Intervention de Jean-Pierre Caffet

Réunion du 7 novembre 2012 à 14h30
Prélèvements obligatoires. - programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Débat et discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Jean-Pierre CaffetJean-Pierre Caffet :

Finalement, ce qui s’est passé est simple : pendant dix ans, les gouvernements successifs ont diminué les recettes et laissé filer la dépense publique. Preuve en est qu’en 2001 la dépense publique représentait 52, 9 % du PIB et qu’elle a atteint 56 % du PIB l’an dernier. Dans le même temps ou presque, les prélèvements obligatoires sont passés de 43, 8 % du PIB à 42, 1 % du PIB en 2009, avant de remonter sous la contrainte de l’endettement excessif à 43, 9 % du PIB, c’est-à-dire au niveau de 2001. Ces chiffres prouvent à l’envi ce que je viens d’affirmer à l’instant : l’attitude des gouvernements de droite qui se sont succédé pendant dix ans explique, en grande partie, la situation d’endettement dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.

Face à cette situation, la stratégie de ce projet de loi est donc claire : réduire l’endettement du pays en revenant à l’équilibre structurel en 2016, en faisant porter l’effort à la fois sur les recettes et les dépenses publiques, mais de manière différenciée dans le temps.

L’effort sur les recettes se concentre en effet en début de période, notamment en 2013. Les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires s’élèveront à environ 24 milliards d’euros l’an prochain, ce qui portera leur poids dans le PIB à 46, 3 %, poids qui devrait rester pratiquement constant sur le reste de la période. Quant aux dépenses, la stratégie affichée est celle d’un effort continu à hauteur de 0, 3 point de PIB l’an prochain et de 0, 4 point de PIB les années suivantes, jusqu’en 2017. Au total, sur l’ensemble de la période, les prélèvements obligatoires auront progressé de 1, 5 point de PIB et les dépenses publiques reculé de 1, 9 point de PIB. Ceux qui condamnent ce texte au nom d’une trop faible diminution des dépenses ont donc tort, ou ne l’ont pas lu !

Cette stratégie est-elle la bonne ? La question est légitime au regard de la controverse sur l’efficacité respective de l’augmentation des recettes ou de la diminution des dépenses dans la réduction des déficits publics. Certaines études, abondamment citées par l’opposition, semblent indiquer que le meilleur moyen de réduire les déficits sans trop peser sur la croissance consiste à diminuer les dépenses ; d’autres études disent le contraire. En réalité, comme souvent dans les désaccords portant sur la meilleure politique économique à suivre, la vérité se situe entre les deux.

À court terme, la réduction de la dépense publique est plus récessive que l’augmentation des recettes. À moyen terme, c’est l’inverse qui est vrai. Le Gouvernement a suivi cet enseignement et l’on ne peut que l’approuver. Au demeurant, on ne peut que souscrire à l’objectif d’une maîtrise des dépenses qui ne progresseraient en volume que de 0, 7 % en moyenne sur la période 2012-2017, alors qu’elles ont augmenté, toujours en volume, de 2, 5 % entre 2002 et 2006 et de 1, 7 % entre 2007 et 2011. Chacun pourra ainsi comparer l’effort passé en termes de réduction des dépenses publiques à l’engagement pris par le Gouvernement dans ce projet de loi.

J’ajoute que d’autres aspects de cette stratégie vont dans le bon sens, comme la juste répartition de l’effort que nos concitoyens sont appelés à consentir.

L’effort en recettes en 2013 n’est pas indifférencié : il repose sur une réforme profonde de la structure des prélèvements, comme en témoignent la nouvelle tranche à 45 % de l’impôt sur le revenu, la limitation des avantages offerts par les niches fiscales et sociales, ou encore l’alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail. Il en va de même, à notre sens, de l’association au redressement de nos comptes publics de l’ensemble des administrations publiques, l’État et ses opérateurs bien sûr, mais également les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale.

Enfin, cette stratégie est-elle crédible ? Répondre à cette question suppose à la fois d’évaluer les moyens que se donne le Gouvernement pour respecter sa trajectoire de finances publiques et d’examiner les hypothèses de nature macroéconomique sur lesquelles repose cette dernière.

Au titre des moyens, et sans tomber dans l’exhaustivité, je voudrais rappeler les principaux instruments de pilotage.

L’article 5 du projet de loi introduit une norme de dépense de l’État qui implique la réalisation d’un effort structurel de l’ordre de 10 milliards d’euros par an – cela ne s’était jamais vu ! Elle comprend le gel en valeur des dépenses de l’État, hors charge de la dette et des pensions versées.

L’article 6 prévoit la stabilisation des effectifs de l’État et de ses opérateurs en créant des postes là où ils sont nécessaires et en en supprimant ailleurs. Chacun connaît les priorités qui ont été affichées et sont maintenues.

Les opérateurs de l’État sont appelés à contribuer, par l’article 7, au respect de la trajectoire du solde structurel, grâce à la réduction du produit des taxes qui leur sont affectées ou des subventions qui leur sont versées.

Quant aux régimes obligatoires de base, dont mon collègue Yves Daudigny a abondamment parlé, ils voient leurs dépenses encadrées à l’article 9, essentiellement par une norme de progression de l’ONDAM qui, de 2, 7 % en valeur pour 2013, passerait à 2, 6 % l’an prochain et à 2, 5 % sur le reste de la période de projection.

Enfin, en cas d’écart important entre l’exécution budgétaire et la trajectoire programmée par le Gouvernement, le mécanisme de correction dit « automatique » se déclenchera avec le projet de loi de règlement et le débat parlementaire d’orientation des finances publiques.

À ceux qui douteraient de la détermination du Gouvernement de réduire notre endettement en pesant sur la dépense publique, je réponds que ces instruments de pilotage devraient être de nature à les rassurer.

Bien évidemment, un tel scénario de désendettement et de retour à l’équilibre structurel repose sur des hypothèses macroéconomiques. Parmi celles-ci, deux revêtent une importance particulière, à savoir la croissance potentielle et la croissance effective.

En premier lieu, ce projet de loi retient une hypothèse de croissance potentielle de 1, 4 % en 2013, de 1, 5 % pour les deux années suivantes et de 1, 6 % sur le reste de la période. Cette hypothèse me semble prudente. Certes, la récession de 2008-2009 a affaibli la croissance potentielle et il est difficile de dire si cet affaiblissement est temporaire ou s’il s’avérera durable. En tout état de cause, je relève que la Cour des comptes table sur une hypothèse comparable.

Une croissance de 2 % par an devrait être également atteignable, dès lors que la crise de l’euro semble s’éloigner de notre horizon, grâce aux décisions prises par le Conseil européen de juin dernier pour soutenir l’activité tout en poursuivant la consolidation des finances publiques.

Les aléas entourant ce scénario restent toutefois importants. D’aucuns subordonnent sa réussite ou son efficacité à la mise en œuvre de réformes structurelles qu’ils appellent de leurs vœux avec d’autant plus d’impatience qu’ils ne les ont jamais engagées. Je veux redire ici notre confiance dans la détermination du Gouvernement à mener à bien ces réformes, qu’il s’agisse de l’amélioration de la compétitivité de notre appareil productif ou de la sécurisation des parcours d’emploi, pour laquelle une négociation est engagée.

En effet, je ne vois pas de raisons vraiment fondamentales pour que notre pays ne renoue pas progressivement avec la croissance, dès lors que son environnement international s’améliore. Si la crise devait se poursuivre, c’est sans doute que l’Europe entière serait touchée. Les défis auxquels nous serions confrontés seraient d’une autre nature que celui du désendettement national et il nous faudrait alors, telle est ma conviction, renforcer considérablement les initiatives de croissance prises l’été dernier et probablement réfléchir ensemble, au niveau européen, au rythme de réduction des déficits des principaux pays de la zone euro. Heureusement, nous n’en sommes pas là !

Pour conclure, mes chers collègues, depuis le premier choc pétrolier, jamais sans doute un tel effort collectif de redressement n’avait été engagé avec le souci de juste répartition des efforts à consentir. Le désendettement du pays n’est pas incompatible avec la croissance et la création d’emplois.

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