Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par notre collègue Françoise Cartron, dont nous discutons aujourd’hui, vise à défaire un texte qui n’aura pas vécu bien longtemps. Et c’est tant mieux : souvenez-vous, j’étais contre la loi Ciotti.
Prétendre résoudre le problème de l’absentéisme scolaire par la suspension des allocations familiales perçues par les familles était illusoire, d’autant qu’un système équivalent a déjà été appliqué à partir de 1966, avant d’être supprimé en 2004 par la loi relative à l’accueil et à la protection de l’enfance.
S’il existe bien 150 000 « décrocheurs » par an dans notre pays, ce n’est pas en pénalisant les familles défavorisées que nous attirerons les enfants concernés vers l’école.
En effet, il s’avère, malheureusement, que les sanctions administratives ont davantage touché les familles les plus fragiles. La méthode coercitive a prouvé une nouvelle fois son inefficacité.
Force est de constater, comme nous le redoutions, que l’usage du levier financier seul est parfaitement inapproprié pour inciter les jeunes à être présents.
Le dispositif prévu par la loi dite « Ciotti » est un échec. J’avais dit, à l’époque, que ce texte était pour moi hors sujet, car il reposait sur une hypothèse déviante, établissant un lien supposé entre l’absentéisme scolaire et la délinquance des jeunes, sans s’attaquer aux réelles causes du problème, qui sont d’ordre social, économique, culturel et psychologique.
Sur une période d’un an, 472 familles ont été sanctionnées. Si l’on y regarde de plus près, un autre inconvénient du dispositif Ciotti est d’avoir introduit une inégalité devant la loi puisque les sanctions n’ont pas pénalisé les familles de la même manière selon les académies.
Cette inégalité était inhérente au texte, car il existait déjà une différence d’application prévisible selon que les familles avaient un ou plusieurs enfants ou selon qu’elles étaient ou non tributaires des allocations familiales pour assurer leur quotidien.
Au cours de la concertation sur la refondation de l’école de la République, la création d’un référent dans les collèges et les lycées à fort taux d’absentéisme a été proposée. Mais il a également été envisagé d’apporter une réponse plus globale en préconisant, d’une part, la révision de l’orientation des élèves pour lui redonner du sens et la rendre plus attractive et, d’autre part, la limitation des redoublements, ce qui sera certainement plus constructif et efficace que les sanctions administratives.
Une étude menée par le centre d’analyse stratégique sur l’aide aux parents fait état des expériences menées à l’étranger, comme au Danemark ou aux Pays-Bas, où des centres sont spécialisés dans l’accompagnement global des parents. Leur succès doit nous inspirer. Je fais confiance au Gouvernement et à sa majorité pour redresser la trajectoire et l’orienter vers la réussite scolaire.
Le texte de la proposition de loi, modifié par la commission, donne la priorité à la prévention plutôt qu’à la sanction. En effet, le directeur de l’établissement pourra convoquer les parents de l’enfant et proposer des mesures d’accompagnement, qui prendront la forme d’un contrat dont la mise en œuvre sera suivie par un référent, conformément à l’engagement du Président de la République. Il pourra faire appel à toute la communauté éducative : enseignants, conseillers principaux d’éducation, psychologues et tous les acteurs qui interviennent dans le domaine de l’éducation. Les responsables légaux des enfants seront guidés et leurs enfants seront mieux pris en charge, notamment dans les lycées professionnels, qui sont les plus touchés. Ils pourront recevoir une réponse adaptée et individualisée.
La présente proposition de loi tire ainsi les leçons de l’échec de la lutte contre l’absentéisme Elle préconise de consentir les moyens matériels et surtout humains qui permettront de renforcer l’accompagnement scolaire personnalisé, le dialogue et la remédiation.
Les clefs du problème sont bien la prévention dès l’école primaire et la responsabilisation des parents. La lutte contre l’absentéisme scolaire doit s’inscrire dans le cadre d’une politique ambitieuse construite sur ces bases. C’est à ce prix que l’on viendra à bout de ce fléau.
Certes, l’école buissonnière n’est pas un phénomène nouveau. Mais les enfants concernés, de plus en plus jeunes et livrés à eux-mêmes, se retrouvent pris dans une spirale d’échec aux causes multiples. Le taux d’encadrement insuffisant et la suppression de postes spécifiques, comme les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, expliquent en grande partie, à mes yeux, cette dérive inquiétante.
Le droit à l’éducation est reconnu et appliqué dans notre pays ; il est donc de notre devoir d’éveiller les jeunes en leur redonnant le goût de l’apprentissage, mais aussi de sensibiliser les parents au suivi de la scolarité de leurs enfants. C’est l’esprit de ce texte.
Dans ces conditions, la très grande majorité des membres du RDSE soutiendra la présente proposition de loi, qui constitue, selon nous, la première pierre de la reconstruction de l’école de la République, une école publique laïque et obligatoire, une école que nous voulons plus forte et plus juste ! §