L’article 1er de cette proposition de loi, y compris si l’amendement qu’a déposé notre collègue Roche est adopté, repose sur un postulat que nous contestons. Il n’y aurait plus ou, plutôt, devrais-je dire, il ne devrait plus y avoir de différences entre un système reposant sur la solidarité nationale et un système assurantiel. J’en veux pour preuve le rapport de notre collègue, qui, pour justifier que l’on taxe les retraités, nous explique que l’effort de 36 euros que ce texte prévoit de leur demander n’est qu’une faible partie de ce qu’ils recevront si toutefois ils devaient être bénéficiaires, demain, de l’APA.
Cette logique individualiste, qui consiste à comparer la hauteur de la contribution au montant des sommes perçues, n’est pas conforme à l’esprit des ordonnances de 1945 qui ont, sous l’impulsion d’Ambroise Croizat, créé la sécurité sociale. Le principe était alors que chacun cotisait en fonction de ses moyens et bénéficiait de la solidarité nationale en fonction de ses besoins. Avec l’argumentation déployée par notre collègue, nous en sommes loin.
Cette confusion vient, sans doute, de la nature même de l’allocation personnalisée d’autonomie. Sa création a certainement permis aux personnes qui en bénéficient de connaître une amélioration notable de leur situation. Pour autant, il ne s’agit pas, contrairement à ce que nous souhaiterions, d’une véritable prestation sociale destinée à prendre en charge l’ensemble des besoins liés à la perte d’autonomie. C’est donc une avancée, mais elle est limitée.
La nature hybride de cette allocation soulève d’importantes difficultés et pose question. Disant cela, je pense au rapport de notre collègue Ronan Kerdraon, qui s’interrogeait sur la pertinence du financement par la CNSA, des soins dispensés au sein des établissements médicosociaux.
D’une certaine manière, la CNSA, bien qu’elle réponde à des besoins objectifs, qui auraient très bien pu être assumés par la sécurité sociale, participe à sa fragilisation. C’est la raison pour laquelle nous plaidons, pour notre part, en faveur d’une fusion de la CNSA et de la branche maladie qui aurait vocation, comme lors de sa création, à couvrir les besoins en termes de santé et d’accompagnement social, de la naissance de l’individu jusqu’à sa mort. L’objectif d’une réforme destinée à prendre en charge les besoins liés à la perte d’autonomie doit être la reconnaissance, cela a été souligné par d’autres, d’un droit universel assumé, selon nous, par une sécurité sociale financièrement renforcée.
Sa gestion doit être démocratisée par l’organisation d’élections dans chacune des branches, ainsi que par la représentation des associations d’usagers. L’efficacité du dispositif doit être consolidée par la coordination du sanitaire et du médicosocial à l’échelle du département. Cette donnée me paraît également importante.
Il faudra naturellement, et nous le rappellerons à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, que nous apportions à la sécurité sociale les moyens financiers nécessaires à la mise en œuvre de cette nouvelle étape solidaire. Ce financement ne peut pas reposer, comme le proposent certains, sur l’impôt, si faible soit-il. C’est là où nous divergeons. Ce financement doit être sociabilisé et reposer sur les cotisations sociales.
Voyez-vous, chers collègues, avant d’en appeler à la solidarité de celles et ceux qui travaillent ou qui sont victimes de la précarité, nous sommes persuadés que d’autres solutions sont possibles.
Aujourd’hui, des sommes colossales, toutes destinées à la spéculation et aux marchés financiers, échappent encore à la solidarité nationale. Je reprendrai, ici, la démonstration que j’ai faite en commission. Plutôt que d’adopter une mesure de taxation des retraités, pourquoi ne pas soumettre à contribution les actifs financiers des entreprises ? Ces derniers, qui représentent tout de même 5 000 milliards d’euros, taxés à 0, 15 %, engendreraient 7, 5 milliards d’euros, soit un peu plus que la part des trois allocations de solidarité à la charge des départements.
Convenez, mes chers collègues, que notre proposition est plus juste, plus solidaire, plus conforme au pacte social et permet, qui plus est, d’engendrer plus de ressources que la disposition qui nous est proposée ici.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe CRC votera contre cet article et demande qu’il soit mis aux voix par scrutin public.