En 2003, le rapport Machard, commandé par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, Xavier Darcos, ministre délégué à l’enseignement scolaire, et Christian Jacob, ministre délégué à la famille, avait préconisé la suppression de ce dispositif, qui avait été introduit en janvier 1959 en cas de manquements à l’obligation scolaire. M. Machard y voyait en effet une sanction inéquitable, en ce qu’elle était appliquée de manière hétérogène sur le territoire et n’affectait que les familles percevant ces prestations sociales, soit, bien évidemment, les plus démunies d’entre elles et celles qui comptaient plusieurs enfants.
M. Jacob, qui est désormais président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, avouait alors ne pas être convaincu par ce dispositif.
En 2006, M. Ciotti a créé un premier dispositif, qui a ensuite été durci dans un contexte de droitisation de la majorité de l’époque à la suite du discours de Grenoble.
La même majorité a donc rejeté un dispositif en 2004, avant de le réintroduire petit à petit, puis de le durcir. Or personne n’a jamais été en mesure de nous dire si ce dispositif était efficace ou pas. Comme l’ont très bien rappelé Mme Cartron et M. Assouline, aucune étude d’impact, aucune évaluation de ce dispositif n’ont jamais été effectuées.
Pour notre part, nous avons tenté de savoir à quoi cette loi a servi, en nous appuyant sur les chiffres dont nous disposons. Les statistiques fournies par la direction générale de l’enseignement scolaire du ministère de l’éducation nationale – elles sont exhaustives, tous les directeurs académiques des services de l’éducation nationale ayant fait remonter leurs informations – permettent de voir comment la mesure a été appliquée.
Seuls 300 000 des 12 millions d’élèves sont absentéistes. Ce chiffre ne prend pas en compte tous les absentéistes, comme l’a rappelé David Assouline, et heureusement, car tous les directeurs d’établissement ne souhaitent pas lancer le processus.
En 2011-2012, 79 000 signalements ont été effectués. Ils n’ont donné lieu qu’à 619 suspensions des allocations familiales. En outre, les allocations ont ensuite été reversées à 142 familles parce que l’élève avait cessé d’être absent. Cela signifie que non seulement le nombre de suspensions est assez dérisoire par rapport à la réalité de la scolarité – 619 suspensions pour un total de 12 millions d’élèves ! –, mais surtout que, dans 80 % des cas, le dispositif est inefficace puisque l’élève ne retourne pas à l’école.