Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, alors que nous achevons l’examen du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, je tiens à rappeler, en premier lieu, que l’outre-mer est une part très importante de notre identité.
Sur tous les continents, sur tous les océans, les départements et les collectivités d’outre-mer portent les valeurs de la République : les valeurs de liberté, de dignité et d’égalité.
À l’heure de la mondialisation et du développement durable, l’outre-mer est, pour notre nation, un atout irremplaçable. Il apporte sa diversité, son dynamisme, ses talents et son ouverture sur un univers globalisé.
Vous le savez, je me passionne pour ces territoires depuis des années et que j’en suis un ardent - mais raisonnable - défenseur. Serge Larcher et moi avions, en 2009, rédigé un rapport qui fait désormais référence, intitulé Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l’avenir. Ce rapport traitait des départements, mais nous aurions pu dire la même chose de toutes les collectivités d’outre-mer.
Donner un nouvel élan, valoriser les atouts spécifiques, permettre à chaque territoire de mieux affronter les grands défis de notre époque, autant d’objectifs qui doivent être prioritaires.
Le problème de la vie chère est récurrent dans les outre-mer et mérite une attention particulière, attention que le précédent gouvernement leur avait accordée en s’efforçant de répondre au problème par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, et par la mise en place d’un dialogue sans précédent, les états généraux de l’outre-mer. À l’issue de ces états généraux, le conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009 avait arrêté des mesures dont plusieurs visaient à diminuer le coût de la vie et dont un nombre significatif figuraient dans le rapport que j’ai déjà cité.
Nous en sommes tous bien conscients, la cherté de la vie est une préoccupation forte des populations ultramarines.
Permettez-moi aussi de rappeler que la LODEOM avait pour objectif de créer les conditions d’un développement économique en outre-mer en privilégiant la compétitivité des entreprises, notamment dans leur environnement régional.
La loi a ainsi créé des zones franches d’activité, ce qui se traduit par des exonérations fiscales significatives, en particulier pour ce qui est de l’impôt sur les bénéfices, de la taxe professionnelle et de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
En outre, elle permet de réglementer par décret en Conseil d’État le prix de vente des produits de première nécessité dans les collectivités ultramarines où l’État détient cette compétence.
Entre mars et juillet 2009, après la crise sans précédent qui a frappé certains territoires d’outre-mer, se sont tenus les états généraux de l’outre-mer. Le conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009 a ainsi décidé de 137 mesures concrètes et opérationnelles couvrant tous les domaines.
La question de la baisse des prix et de la transparence des circuits de distribution a constitué un axe de réflexion majeur et a donné lieu à des mesures concrètes, que je me permettrai de rappeler ici.
L’Autorité de la concurrence a été dotée de pouvoirs renforcés lors des opérations de rachat de supermarchés ou d’hypermarchés.
Le seuil de notification des opérations de concentration pour le secteur du commerce de détail a été abaissé de 15 millions d’euros à 7, 5 millions d’euros.
Des GIR-concurrence ont été créés en 2010 dans chaque collectivité d’outre-mer, par arrêté préfectoral. Ces groupements d'intervention régionaux spécialisés réunissent les compétences des services chargés de la concurrence et de la consommation, des douanes et des services fiscaux. Ils effectuent des enquêtes sur le fonctionnement des secteurs commerciaux et assurent une veille efficace du respect des règles de concurrence. Nous savons bien qu’il n’est jamais facile de mettre en œuvre de tels dispositifs, ni dans l’Hexagone ni dans les collectivités d’outre-mer.
Enfin, les présidents des observatoires des prix et des revenus, suite au recueil des données statistiques, peuvent donner leur avis à l’Autorité de la concurrence.
Comme nous vous l’indiquions lors de la discussion générale, le niveau des prix outre-mer reste une préoccupation majeure et sa diminution est une exigence qui nous oblige.
L’égalité républicaine doit, outre-mer, s’appliquer aussi en matière économique.
Avec ce projet de loi, vous avez choisi d’agir sur les mécanismes de formation des prix, en particulier en renforçant les pouvoirs d’intervention de l’Autorité de la concurrence.
Encore une fois, nous partageons l’objectif, mais nous tenons à souligner notre divergence sur la méthode.
La précédente majorité avait en effet préféré agir sur les coûts, instaurant des zones franches dans les secteurs d’activité exposés, afin de diminuer les charges et ainsi augmenter les bénéfices.
L’étroitesse des marchés de l’outre-mer est une évidence, une donnée structurelle, qui explique que ces économies ont une tendance à engendrer naturellement une organisation en oligopoles. Certes, les causes de la vie chère outre-mer tiennent, pour partie, au caractère oligopolistique de ces marchés, mais pour partie seulement.
À cela, il faut ajouter, entre autres choses, le coût du transport, inéluctable, tant que l’outre-mer entretiendra des relations économiques quasi exclusives avec la métropole et l’Europe.
Nous considérons donc que ce texte n’apporte qu’une réponse partielle aux problèmes de l’outre-mer et nous appelons de nos vœux une réforme structurelle, pour ne pas parler de la poursuite des réformes engagées par vos prédécesseurs.
Ainsi, lors de la présentation de ce projet de loi, nous avions émis des réserves, voire des inquiétudes. Aujourd’hui, nous considérons que le texte auquel est parvenu la commission mixte paritaire est un compromis a minima.
Je ne m’attarderai que sur les dispositions du texte qui me paraissent mériter des observations particulières.
En premier lieu, vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, les nombreuses réactions suscitées par l’article 5 au sein du monde économique.
Cet article comporte à nos yeux un risque de découragement de l’initiative, surtout lorsqu’on l’associe à la faculté de blocage des prix dont dispose le Gouvernement. En combinant les deux dispositions, vous adressez un message, certes, mais plus sur le contrôle que sur la régulation.
Toutefois, in fine, si ces mesures se révèlent dans le temps bénéfiques aux consommateurs d’outre-mer, alors nous ne pourrons que nous en réjouir.
Quant à la fixation des tarifs des services bancaires, le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoyait initialement l’obligation pour les établissements locaux de fixer des tarifs identiques à ceux qui sont pratiqués par leur maison mère en métropole. S’il avait été adopté en l’état, l’article aurait méconnu non seulement les avancées obtenues depuis 2009 en matière de tarifs bancaires, mais aussi les conséquences sur l’économie et l’emploi.
Les tarifs bancaires sont, en effet, en constante diminution depuis 2009 en outre-mer et les charges pesant sur les établissements bancaires implantés demeurent importantes.
Nous nous satisfaisons donc de la rédaction de l’article 6 ter A adopté par la commission mixte paritaire, rédaction que nous avons d’autant plus soutenue que nous l’avions proposée.
Le transfert du registre du commerce et des sociétés est une autre des dispositions de ce projet de loi qui ont suscité une certaine controverse.
L’engorgement des greffes civils d’outre-mer entraînant des délais de traitement des démarches souvent très longs, les chambres consulaires ont tout naturellement été conduites à solliciter le transfert de la tenue du registre du commerce et des sociétés à leur profit.
Il s’agissait donc bien d’une mesure de régulation économique, car que tout ce qui permet de simplifier les démarches des acteurs économiques contribue à fluidifier l’économie dans son ensemble.
En définitive, nous avons accepté la proposition de la commission mixte paritaire tendant à modifier le périmètre de gestion du registre du commerce et des sociétés confié aux chambres consulaires, le contrôle étant néanmoins conservé par les greffiers.
Cependant, le projet de loi que vous nous présentez manque selon nous d’une certaine ambition – des ambitions, nous en avons pour l’outre-mer – et passe à côté de certains des objectifs fixés.
En effet, ce projet de loi vise uniquement le contrôle des prix et la régulation économique. Sa portée est limitée, comme l’a indiqué M. Le Cam.
Or, pour nous, améliorer la situation de l’outre-mer ne doit pas se limiter à cela. Nous avons trop souvent pris dans nos assemblées la mauvaise habitude de travailler dans la précipitation, sans analyser un problème dans sa globalité. Je rappelle que, en ce moment, la délégation sénatoriale à l’outre-mer, que préside notre collègue Serge Larcher, effectue un travail sur la vie chère.
J’ai bien noté, monsieur le ministre, que ce texte est non pas un aboutissement, mais un départ, comme vous l’avez dit il y a quelques instants.
D’autres pans de l’économie méritent une action appropriée, mais les questions posées à cet égard ne trouvent pas de réponses dans ce texte.
Comment comptez-vous aider les PME à exporter et à conquérir de nouveaux marchés ? Peut-être nous le direz-vous à l’occasion de l’examen d’un autre texte ? Le développement de nos outre-mer ne se fera pas si les PME ne peuvent évoluer sur leur marché régional.
Comment comptez-vous aider les PME à exporter et à conquérir de nouveaux marchés ? Peut-être nous le direz-vous à l’occasion de l’examen d’un autre texte. En tout cas, le développement de nos outre-mer ne se fera pas si les PME ne peuvent évoluer au sein de leur marché régional.
Comment comptez-vous valoriser les filières de production locale, notamment l’agriculture et l’aquaculture ? Nous savons qu’il existe des capacités fortes dans ces différents domaines.
Que va faire le Gouvernement pour tenir compte des spécificités de l’outre-mer dans la réforme de la PAC ?
Quelles mesures comptez-vous adopter pour valoriser les espaces naturels et la biodiversité ? Cela permettrait, par exemple, de répondre à une nouvelle demande en matière de tourisme, celle de l’éco-tourisme. En effet, l’économie en outre-mer passe également par le tourisme. Or nous savons que celui-ci se porte actuellement fort mal dans certains des territoires ultramarins. Peut-être avez-vous vu, à ce sujet, quelques reportages sur la Polynésie française, notamment.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous sommes réservés sur le cœur de ce projet de loi.
Nous partageons, bien évidemment, votre objectif visant à rapprocher le coût de la vie outre-mer de celui de la métropole, car c’est pour nous une ambition républicaine, à laquelle nous ne saurions déroger. Nous ne parviendrons jamais à équilibrer les niveaux de vie en nous contentant d’une baisse des prix qui ne serait que relative. Il nous faudra également développer les ressources et valoriser les richesses.
Cependant, je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous divergeons sur les moyens d’y parvenir.
Le groupe UMP a donc fait le choix de s’abstenir sur ce projet de loi, même si vous pouvez éventuellement considérer, monsieur le ministre, qu’il s’agit d’une abstention positive ! Dans l’intérêt des outre-mer, nous resterons extrêmement vigilants quant aux effets réels qu’aura votre texte.