…

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

… dont on ne peut que constater que, au regard du bilan des cinq dernières années – je n’ose parler des dix dernières ! – le chemin qu’il a suivi n’était pas le bon.

J'espère que mon humour ne vous a pas froissé, mais vous m’avez vraiment fait penser au personnage de ce dessin : vous êtes d'accord pour réduire les déficits, comme pour faire un barbecue, mais pas de cette façon-là ! Encore que, si vous faites un barbecue, nous serons peut-être d’accord quand je viendrai vous dire que c’est exactement ainsi qu’il faut s’y prendre, espérant de cet accord pour cette activité essentielle du week-end tirer de votre part un accord pour l’activité essentielle de la semaine qui nous réunit quand il s’agit de parler de finances publiques ! §

Sur la politique économique, vous avez mis l'accent sur les taux d'emprunt que notre pays connaît aujourd'hui pour vous féliciter – et vous avez bien raison – de leur valeur actuelle. Là encore, on voit bien quelle aurait été l’argumentation : les taux sont bas, c'est grâce à la politique que vous avez soutenue ; les taux seraient élevés, ce serait la conséquence de décisions que nous aurions prises.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Je n'imagine pas que vous puissiez dire l'inverse : si les taux sont bas, c'est grâce aux politiques que nous menons, en dépit de celles que vous avez soutenues.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Merci à M. Jean-Pierre Caffet de ses propos et de son soutien à ce projet de loi et, plus généralement, à la politique du Gouvernement ! C'est à juste titre qu’il a rappelé ce que s'apprêtait à être l'effort de la puissance publique en matière de dépenses. Je le rappelle, entre 2002 et 2007, la dépense publique a augmenté chaque année de 2, 3 % et, entre 2007 et 2012, la hausse en moyenne par an a été de 1, 7 %.

Dans le texte qui vous est soumis, l'évolution sera au plus de 0, 7 % par an. Elle sera moindre si le projet de loi portant réforme de la compétitivité était adopté. En effet, il prévoit une économie supplémentaire de 10 milliards d'euros, ce qui conduirait à passer de 0, 7 % à probablement 0, 6 %.

Nous nous apprêtons à dépenser durant cette mandature beaucoup moins que nos prédécesseurs au cours des dix dernières années. Ils ont pourtant beaucoup parlé de la maîtrise de la dépense publique, en indiquant que cette dépense devait diminuer. Finalement, ce seront peut-être leurs successeurs qui vont vraiment la mettre en œuvre, pour des raisons que nous assumons parfaitement. Il est effectivement temps de mettre un terme à l'assèchement des liquidités sur les marchés, afin que celles-ci puissent être investies dans le secteur productif et cessent d'être consommées pour financer, par exemple, des frais de fonctionnement que les générations futures n’ont pas à acquitter via le remboursement d'une dette.

Monsieur de Montgolfier, vous avez estimé que le projet de loi de programmation était caduc. Je l’ai déjà rappelé, le précédent de 2009 devrait inciter à être un peu moins sévère : la loi de finances rectificative était intervenue avant même que la loi de finances initiale soit votée. En l’occurrence, nous ne sommes pas, pour notre part, tombés dans ce qui à l’époque fut présenté comme une caricature du travail du Gouvernement et de la manière dont il traitait le Parlement.

Quant à l'équilibre entre les recettes et les dépenses, je ne crois pas qu'il y ait un véritable débat de fond entre nous dès lors que l’on accepte de mettre les choses en perspective. C'est le FMI, et non le Gouvernement, qui avance que l'augmentation d'impôts est plutôt moins récessive à très court terme, c'est-à-dire d'une année sur l'autre, et que la réduction de la dépense est évidemment préférable sur le moyen et le long terme. C'est exactement ce que nous faisons !

Pour éviter une croissance décevante l'année prochaine, nous avons préféré demander un effort fiscal. La stabilité sera la règle ensuite, et ce sont les économies dans la dépense qui prendront le relais de l'effort d'ajustement budgétaire pour arriver, en fin de mandature, à un ajustement d'une centaine de milliards d'euros, 50 milliards d’euros de fiscalité et 50 milliards d’euros d’économies de dépense. En réalité, les économies seront plus importantes si l’on tient compte des 10 milliards d’euros annoncés par le Premier ministre dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.

L'effort est assez équilibré.

M. Albéric de Montgolfier s’exclame.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ai alors eu le plaisir d’évoquer une disposition que vous aviez peut-être votée, monsieur de Montgolfier, la taxation des poissons, crustacés et mollusques. Avouez qu'il faut beaucoup d'imagination pour en arriver là, même si l’assiette étant alors très large, elle serait tentante !

Sourires

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Monsieur Germain, merci pour les propos que vous avez tenus ! §Merci d’assumer la politique que le Gouvernement a annoncée et d'avoir rappelé cette vérité forte : c’est aujourd'hui que nous devons faire un effort si l'on veut préparer l'avenir ! Le rétablissement d'un emploi satisfaisant dans notre pays est un objectif qui nécessite d’en passer par là. Merci d’avoir indiqué que la consolidation de notre modèle social suppose précisément les efforts que vous avez, me semble-t-il, a priori approuvés. J'ai été bien sûr très sensible à vos propos.

J’ai trouvé M. Jean Arthuis assez sévère, mais il en a l’habitude ! Il l’a été – ô combien ! – avec le gouvernement précédent ; il l’est avec l’actuel Gouvernement. Je lui reconnais une vraie constance, sinon dans la sévérité, en tout cas dans les propos qu’il tient et qui, en aucune manière, ne peuvent être jugés de circonstance.

Monsieur Arthuis, vous avez fait une remarque que je me dois absolument de relever.

Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, CICE, prévu dans le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, serait, si j’ai bien compris votre raisonnement, une créance qui dégraderait le déficit public au moins en 2013.

Je ne crois pas que ce sera le cas. En effet, le crédit d’impôt que nous nous apprêtons à proposer est calqué sur un précédent : le crédit d’impôt recherche. §La créance qu’auront les entreprises au regard de la mesure que nous proposons et celle qu’ils font valoir auprès de l’État quand ils investissent et font de la recherche sont de nature rigoureusement identique.

Or, nous le savons bien, la créance au titre du crédit d’impôt recherche ne dégrade pas le déficit public, ni de l’État ni des autres administrations publiques.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

L’argument qui m’a été objecté par M. Arthuis consiste effectivement à indiquer que le crédit d’impôt recherche représente, à terme, de 5 milliards à 6 milliards d’euros, alors qu’il s’agit, pour le crédit d’impôt que nous proposons, de 20 milliards d’euros.

En matière de finances publiques, de deux choses l’une : on estime qu’une créance s’impute, c’est-à-dire qu’elle doit donc être comptabilisée en déficit public, soit du fait de son niveau, soit du fait de sa nature. Mais on ne peut pas dire qu’elle ne s’impute que si elle dépasse un certain seuil. En effet, quel est alors ce seuil ? Bien malin qui pourrait le fixer !

En vérité, il s’agit d’une créance qui s’impute du fait de sa nature. Or la nature du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et celle du crédit d’impôt recherche sont rigoureusement les mêmes. Ce dernier n’ayant pas dégradé le déficit public ces dernières années, le crédit d’impôt que nous proposerons ne le dégradera pas davantage !

À cette raison qui ne relève que d’un raisonnement analogique, j’ajouterai une raison technique assez simple : le crédit d’impôt n’a pas d’effet sur le déficit de l’année courante. En effet, c’est une créance qui n’est constatée qu’après la clôture de l’exercice. Il n’y a aucun impact ni en caisse, ni en trésorerie, et donc ni sur le déficit budgétaire, ni sur le déficit maastrichtien.

Enfin, la nature des deux crédits d’impôt étant la même, je rends hommage à l’astuce dont ont fait preuve celles et ceux qui avaient imaginé le crédit d’impôt recherche et que nous nous permettons de reprendre à notre compte. Je rends donc hommage non aux actuels gouvernants, mais à ceux qui les ont précédés !

MM. Albéric de Montgolfier et Éric Doligé applaudissent

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

J’espère que, ce faisant, les choses sont désormais claires et que je suis parvenu à calmer les inquiétudes de M. Arthuis que je savais nourries à sa sincérité la plus parfaite.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Monsieur Arthuis, je ne suis pas vraiment surpris de vous entendre dire cela, car je vous connais un peu. Nous aurons ce débat, n’en doutez pas !

Ce dispositif – car ce fut une autre de vos critiques – est-il très compliqué ? Non, je ne le crois pas. Baisser directement les charges sociales pouvait se heurter à une difficulté : la nature des charges sociales « obligatoires » ou « conventionnelles. Si nous n’avons pas voulu le faire, c’est précisément pour éviter d’avoir à nous poser la question des cotisations relevant de décisions de partenaires sociaux, tels que l’Agirc-Arrco ou d’autres.

Par conséquent, c’est bien le dispositif que nous proposons qui est le plus simple, d’autant qu’il permet de cibler, sur une distribution de revenus, jusqu’à 2, 5 SMIC. En nous inspirant d’un dispositif astucieux, nous avons plutôt fait quelque chose qui s’avérera utile.

Je voudrais remercier M. Jacques Mézard pour les propos qu’il a tenus et lui préciser qu’effectivement la péréquation sera une préoccupation ; elle est d’ailleurs doublée dans le projet de loi de finances initial.

Son appel à un effort maintenu et amplifié sur les niches fiscales rencontre un écho tout à fait favorable au sein du Gouvernement, puisque l’année prochaine, au-delà de l’affectation et du plafond des taxes dont j’ai déjà parlé, il sera tout à fait nécessaire de mener un travail sur les niches fiscales. Nous avons commencé et nous continuerons année après année, je l’espère, avec un succès qui ne se démentira pas.

Je remercie également M. Jacques Mézard pour la précision qu’il a bien voulu apporter, à savoir que, si le redressement est nécessaire, nous nous efforçons, de bonne foi et je l’espère avec succès, de le faire sans insulter la justice, c’est-à-dire en demandant à ceux qui le peuvent de contribuer à cet effort dans la mesure précisément de leurs moyens.

M. Dominique de Legge m’a appelé à prendre en compte l’impact des normes sur les dépenses. Oui ! C’est un problème qui n’est pas ancien ; je me souviens même d’un chef de l’État appelant à un moratoire sur les normes et, à la suite de cette décision, des propos du président de la Commission consultative d’évaluation des normes indiquant que ladite commission n’avait jamais examiné autant de normes !

Des engagements ont été pris en la matière par le Président de la République, par le Premier ministre, et je crois qu’ils seront tenus. Nous sommes tous sensibles à cet aspect des choses, car tous, peu ou prou, avons exercé des responsabilités locales et savons donc très bien ce qu’il en est.

Je crois vous avoir répondu quand j’ai indiqué ce qu’il fallait penser de la modification introduite récemment. Elle ne compromet pas, je crois, le projet de loi de programmation des finances publiques que je vous propose dans la mesure où le solde ne sera pas changé et où des précédents existants me paraissent beaucoup plus caricaturaux que celui-là.

Je remercie M. Michel Berson d’avoir rappelé que l’effort partagé demandé aux collectivités restera mesuré. C’est ce que le Gouvernement s’est engagé à faire : « zéro valeur » l’année prochaine pour les dotations sous plafond, puis 750 millions d’euros en 2014 et 750 millions en 2015, soit 1, 5 milliard d’euros en trois ans. Je crois que c’est raisonnable.

Prenons bien conscience que l’État seul ne peut, par la réduction de ses dépenses seulement, parvenir à l’ajustement budgétaire, via les économies ou la maîtrise de la dépense. C’est demander une chose que je crois impossible ! Un effort partagé est évidemment tout à fait nécessaire et, parce qu’il sera partagé, il doit évidemment être discuté au préalable avec les uns et les autres. C’est ce que nous avons fait et continuerons de faire, vous le savez bien.

Quant à la péréquation, je vous le redis, elle sera multipliée par deux par rapport à 2012. Cela figure dans le projet de loi ; je pense que vous en avez pris connaissance, puisque les documents ont été transmis voilà maintenant quelques semaines à la Haute Assemblée.

J’espère n’avoir oublié personne. D’après mes notes, je ne le crois pas, mais, si c’est le cas, je prie les parlementaires de m’en excuser.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je terminerai effectivement, monsieur le sénateur, en remerciant l’ensemble des parlementaires d’avoir contribué à ce débat et, ce faisant, de m’avoir permis, par leurs critiques, leurs questions et le cas échéant leur soutien, d’indiquer ce que, peut-être, il fallait penser avec objectivité de ce projet de loi de finances pluriannuel que le Gouvernement a l’honneur de proposer au Sénat.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste. – M. François Fortassin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Nous en avons terminé avec le débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale du projet de loi ?…

La discussion générale est close.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, la conférence des présidents est actuellement réunie et tant le président de la commission des finances, Philippe Marini, que le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Yves Daudigny, ont dû s’y rendre.

M. Philippe Marini ayant souhaité être présent pour l’examen de certains amendements auxquels il tient beaucoup, je ne peux qu’accéder à sa demande de vous suggérer de suspendre la séance pour la reprendre à vingt et une heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 7 novembre 2012, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 414-2 du code civil (conditions d’exercice de l’action en nullité) (2012-288 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 7 novembre 2012, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 145-2 du code de la sécurité sociale (sanctions prononcées par les assurances sociales à l’encontre des médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes) (2012-289 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.