Intervention de Francis Delattre

Réunion du 7 novembre 2012 à 14h30
Prélèvements obligatoires. - programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Débat et discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Francis DelattreFrancis Delattre :

Mais, si l’objectif est commun, encore faut-il que l’on se mette d’accord sur les mesures permettant de l’atteindre ! Pour notre part, nous considérons que ces mesures doivent être crédibles et certaines, au moment crucial où, avec une dette représentant 90 % de notre PIB, nous approchons des récifs dangereux dans une mer agitée par les crises successives.

Monsieur le ministre, cela est d’autant plus vrai que, si j’en crois le rapport de notre collègue, qui me semble bien informé, vous allez devoir emprunter 170 milliards d’euros en 2013. À ce sujet, il serait hautement souhaitable que nous bénéficiions, comme en 2012, de taux proches de 2 % pour une durée d’emprunt de dix ans. Il faut quand même rappeler à nos collègues de gauche que c’est la capacité de la France à respecter ses engagements ces trois dernières années qui a rendu possibles de tels taux.

Pour le Parlement comme pour les marchés, tout le problème aujourd’hui est de savoir si votre politique – dans laquelle s’inscrit ce projet de loi de programmation – est crédible au regard de votre volonté de réduire le déficit à 3 % du PIB en 2013 et d’engager les réformes de structure qui, seules, pourront conduire au quasi-équilibre en 2017.

Certes, le présent texte prévoit un partage égal de l’effort entre les dépenses et les recettes, mais, pour 2013, un tiers de l’effort portera sur les dépenses. C’est pour le moins un mauvais signal, en contradiction d’ailleurs avec les préconisations de la Cour des comptes, et cela représente un manque d’économies de l’ordre de 5 milliards d’euros.

Monsieur le rapporteur général, vous précisez d’emblée dans votre rapport que les lois de programmation sont des lois ordinaires. Il n’empêche qu’elles doivent évaluer de façon sincère les perspectives de dépenses, de recettes, de solde et d’endettement des administrations publiques !

Or, au regard de la situation présente et compte tenu, d’ailleurs, de l’amendement essentiel qu’a – tardivement – déposé le Gouvernement, le projet de loi de programmation qui est soumis à notre examen répond-il à cet objectif de sincérité ?

En outre, les mesures envisagées depuis hier pour améliorer la compétitivité, à la suite de la remise du rapport Gallois, semblent condamner l’essentiel des hypothèses portant sur les sujets les plus sensibles, à commencer par le taux réel des prélèvements obligatoires et leurs conséquences sur la croissance. En réalité, monsieur le ministre, ce projet de loi de programmation est déjà caduc, essentiellement du fait de vos propres indécisions, auxquelles s’ajoutent des prévisions qui relèvent parfois plus de l’imaginaire que de la rationalité économique.

De surcroît, jusqu’à hier, il n’était question d’aucune mesure concrète et positive pour le rétablissement d’un appareil productif et compétitif. Pourtant, nous savons tous ici que c’est la seule solution pour combattre efficacement le chômage et pour réduire notre endettement. Sans compétitivité, les hausses d’impôts se perdent dans les dédales d’un État omnipotent et la chute des ressources liées à l’activité conduirait à aggraver encore les déficits publics. Mais, monsieur le ministre, sur cette question centrale de la compétitivité, l’accueil réservé par votre majorité plurielle aux préconisations du rapport de M. le commissaire général à l’investissement nous interpelle sur votre capacité à agir réellement !

Toutes les subtilités de présentation ne peuvent cacher un choc fiscal de 30 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires pour 2013 – lesquels, pour l’essentiel, perdureront jusqu’en 2017 – ni une baisse des dépenses publiques, globalement limitée à 10 milliards d’euros sans que l’on en connaisse l’exacte répartition ! Il s’agit d’une grave erreur de calibrage.

Du reste, des exemples historiques démontrent que les plans de redressement des finances publiques qui ont utilisé prioritairement les hausses d’impôts ont un effet récessif, entraînant une baisse systématique de la croissance, alors que les plans axés sur la réduction de la dépense publique ont produit des résultats bien plus probants.

Quand on prélève 1, 2 % du PIB en hausse d’impôts, on perd – dans les hypothèses moyennes – 1, 2 % de croissance. Par conséquent, au lieu de s’établir à 0, 8 % – comme vous l’annoncez, monsieur le ministre –, la croissance risque plutôt d’avoisiner 0 %, tandis que le déficit pourrait s’élever à 3, 5 %, par le seul effet des multiplicateurs budgétaires. Cela vous conduira immanquablement à revoir votre copie, à moins que, d’ici à l’automne prochain, vous obligiez notre pays à demander à la Commission européenne une année supplémentaire, à l’instar de ce qu’a fait l’Espagne !

Vous manquez de volontarisme pour réaliser les réformes indispensables – et inévitables – à la relance de notre économie, sur des bases assainies, réformes qui, d’ailleurs, figurent aujourd'hui, pour l’essentiel, dans le rapport Gallois et font l’objet d’un large consensus parmi nous.

D’après l’OCDE, avec nos quelque 45 % de prélèvements obligatoires, nous avons rattrapé la Suède en la matière et seul le Danemark, où ces prélèvements représentent 48, 1 % du PIB, nous devance encore. Quand ces derniers seront portés à 46, 7 % du PIB en 2015, notre deuxième place sera sérieusement consolidée ! Je rappelle que le taux de prélèvements obligatoires s’élève en Allemagne à 39, 5 %.

Mais, malgré un niveau aussi élevé de prélèvements, avons-nous pour autant les meilleurs services publics du monde ? Avons-nous les autoroutes les moins chères ?

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