Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la prise en charge de la dépendance, l’un des grands enjeux de notre société, doit être à ce titre une priorité nationale. Nous devons donner à nos concitoyens les moyens de bien vieillir, dans des conditions matérielles à la fois confortables et dignes.
En effet, les progrès scientifiques et les avancées médicales réalisés au cours de ces trente dernières années ont permis d’allonger la vie, et l’on doit s’en féliciter. Alors que l’on vivait en moyenne jusqu’à soixante-seize ans en 1970, actuellement, en France, trois millions de personnes sont âgées de plus de quatre-vingts ans. Les scientifiques, jamais à court d’idées, n’excluent d’ailleurs pas que des êtres humains puissent vivre jusqu’à cent cinquante ans, voire davantage, si les connaissances de la génétique et du mécanisme de vieillissement s’améliorent et permettent de ralentir les processus biologiques. Qui pourrait s’en plaindre ?
Néanmoins, selon une étude récente, l’espérance de vie sans incapacité est, elle, en légère baisse depuis 2006. De plus en plus de personnes âgées se trouvent ainsi en situation de perte d’autonomie. Selon les hypothèses du ministère de la santé, en 2040, le nombre de personnes âgées dépendantes devrait se situer entre 1, 7 million et 2, 2 millions.
Certes, estimer le nombre de personnes dépendantes que la France comptera dans dix, vingt ou trente ans n’est pas un exercice aisé, mais les prévisions qui peuvent être faites présentent l’indéniable avantage de nous obliger à réfléchir à la mise en place d’une véritable prise en charge de l’autonomie, vieux problème s’il en est. Quels efforts la collectivité devra-t-elle fournir pour offrir à ces personnes âgées une fin de vie digne et décente ? Nos concitoyens attendent des réponses. Il s’agit là d’un défi social considérable.
Particulièrement attachés au respect des valeurs humanistes et au principe de solidarité, la plupart des sénateurs du RDSE considèrent que la perte d’autonomie de nos aînés doit être prise en charge par la collectivité, au nom de la solidarité nationale. Acteurs incontournables de la cohésion sociale, les départements sont, à ce titre, en première ligne. Mais doivent-ils assumer seuls cette prise en charge ? La réponse est bien évidemment négative ! C’est malheureusement le cas !
Comme nous le savons tous, depuis sa création en 2001, l’allocation personnalisée d’autonomie incombe, pour la majeure partie de son financement, aux départements. Victime de son succès, l’APA pèse de plus en plus lourd sur les finances départementales et le nombre d’allocataires ne cesse d’augmenter. En quatre ans seulement, le budget des départements consacré à l’APA a bondi de 22 %, et bon nombre d’entre nous le vivent sur leurs territoires. Alors que l’État s’était engagé à prendre en charge jusqu’à 50 % du coût de l’allocation, force est de constater que sa participation s’est effritée au fil des ans pour n’en couvrir aujourd’hui que 28 %. C’est très peu, et trop peu ! L’absence de compensation devient insupportable pour les départements.
Sans doute aurions-nous dû être plus vigilants à l’époque et imposer que la participation de l’État à hauteur de 50 % soit gravée dans le marbre de la loi.
Aujourd’hui, le financement de l’APA n’est pas à la mesure des enjeux. Il ne permet pas de faire face au coût croissant des aides à domicile et de l’accueil en établissement spécialisé. Comment les départements peuvent-ils espérer investir dans de nouvelles structures pour accueillir les personnes âgées, ce qui est absolument indispensable ?
Un grand nombre d’établissements ne permettent plus aujourd’hui d’offrir une qualité de vie suffisante aux personnes âgées et handicapées en perte d’autonomie qu’ils accueillent. En outre, la charge des départements s’est considérablement alourdie du fait, notamment, de la suppression du recours sur succession, que personnellement je regrette.
Si nous ne faisons rien pour améliorer la situation, plusieurs budgets départementaux n’y survivront pas. Actuellement, une trentaine de départements connaissent de très grandes difficultés financières. Si certains peuvent assumer cette dépense plus ou moins facilement, pour le plus grand nombre, elle est la cause d’une véritable asphyxie.
L’effort consenti pour financer l’APA se fait nécessairement au détriment d’autres compétences des conseils généraux. Comment peuvent-ils alors continuer d’investir dans les collèges ou les transports scolaires et mener, dans le même temps, une politique volontariste dans les domaines culturel et sportif, où la demande reste très forte ?
En 2010, forts de ce constat, nous étions nombreux à demander au Gouvernement de prendre ses responsabilités en donnant aux conseils généraux les moyens de financer les prestations sociales dont ils ont la charge. Les trois propositions de loi identiques déposées respectivement par le groupe socialiste, le CRC-SPG et le RDSE, se sont malheureusement vu opposer une fin de non-recevoir par la précédente majorité.
Ironie du sort, la présente proposition de loi déposée par plusieurs de nos collègues de la nouvelle opposition – et donc de l’ancienne majorité ! – a le mérite de jeter les bases d’une véritable réforme du financement de la dépendance, réforme que nos concitoyens attendent depuis trop longtemps. Nous devons en effet instaurer un financement pérenne de ces allocations, gage de la mise en place d’une véritable politique en faveur de nos aînés.
D’ailleurs, nous ne pouvons que nous féliciter des mesures annoncées lundi dernier par le Président de la République et le Premier ministre aux représentants de l’Assemblée des départements de France, à l’issue d’une réunion de travail à l’Élysée. Même s’il manque aujourd’hui aux conseils généraux la bagatelle de 6 milliards d’euros pour faire face au financement de l’APA, de la PCH et du RSA, le déblocage d’un fonds d’urgence de 170 millions d’euros annoncé par le Gouvernement représente en soi une très bonne nouvelle. Nous savons également que le Président de la République a demandé qu’une réflexion s’engage pour résoudre le problème du financement de la dépendance à l’horizon de 2014 ; ce n’est pas si loin !
Enfin, nous ne pouvons que saluer l’initiative du Gouvernement d’inscrire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 la participation des retraités au financement de la politique de prise en charge de la dépendance.
Dans ces conditions, mes chers collègues, les membres du RDSE, dans leur pluralisme bien connu, sont partagés sur la présente proposition de loi : en effet, si nous en approuvons tous les objectifs, certains d’entre nous estiment que cela constitue une raison suffisante pour la soutenir, quand d’autres considèrent qu’il faut laisser le Gouvernement et le Parlement poursuivre sereinement, dans le dialogue avec les associations d’élus locaux, la préparation d’une réforme plus globale du financement et des moyens d’action des collectivités territoriales.