Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la présente proposition de loi est cruciale non pas simplement parce qu’elle est issue du groupe UDI-UC, au nom duquel j’ai l’honneur de m’exprimer pour la première fois aujourd'hui, mais surtout parce qu’elle s’attaque à un problème lourd pour les départements. Elle apporte une réponse qui, au-delà de la gestion, repose sur des principes dont je ne vois pas du tout en quoi ils seraient injustes.
Le problème de fond est bien connu et il a été largement rappelé : la montée en charge de l’APA depuis 2001 a été bien plus rapide qu’on ne l’avait anticipé et le système de financement prévu à l’origine n’était pas adapté pour y faire face.
En effet, le mode financement de l’APA est mixte, qui repose, d’une part, sur les départements et, d’autre part, sur la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Depuis 2001, le partage entre ces deux sources de financement s’est trouvé profondément déséquilibré, puisque les départements, qui finançaient 57 % des dépenses à l’origine, en assument plus de 70 % aujourd’hui.
Cette réalité, d’une lumineuse évidence, s’explique par la conjonction de deux éléments : premièrement, de 2003 à 2009, les dépenses d’APA ont augmenté de près de 6 % par an, tandis que les financements de la CNSA augmentaient, dans le même temps, de moins de 1 % par an ; deuxièmement, et de manière plus fondamentale, aucune disposition dans la loi d’origine ne fixe une clef de répartition claire entre les départements, d’une part, et l’État, d’autre part.
Dès l’origine, mon groupe avait souligné cette lacune considérable et avait proposé et obtenu une clé de répartition paritaire très simple entre l’État et les départements, mesure qui a malheureusement été supprimée par l’Assemblée nationale.
Les départements en subissent aujourd’hui les conséquences, puisque l’APA représente plus de 20 % de l’ensemble de leurs dépenses d’aide sociale.
Permettez-moi un aparté, mes chers collègues. Si, actuellement, je suis une élue de Paris, j’ai néanmoins suivi cette question très sensible dans de précédentes fonctions non électives que j’ai occupées dans un département voisin très connu.
Les départements recourent à des solutions qui ne sont pas pérennes : ils augmentent les impôts, s’endettent ou, plus grave encore, coupent dans leurs dépenses d’investissement. Au fur et à mesure, ils se transforment en simples guichets, sans même avoir de prise sur ce type de dépenses, sans même pouvoir procéder à des arbitrages politiques. In fine, c’est leur pérennité qui est en cause. Surtout au sein de cette assemblée, je ne pense pas que nous partagions cette conception de la décentralisation.
C’est la raison pour laquelle notre collègue Gérard Roche a déposé ce texte, texte dont tout le monde approuve la philosophie et qui est très largement soutenu par les présidents de conseil général, comme l’a rappelé René-Paul Savary.
Gérard Roche propose tout simplement que la solidarité soit uniquement fonction de la capacité contributive de chacun et qu’aucune profession, aucune catégorie, ne soit a priori exclue.
Il faut un certain courage politique pour proposer une telle solution. Celle-ci est loin d’être injuste et, monsieur le rapporteur, vous avez veillé à éviter que les plus démunis ne soient touchés.
L’article 1er de la proposition de loi élargit la CSA aux travailleurs indépendants et aux retraités.
Aujourd’hui, cette contribution est acquittée par les employeurs publics et privés sur les revenus salariaux et sur les revenus du capital. De fait, elle est presque universelle ; il ne manque que les indépendants et les retraités, qui en sont exonérés aujourd’hui.
Sur le fond, les justifications de cette exonération – une mesure catégorielle et non fonction des revenus – sont faibles. Les principaux intéressés en sont d’ailleurs conscients, le président du Régime social des indépendants, auditionné par notre rapporteur, ayant officiellement déclaré soutenir le dispositif.
En termes d’équité, rien ne s’oppose à l’universalisation de la CSA, d’autant plus que notre collègue Gérard Roche a déposé un amendement visant à exclure explicitement du dispositif les retraités aux revenus les plus modestes.
En outre, cette proposition de loi apporte une solution pérenne au problème de financement, puisqu’elle flèche cette recette directement sur la compensation de l’APA. Je le rappelle, on estime que son produit se situe entre 884 millions d’euros et 910 millions d’euros. De fait, il serait presque possible d’atteindre l’objectif d’un financement de l’APA à parts égales entre l’État et les départements.
La présente proposition de loi est un texte pragmatique, qui fait consensus parmi les présidents de conseil général et qui est soutenu par l’Assemblée des départements de France. Mais elle est entachée d’un péché originel : elle n’a pas été déposée par un sénateur siégeant du bon côté de l’hémicycle et le Gouvernement n’en veut pas, pas plus que le groupe socialiste !
Pourquoi ?
Premier argument : la présente proposition de loi entrerait partiellement en conflit avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, notamment avec son article 16, qui crée la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie sur les pensions de retraite et d’invalidité, au même taux de 0, 3 %.
Or la CASA n’améliorera en rien la compensation de l’APA, car tel n’est pas, à terme, son objet. Fléchée, dans un premier temps, vers le Fonds de solidarité vieillesse, elle financera, à partir de 2014, la réforme projetée de la dépendance. Ce n’est donc que durant un très court intervalle, d’avril à décembre 2013, qu’elle abondera la section II de la CNSA. La CASA n’est donc pas une solution pérenne en soi.
Second argument : le présent texte anticiperait sur la fameuse réforme de la dépendance et apporterait une solution trop ponctuelle là où le Gouvernement veut favoriser une approche globale.
Cela ne tient pas. Avant d’envisager la future réforme de la dépendance, commençons déjà par pérenniser et sécuriser l’APA !
Quant au fonds d’urgence, il n’est pas plus une réponse pérenne.
Tous ici, hormis M. Watrin, nous approuvons la philosophie et l’objet de cette proposition de loi. J’éprouve une certaine compassion pour ceux de nos collègues qui nous ont expliqué qu’ils étaient contraints de voter contre ce texte, tout en l’approuvant. C’est pourquoi j’invite chacun à faire preuve de pragmatisme, d’autant que, au sein de la commission des affaires sociales, nos débats ont été très consensuels. En tant que membres d’une assemblée représentant les collectivités territoriales, nous devons adopter cette proposition de loi.