Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 7 novembre 2012 à 14h30
Prélèvements obligatoires. - programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Débat et discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Jérôme Cahuzac, ministre délégué :

La loi de finances initiale fut votée par le Parlement alors que le projet de loi de finances rectificative, qui allait modifier assez sensiblement les choses – vous étiez rapporteur général à l’époque, monsieur Marini –, avait déjà été déposé devant le Parlement. Et la majorité de l’époque, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, a fait comme si le projet de loi de finances initiale pour 2009 était bien celui qui serait non seulement voté – cela va de soi –, mais aussi exécuté. Tout le monde savait pourtant qu’il n’en serait rien.

Je ferai également une observation sur les efforts des uns et des autres pour ramener le déficit public à 4, 5 % en 2012, en espérant, là encore, que cela permette d’atténuer certaines critiques.

C’est effectivement la majorité précédente qui a fixé l’objectif des 4, 5 %. Ce faisant, la parole de la France s’est trouvée engagée. Et nous avons à cœur de la respecter.

Je le rappelle, selon le rapport de la Cour des comptes de l’été dernier, toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire en ne tenant compte que des mesures votées par la majorité précédente, la parole de la France n’aurait pas été tenue.

Les débats parlementaires l’ont d’ailleurs bien montré. Tout le monde était d'accord pour constater qu’il s’en fallait de beaucoup, pratiquement de 0, 5 point de PIB. Le projet de loi de finances rectificative s’imposait donc. Et le débat a porté moins sur la nécessité d’une action supplémentaire que sur ses modalités.

Vous aviez regretté qu’il n’y ait pas davantage d’économies sur les dépenses. Mais vous-même et tous ceux qui, dans cette enceinte, sont rompus aux débats sur les finances publiques savez très bien qu’il est tout simplement impossible de réaliser près de 10 milliards d’euros d’économies en quelques semaines, surtout en cours d’année ! Quand les dépenses sont engagées, quand les coups sont partis, il faut courir très vite, plus que nous tous réunis, pour les rattraper !

Soyons donc raisonnables. Certains ont d’ailleurs lancé des appels à la raison, voire à la modestie. Je voudrais à mon tour lancer un appel à la modestie : convenons-en, pour respecter la parole donnée par la France, il n’y avait cet été pas de solution autre que celle que le Gouvernement a proposée.

Des critiques plus ponctuelles ont été faites.

D’abord pour indiquer, m’a-t-il semblé, que toutes les mesures déjà prises n’allaient toucher que les classes moyennes ou, peut-être, l’ensemble des Français. Cela n’est pas tout à fait exact. Je prendrai deux exemples.

En ce qui concerne le régime social des indépendants, déplafonner les cotisations, c’est-à-dire demander à ceux qui gagnent plus de 180 000 euros par an de bien vouloir cotiser sur le surplus et au-delà de cette somme, ne me semble pas relever de l’injustice la plus criante. Elle m’apparaît plutôt comme une nécessité, celle de l’effort partagé dans la justice. D’autant que cette réforme du régime social des indépendants fait tout de même plus de 4, 5 millions de gagnants, je veux parler de ceux qui ont un chiffre d’affaires inférieur à 36 000 euros et qui verront leurs cotisations diminuer. Sans doute faut-il appréhender avec un peu plus d’objectivité l’effort demandé aux uns et la concession légitime faite aux autres. Rien de tout cela ne me paraît mériter des critiques trop sévères.

La même remarque vaut pour les donations. À mes yeux, nous sommes finalement parvenus à un point d’équilibre acceptable. En 2007, avant le paquet fiscal, on pouvait donner sans acquitter de droits de donation 50 000 euros par parent et par enfant tous les six ans. Nous en sommes maintenant à 100 000 euros par parent et par enfant tous les quinze ans. Je ne crois pas que cette disposition qui, objectivement, est un peu plus dure que celle à laquelle la majorité précédente était arrivée à la suite du paquet fiscal – 150 000 euros par parent et par enfant et tous les six ans ! – soit critiquable. Il me semble, au contraire, que le cheminement qui fut celui du Parlement, au gré d’une alternance politique, était souhaitable.

Des critiques ont également été formulées sur le taux de croissance retenu par le Gouvernement. Il s’agit d’un débat classique. Membre de l’opposition, j’ai suffisamment nourri ce débat pour ne pas en vouloir à ceux qui, à leur tour, décident de l’enrichir. Je ferai simplement remarquer que les parlementaires de l’opposition à l’Assemblée nationale, en tout cas ceux qui sont membres de la commission des finances, ont décidé par principe de ne pas contester ce taux de croissance, estimant qu’il n’était pas absurde. On sait ce qu’il en est du consensus des économistes, qui n’est qu’une moyenne des prévisions faites par les différents économistes consultés. Cette moyenne prend en compte des prévisions présentant des écarts considérables, puisque certains envisagent une récession de 0, 7 %, alors que d’autres tablent sur une croissance de 1, 3 %. La moyenne s’établit à 0, 3 %. Prendre pour référence le taux de 0, 8 %, en dépit des prévisions de la Commission, qui ne tient évidemment pas compte du paquet « compétitivité », est de bonne pratique parlementaire lorsque le débat doit avoir lieu. Pour autant, le taux de 0, 8 % me paraît vraisemblable.

Quant au taux de 2 % envisagé à terme, il me paraît également raisonnable. C’est plutôt moins que ce que notre pays a pu constater dès lors qu’il parvenait à sortir de la crise, de la récession ou de la stagnation. Ce chiffre est étayé par les chiffres de croissance potentielle qui sont les nôtres : de mémoire, 1, 6 % à partir de 2015. C’est d’ailleurs également le chiffre retenu par la Commission et par la Direction du Trésor. Aujourd’hui, il peut être assumé par le Gouvernement, au nom duquel je m’exprime.

On a aussi critiqué la répartition de l’effort. Là encore, c’est de bonne guerre, vous avez indiqué que l’affirmation selon laquelle seul un Francais sur dix, un ménage sur dix, devrais-je dire, serait concerné méritait d’être nuancée. Elle l’a été, puisque ce que l’on peut affirmer n’est pas exactement cela mais s’en rapproche : 90 % de l’effort, au regard des mesures qui sont comprises dans la loi de finances initiale et dans la loi de financement de la sécurité sociale, est assumé par 10 % des foyers fiscaux.

Quant aux mesures relatives aux entreprises, je rappelle qu’elles ont été saluées par votre homologue de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Gilles Carrez, qui a estimé qu’elles étaient nécessaires. En tout cas, à l’Assemblée nationale, la majorité précédente avait œuvré pour restaurer l’assiette de l’impôt sur les sociétés qui s’évaporait au travers de dispositifs parfaitement légaux, qu’il s’agisse notamment du report en avant des déficits et de l’imputation de déficits contractés peut-être ailleurs qu’en France. Tous ces dispositifs ont abouti à un formidable paradoxe : les entreprises du CAC 40 n’ont contribué en 2010 – c’est la dernière année parfaitement connue – que pour un peu moins de 3, 5 milliards d’euros aux recettes de l’impôt sur les sociétés sur les 45 milliards d’euros récoltés cette année-là, les deux tiers de ces 3, 5 milliards étant assumés par des entreprises publiques. Cela signifie donc que les grandes entreprises parvenaient, et parviennent encore puisque la loi n’est pas encore promulguée, à faire s’évaporer de façon suffisamment massive les profits réalisés pour n’avoir plus à payer d’impôt sur les sociétés. La restauration de ces assiettes permettra de financer des mesures favorables à d’autres entreprises qui, peut-être moins armées pour utiliser le plus légalement du monde toutes les finesses d’une fiscalité que le Parlement a su élaborer, ont clairement besoin d’être aidées.

Enfin, j’ai bien entendu votre remarque sur l’amendement déposé par le Gouvernement. Selon moi, il ne contrevient pas à la nécessité de voir l’Assemblée nationale saisie en premier des dispositions de lois de finances. Le projet de loi de financement pluriannuel n’est pas une loi de finances, et je ne crois donc pas que cet amendement fasse courir le moindre risque d’inconstitutionnalité au texte que le Sénat s’apprête à examiner.

Qu’il me soit permis de formuler encore trois remarques.

Premièrement, il y a une différence assez sensible entre ce que nous proposons et ce que vous aviez voté et défendu, je veux parler de ce que vous appeliez « la TVA sociale ». Nous, nous ciblons les allégements de charges jusqu’à 2, 5 SMIC, ce qui nous paraît une bonne façon d’intégrer de manière préférentielle l’industrie puisque la grande majorité des salaires de l’industrie se situe entre 1, 6 et 2, 5 SMIC. C’est donc la bonne mesure à prendre si l’on souhaite aider ce secteur.

Deuxièmement, vous avez regretté que les taxes affectées ne comprennent pas en leur sein celles qui sont relatives au Centre national du cinéma, le CNC. C’est un débat que les spécialistes connaissent bien. Nous savons les innombrables ressorts que les défenseurs de cette belle activité industrielle sont capables de faire jouer pour obtenir année après année et, je dois le reconnaître, majorité après majorité que le CNC prospère, avec un fonds de roulement de plus de 800 millions d’euros, des taxes affectées d’à peu près la même somme et une politique immobilière étrange…

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