Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 25 octobre 2012 à 15h00
Allocation personnalisée d'autonomie — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la proposition de loi que nous sommes appelés à examiner aujourd’hui, et sur laquelle trois amendements ont été déposés par son auteur, aborde la question de la perte d’autonomie sous la pire forme qui soit, à savoir exclusivement sous l’angle de son financement.

Cela étant dit, je ne minore en rien les besoins financiers dans ce domaine, car je connais, en tant que vice-président du conseil général du Pas-de-Calais chargé des aînés, l’importance des sommes qu’engagent annuellement les conseils généraux pour financer l’allocation personnalisée d’autonomie.

Pour autant, je ne partage ni la volonté de notre collègue Gérard Roche ni ses propos lorsqu’il affirme que l’adoption de cette proposition de loi permettrait « d’apporter une solution urgente et pérenne au financement de l’APA ».

Certes, les départements rencontrent d’importantes difficultés, notamment en raison de l’augmentation progressive et continue des dépenses qu’ils supportent au titre de l’APA et des deux autres prestations sociales individuelles que sont le revenu de solidarité active et la prestation de compensation du handicap. Cependant, pour mieux comprendre les difficultés qu’ils rencontrent, il convient de remonter à leur source.

Si près de trente départements, qu’ils soient ruraux ou urbains, gérés par des majorités de sensibilités politiques différentes, connaissent une situation financière insoutenable –certains ont même été jusqu’à dire que ces départements frôlaient le dépôt de bilan -, ce sont les équilibres financiers de tous les départements qui sont en réalité ébranlés par le financement incohérent d’une partie de notre système de solidarité nationale.

Cette situation appelle donc des réformes structurelles et non des mesures ponctuelles.

En effet, les modes hétérogènes de financement sont aujourd'hui inadaptés à la nature même de ces allocations. Alors que la couverture maladie, les allocations familiales et les allocations de retraite sont financées par des ressources prélevées à l’échelon national dans le cadre de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale, une partie de plus en plus importante du financement de l’APA, du RSA et de la PCH repose sur les départements et demeure adossée à une fiscalité en complète inadéquation avec la nature et le rythme d’évolution de ces allocations de solidarité.

Ce constat, qui porte au final, il faut le dire clairement, sur le non-respect par l’État des engagements pris en matière de compensation, grève considérablement le budget des départements. Nous en sommes bien d’accord.

Cette analyse avait d’ailleurs conduit l’ensemble des groupes parlementaires de gauche du Sénat, cela a été rappelé par différents orateurs, à déposer une proposition de loi prévoyant la compensation intégrale de ces charges par l’État. Pour notre part, nous nous inscrivons dans la continuité de cette proposition de loi-là, dans son intégralité.

Face à ce que l’on pourrait qualifier de constat de carence de l’État, qui nous paraît être en contradiction avec la volonté qu’expriment nos concitoyens en faveur d’une solidarité nationale renforcée, nous ne nous retrouvons pas dans la solution préconisée ici, à savoir l’extension de la journée dite « de solidarité » aux retraités et aux professions libérales.

Cette solution, qui présente sans aucun doute l’avantage de pouvoir être facilement mise en œuvre, tend à faire croire que la seule manière de renforcer la participation de l’État dans le financement des besoins en matière d’autonomie consisterait à exiger de nos concitoyens qu’ils voient, une nouvelle fois, leur pouvoir d’achat amputé.

Le groupe CRC n’adhère pas à cette proposition, et il me semble important de faire quelques observations.

S’il est vrai que les départements sont identifiés comme des structures de proximité, la bonne échelle pour la mise en œuvre de l’APA, nous sommes convaincus que le financement de la solidarité au titre des allocations individuelles doit demeurer national. L’État doit en effet garantir à nos concitoyens, au nom de l’égalité républicaine et des principes constitutionnels, qu’ils pourront, où qu’ils se trouvent, bénéficier d’une protection sociale identique. D’ailleurs, les départements, dont certaines populations sont plus que d’autres frappées par la crise, ne doivent pas assumer encore plus les conséquences de l’aggravation de la situation économique et sociale qui touche certains territoires plus que d’autres.

Par ailleurs, nous contestons le principe selon lequel la participation financière de l’État devrait revêtir la forme d’une extension de la journée de solidarité.

Les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de réduire le champ de la protection sociale assumée par la sécurité sociale et donc financée par les cotisations, notamment en multipliant les fonds. Ceux-ci relèvent essentiellement d’un financement assis non plus sur les cotisations, c’est-à-dire sur l’ensemble des richesses créées dans les entreprises, mais sur l’impôt, c’est-à-dire, dans les faits, sur les ménages, et sur eux seuls. Cette proposition de loi en est un parfait exemple.

Comme nos autres collègues de gauche, nous nous étions formellement opposés à l’instauration de la journée de solidarité, qui fait reposer la solidarité nationale essentiellement sur les salariés.

Nous considérions que cette mesure était injuste et comptable, et nous continuons à le penser. Ni l’extension de ce dispositif aux professions libérales et aux retraités, lesquels ne sont pas des nantis, puisque nombre d’entre eux perçoivent moins de 1 000 euros par mois – il faut tout de même que quelqu’un le dise ici –, ni les amendements adoptés en commission ne le rendent plus juste.

Le mécanisme proposé ici, volontairement simple, est selon nous dangereux, car il permet, comme cela est d’ailleurs le cas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, d’éluder trois questions fondamentales qui nous semblent pourtant devoir être soulevées, et dans cet ordre : quel champ pour la solidarité nationale ? Quelle organisation ? Quels financements ?

N’actionner qu’un seul de ces leviers, qui plus est celui du financement, c’est prendre le risque de n’apporter que des réponses partielles et injustes, déjà appliquées dans le passé.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi.

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