Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 7 novembre 2012 à 14h30
Prélèvements obligatoires. - programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Débat et discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, nous allons procéder à l’examen d’un projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, ce qui représente une réelle avancée, due à la révision constitutionnelle intervenue sous la précédente législature.

Il s’agit donc d’un texte important, mais je serai néanmoins extrêmement bref, car nous examinons ce projet de loi dans un contexte totalement inédit, comme l’ont rappelé certains orateurs.

Le premier élément de ce contexte, vous le savez, est le rejet de ce texte par la commission des finances, lors de sa réunion du 31 octobre dernier. Cette situation est relativement inédite, puisque le Gouvernement dispose normalement d’une majorité au Sénat, mais une partie de la majorité sénatoriale a cru bon de ne pas adopter ce projet de loi.

Deuxième élément de contexte tout à fait inédit, les mesures qui ont été annoncées hier par le Gouvernement remettent très largement en cause la programmation sur la période 2013-2015, c'est-à-dire le texte lui-même. Je prendrai trois exemples pour illustrer mon propos.

En matière de fiscalité, tout d'abord, le Gouvernement a annoncé dans son pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi une baisse significative de la fiscalité des entreprises de 20 milliards d’euros – 10 milliards d’euros la première année, 10 milliards d’euros l’année suivante – alors que le projet de loi de finances pour 2013 augmente de 10 milliards d’euros les impôts des entreprises. Concrètement, ces décisions sont assez contradictoires : on commence par augmenter de 10 milliards d’euros les prélèvements sur les entreprises puis on annonce une baisse de 10 milliards d’euros les deux années suivantes !

En matière de dépenses, ensuite, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit une diminution de l’ordre de 10 milliards d’euros. Hier, le Gouvernement a annoncé de nouveau 10 milliards d’euros d’économies afin, notamment, de financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Nous n’avons pas de précisions sur ces dépenses.

Ma troisième observation porte sur les collectivités territoriales, dont le Sénat est le représentant. Vous le savez, le projet de loi prévoit une stabilisation des concours financiers de l’État aux collectivités en 2013, puis une baisse de 1, 5 milliard d’euros en 2014 et en 2015. Or le Premier ministre a annoncé hier une nouvelle diminution des dépenses des collectivités : à quelle hauteur, et sur quelles dépenses ?

Ces trois observations montrent que le projet de loi de programmation que nous nous apprêtons à voter est tout simplement rendu caduc par les annonces du Gouvernement. Il est également rendu caduc par les prévisions de croissance publiées à la mi-journée par la Commission européenne, qui sont ramenées, pour la France, à 0, 4 % en 2013 puis à 1, 2 % en 2014.

Monsieur le ministre, j’en tire la conclusion qu’il faut revoir ce texte. Qu’en serait-il, sinon, de sa sincérité ?

À défaut de pouvoir nous prononcer sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, je dirai quelques mots sur la stratégie de réduction du déficit.

À cet égard, je serai très clair : notre groupe soutient sans aucun état d’âme l’objectif de réduction des déficits à 3 % en 2013 et à 2, 2 % en 2014. Cet objectif est indispensable, tous les intervenants en conviennent, quelle que soit leur sensibilité politique, compte tenu de notre endettement, qui s’élève à plus de 1 710 milliards d’euros. Même en tenant l’objectif de 3 %, nous devons en effet emprunter encore 60 milliards d’euros. Si nous avons tous la volonté d’atteindre cet objectif de 3 % en 2013, nous pouvons néanmoins nous interroger sur notre capacité à y parvenir.

Comme je l’ai dit, la Commission européenne vient de ramener la prévision de croissance de la France à 0, 4 % – le Gouvernement avait tablé sur 0, 8 % – et elle a très clairement conclu à l’impossibilité d’atteindre les 3 % en 2013. Elle repousse plutôt cet objectif à 2014, à condition, indique la commissaire aux affaires économiques et monétaires, de prendre des mesures d’économies supplémentaires en 2014 et en 2015.

La Commission insiste en outre pour que les efforts soient plus équilibrés entre, d’une part, les hausses d’impôts et, d’autre part, la réduction des dépenses publiques. Or le projet du Gouvernement met l’accent sur les augmentations d’impôts à hauteur des deux tiers et sur les réductions de dépenses à hauteur d’un tiers.

En définitive, s'agissant du texte qui nous est soumis, abstraction faite des annonces qui ont été faites hier, j’émettrai simplement deux brèves critiques.

La première critique porte sur les recettes, dont on peut d’ores et déjà estimer qu’elles sont surévaluées. Certes, l’évaluation des recettes inhérente aux lois de finances est toujours un exercice difficile. Néanmoins, nous devons tenir compte de la révision de l’hypothèse de croissance, qui aura nécessairement un impact sur les recettes.

Il convient en outre, comme l’a souligné le président de la commission des finances, de considérer l’attitude des acteurs économiques en fonction des nouvelles donnes de la fiscalité. Le « choc fiscal » de 20 milliards d’euros supplémentaires inscrit dans le projet de loi de finances pour 2013 peut, en provoquant des changements de comportement, rendre l’impôt moins performant, et en tout cas diminuer son rendement.

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