Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous allons débattre ce matin vise à abroger le dispositif de suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire, celui-là même qui avait été rétabli en septembre 2010, suscitant de vives discussions dans cet hémicycle.
Je souhaite que les échanges d’aujourd’hui se déroulent dans un climat constructif et apaisé. Je tiens d’ailleurs à réaffirmer devant les sénatrices et les sénateurs de l’opposition que ma démarche n’illustre en rien un clivage partisan. En effet, en 2004, Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, avait lui-même supprimé le mécanisme existant depuis 1966, mécanisme identique à celui qui a été restauré par la proposition de loi de M. Ciotti.
Dans un rapport de 2003 consacré aux manquements à l’obligation scolaire, M. Machard, délégué interministériel à la famille, avait mis en avant que le non-respect de l’obligation scolaire était un phénomène éminemment complexe et qu’une réponse univoque ne pouvait en aucun cas être satisfaisante, affirmant que la suspension des allocations familiales, en vigueur depuis quarante ans, était sans effet dissuasif sur les familles et contre-productive pour celles qui s’étaient vu retirer leurs prestations. Devant vous, ce matin, je ne défends pas autre chose.
De façon connexe, nous estimons que le contrat de responsabilité parentale, le CRP, issu de la loi de 2006 pour l’égalité des chances, doit lui aussi être abrogé. Redondant au regard des dispositifs déjà existants, jugé le plus souvent inutile, il est resté largement inappliqué par les conseils généraux, toutes tendances politiques confondues.
Un chiffre parle de lui-même : 38 CRP ont été signés sur notre territoire entre 2006 et 2010 – 38 en quatre ans, on ne peut pas parler de réussite ! En 2011, il est vrai, 174 CRP ont été signés, dont 165 dans les Alpes-Maritimes, département dont M. Ciotti est président du conseil général et député. Il conviendrait sans doute de s’interroger sur ce particularisme local afin de comprendre la réalité de ces contrats. Cela dit, dans cette introduction au débat, je veux rappeler dans quel esprit s’inscrit cette proposition de loi que je vous appelle à voter.
Pourquoi toutes les personnes auditionnées par le Sénat, en 2010 comme en 2012, représentant les fédérations de parents d’élèves, les associations familiales, les personnels de direction de l’éducation nationale, l’Assemblée des départements de France ou la Caisse nationale des allocations familiales ont-elles désapprouvé ce dispositif ? Pour une raison simple : le mécanisme proposé repose sur une erreur fondamentale de diagnostic et propose donc une mauvaise thérapie.
Quel est ce diagnostic ? L’absentéisme scolaire serait dû à une défaillance parentale, voire à un laxisme coupable qu’il convient de sanctionner.
Or le phénomène de l’absentéisme scolaire est assurément plus complexe, il est protéiforme, autant dans ses causes que dans ses manifestations. En effet, l’éloignement de l’école peut être ponctuel, perlé ou durable. Ce défaut d’assiduité peut être ciblé sur une matière, une plage horaire, une période de l’année scolaire. Dans certains cas, il conduit au décrochage total, parfois définitif.
Il existe autant de types d’absentéisme que d’enfants absentéistes, autant de sources aussi. Ces problématiques, extrêmement diverses, peuvent être familiales ou sociales : elles sont parfois l’expression de souffrances psychologiques, souvent la conséquence de détresses humaines.