Intervention de Michel Boutant

Réunion du 30 octobre 2012 à 9h30
Questions orales — Traitement discriminatoire des gens du voyage

Photo de Michel BoutantMichel Boutant :

Madame la présidente, j’ai souhaité attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur la nécessité d’abroger la loi du 3 janvier 1969 relative aux titres de circulation des gens du voyage.

Cette loi, elle-même héritière de la loi du 16 juillet 1912 qui mettait en place le carnet anthropométrique pour ces populations, me semble en effet maintenir un régime discriminatoire peu acceptable pour les gens du voyage. Ainsi, toutes les personnes âgées de plus de seize ans ayant une résidence mobile doivent, selon qu’elles ont ou non des ressources régulières, avoir en leur possession un livret ou un carnet de circulation. Le livret doit être visé chaque année par la gendarmerie ou la police. Le carnet, quant à lui, est présenté une fois par trimestre.

Des sanctions pénales sont encourues en cas de manquement à cette loi. De plus, l’article 10 de cette dernière prévoit que l’inscription des gens du voyage sur la liste électorale n’est possible qu’après trois ans de rattachement ininterrompu à la même commune. Je dirai, à titre d’exemple, que ce délai est de six mois pour les personnes sans domicile fixe.

Par ailleurs, en vertu du système de commune de rattachement, le nombre de gens du voyage ne doit pas dépasser 3 % de la population sur une seule commune. Ces discriminations s’accompagnent de difficultés administratives pour obtenir le rattachement et d’entraves à la scolarisation des enfants.

Cette situation avait été dénoncée en son temps par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, laquelle avait mis en évidence une différence de traitement violant l’article 14 de la convention européenne des droits de l’homme. Ce texte interdit toute discrimination dans la jouissance du droit de chacun à circuler librement. La Commission consultative des droits de l’homme a également recommandé l’application du droit commun pour les gens du voyage en matière de droits civiques.

Je préciserai, en outre, que le Conseil constitutionnel a rendu le 5 octobre dernier une décision de censure partielle de la loi du 3 janvier 1969, considérée cependant comme insuffisante par les associations de défense des droits de l’homme. Le Conseil constitutionnel a estimé que le fait de devoir faire viser un titre tous les trois mois était contraire à la Constitution. Il a également abrogé la peine d’emprisonnement encourue par les itinérants qui ne rempliraient pas leurs obligations. Enfin, il a censuré la disposition qui exigeait de justifier de trois ans de rattachement ininterrompu à la même commune pour l’inscription sur les listes électorales.

Cette décision est censée prendre effet immédiatement. J’aurais aimé savoir où en est son application. La République française ne pourrait admettre qu’une partie de sa population soit traitée de la sorte. Je vous demande donc si le Gouvernement entend, comme l’avaient proposé plusieurs parlementaires par le passé, abroger définitivement la loi du 3 juillet 1969.

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