Intervention de Gérard Roche

Réunion du 25 octobre 2012 à 15h00
Allocation personnalisée d'autonomie — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Gérard RocheGérard Roche, rapporteur :

Si mon ambition est plus limitée, ma détermination n’en est pas moindre, tant me paraît urgente la situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui.

L’objet de cette proposition de loi est simple : apporter une ressource pérenne au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, afin d’alléger la charge croissante que cette prestation fait actuellement peser sur les budgets départementaux.

Ce texte, j’en ai été le premier signataire voilà plusieurs mois avec les membres du groupe Union centriste et républicaine ainsi qu’avec plusieurs de mes collègues du groupe Union pour un mouvement populaire. Je sais que son objectif est partagé bien au-delà des clivages politiques. La qualité tant de l’accueil dont cette proposition de loi a bénéficié la semaine dernière en commission que des débats qu’elle a suscités me laisse espérer qu’il en sera de même dans cet hémicycle et – qui sait ? – nous parviendrons peut-être à trouver un point de consensus.

Pourquoi cette proposition de loi ? Je commencerai par vous rappeler quelques éléments de contexte.

L’APA a été créée par la loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et à l’allocation personnalisée d’autonomie, en remplacement de la prestation spécifique dépendance, la PSD, qui avait été instituée en 1997 sur l’initiative de notre assemblée. Au 31 décembre 2011, 1 199 267 personnes bénéficiaient de l’APA, pour un coût total de près de 5, 3 milliards d’euros, soit près de 20 % de l’ensemble des dépenses d’aide sociale des départements.

Destinée aux personnes âgées de soixante ans et plus en situation de perte d’autonomie, l’APA est une prestation en nature, attribuée sans conditions de ressources, même si son montant varie en fonction du revenu du bénéficiaire ainsi que de son degré de dépendance défini à l’aide de la grille AGGIR – autonomie gérontologie groupe iso-ressources.

Environ 60 % des bénéficiaires de l’APA perçoivent l’aide à domicile, les 40 % restants percevant l’aide en établissement. Les plans d’aide notifiés aux bénéficiaires de l’aide à domicile sont définis dans la limite de plafonds fixés à l’échelon national par voie réglementaire. Cela signifie en pratique que les départements ont en charge la gestion d’une prestation dont ils ne maîtrisent pas pleinement la définition des paramètres.

Contrairement à la prestation spécifique dépendance, l’APA ne peut pas faire l’objet d’une récupération sur succession. Elle est en outre ouverte aux personnes relevant des GIR 1 à 4, le GIR 1 correspondant au degré le plus sévère de dépendance, tandis que la PSD n’était versée qu’aux demandeurs classés dans les GIR 1 à 3.

Depuis sa création, le financement de l’APA est assuré conjointement par les départements et par une contribution dite « de solidarité nationale » versée dans un premier temps par le fonds de financement de l’APA, le FFAPA, puis par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA.

Le FFAPA était alimenté par deux types de ressources : une participation des régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse et une part de 0, 1 point de CSG.

La loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées a apporté une ressource supplémentaire au financement de l’APA, la contribution de solidarité pour l’autonomie, la CSA, en même temps qu’elle a créé une nouvelle structure, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, chargée de centraliser l’ensemble des financements destinés au secteur médico-social.

La CSA est elle-même composée de prélèvements de deux types, au taux identique de 0, 3 % : le premier prélèvement est acquitté par les employeurs publics et privés sur les revenus salariaux, en contrepartie de la « journée de solidarité » ; le second prend la forme d’une contribution additionnelle de 0, 3 % au prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.

En 2011, le rendement de la CSA s’est élevé à 2, 3 milliards d’euros.

Notons cependant que la loi encadre très fortement l’utilisation de cette ressource au sein du budget de la CNSA, dont seule une fraction, limitée à 20 %, est allouée spécifiquement au financement de l’APA. La loi prévoit également un mécanisme de péréquation pour la répartition entre les départements du concours de la CNSA. Cette répartition dépend de quatre critères : le nombre de personnes âgées de soixante-quinze ans et plus ; le montant des dépenses d’APA ; le potentiel fiscal ; le nombre de foyers bénéficiaires du « RSA socle » non majoré.

Ce dispositif est complété par un mécanisme de correction visant à garantir que le rapport entre les dépenses des départements au titre de l’APA et leur potentiel fiscal ne puisse excéder un taux fixé par voie réglementaire ; ce taux est actuellement de 30 %.

En pratique, l’évolution des concours du FFAPA puis de la CNSA n’a pas permis de garantir une participation équilibrée et équitable de l’État au financement de l’APA. En effet, la montée en charge du dispositif a été à la fois plus rapide et plus forte que cela n’avait été anticipé au moment du vote de la loi du 20 juillet 2001. Pourtant, dès cette époque, notre ancien collègue Alain Vasselle, rapporteur du projet de loi au nom de la commission des affaires sociales, pointait la fragilité des estimations de progression des dépenses et du dispositif de financement envisagé, dont il estimait qu’il était « source de graves menaces pour les finances locales et les finances sociales ».

Or, sur la période 2003-2009, les dépenses brutes d’APA ont augmenté de 5, 9 % en moyenne annuelle, tandis que la participation du FFAPA puis de la CNSA ne progressait que de 0, 9 % en moyenne par an. De ce fait, les dépenses restant à la charge des départements ont augmenté en moyenne de 8, 8 % par an entre 2003 et 2009. Le taux de couverture des dépenses d’APA par le FFAPA puis par la CNSA, qui s’élevait à 43 % en 2002, est descendu sous la barre des 30 % en 2001, avant de remonter très légèrement à 30, 8 % en 2011. Cette même année, les départements ont supporté une charge nette de 3, 7 milliards d’euros, un chiffre en augmentation continue depuis 2002.

Pourquoi une telle dégradation de la participation de l’État au financement de l’APA ? Celle-ci s’explique avant tout par le fait qu’aucune disposition législative ne permet aujourd’hui de répartir de façon satisfaisante le financement de l’APA entre l’État et les départements. Notre Haute Assemblée avait bien conscience des risques liés à une montée en charge insuffisamment contrôlée de l’APA lorsqu’elle a examiné le projet de loi créant cette prestation, puisqu’elle avait adopté en première lecture un amendement du rapporteur pour avis de la commission des finances, Michel Mercier, qui prévoyait explicitement que la prestation serait financée à parts égales par l’État et les départements. Cette disposition a cependant été supprimée par l’Assemblée nationale – nous le regrettons –, et l’idée d’un financement à parité est demeurée un engagement informel rapidement contredit par les faits.

Or la situation financière des départements exige un nouvel équilibre dans le financement de l’APA.

En décembre 2010, déjà, trois propositions de loi identiques déposées par le groupe socialiste, le RDSE et le groupe CRC, relatives à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements – RSA, APA et prestation de compensation du handicap, PCH –, ont été débattues au Sénat.

En juin 2011, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par les départements de Seine-Saint-Denis et de l’Hérault, a certes jugé que le mécanisme de compensation financière prévu pour le financement de l’APA ne portait pas atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, mais il a émis deux réserves d’interprétation, appelant les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités dans le cas où les concours apportés par la CNSA et les mécanismes de péréquation entre départements ne permettraient plus d’assurer le respect du ratio de 30 % entre leurs charges nettes et leur potentiel fiscal.

À mon sens, cette décision du Conseil constitutionnel ouvre la voie à une évolution législative destinée à sécuriser le financement de l’APA comme celle que je vous propose aujourd'hui.

J’en viens donc au dispositif de cette proposition de loi.

Son article 1er étend l’assiette de la CSA aux revenus des travailleurs indépendants et aux pensions de retraite, afin que ceux-ci soient soumis, tout comme les revenus salariaux, à une contribution de 0, 3 %. Il s’agit selon moi d’une mesure d’équité. Certains objecteront que le prélèvement qui pèse actuellement sur les revenus salariaux ne vient pas obérer le pouvoir d’achat des salariés, dans la mesure où il est acquitté par les employeurs en contrepartie d’une journée de travail supplémentaire non rémunérée. Cependant, s’il n’y a pas de perte nette de pouvoir d’achat pour les salariés, ces derniers participent bien à l’effort de solidarité nationale en acceptant de travailler gratuitement une journée supplémentaire.

Obliger les travailleurs indépendants et les retraités à effectuer une journée de travail non rémunérée n’aurait aucun sens, cela va de soi. Mais est-ce une raison pour les dispenser de toute forme de participation à l’effort de solidarité nationale envers les personnes âgées dépendantes ? Je ne le crois pas, et mon avis rejoint celui d’une personne concernée au premier chef par l’article 1er de la proposition de loi : le président du Régime social des indépendants. Lors de son audition, ce dernier a officiellement déclaré qu’il soutenait le dispositif de la proposition de loi, nonobstant l’effort substantiel – une augmentation de près de un milliard d’euros de leurs cotisations maladie – que le PLFSS pour 2013 prévoit déjà de demander aux travailleurs indépendants. Je tiens à saluer avec force cette position responsable et courageuse, qui témoigne d’une prise de conscience de l’effort de solidarité que nous devons tous consentir envers nos aînés.

Il est vrai que le président de la Confédération française des retraités, auquel j’ai également demandé son opinion sur la proposition de loi, s’est montré moins enthousiaste.

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