La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
La parole est à M. Dominique de Legge, auteur de la question n° 140, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille.
Madame la ministre, nous nous accordons tous ici sur la nécessité de favoriser la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, qui bénéficie à la fois à l’emploi et à la famille. C’est dans cet esprit qu’avait été institué, le 1er janvier 2004, un dispositif d’accompagnement des entreprises dit « crédit d’impôt famille », destiné aux sociétés réalisant des dépenses ayant pour objet, entre autres, de financer la création et le fonctionnement de crèches accueillant les enfants de moins de trois ans de leurs salariés ou de prendre en charge partiellement les chèques emploi-service universel, les CESU, utilisés par leurs employés. Ce dispositif vise également les programmes de formation pour les salariés en congé parental d’éducation. Depuis 2009, le crédit d’impôt famille a été revalorisé et porté à 50 % de ces dépenses.
Certes, nous disposons de peu d’éléments sur l’impact de cette mesure fiscale sur les places ainsi créées. En revanche, nous savons que cette disposition a fait ses preuves, puisqu’elle concernait, en 2011, quelque 3 400 entreprises, pour un montant de 37 millions d’euros. Le crédit d’impôt famille a permis d’inciter les employeurs à prendre part au développement des places de garde d’enfants. Le bilan semble donc positif à ce jour, avec un réel bénéfice pour les salariés visés.
Dans les soixante propositions du candidat Hollande, je n’ai pas noté d’indication sur la politique familiale, et plus précisément sur les mesures envisagées pour concilier la vie professionnelle et la vie familiale, ni sur la nécessité de développer de nouveaux modes de garde, sauf à considérer que l’accueil des enfants en maternelle dès l’âge de deux ans puisse constituer un mode de garde alternatif.
Dans le même temps, je constate que le Gouvernement alourdit la fiscalité des entreprises, en augmentant les impôts et les taxes existantes, en créant de nouvelles contributions et en limitant certaines déductibilités accordées au titre des charges, comme celle qui est liée aux intérêts d’emprunts.
Dans ce contexte, madame la ministre, je souhaiterais donc savoir si vous comptez revenir sur ce dispositif ou le faire évoluer. En outre, d’une façon plus générale, quelles mesures entendez-vous adopter pour faciliter la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale ?
Monsieur le sénateur, je vous remercie de me poser cette question, qui me permet de réaffirmer l’attachement du Gouvernement à l’accueil des jeunes enfants : celui-ci est l’une de nos priorités, mais aussi une façon de mettre en œuvre l’engagement du Président de la République en faveur de la jeunesse.
Vous avez raison de le souligner, trop de parents éprouvent aujourd’hui de réelles difficultés à trouver des solutions d’accueil – je préfère pour ma part le terme « accueil » à celui de « garde » – satisfaisantes. C’est pourquoi nous lançons une grande consultation pour définir, avec les collectivités, les acteurs de la politique familiale et les parents eux-mêmes, les solutions qui peuvent être apportées et la manière de rapprocher l’offre et la demande, dans un souci de plus grande efficacité et à l'échelle des territoires.
Les entreprises ont bien évidemment un rôle à jouer pour aider leurs employés à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Le crédit d’impôt famille, sur lequel vous m’interrogez, monsieur le sénateur, fait partie des outils destinés à les y encourager. Ce crédit d’impôt sur les bénéfices, dans la limite d’un plafond de 500 000 euros, a évolué pour se concentrer essentiellement sur l’accueil des jeunes enfants et pour soutenir prioritairement la création de structures et de services d’accueil.
Instauré par la loi de finances pour 2004, ce dispositif avait initialement une acception large, donnant droit à un avantage fiscal de 25 % sur toutes les dépenses des entreprises : celles qui sont liées à la création ou au fonctionnement d’établissements d’accueil des enfants ; celles qui sont relatives à l’aide financière versée par l’entreprise et destinée à financer des services à la personne ; ou encore celles qui sont afférentes au financement des congés ou des formations liées à l’enfant ou aux frais exceptionnels de garde.
Vous le savez, l’article 96 de la loi de finances rectificative pour 2008 a porté à 50 % le taux de l’avantage pour les dépenses liées à la création ou au fonctionnement d’établissements d’accueil des enfants de moins de trois ans.
Nous ne pouvons que le constater, ce dispositif fonctionne et il est particulièrement attractif, depuis 2009, pour le soutien à la création et au fonctionnement de crèches d’entreprise. La preuve de son succès est la forte progression de la dépense fiscale, qui s’est accrue de plus de 35 % entre 2011 et 2012.
Le crédit d’impôt famille se situe dans la ligne de la politique que nous entendons mener : rassembler tous les acteurs autour de la priorité que constitue l’accueil des jeunes enfants. Compte tenu de l’intérêt d’un tel dispositif, il n’est pas envisagé, à ce stade, de réduire cet avantage fiscal. Son maintien s’inscrit dans l’engagement continu du Gouvernement en direction de toutes les familles.
Madame la ministre, je vous remercie de vos propos : à ma question précise, vous avez apporté une réponse précise !
Je formulerai deux observations très rapides.
Tout d'abord, vous annoncez une nouvelle consultation visant à définir la manière de rapprocher l’offre et la demande, mais, aujourd'hui, nous savons très précisément où nous en sommes à cet égard, me semble-t-il, et j’aimerais donc que l’on ne perde pas trop de temps.
Ensuite, d’une façon plus générale, à l’heure où le Gouvernement a entrepris de réduire la dépense publique – je ne lui jette pas la pierre sur ce point – et où il envisage donc d’accorder des dotations moins importantes aux collectivités territoriales, il ne faudrait pas que les coûts suscités par la garde des enfants soient transférés à ces dernières ; je pense notamment aux dépenses liées au périscolaire.
La parole est à Mme Frédérique Espagnac, auteur de la question n° 77, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Madame la ministre, j’ai souhaité attirer l’attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les problèmes de gestion de la fonction publique hospitalière qui résultent de l’article 23 de la loi HPST, c'est-à-dire « Hôpital, patients, santé et territoires », du 21 juillet 2009.
En effet, aux termes de cette disposition, tout syndicat interhospitalier, ou SIH, doit se transformer, dans un délai de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi HPST et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, soit en centre hospitalier de territoire, soit en groupement d’intérêt public, ou GIP, soit en groupement de coopération sanitaire, ou GCS.
Le projet de décret d’application étant en cours d’examen par le Conseil d’État, il semble que le III de l’article 23 de la loi HPST ne saurait avoir un caractère d’applicabilité immédiate, ce qui signifie que le 23 juillet 2012 ne constitue pas, en droit, une date butoir pour la transformation des syndicats interhospitaliers.
De plus, la loi n’ayant pas prévu de sanction pour les syndicats interhospitaliers non transformés à l’expiration de ce délai, le respect du principe constitutionnel de continuité du service public induit que les SIH conservent leur personnalité morale au-delà de la date du 23 juillet 2012.
Néanmoins, ces dispositions soulèvent des interrogations quant à la gestion du personnel de la fonction publique hospitalière. En effet, il faut savoir que les GCS et les GIP ne sont pas capables juridiquement de recruter des agents publics.
Rappelons-le, le dernier alinéa de l’article 23 de la loi HPST complète les dispositions sur la transformation des syndicats interhospitaliers, puisqu’il prévoit que les personnes recrutées en qualité de fonctionnaires par un SIH conservent ce statut.
Si cette disposition semble, de prime abord, contourner le problème, elle soulève d’autres interrogations.
Qu’en est-il d’une éventuelle mise en cause d’une gestion unifiée des agents des anciens SIH par les nouvelles structures que sont les GCS et les GIP ? On peut en effet craindre l’apparition d’une configuration qui laisserait place à un traitement distinct des agents publics selon la nature de la structure. Or, en vertu d’une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, il existe un principe d’égalité de traitement du personnel de la fonction publique.
Par ailleurs, un second enjeu vient se greffer sur le précédent : celui de la gestion des agents contractuels. En effet, comme ni les groupements de coopération sanitaire ni les groupements d’intérêt public ne peuvent recruter d’agents publics, il est nécessaire de se préoccuper de l’avenir de ces personnels. Stricto sensu, le dernier alinéa de l’article 23 de la loi ne trouverait pas à s’appliquer, puisqu’il traite seulement des fonctionnaires, non des agents contractuels. Il faut donc clarifier le statut de ces derniers, qui est aujourd’hui précaire.
Enfin, il est nécessaire de prendre en considération d’éventuels sureffectifs dans ces centres hospitaliers intermédiaires, une situation qui serait susceptible, elle aussi, de perturber la gestion des carrières et de remettre en cause une gestion unifiée du personnel.
C’est pourquoi, madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur ce sujet, qui touche nos territoires, et savoir quelles mesures le Gouvernement entend mettre en œuvre pour clarifier la situation dans la fonction publique hospitalière.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Madame la sénatrice, je m’efforcerai cette fois encore d’apporter une réponse précise à une question qui ne l’est pas moins !
Sourires.
Votre interrogation comporte deux aspects.
Le premier porte sur le délai dans lequel les syndicats interhospitaliers doivent se transformer soit en groupement d’intérêt public, ou GIP, soit en groupement de coopération sanitaire, ou GCS.
Comme vous l’avez souligné, il s’agit là de la mise en œuvre d’une disposition contenue dans la loi HPST, qui prévoit un délai de trois ans à compter de son entrée en vigueur, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Cette dernière instance a confirmé, à l’occasion de l’examen du projet de décret qui lui a été soumis et dont la publication devrait désormais intervenir à brève échéance, que la transformation des SIH n’entrerait en vigueur qu’à compter de la publication de ce texte, lequel pouvait instaurer un délai de mise en œuvre qui ne saurait être supérieur à trois ans.
Ainsi, les SIH non transformés à la date du 23 juillet 2012 conservent leur personnalité morale jusqu’à ce qu’intervienne effectivement leur transformation en GIP ou en GCS dans le nouveau délai imparti.
Le second aspect de votre question porte sur la situation des personnels recrutés par les SIH en qualité de fonctionnaires hospitaliers.
L’article 128 de la loi relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique prévoit notamment que « les personnels recrutés en qualité de fonctionnaires par un syndicat interhospitalier conservent ce statut nonobstant cette transformation ».
Sur ce point également, le Conseil d’État a confirmé que cette disposition législative avait pour effet de confier au Gouvernement le soin de régler la situation de ces fonctionnaires par la voie du décret d’application prévu par l’article 23 de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST. Ce décret détaillera le dispositif permettant aux fonctionnaires hospitaliers engagés par un SIH antérieurement à sa transformation de conserver la plénitude de leurs droits et obligations. Ces agents seront donc recrutés avant la transformation de leur SIH employeur par un ou plusieurs des établissements membres de ce dernier, pour être mis de droit à disposition du groupement résultant de la transformation, afin d’y poursuivre leur activité.
Par ailleurs, la question relative à la situation des agents contractuels des SIH ne se pose pas dans les mêmes termes. La loi a apporté à ces agents la garantie de leur réemploi, dans des conditions identiques, par les GIP et les GCS de droit public, puisque ce sont des groupements publics habilités à recruter des contractuels de droit public.
Enfin, dans l’hypothèse où le GCS se constituerait sous le régime du droit privé, les personnels contractuels de droit public seront repris par la nouvelle structure, sur la base d’un contrat de droit privé reprenant les clauses essentielles du contrat initial.
Madame la ministre, je vous remercie de la précision de votre réponse. Vous comprendrez que je serai évidemment très attentive lors de la parution de ce décret.
En tout cas, je ferai part aux représentants de la fonction publique hospitalière de votre réponse, de nature à les rassurer.
La parole est à M. Raymond Couderc, auteur de la question n° 88, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite interroger le Gouvernement sur une importante question de santé publique, plus précisément de santé au travail.
En septembre 2011, j’ai déposé une question écrite après avoir appris qu’un taux élevé de cas de cancers avait été mis en évidence chez des techniciens de France Télécom ayant travaillé sur les sites de Bédarieux et de Béziers, ville dont je suis le maire.
Cette question ayant été frappée de caducité à la suite de la nomination de l’actuel gouvernement, j’ai souhaité, au vu de son importance, la présenter à nouveau sous la forme d’une question orale, après avoir reçu les personnels concernés.
En effet, le rapport du comité « hygiène et sécurité » de France Télécom de septembre 2011 contenait des conclusions inquiétantes, puisqu’il répertoriait une cinquantaine de cas de cancers parmi les techniciens de l’entreprise ayant travaillé sur ces sites.
Ces salariés auraient été exposés à des rayons ionisants issus des boîtiers de raccordement qui contenaient, jusqu’en 1999, des parafoudres radioactifs sur les deux sites.
Les malades ont, depuis, créé une association dénommée « Entraide et défense des acteurs des télécoms exposés aux toxiques », l’EDATET, pour faire valoir leurs droits. Certains d’entre eux effectuent actuellement les démarches pour faire reconnaître leurs maladies en tant que maladies professionnelles. Toutefois, aux dernières nouvelles, ils se heurtent à un certain nombre de blocages.
Je souhaite préciser également qu’il reste aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers de parafoudres dans des centraux situés en zone rurale, lesquels ont une radioactivité mesurable et sont potentiellement dangereux, d’autant qu’il semble qu’il n’y ait aucun protocole spécialement prévu pour l’élimination de ces équipements une fois périmés.
Il serait intéressant de réaliser une véritable étude épidémiologique pour connaître exactement les effets de ces parafoudres sur le personnel qui a eu à les manipuler sans protection.
Aussi, madame la ministre, pourriez-vous indiquer à la représentation nationale quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour faciliter les démarches de ces personnes, afin, le cas échéant, de faire reconnaître ces cancers comme étant des maladies professionnelles, de prévenir de futurs cas d’exposition et de faire éliminer les parafoudres périmés ou les recycler ?
Monsieur le sénateur, l’Institut de veille sanitaire a été saisi du problème en septembre 2011, à la suite d’articles parus dans la presse, lesquels faisaient état d’un nombre élevé de cancers chez les salariés de France Télécom sur les sites de Béziers et de Bédarieux.
Les groupes d’alerte en santé travail, ou GAST, ont pour mission d’organiser en région la réponse aux signalements d’événements de santé inhabituels survenant en milieu professionnel. Les premières recherches du GAST de la région Languedoc-Roussillon ont mis en évidence l’existence de cas similaires, ayant fait l’objet d’investigations dans d’autres régions de France.
Déjà, en 2003, l’INSERM réalisait une étude nationale intitulée Facteurs professionnels et mortalité par cancer chez les salariés des services techniques de France Télécom 1978 – 1996. Si ces salariés étaient bien exposés à de nombreux agents chimiques et physiques, l’INSERM concluait à l’absence de risque de cancer pouvant être attribué, avec certitude, à ces expositions professionnelles. Le rapport a été remis à la direction de France Télécom et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT. D’autres signalements ont conduit à des investigations par l’Institut de veille sanitaire, sur les sites de la Pointe-des-Grives en Martinique, en 2004, de Riom-ès-Montagnes, en Auvergne, en 2009, et de Béziers et Bédarieux en 2011.
En Auvergne et en Languedoc-Roussillon, les CHSCT ont confié les investigations au cabinet d’expertise SECAFI.
En septembre dernier, Mme Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, a pris connaissance des principaux résultats obtenus par ce cabinet. Parmi les cinquante malades mentionnés par les élus du CHSCT, douze ont pu être interviewés, afin de retracer leur parcours professionnel. L’expertise a mis en évidence leur exposition professionnelle à de multiples nuisances, notamment en raison de la manipulation de parafoudres radioactifs.
À la suite de ce rapport, des actions préventives ont été mises en place par France Télécom. Par exemple, un spécialiste de la radioprotection et du repérage des personnes exposées a été recruté.
Aujourd’hui, le GAST prépare sa réponse aux médecins de France Télécom. Celle-ci est en cours de finalisation pour les sites de Béziers et Bédarieux. Néanmoins, sur le plan épidémiologique, la cohorte de patients n’est pas assez large pour apporter une réponse interprétable.
C’est pourquoi Mme la ministre des affaires sociales et de la santé a demandé aux responsables de France Télécom de continuer le suivi des causes de décès de la cohorte nationale mise en œuvre par l’INSERM. Elle leur a également demandé de suivre la réglementation existante en termes de prévention, de traçabilité des expositions et de suivi post-professionnel.
Elle a rappelé, par ailleurs, que l’entreprise avait l’obligation d’informer les salariés sur leur degré d’exposition, ainsi que sur leurs droits au suivi post-professionnel. Concernant ce dernier point, un dispositif permet aux salariés qui ont été exposés à certains cancérogènes, au cours de leur carrière, de bénéficier d’une surveillance médicale gratuite, afin de dépister certaines maladies d’origine professionnelle.
Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse. J’espère que nous aurons rapidement des conclusions et que les agents concernés seront ainsi fixés. Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’il reste des parafoudres radioactifs en grand nombre dans la nature et qu’il n’existe pas de procédures d’élimination et de recyclage de ces appareils. Peut-être serait-il nécessaire que le Gouvernement se saisisse de cette question ?
La parole est à M. Henri Tandonnet, auteur de la question n° 104, adressée à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la question du logement en milieu rural.
Les territoires ruraux disposent d’un important patrimoine immobilier de caractère, qui, actuellement, périclite. Force est de constater qu’il est nécessaire de le réhabiliter en requalifiant les bourgs, ce qui permettrait de lutter contre l’étalement urbain et la perte des terres agricoles.
Les petites communes ont des capacités financières limitées et de grosses difficultés à pouvoir assumer la réhabilitation du patrimoine. De plus, ces zones rurales ne sont pas soumises à de fortes pressions locatives et ne bénéficient pas, le plus souvent, des aides au logement social. Seulement 7 % des logements sont des logements HLM, contre 20 % en milieu urbain. Ces chiffres témoignent d’un déséquilibre évident entre milieu urbain et rural quant aux aides octroyées.
Par ailleurs, ma question s’appuie sur le rapport de nos collègues députés MM. Jérôme Bignon et Germinal Peiro, paru en février 2012 et intitulé Territoires ruraux, territoires d’avenir. Ce rapport présente un constat alarmant, utile à rappeler : « Le parc de logement en milieu rural est plus vétuste, largement individuel et plus inconfortable qu’en milieu urbain. Il nécessite des travaux qui peuvent parfois se révéler incompatibles avec le niveau de revenus souvent faible des habitants des territoires ruraux, ce qui peut entraîner une difficulté, pour les propriétaires occupants, à se maintenir à domicile. »
En conséquence, madame la ministre, je souhaite savoir si des mesures seront prises pour la rénovation du patrimoine bâti et pour le développement du logement social locatif en zone rurale.
Je voudrais également connaître la manière dont la lutte contre l’habitat indigne et l’exclusion en matière de logement sera encouragée dans ces mêmes zones.
Monsieur le sénateur, tout d’abord, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. J’espère néanmoins vous apporter des éléments de réponse qui vous satisferont.
Vous faites un constat auquel nous ne pouvons qu’adhérer : il y a une crise du logement dans les territoires ruraux, bien qu’elle ne prenne pas la même forme que dans les zones tendues.
Votre question nous permet également de rappeler que promouvoir l’égalité des territoires revient aussi à s’attaquer aux défis posés par le logement en milieu rural. Parmi ceux-ci, il faut noter la vétusté de certains logements, leur mauvaise isolation, la nécessité de les adapter aux besoins des populations, au regard notamment du vieillissement des ménages.
Dans les régions à dominante rurale, la problématique des loyers peut se poser d’une autre manière que dans les zones tendues. En effet, en l’absence de tension sur le logement, les loyers du parc privé sont souvent comparables à ceux du parc public. Sur ces territoires, l’enjeu est donc de mobiliser autant que possible le parc privé existant pour qu’il réponde aux besoins des ménages les plus modestes.
Il s’agit d’abord d’une question de réhabilitation. En conséquence, les aides de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, sont les plus adaptées à ces zones. Les propriétaires occupants éligibles aux aides de l’ANAH ont pour particularité d’être fortement représentés en milieu rural : 38 % des bénéficiaires y logent, pour seulement 27 % de l’ensemble des propriétaires de maisons de la métropole.
À ce titre, la lutte contre la précarité énergétique et celle contre l’habitat indigne et très dégradé ont été les premières priorités de l’ANAH en 2012. Le programme « Habiter mieux » et le Fonds d’aide à la rénovation thermique des logements privés, le FART, mis en place en 2010, visent à lutter contre la précarité énergétique en aidant les propriétaires occupants modestes à réaliser des travaux. Or 55 % des bénéficiaires potentiels de cette intervention vivent en zone rurale.
Les habitants des zones rurales sont plus âgés, plus pauvres que ceux des zones urbaines, et en majorité propriétaires de leur logement. Le maintien dans les lieux des personnes âgées ou handicapées en vue de favoriser leur autonomie fait aussi partie des enjeux de l’État en milieu rural.
Par ailleurs, les problématiques de rénovation du patrimoine des bourgs-centres et d’aide à la réhabilitation ou à la création de logements pour les saisonniers agricoles sont également reconnues comme des problématiques à part entière.
Enfin, la construction dans le parc public, au sein des espaces à dominante rurale, doit aussi être maintenue à un certain niveau, non seulement pour respecter les obligations issues de l’application de l’article 55 de la loi SRU, mais aussi pour répondre aux besoins des Français les plus en difficulté, quel que soit l’endroit où ils habitent. En 2012, ce sont près de 24 000 logements locatifs sociaux qui devraient être financés en territoires non tendus.
Comme pour le parc privé, l’enjeu est d’abord de s’adapter aux besoins spécifiques de la population. Sur les 24 000 logements financés, 9 000 seront des logements-foyers pour personnes âgées et handicapées. Ces établissements répondent en effet à des problématiques différentes de celles du logement social classique. Ils doivent continuer à être financés dans les territoires ruraux autant que les besoins de nos concitoyens âgés ou handicapés le nécessitent.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je constate que nous avons le même diagnostic sur l’importance de ce problème du logement dégradé, dans lequel vit une population aux revenus très faibles.
À cet égard, Mme Duflot, qui est aussi ministre de l'égalité des territoires, ne peut pas manquer de soutenir l’action des communes.
Je tiens à souligner, puisque cet élément manquait semble-t-il dans votre réponse, combien nous attendons de la part du Gouvernement la confirmation d’une aide au logement social, au travers des opérations que peuvent faire les communes ou les offices sur tous ces territoires.
La parole est à M. Christian Bourquin, auteur de la question n° 107, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Madame la ministre, en 2008, dans le cadre du plan Barnier « pour une pêche durable et responsable », un dispositif destiné à mieux prendre en compte la préservation de la ressource marine a été mis en place. Des « contrats bleus », ainsi dénommés à l’époque, ont alors été souscrits sur la base du volontariat : ils devaient permettre l’indemnisation des navires adhérents en contrepartie du respect de leur engagement à pratiquer une pêche plus soucieuse de la ressource halieutique et de l'environnement.
De ce fait, deux structures ont vu le jour : la société coopérative Armor Glaz, basée en Bretagne, et le Fonds pour le développement durable de la pêche, le F2DP, regroupant des armateurs des côtes atlantique et méditerranéenne.
Or, depuis les premières indemnisations, versées au titre de l’année 2009 sous la forme d’avances accordées par l’Agence de services et de paiement, les opérations d’indemnisation des bateaux regroupés au sein du F2DP ont été suspendues. Certaines mesures, sur lesquelles s’étaient engagés les bateaux atlantiques, ont été invalidées a posteriori par la Commission européenne. Une demande de reversement des aides trop perçues a, en conséquence, été adressée de façon générale au Fonds pour le développement durable de la pêche, sans qu’aucune distinction géographique entre les navires adhérents au fonds soit opérée.
Depuis que cette décision a été prise, plusieurs entreprises de la côte atlantique concernées par les demandes de remboursement ont été dissoutes, disloquées ; d’autres ont tout bonnement démissionné du fonds, en refusant de rembourser les montants réclamés.
Dès lors, en l’absence de remboursement du F2DP à l’Agence de services et de paiement, le dispositif d’indemnisation est bloqué : à ce jour, les montants globaux à percevoir pour les entreprises méditerranéennes représentent des sommes importantes, plusieurs centaines de milliers d’euros.
Les armateurs de Méditerranée adhérant aux contrats bleus sont donc dans une situation d’impasse financière dramatique.
Madame la ministre, ma question est la suivante : le Gouvernement compte-t-il agir pour permettre la liquidation des contrats bleus souscrits en 2010 et en 2011 par des armateurs méditerranéens, qui, bien qu’ayant fait le choix de l’exemplarité en matière de gestion des ressources marines et n’ayant surtout pas démérité, attendent toujours les indemnisations qui leur ont été promises ?
Il y va de la survie de cette grande famille des pêcheurs de Méditerranée.
Monsieur le sénateur, Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, que vous avez interrogé sur le dispositif des contrats bleus, vous remercie de votre question et vous prie de bien vouloir excuser son absence. Retenu par le projet des grandes lignes de la réforme ferroviaire, tant attendu sous l’ancien gouvernement et enfin amorcé par le gouvernement actuel, à l’occasion des soixante-quinze ans de la SNCF, il m’a demandé de le suppléer.
Le dispositif des contrats bleus a été mis en place en 2008. Il consiste à verser une subvention publique, constituée de crédits d’État et européens, à des structures porteuses, qui s’en servent pour indemniser leurs navires adhérents en contrepartie de pratiques particulièrement respectueuses de la ressource halieutique et de l’environnement marin.
Chaque pêcheur adhérant à un contrat bleu doit adopter des pratiques de pêche plus contraignantes que la réglementation en vigueur. Les mesures portent, par exemple, sur le renforcement des partenariats entre pêcheurs et scientifiques, sur le recueil de données, sur le ramassage d’engins de pêche perdus, sur la réduction des rejets de poissons en mer, sur la participation à des actions de formation.
À ce titre, 37 millions d’euros ont été programmés en 2008 et en 2009, 18, 75 millions d’euros en 2010 et 12, 5 millions d’euros en 2011, en 2012 et en 2013.
Au total, vingt-quatre mesures ont été validées par la Commission européenne. Toutefois, deux autres, pour lesquelles des avances importantes avaient été versées à certaines structures porteuses en 2008, ont été invalidées par la Commission européenne en 2009. Ces structures doivent donc rembourser à l’État, précisément à l’Agence de services et de paiement, les montants correspondants aux mesures invalidées.
Le reversement par le Fonds pour le développement durable de la pêche des sommes concernées à l’Agence de services et de paiement conditionne le déblocage des subventions demandées par le F2DP pour les contrats bleus postérieurs. C’est ce qui explique que le paiement des contrats bleus pour l’année 2010 soit bloqué aujourd’hui.
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, a hérité de cette situation en juin dernier. Rien n’a été fait par le précédent gouvernement pour résoudre un problème qu’il avait pourtant lui-même créé. Mon collègue du Gouvernement est pleinement mobilisé sur cette question et entend mettre en place un plan d’action pour apurer la dette du F2DP.
Après plusieurs interventions, il a notamment obtenu que le montant de la dette soit finalement diminué de la part due par les entreprises de pêche n’ayant plus d’existence juridique. Pour le reste, des discussions actives sont toujours en cours entre l’agent comptable de l’Agence de services et de paiement et le F2DP pour mettre en place un échéancier de remboursement et permettre ainsi le déblocage, sans délai, des contrats bleus 2010, que les navires méditerranéens attendent avec impatience.
Monsieur Bourquin, vous pouvez compter sur notre volonté et notre détermination pour résoudre ce dossier complexe et difficile.
Madame la ministre, je note la volonté du Gouvernement et de votre homologue chargé de la pêche d’entendre les cris d’alerte, les derniers cris d’alerte, des pêcheurs de Méditerranée. Vous avez annoncé la mise en place d’un plan. Je l’appelle de mes vœux le plus rapidement possible : si rien n’est fait dans les trois mois, c’en sera fini, et on aura laissé crever la pêche en Méditerranée, une activité qui fait pourtant partie intégrante de l’économie de la France, de cette France qui souffre.
Permettez-moi de vous le dire, car je sais que vous vous ferez mon interprète auprès de M. Frédéric Cuvillier : la Méditerranée, c’est la France ; le TGV entre Montpellier et Perpignan, c’est la France ; le port de pêche de Sète, comme celui de Port-la-Nouvelle, c’est la France !
Cela fait six mois que je sollicite M. le ministre délégué, parce qu’il importe que nous ayons tous une vision globale de la situation. Il faut que le Gouvernement réponde aux sollicitations de la représentation de la France. C’est aussi ce que je tenais à dire en cet instant.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, auteur de la question n° 75, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Madame la ministre déléguée chargée de la famille, votre présence est tout à fait opportune pour répondre à une question brève, mais importante sur le plan humain, que j’aurais d’ailleurs très bien pu poser au gouvernement précédent.
La proportion des personnes sollicitant la qualité de réfugié, dans le cadre de la convention de Genève, et qui sont placées en « procédure prioritaire » est en nette hausse depuis des mois, voire des années, tout particulièrement dans mon département.
Or, la procédure prioritaire induit des conséquences néfastes tant pour les personnes concernées, notamment les enfants, que pour les conseillers généraux soucieux de ce problème.
Nous sommes donc plusieurs à vous demander si des mesures sont envisagées pour que l’utilisation de la procédure prioritaire devienne tout à fait exceptionnelle et non plus systématique.
Monsieur le sénateur, Manuel Valls, retenu par une réunion, vous prie de bien vouloir excuser son absence. Il m’a demandé de vous faire part de sa réponse.
En application de la législation actuellement applicable au droit d’asile, l’instruction d’une demande d’asile en « procédure prioritaire » peut être décidée par le préfet dans des cas limitativement énumérés : menace grave à l’ordre public ; inscription du pays d’origine du demandeur sur la liste des « pays d’origine sûrs » ; demande constituant un recours abusif aux procédures d’asile, reposant sur une fraude délibérée ou destinée à faire échec à une mesure d’éloignement.
Ce mécanisme est autorisé par le droit communautaire et a été jugé conforme par le Conseil constitutionnel. Il permet à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, d’intervenir et de statuer sur une demande d’asile dans des délais plus rapides.
L’application de cette procédure n’a pas de caractère automatique et repose sur un examen individuel de la situation du demandeur d’asile. Celui-ci bénéficie des garanties d’examen par l’OFPRA. Le recours devant la Cour nationale du droit d’asile n’est pas suspensif, mais l’intéressé peut former un recours suspensif contre la mesure d’éloignement devant le juge administratif lorsque des risques sont allégués en cas de retour. Il bénéficie de l’allocation temporaire d’attente, de l’aide médicale d’État et peut être accueilli dans une structure d’hébergement d’urgence.
En 2011, les demandes placées en procédure prioritaire ont représenté 26 % des demandes d’asile, contre 24 % en 2010. La proportion augmente encore au premier semestre 2012. Cela s’explique essentiellement par l’inscription en 2011, sur la liste des pays d’origine sûrs, du Bangladesh et de l’Arménie, qui font partie des principaux pays de provenance des demandeurs d’asile en 2011. Cela s’explique aussi par la croissance du nombre de demandes de réexamen, en hausse de 10, 7 % en 2011 et de 22 % sur les sept premiers mois de l’année 2012.
S’agissant plus précisément de la situation dans le Haut-Rhin, les demandes enregistrées dans le cadre de la procédure prioritaire ont représenté 32, 2 % des demandes d’asile en 2011, contre 22, 2 % en 2010, et baissent de 37 % sur les huit premiers mois de l’année 2012. Ces variations s’expliquent notamment par la diversité des flux évoluant d’un département à un autre sur une période donnée.
Une réflexion est engagée sur les procédures d’asile, en particulier les procédures prioritaires, prenant en considération l’ensemble des observations qui ont pu être formulées à cet égard. L’objectif doit être de garantir aux demandeurs d’asile une procédure juste, impartiale et de qualité, mais aussi d’examiner les demandes d’asile dans des délais globaux satisfaisants. Cette réflexion devra être pleinement conforme aux engagements internationaux de la France et aux obligations communautaires en cours d’évolution.
Madame la ministre, je vous remercie pour cette réponse, complète sur le plan national, comme sur le plan de ma collectivité.
Au droit brutal, aride mais nécessaire, il importe d’apporter une touche humaine et de tenir compte des conditions locales. Vous entendre dire que les individus doivent vivre dans des institutions justes et bénéficier de la justice me convient.
La parole est à M. Michel Boutant, auteur de la question n° 79, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Madame la présidente, j’ai souhaité attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur la nécessité d’abroger la loi du 3 janvier 1969 relative aux titres de circulation des gens du voyage.
Cette loi, elle-même héritière de la loi du 16 juillet 1912 qui mettait en place le carnet anthropométrique pour ces populations, me semble en effet maintenir un régime discriminatoire peu acceptable pour les gens du voyage. Ainsi, toutes les personnes âgées de plus de seize ans ayant une résidence mobile doivent, selon qu’elles ont ou non des ressources régulières, avoir en leur possession un livret ou un carnet de circulation. Le livret doit être visé chaque année par la gendarmerie ou la police. Le carnet, quant à lui, est présenté une fois par trimestre.
Des sanctions pénales sont encourues en cas de manquement à cette loi. De plus, l’article 10 de cette dernière prévoit que l’inscription des gens du voyage sur la liste électorale n’est possible qu’après trois ans de rattachement ininterrompu à la même commune. Je dirai, à titre d’exemple, que ce délai est de six mois pour les personnes sans domicile fixe.
Par ailleurs, en vertu du système de commune de rattachement, le nombre de gens du voyage ne doit pas dépasser 3 % de la population sur une seule commune. Ces discriminations s’accompagnent de difficultés administratives pour obtenir le rattachement et d’entraves à la scolarisation des enfants.
Cette situation avait été dénoncée en son temps par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, laquelle avait mis en évidence une différence de traitement violant l’article 14 de la convention européenne des droits de l’homme. Ce texte interdit toute discrimination dans la jouissance du droit de chacun à circuler librement. La Commission consultative des droits de l’homme a également recommandé l’application du droit commun pour les gens du voyage en matière de droits civiques.
Je préciserai, en outre, que le Conseil constitutionnel a rendu le 5 octobre dernier une décision de censure partielle de la loi du 3 janvier 1969, considérée cependant comme insuffisante par les associations de défense des droits de l’homme. Le Conseil constitutionnel a estimé que le fait de devoir faire viser un titre tous les trois mois était contraire à la Constitution. Il a également abrogé la peine d’emprisonnement encourue par les itinérants qui ne rempliraient pas leurs obligations. Enfin, il a censuré la disposition qui exigeait de justifier de trois ans de rattachement ininterrompu à la même commune pour l’inscription sur les listes électorales.
Cette décision est censée prendre effet immédiatement. J’aurais aimé savoir où en est son application. La République française ne pourrait admettre qu’une partie de sa population soit traitée de la sorte. Je vous demande donc si le Gouvernement entend, comme l’avaient proposé plusieurs parlementaires par le passé, abroger définitivement la loi du 3 juillet 1969.
Monsieur le sénateur, vous interrogez M. le ministre de l’intérieur sur l’avenir de la loi du 3 janvier 1969 applicable aux gens du voyage. Comme vous le rappelez, celle-ci se substitua à la loi du 16 juillet 1912 relative au carnet anthropométrique.
Aujourd’hui, plus de quarante ans après sa promulgation, le régime institué par cette loi mérite d’être revu.
Cette nécessité fait quasiment l’unanimité sur les bancs du Parlement. Permettez-moi de citer quelques initiatives.
Le 26 janvier 2011, l’Assemblée nationale a débattu d’une proposition de loi déposée par Pierre-Alain Muet, Jean-Louis Touraine et Dominique Raimbourg, au nom du groupe socialiste, radical et citoyen.
En mars 2011, la commission des lois concluait les travaux d’une mission d’information de Didier Quentin, Charles de La Verpillière et Dominique Raimbourg. Le rapport de cette mission préconisait, notamment, la suppression de la condition de résidence de trois ans pour accéder au droit de vote et la suppression des titres de circulation.
Plus récemment, à l’été 2012, deux propositions de lois ont été déposées. La sénatrice Esther Benbassa propose d’abroger la loi de 1969 et le sénateur Pierre Hérisson traduit en proposition de loi son rapport de juillet 2011 intitulé Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun.
Après la décision rendue le 5 octobre dernier par le Conseil constitutionnel, nous sommes désormais dans un contexte différent. En effet, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a déclaré contraires à la Constitution trois dispositions de la loi de 1969.
Premièrement, le carnet de circulation a été censuré parce qu’il constitue une différence de traitement entre les personnes concernées par la détention d’un titre de circulation liée à une condition de ressource et que cette différence de traitement n’est pas en rapport direct avec les fins civiles, sociales, administratives ou judiciaires poursuivies par la loi.
Deuxièmement, la peine d’un an d’emprisonnement frappant les personnes circulant sans carnet de circulation a été censurée. Le Conseil constitutionnel a considéré que cette peine porte une atteinte disproportionnée à l’exercice de la liberté d’aller et de venir au regard du but recherché.
Enfin, l’obligation de justifier de trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune pour être inscrit sur une liste électorale a été censurée, cette disposition portant atteinte à l’exercice des droits civiques des citoyens.
Les autres dispositions de la loi sont déclarées conformes à la Constitution, notamment l’obligation de rattachement des gens du voyage à une commune, le plafonnement à 3 % de la population de chaque commune du nombre de gens du voyage qui y sont rattachés et l’existence d’un livret de circulation propre aux gens du voyage.
Le Gouvernement poursuit sa réflexion, en concertation avec les associations représentatives des gens du voyage, pour faire évoluer le cadre légal et réglementaire qui est applicable à ces derniers. Le Parlement sera évidemment associé à cette modification importante de la législation.
Je tiens à remercier le représentant du Gouvernement pour sa réponse. Je regrette que l’inscription sur les listes électorales ne soit possible qu’après trois ans de rattachement continu à la commune, ce délai me paraissant beaucoup trop long par rapport au laps de temps opposé aux personnes dites « sans domicile fixe ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix heures vingt, est reprise à dix heures trente.
La parole est à Mme Françoise Cartron, auteur de la question n° 141, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
Madame la ministre déléguée, lors de l’été 2012, le service départemental d’incendie et de secours – SDIS – de la Gironde a été confronté, comme les années précédentes en période estivale, à d’importants et dramatiques incendies. Ces derniers ont provoqué la disparition de centaines d’hectares de forêts, dans un massif déjà très abîmé par les tempêtes de 1999 et de 2009, semant une nouvelle fois la désolation.
En outre, les effets des tempêtes ont modifié sensiblement la physionomie du massif et l’ont, malgré les efforts des services publics et des exploitants forestiers, rendu le plus souvent inaccessible aux véhicules de lutte contre les feux de forêts mobilisés par les SDIS. La pénétrabilité de la forêt s’en est trouvée immanquablement réduite, ce qui a accru de façon sensible le risque de propagation rapide des incendies.
Face à ces difficultés d’accès aux sinistres rencontrées par les équipes de lutte, il paraît d’autant plus nécessaire de déployer dans les plus brefs délais, en complément du dispositif terrestre, les moyens aériens adéquats sur les sites touchés, afin d’endiguer les départs de feu et ainsi de protéger au mieux les très nombreuses personnes présentes aux alentours en cette période d’afflux touristique.
À partir de 2009, ces risques unanimement constatés avaient d’ailleurs conduit l’État à délocaliser de manière préventive deux avions bombardiers d’eau de type Canadair sur l’aéroport de Bordeaux-Mérignac lors des mois de juillet et août.
Ces appareils ont été mobilisés sur de multiples théâtres d’opérations, et notamment dans mon département, en 2011, lorsque se produisirent les feux de forêt de Lacanau, dans le massif du Médoc, ainsi que du Pian-Médoc et de Cestas, en périphérie urbaine de Bordeaux. Or, en 2012, ce prépositionnement des deux appareils, dont l’efficacité avait pourtant été démontrée, a été remplacé par l’allocation zonale d’un seul avion de type Dash, avion bombardier d’eau terrestre, qui doit donc nécessairement être avitaillé au sol. Malgré une vitesse de croisière élevée, sa cadence de largage est inférieure à celle des Canadairs mobilisés jusqu’alors, dont les capacités de rotation sont beaucoup plus élevées ; ils bénéficient en effet dans cette région d’un grand nombre de zones d’écopage, grâce au littoral atlantique, à l’estuaire et à la présence de lacs.
Vu que le département de la Gironde est celui de France métropolitaine où l’on compte le plus grand nombre de départs de feu et que la surface boisée ainsi menacée recouvre près de la moitié du territoire girondin, soit 480 000 hectares, la possibilité d’un détachement préventif de deux Canadairs pourrait-elle être de nouveau envisagée pour la saison estivale 2013 ? L’expérience récente montre en effet combien il est indispensable, pour faire face à un sinistre de grande ampleur, de disposer d’avions capables de tenir une cadence de largage élevée.
Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Manuel Valls, retenu par d’autres obligations.
Vous évoquez la question de la mise en place à Bordeaux, lors de la période estivale, de deux avions bombardiers d’eau amphibies de modèle Canadair en vue de répondre à l’accentuation du danger d’incendie de forêt résultant des dégâts causés par les deux tempêtes de 1999 et 2009.
Il est vrai que le massif des Landes de Gascogne a été fortement endommagé par ces deux événements climatiques majeurs. Comme vous l’avez rappelé, l’enchevêtrement des chablis complique singulièrement l’intervention des moyens terrestres traditionnels mis en œuvre par les SDIS, de sorte que l’appui des moyens aériens peut être nécessaire.
Durant les saisons estivales précédentes, de 2009 à 2011, un détachement permanent de deux Canadairs a été constitué à Bordeaux-Mérignac. Il a été constaté, au cours des trois derniers étés, que l’activité moyenne de ces aéronefs se concentrait sur quinze journées à risque important et qu’une vingtaine d’opérations étaient engagées. Parallèlement, les sollicitations en d’autres points du territoire demeurent à un niveau élevé. De plus, l’extension géographique des points de stationnement de la flotte aérienne pose des difficultés logistiques et opérationnelles en cas de crise de grande ampleur.
Le ministre de l’intérieur a donc revu ce dispositif lors de la dernière campagne de feux de forêt, en décidant de mettre à la disposition du préfet de la zone sud-ouest des moyens aériens chaque fois que le risque le justifierait, et non plus de façon permanente. Cette décision a été prise parce que nous disposons aujourd’hui de moyens scientifiques permettant de faire des prévisions très précises. En effet, un outil d’analyse du danger « feu de forêt » a été développé avec le concours de Météo France, de l’état-major interministériel de la zone sud-ouest et de l’ensemble des acteurs de terrain.
Cet outil, à l’instar de ce qui est mis en œuvre pour la forêt méditerranéenne, et depuis cette année sur l’île de la Réunion, permet d’anticiper les journées à risque pouvant engendrer des situations tendues.
Cette nouvelle méthode a conduit à prépositionner, à vingt-sept reprises entre le 26 juillet, date du premier détachement, et le 23 septembre, date du dernier détachement, un ou plusieurs avions bombardiers d’eau de la sécurité civile à Bordeaux-Mérignac. Une quinzaine d’engagements sur feu ont été assurés dans ce cadre.
Le ministre de l’intérieur fait confiance aux acteurs opérationnels : la question de l’ampleur des moyens à engager ne peut pas être tranchée uniquement depuis Paris. La décision doit tenir compte de la disponibilité de la flotte, de la maintenance des appareils, des règles de repos et d’entraînement des équipages. Ces données ne sont pas fixes, elles évoluent chaque jour et doivent faire l’objet d’une multitude d’arbitrages difficiles.
L’important est de conserver les plus grandes facultés d’adaptation du dispositif de lutte aérienne contre l’incendie. Ainsi, la forte pression incendiaire qui a régné cet été dans les Pyrénées a justifié le renforcement du détachement sur la base de Carcassonne lors de certaines journées, pour permettre de répondre à toute éventualité dans le massif. Les avions de Carcassonne ont également été utilisés en renfort du dispositif mis en œuvre dans les Landes.
En tout état de cause, l’emploi des moyens aériens doit être conçu comme complémentaire des moyens au sol. C’est l’action combinée de tous les acteurs de la lutte contre l’incendie qui permet de vaincre un feu.
J’ai bien entendu, madame la ministre, que les décisions en la matière ne pouvaient pas être prises seulement à Paris et que le ministre de l’intérieur faisait confiance aux préfets de région pour prévoir ponctuellement la mise à disposition de Canadairs.
J’espère que nous ne connaîtrons pas d’incendies aussi dramatiques au cours de la prochaine saison, mais j’ai bien noté que, si tel était le cas, nous aurions les moyens d’y faire face.
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, auteur de la question n° 116, transmise à M. le ministre de l’intérieur.
J’ai souhaité, madame la ministre, attirer l’attention du Gouvernement sur la question de l’utilisation d’une licence IV par une commune.
Permettez-moi, tout d’abord, de rappeler que la législation actuelle impose aux propriétaires ou gérants de débits de boissons une formation de deux jours et demi, en vue d’obtenir un permis d’exploitation valable dix ans.
Il est de bonne gestion pour les communes, en particulier celles qui voient partir leur dernier commerce, d’acheter la licence IV, de la conserver et de la faire vivre, comme le prévoit la législation. Ainsi, une fête locale se déroulant durant plusieurs jours ou bien l’intervention d’un tiers intermédiaire peuvent-ils constituer un palliatif pertinent de l’absence de titulaire effectif de ladite licence.
Le règlement en vigueur pour les exploitants de débit de boissons est-il étendu aux communes détentrices d’une licence IV ?
Cette question concerne particulièrement les petites communes qui ont en portefeuille une licence IV – j’en compte un certain nombre dans mon département. Dans ce cas, l’obligation de formation est-elle impérative pour conserver la licence dans l’attente de sa restitution à un nouveau commerce ?
Monsieur le sénateur, la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances a introduit dans le code de la santé publique un article prévoyant, pour toute personne déclarant l’ouverture, la mutation, la translation ou le transfert d’un débit de boissons à consommer sur place de deuxième, troisième et quatrième catégories, l’obligation de se soumettre à une formation d’une durée minimale de vingt heures. Celle-ci porte sur les droits et obligations attachés à l’exploitation d’un débit de boissons. Cette formation est répartie sur trois jours au moins.
À l’issue de cette formation, le stagiaire se voit remettre par l’organisme formateur un permis d’exploitation, valable dix ans, qui doit être produit devant le maire lors de la déclaration. Cette dernière est obligatoire, quel que soit le statut juridique, personne physique ou personne morale, du propriétaire de la licence. Une commune peut ainsi se porter acquéreur d’une licence. Cette faculté revêt un réel intérêt lorsqu’il s’agit de la dernière licence présente dans la commune. Dans ce cas, l’article L. 3332-11 du code de la santé publique en interdit le transfert.
Comme vous le savez, une licence non exploitée durant trois ans cesse d’exister et, parfois, aucun investisseur ne souhaite la racheter. Pourtant, la présence de ce commerce constitue souvent un atout pour le tissu économique des communes, notamment en milieu rural. C’est pourquoi la disposition permettant à une commune d’acquérir une licence semble essentielle.
Le déclarant d’une licence communale sera la personne qui l’exploitera : soit un membre du conseil municipal agissant au nom de la commune propriétaire, soit la personne physique à qui la commune loue ou confie sa licence. Dans tous les cas, le déclarant doit suivre la formation, et donc être titulaire du permis d’exploitation au moment de la déclaration. Aucune dérogation n’est prévue, y compris lorsque la licence est détenue par une commune.
Cette formation vise à aider les exploitants d’une licence à adopter les comportements les plus adaptés s’agissant de la délivrance d’un produit qui n’est pas anodin. Les intéressés sont en effet confrontés à des problèmes de santé publique et d’ordre public, dont la méconnaissance est susceptible d’engager leur responsabilité pénale.
Cette formation, instaurée à la demande de la profession et en faveur des exploitants, leur permet d’appréhender au mieux l’ensemble des dispositions, souvent complexes, qui leur sont applicables. C’est pourquoi elle comporte une partie théorique visant à apporter aux stagiaires les connaissances juridiques nécessaires à l’exercice de leur activité et à décrire les bons usages à respecter.
La partie pratique permet, quant à elle, de mettre en œuvre ces connaissances au travers de cas concrets, par exemple en montrant comment réagir face à un mineur, une personne en état d’ébriété ou une femme enceinte souhaitant consommer une boisson alcoolique.
Comme tous les autres exploitants, ceux qui utilisent une licence communale, que ce soit en permanence ou lors des fêtes locales, ont tout avantage à connaître ces dispositions.
Je vous remercie, madame la ministre, de ces précisions tout à fait utiles. De nombreux élus municipaux se demandent en effet si cette formation s’applique à leur commune et qui envoyer pour la suivre. Vous avez indiqué qu’il devait s’agir du maire ou du conseiller municipal chargé de cette question. Je vous suis reconnaissant d’avoir éclairci ce point de droit.
La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 190, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
Madame la ministre déléguée, le cumul de mandats et son corollaire, l’absentéisme parlementaire, nuisent au bon fonctionnement de la démocratie. Pour les parlementaires, le problème concerne avant tout le cumul de lourdes fonctions exécutives locales, telles que celles de maire de grande ville ou de président de conseil général, lesquelles correspondent elles aussi à une activité à temps plein.
À la veille de l’élection présidentielle, les députés et les sénateurs socialistes avaient tous cosigné une proposition de loi interdisant le cumul abusif d’un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale.
Il apparaît que, malgré cet engagement solennel de l’actuelle majorité, les élus qui profitent du système sont aussi nombreux à gauche qu’à droite. C’est ainsi qu’un combat d’arrière-garde est engagé par ceux qui s’accrochent au statu quo.
À titre d’exemple, je constate que l’actuel président du groupe socialiste du Sénat, par ailleurs maire d’une très grande ville, est en pointe pour défendre les cumulards, alors qu’il a cosigné la proposition de loi socialiste à laquelle je viens de faire allusion. Je comprends donc assez mal sa position actuelle !
De même, je suis indigné que, dans Le Figaro du 9 juillet 2012, certains parlementaires aient prétendu que seuls les titulaires d’un exécutif local étaient de bons sénateurs. Selon eux, les autres ne seraient que des « élus hors-sol, coupés de la gestion quotidienne des collectivités ». Ainsi, je serais un élu « hors-sol, coupé de la gestion quotidienne des collectivités », et tout cela parce que, à la suite de mon élection en 2001, j’ai refusé de conserver une fonction exécutive locale…
Il n’empêche que, lors des élections sénatoriales de 2011, et sans avoir reçu l’investiture d’aucun parti politique, j’ai très largement devancé les deux autres listes de droite qui, elles, avaient une investiture et étaient conduites par des « super-cumulards ». Conseiller général de base depuis trente ans, les réalités du terrain, je les connais ! Je n’ai pas besoin d’être président de conseil général ou maire de grande ville ! Je dirais même mieux : c’est parce que je n’ai pas d’exécutif local que j’ai le temps de m’occuper des réalités du terrain !
Enfin, certains prétendent que le Sénat peut bloquer le futur projet de loi organique sur le cumul de mandats au motif que, aux termes de l’article 46 de la Constitution, « les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées ». Ils sont donc prêts à se livrer à un chantage pour négocier un régime dérogatoire permettant aux sénateurs, et à eux seuls, de continuer à cumuler. Cela donnerait du Sénat une image désastreuse : nos concitoyens pourraient penser qu’il est un repaire de cumulards uniquement soucieux de préserver les avantages qui s’attachent à leur situation personnelle.
Quoi qu’il en soit, la majorité de gauche contrôle dorénavant l’Élysée, l’Assemblée nationale et le Sénat. Le Président de la République et le Gouvernement n’ont donc aucune excuse pour ne pas respecter leurs engagements, d’autant qu’il semble possible de passer outre à un éventuel blocage sénatorial. En effet, deux décisions du Conseil constitutionnel, respectivement en date du 3 mars et du 9 avril 2009, ont considéré que, si « chaque assemblée est concernée par les mêmes dispositions », la loi organique n’est alors pas « relative au Sénat » au sens de l’article 46 de la Constitution.
Le ministre de l’intérieur partage-t-il cette analyse ? Si oui, madame la ministre, je vous demande de confirmer que le Président de la République, le Gouvernement et la majorité parlementaire respecteront leurs engagements en matière de cumul.
Monsieur le sénateur, comme il a été indiqué en réponse à votre question orale lors de la séance du 24 juillet 2012, la politique que conduira le Gouvernement en matière de non-cumul des mandats est claire. C’est celle que le Premier ministre a définie dans son discours de politique générale et qu’il a réaffirmée devant la Haute Assemblée : « Pour permettre aux parlementaires de se consacrer pleinement à l’exercice de leur mandat, et conformément aux engagements du Président de la République, il sera mis fin au cumul entre un mandat de parlementaire et l’exercice de fonctions exécutives locales. »
Vous interrogez le ministre de l’intérieur sur les modalités d’adoption d’un projet de loi sur le cumul des mandats et demandez si un tel texte devra être considéré comme une loi organique relative au Sénat, rappelant que, dans un tel cas, la Constitution impose une procédure renforcée puisque le quatrième alinéa de son article 46 dispose que « les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées ».
Dans sa décision n° 85-195 DC du 10 juillet 1985, le Conseil constitutionnel a précisé le champ des lois organiques relatives au Sénat : « par les termes lois organiques relatives au Sénat employés par l’article 46 de la Constitution, il faut entendre les dispositions législatives qui ont pour objet, dans les domaines réservés aux lois organiques, de poser, de modifier ou d’abroger des règles concernant le Sénat ou qui, sans se donner cet objet à titre principal, n’ont pas moins pour effet de poser, de modifier ou d’abroger des règles le concernant ; qu’en revanche, si une loi organique ne présente pas ces caractères, la seule circonstance que son application affecterait indirectement la situation du Sénat ou de ses membres ne saurait la faire regarder comme relative au Sénat. »
Il apparaît que le caractère de loi organique relative au Sénat est lié à la nature des dispositions qu’elle contient. Or, à ce jour, les dispositions du texte du Gouvernement sur le cumul des mandats ne sont pas arrêtées.
En effet, le Gouvernement n’entend pas anticiper sur les travaux de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par M. Lionel Jospin. Le Président de la République a souhaité que la réforme de la législation sur le cumul des mandats entre dans le champ de travail de cette instance, dont les conclusions seront rendues publiques au mois de novembre prochain.
Madame la ministre, votre réponse relève un peu de la langue de bois, convenez-en !
Pour compléter mon propos, j’avancerai deux arguments qui militent en faveur d’une interdiction du cumul d’un mandat parlementaire et d’une fonction exécutive locale.
D’une part, la suppression du cumul permettrait un renouvellement du personnel politique, avec l’arrivée d’élus nouveaux, plus jeunes, ainsi que, probablement, une amélioration de la parité hommes-femmes.
D’autre part, et cet argument n’est pas suffisamment mis en avant, la super-concentration des pouvoirs qui résulte des cumuls abusifs est l’un des principaux facteurs de corruption.
Les statistiques montrent que 202 sénateurs sur 348 exercent actuellement des fonctions exécutives locales. Plus généralement, c’est le cas de 55 % des parlementaires.
J’ai recensé le nombre de parlementaires condamnés au cours des dix dernières années ou actuellement mis en examen pour détournement de fonds publics ou pour corruption : environ 90 % d’entre eux exercent une fonction exécutive locale. C’est mathématique : un parlementaire qui cumule son mandat national et une fonction exécutive locale a une probabilité 7, 4 fois plus élevée d’être impliqué dans une affaire de corruption qu’un parlementaire qui ne cumule pas.
Cet élément mérite aussi d’être pris en compte. Dans un souci de moralisation de la vie publique, nous n’avons pas intérêt à laisser certains cumuler trop de pouvoirs et, en fin de compte, se soustraire à la loi.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, auteur de la question n° 174, adressée à M. le ministre du redressement productif.
Monsieur le ministre, je souhaite appeler une fois encore votre attention sur la restructuration du groupe Sanofi-Aventis.
Cette restructuration de vaste ampleur concerne principalement le secteur de la recherche et développement du groupe. Pour ma part, je m’inquiète particulièrement du sort du site de Montpellier – l’un des plus importants du groupe en matière de recherche et développement –, pour lequel la disparition de près de 300 postes est aujourd'hui évoquée.
La direction du groupe français a annoncé au mois de juillet dernier une réflexion sur sa réorganisation, notamment dans le secteur de la recherche, sans donner de détails. Certes, depuis cette date, des réunions ont été organisées, mais il faut reconnaître que le flou demeure ; d’où l’inquiétude grandissante des salariés.
C’est pourquoi, même si Sanofi justifie son projet par la nécessaire réorientation de sa recherche pour la rendre plus efficace, ce que l’on peut admettre, en tant qu’élue je conteste que cela se fasse au détriment de l’image de l’industrie pharmaceutique de la France, au détriment de territoires aux atouts solides – disant cela, je pense plus particulièrement à ma région – et enfin au détriment des chercheurs, puisque de nombreuses suppressions d’emplois sont prévues.
Avec cette opération, c’est l’avenir de l’industrie pharmaceutique qui est en jeu, écornant l’image de la France à l’étranger.
Nous savons tous que ce groupe, qui emploie plus de 98 000 salariés dans le monde, dont 28 000 en France, enregistre des résultats très positifs et reste une entreprise performante : il se situe au 1er rang français et européen et au 4e rang mondial. Il est connu pour la qualité de ses recherches et la contribution active de ses chercheurs à la découverte et au développement des principaux médicaments. C’est une valeur sûre pour le secteur de l’industrie pharmaceutique et, au-delà, pour l’image de la France dans le monde.
La réduction du nombre des chercheurs sur notre sol risque donc de fragiliser la capacité d’innovation de cette industrie. Par ailleurs, elle aura de très graves conséquences économiques dans l’agglomération montpelliéraine.
Aujourd’hui, on annonce la suppression de 300 emplois d’un coup. Certes, cela prendra aussi la forme de départs à la retraite, mais tous les salariés licenciés ne retrouveront pas un poste équivalent dans la région. Ils seront donc contraints de quitter la région avec leur famille, ce qui aura des conséquences très lourdes sur l’économie locale.
Si l’on ajoute le transfert du département d’oncologie à Ivry et l’arrêt d’axes de recherche, la région montpelliéraine risque de voir son image altérée par ces annonces et, par là même, de devenir moins attractive pour l’implantation ou le développement d’entreprises dans ce secteur d’activité.
Enfin, au-delà de ces considérations économiques, je déplore dans cette restructuration la perte humaine et l’immense gâchis intellectuel. On ne peut s’empêcher de penser à l’investissement, tant en années d’études qu’en expériences professionnelles, qui est nécessaire dans le domaine de la recherche scientifique. Ce brusque arrêt représente une perte importante pour la science. De plus, par extension, on envoie en direction des jeunes un signal négatif pour les carrières scientifiques : comment expliquer à ceux qui se lancent dans cette filière que, au bout de x années d’études, ils auront le choix entre l’exil ou l’impossibilité d’exercer le métier pour lequel ils auront étudié durant de longues années ?
Depuis plusieurs mois, les salariés du site de Montpellier sont mobilisés et craignent d’être oubliés et noyés dans la longue liste de plans sociaux : Bouygues, Iveco, Peugeot... C’est pourquoi ils restent mobilisés et manifestent tant à Paris qu’à Montpellier.
Aujourd’hui encore, monsieur le ministre, je souhaite me faire le relais de leurs inquiétudes afin que vous vous engagiez pour préserver le développement et la recherche dans le domaine pharmaceutique.
Madame la sénatrice, le plan de restructuration annoncée par Sanofi quelques jours après les élections législatives fait partie de ces plans qui ont été opportunément dissimulés pendant la période électorale et qui ont ensuite déferlé par vagues sur le pays.
J’ai reçu Christian Lajoux, président de Sanofi France, et Christophe Viehbacher, directeur général de Sanofi monde. Ils m’ont expliqué que, malgré les 5 milliards d'euros de profits réalisés par cette entreprise l’année dernière, il était nécessaire de licencier entre 2 500 et 2 800 salariés en France.
Évidemment, la réaction du Gouvernement a été vive, pour ne pas dire musclée. Au mois de septembre dernier, après mûre réflexion et âpres discussions avec le groupe Sanofi, une réunion s'est tenue au palais de l'Élysée, rassemblant les conseillers du Président de la République, ceux du Premier ministre, mes collaborateurs et moi-même, au cours de laquelle Sanofi a accepté une réduction à hauteur de 1 390 suppressions de postes. Pour nous, c'était encore trop et Sanofi a finalement accepté de réduire encore ce nombre. Quelques jours plus tard, Sanofi m'a adressé une lettre que j'ai transmise à l'intersyndicale ; la direction du groupe y disait accepter zéro licenciement et la suppression nette de 914 postes.
Néanmoins, d'après l'intersyndicale et d'après les analyses du Gouvernement, le plan social ne traduit pas cet engagement tel qu'il a été exprimé, et par écrit. En conséquence, les discussions vont se poursuivre. Le Gouvernement ne peut pas accepter ce double langage : la lettre de M. Christian Lajoux, président de Sanofi France, engage moralement son groupe vis-à-vis de la République. Or, je le rappelle au passage, 90 % du chiffre d'affaires que Sanofi réalise en France sont « solvabilisés » par l'assurance maladie : Sanofi a donc des devoirs envers la France, à tout le moins celui de l'honnêteté et de la sincérité.
À l'heure où je vous parle, il y a des discussions fermes entre les pouvoirs publics et Sanofi. Je tiendrai informés à la fois les élus qui m'interrogeront et les acteurs présents sur les territoires concernés, notamment Toulouse et Montpellier. Un certain nombre de concessions ont été consenties concernant le site de Toulouse ; à Montpellier en revanche, où plusieurs centaines de chercheurs sont visés, la discussion doit avancer.
Le Gouvernement est particulièrement attentif au sort de la recherche sur notre territoire. Madame la sénatrice, ce n'est pas pour rien que le Gouvernement a décidé d'augmenter, d'amplifier, de pérenniser le crédit d'impôt recherche dans le projet de loi de finances pour 2013, tant critiqué sur les bancs de l'UMP à l'Assemblée nationale. En effet, l'attractivité de notre territoire en matière de recherche et développement constitue précisément l'un des éléments de la compétitivité de la France. Comment comprendre que, alors que beaucoup d'entreprises profitent de ce crédit d'impôt recherche, en sont satisfaites et le proclament, relocalisant même des activités de recherche sur notre territoire, Sanofi fasse exactement l'inverse ?
Madame la sénatrice, voilà où en sont les discussions entre Sanofi et le Gouvernement.
J’ai rencontré dernièrement l’ancien président de Sanofi-Aventis, Jean-François Dehecq. Je dois vous confier qu’il éprouve des sentiments plus que mitigés quant à l’attitude de ses successeurs… Je n’en dirai pas plus. §
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
Sanofi-Aventis doit mettre en œuvre un véritable plan de restructuration. Envoyer à la retraite des salariés qui souhaiteraient continuer à travailler, cela pose tout de même un sérieux problème ! Le site de Montpellier est centré sur la recherche ; il faut donc absolument le sauvegarder, car sa disparition serait une catastrophe pour la région.
La parole est à M. André Gattolin, auteur de la question n° 143, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le ministre, ma question porte sur le devenir du bâtiment de l’école d’architecture de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine.
Construit en 1972, ce bâtiment est emblématique de l’architecture modulaire des années 1970. Ses architectes Jacques Kalisz et Roger Salem ont voulu favoriser les relations entre les étudiants par un réel décloisonnement du bâti, afin d’améliorer la fluidité des échanges et de l’information. Ils ont également voulu créer un lien entre le parc départemental André Malraux des Hauts-de-Seine, le quartier d’affaires de La Défense et les tours d’habitation Aillaud, du nom de l’architecte qui les a conçues.
Cependant, depuis le départ de l’école d’architecture en 2004, le bâtiment a été laissé à l’abandon et son état se dégrade. En 2005, la délégation permanente de la direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France s’est prononcée à l’unanimité en faveur du passage du bâtiment devant la commission régionale du patrimoine et des sites, la CRPS, dès qu’un nouveau propriétaire serait connu.
Deux associations, les Amis de l’école d’architecture de Nanterre et l’association pour la documentation et la conservation des sites architecturaux issus du mouvement moderne, DOCOMOMO France, se sont mobilisées pour sa sauvegarde, son classement et sa protection au titre des monuments historiques, en vue de refaire de ce bâtiment un lieu de vie et de rencontres, ouvert aux activités culturelles comme aux nécessités socio-économiques actuelles. Plus de 700 personnes, dont l’architecte Paul Chémétov et Franck Hammoutène, ancien président de l’Académie d’architecture, ont signé une pétition dans ce sens.
Des négociations ont été menées entre France Domaine et la mairie de Nanterre en vue de la cession du bâtiment à la commune. Cependant, en raison du prix demandé, aucun accord n’a pu être trouvé. Or le terrain de l’école d’architecture figure dans la liste, récemment diffusée par le ministère de l’égalité des territoires et du logement, des terrains que l’État envisage de céder à titre gratuit aux communes afin qu’elles puissent y bâtir des logements sociaux.
Sans remettre en cause l’absolue nécessité de construire des logements sociaux, on peut se demander s’il ne conviendrait pas de retirer de cette liste le terrain de l’école d’architecture et reconnaître la valeur culturelle du bâtiment construit dessus en procédant à son classement. N’est-il pas temps que l’État se donne les moyens de réutiliser le bâtiment conformément à sa destination d’origine, la formation à l’architecture ou à d’autres métiers ?
D’autres utilisations de ce bâtiment sont également possibles. On pourrait, par exemple, envisager son affectation au Fonds régional d’art contemporain d’Île-de-France, qui cherche des espaces pour aider des groupes de créateurs, ou sa cession à la Ville de Nanterre pour qu’elle y crée un espace culturel.
Je souhaiterais savoir ce qu’envisage Mme la ministre de la culture et de la communication pour ce bâtiment.
Monsieur le sénateur, je vais vous livrer les éléments de réponse que ma collègue et amie Aurélie Filippetti m’a demandé de vous transmettre.
Comme vous l’avez souligné à juste titre, l’école d’architecture de Nanterre, construite en 1972 par l’architecte Jacques Kalisz, a été désaffectée en 2004 et transférée au service des domaines en vue d’une cession. La Ville de Nanterre s’est montrée intéressée, envisageant d'abord un projet d’équipement culturel et associatif, puis une opération mixte intégrant des logements sociaux, conformément aux exigences présentées par la préfecture dans le cadre de la négociation du prix de vente. Dernièrement, la mairie s’est déclarée favorable au projet d’un centre dédié aux arts culinaires, proposé par le groupe Ducasse.
Une association, les Amis de l’école d’architecture de Nanterre, animée notamment par le fils de Jacques Kalisz, exige la protection intégrale du bâtiment et suggère des réutilisations coûteuses et peu pertinentes, comme le transfert des archives de l’Institut français d’architecture, l’IFA. L’utilisation du bâtiment par le FRAC d’Île-de-France nous paraît tout aussi peu appropriée.
Si la conservation intégrale est sans doute incompatible avec toute cession onéreuse à un prix satisfaisant, le ministère de la culture et de la communication s’est efforcé d’encourager la Ville, qui a fait part de son intérêt, à considérer des hypothèses de conservation au moins partielle et à se concerter avec les demandeurs de protection qui bénéficient d’un certain écho, notamment auprès de l’association DOCOMOMO France.
La position du ministère de la culture et de la communication n’a pas changé depuis 2005 : l’intérêt patrimonial de cette œuvre de Jacques Kalisz relève du label « Patrimoine du XXe siècle » plutôt que d’une protection au titre des monuments historiques. La recherche d’une solution de reconversion respectueuse de l’architecture doit donc être privilégiée.
Cette position est conforme à l’avis qu’a émis la CRPS en juillet 2005 en réponse à la demande de protection formulée par l’association les Amis de l’école d’architecture de Nanterre. La délégation permanente de la CRPS s’est prononcée en faveur de l’examen du dossier, à condition « que les négociations sur l’avenir du bâtiment se soient stabilisées et aient débouché sur un véritable projet de réhabilitation ». À nos yeux, cette condition n’est pas remplie pour le moment.
Le projet présenté par le groupe Alain Ducasse de créer un campus dédié aux arts culinaires, qui a la faveur de la municipalité, est en cours d’élaboration par un cabinet d’architectes. Tous les acteurs, en particulier le groupe Ducasse, avertis par le ministère de la culture et de la communication de l’intérêt patrimonial du bâtiment, y sont tout à fait sensibles et souhaitent le prendre en compte.
Concernant la liste des sites appartenant à l’État et susceptibles d’être mobilisés en faveur de la création de logements, le premier recensement a été effectué en 2005. Cet exercice a été mené par France Domaine en lien avec les ministères et les préfets. Dès cette date, le site de l’ancienne école d’architecture de Nanterre a été identifié. La liste de sites établie en 2005 continue à servir de base de travail.
La liste des opérations identifiées pour le programme 2012-2016 a été constituée par le ministère de l’égalité des territoires et du logement à partir des propositions des préfets de département et de région, mais aussi des sites déjà identifiés dans le programme précédent et dont la mise en chantier a été décalée au-delà de 2012. C’est ce qui explique que l’ancienne école d’architecture de Nanterre y figure toujours. Le ministère de la culture et de la communication n’avait pas été saisi à ce jour ; il l’est désormais.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, dont je ferai part à l’ensemble des professionnels et acteurs préoccupés par le devenir de ce bâtiment.
À travers cet exemple, je tenais à soulever la question de l’ensemble du patrimoine non protégé par l’État. Nous avons certes une logique de conservation patrimoniale globale, mais celle-ci concerne essentiellement un patrimoine considéré comme glorieux, le plus souvent antérieur au XIXe siècle. C’est ainsi que, dans les Hauts-de-Seine, l’ensemble du patrimoine scolaire et industriel et certains bâtiments récents font l’objet d’une moindre considération.
Pour ma part, en tant qu’écologiste, et sans être pour autant fermé à la mutation de la ville, qui doit répondre aux exigences tant culturelles qu’économiques de la société, j’estime que nous devons être capables de conserver des bâtiments de grande valeur architecturale construits dans un passé assez récent.
L’école d’architecture de Nanterre ne bénéficie de presque aucun gardiennage et n’est pratiquement pas entretenue. Plus le temps passe et plus le bâtiment se dégrade, ce qui menace à terme la possibilité même de le réutiliser.
La parole est à M. Gérard Bailly, auteur de la question n° 114, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargée des transports, de la mer et de la pêche.
Je souhaitais attirer l’attention de M. le ministre chargé des transports sur les dessertes ferroviaires du Jura, mais je suis très heureux que ce soit vous, monsieur Montebourg, qui répondiez à sa place. En effet, ma question concerne également la Bresse, territoire dans lequel vous avez été élu, et je sais que vous connaissez très bien ce dossier.
Le 11 décembre 2011 a eu lieu la mise en service de la première tranche de la LGV – ligne à grande vitesse – Rhin-Rhône. Depuis cette date, les TGV venant de Belfort ou Besançon et se dirigeant vers Dijon et Paris ne passent plus par Dole, qui est pourtant considérée comme la gare TGV du Jura. Celle-ci n’est plus desservie que par les TGV venant de Lausanne, mais au détriment de la gare TGV de Mouchard, où plus aucun TGV ne devrait s’arrêter à partir de décembre 2012. D'ailleurs, la brochure Lyria distribuée dans le train Paris-Lausanne ne mentionne déjà plus la gare de Mouchard, qui permettait de desservir les régions d’Arbois, de Poligny et de Salins-les-Bains.
Les Jurassiens pouvaient admettre cette situation tant qu’il était prévu qu’elle ne durerait qu’un nombre d’années limité, jusqu’à l’achèvement de la branche sud de la LGV devant desservir le Jura, et donc aussi la Bresse, en chemin vers Lyon, d’où son nom de LGV Rhin-Rhône. Cette branche sud est bien inscrite dans le schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, et dans les grands projets d’infrastructures européens visant à relier l’Europe du Nord à l’Espagne, d’une part, et à 1’Italie via la ligne Lyon-Turin, d'autre part, comme j’ai pu le constater lors d’une visite chez le commissaire européen chargé des transports.
Or nous venons d’apprendre que le Gouvernement envisage malheureusement de revoir ce schéma et de renoncer à la branche sud de la LGV. Le TGV Rhin-Rhône deviendrait donc un simple TGV Rhin-Seine puisque la ligne n’irait pas jusqu’à Lyon. Ce tracé laisserait le Jura « sur le quai », et il n’y aurait plus de gare bressane, contrairement à ce qui avait été annoncé. Que sont devenues les promesses faites depuis 1995 ?
Les Jurassiens ont beaucoup de mal à accepter cette diminution significative des dessertes de leur département, d’autant que, depuis la mise en service de la première tranche de la LGV Rhin-Rhône, les liaisons Strasbourg-Lyon par train corail ont été supprimées et les liaisons vers Paris via Bourg-en-Bresse ne sont plus adaptées aux correspondances des TGV venant de Genève. Or, par le biais de leurs impôts régionaux, les Jurassiens ont participé à hauteur de près de 50 millions d’euros au financement de la première tranche de la LGV Rhin-Rhône, et ils ne récoltent finalement que des diminutions importantes des services ferroviaires dans leur département.
J’aimerais donc, monsieur le ministre, avoir des informations précises sur l’avenir de la branche sud de la LGV Rhin-Rhône, au sujet de laquelle des études aussi nombreuses que coûteuses ont été réalisées. Si l’abandon du tracé initial était confirmé, quels seraient les modifications et les investissements envisagés pour que le département du Jura mais aussi une partie du Haut-Doubs, dont la région de Pontarlier, bénéficient, grâce aux TET – trains d’équilibre du territoire –, d’une meilleure desserte pour la correspondance nord-sud Strasbourg-Lyon et surtout pour les trajets en direction de Paris ?
Le Jura ne peut être ainsi laissé à l’écart et subir sans rien dire cette moins-value en matière de dessertes ferroviaires, dans la mesure où celles-ci conditionnent l’aménagement de son territoire. L’avenir de ce département passe par son désenclavement.
Je suis heureux de saluer M. Gérard Bailly : nous sommes en effet voisins par nos terres d’élection puisque j’ai été président du conseil général de Saône-et-Loire, département limitrophe du Jura, dont il a lui-même présidé le conseil général. Nos deux territoires sont concernés par le projet de TGV Rhin-Rhône imaginé par Réseau ferré de France, qui prévoyait à l’origine une gare bressane permettant de desservir à la fois Lons-le-Saunier et Louhans, à cheval sur les régions Bourgogne et Franche-Comté.
Vous avez tenu, monsieur le sénateur, à interroger M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche sur les dessertes ferroviaires dans votre beau département du Jura. Il se trouve que Frédéric Cuvillier trace ce matin les grandes lignes de la réforme ferroviaire tant attendue sous les précédents gouvernements et enfin amorcée par le gouvernement actuel, à l’occasion du 75e anniversaire de la SNCF. C’est la raison de son absence, et je vous prie d’accepter que je vous réponde à sa place.
Comme vous le savez, le projet de LGV Rhin-Rhône comporte trois branches, centrées sur Dijon : une vers Mulhouse – la branche est –, une vers Lyon – la branche sud – et une vers l’actuelle LGV Paris-Lyon – la branche ouest –, pour un coût total évalué à près de 10 milliards d’euros.
S’agissant de la branche sud, le dernier comité de pilotage, qui s’est tenu en juillet 2011, a conclu qu’une nouvelle mise en perspective s’imposait compte tenu de l’évolution importante du contexte ferroviaire depuis la décision de lancer ce projet à trois branches.
Aussi, en s’appuyant sur l’important travail d’étude déjà réalisé, le Conseil général de l’environnement et du développement durable s’est vu confier la mission d’examiner la cohérence d’ensemble du projet à partir des fonctionnalités souhaitées sur les branches sud et ouest. À cette occasion, chaque acteur pourra s’exprimer, puis seront décidées les suites qui seront données aux composantes ouest et sud de ce projet. Je le précise, ces composantes sont détachables et leur mise en cohérence fera l’objet d’une étude séparée. Bien entendu, la desserte du Jura sera prise en compte.
Toutefois, nous ne pouvons pas ne pas faire état de la réflexion générale que mène l’actuel gouvernement sur l’ensemble des projets d’infrastructures annoncés par le précédent. En effet, le projet de schéma national des infrastructures de transport présenté à l’automne 2011 par nos prédécesseurs comporte des opérations et des projets divers qui doivent être réalisés sur vingt-cinq ans pour un montant évalué à 245 milliards d’euros, dont 88 milliards d’euros à la charge de l’État. Or, en face de ces 245 milliards d'euros de promesses électorales rangés dans les tiroirs du gouvernement précédent, on trouve… 2 milliards d'euros de recettes annuelles. C’est pourquoi nous devrons forcément effectuer un tri, afin de décider quels projets conserver.
Sur ce point, je suis aussi marri que vous, monsieur le sénateur, car je fais partie de ceux qui, tout comme vous, se sont fortement engagés politiquement en faveur de la réalisation de la nécessaire desserte ferroviaire à la frontière du Jura et de la Saône-et-Loire. Et je me souviens même de conseillers généraux appartenant à votre parti qui plantaient aux entrées de villages de la circonscription où je briguais un troisième mandat des panneaux portant le slogan : « Avec Montebourg, le TGV dans votre cour ! »
Pour autant, monsieur Bailly, je n’oublie pas que nous nous sommes battus ensemble pour ce TGV et, en cet instant, au-delà de la réponse de ministre que je vous apporte, je renouvelle mon engagement personnel pour faire en sorte que ce projet voie le jour, eu égard à mes propres attaches et à mes convictions politiques.
Mais vous conviendrez qu’avec 88 milliards d'euros laissés à la charge de l’État – une somme qui laisse songeur si on la compare, par exemple, au montant de la dette grecque – on atteint des niveaux qui ne sont pas conformes à ce qu’il est raisonnable d’envisager.
Ce projet de schéma national des infrastructures de transport est d’ailleurs muet sur les priorités comme sur les solutions de financement nécessaires à sa réalisation. C’est pourquoi, le 17 octobre dernier, une commission parlementaire et technique a été mise en place, afin d’établir un diagnostic global sur la pertinence et la faisabilité du projet, au vu de la situation actuelle et des perspectives de nos finances publiques, de manière que le Gouvernement puisse effectuer les bons choix, tout en tenant compte de la nécessité de réduire la fracture territoriale et de rénover les réseaux existants. C’est dans le cadre de cette mission que seront examinées avec la plus grande attention les solutions envisageables pour la réalisation de la LGV Rhin-Rhône.
Monsieur le sénateur, s’agissant plus particulièrement de la desserte ferroviaire du Jura, je tiens à vous apporter les éléments de réponse suivants, au nom du ministre chargé des transports.
La mise en service de la première phase de la branche est de la LGV Rhin-Rhône le 11 décembre 2011, qui a permis de développer des relations à grande vitesse entre Strasbourg et Lyon, s’est s’accompagnée d’une modification importante des services nationaux. Les quatre allers-retours TET entre Strasbourg et Lyon ont été remplacés par cinq relations TGV empruntant le nouvel itinéraire à grande vitesse, tandis qu’un aller-retour TGV quotidien continue à transiter par la ligne classique pour assurer les dessertes de Lons-le-Saunier et Bourg-en-Bresse.
En outre, les régions Franche-Comté et Rhône-Alpes ont établi une nouvelle offre TER sur la ligne Besançon–Lons-le-Saunier–Lyon afin de garantir un service ferroviaire performant dans le Jura à la suite de la mise en service de la nouvelle LGV. Conformément aux dispositions en vigueur, la mise en œuvre de cette offre TER de substitution sera compensée par l’État.
Quant aux dessertes de Dole et du Haut-Doubs, qui vous tiennent à cœur, elles seront durablement assurées par le biais des TGV Lyria circulant entre Paris et Lausanne. Au service annuel 2013, la gare jurassienne de Dole continuera ainsi à bénéficier de cinq allers-retours quotidiens, dont un Paris–Dole–Besançon par la ligne classique. En revanche, compte tenu des contraintes importantes imposées par les gestionnaires d’infrastructures pour la définition des horaires de circulation des trains internationaux, l’unique fréquence TGV en gare de Mouchard sera supprimée. Localement, la SNCF a déjà relayé une information précise sur ce point, indiquant que le conseil régional de Franche-Comté étudie la mise en place éventuelle de services de substitution entre Mouchard et Dole.
Monsieur le sénateur, telles sont les précisions que je peux vous apporter concernant les dessertes ferroviaires du Jura.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse claire et précise. Cependant, vous comprendrez notre inquiétude, d’autant qu’un journal régional titrait encore voilà trois jours : « LGV Lyria : la SNCF cherche-t-elle à contourner le massif jurassien ? ». En effet, depuis la mise en place de cette liaison, nous savons que les habitants du nord de la Suisse se dirigent plutôt vers les gares du nord de la Franche-Comté. De surcroît, nombre de Suisses empruntent la ligne Genève–Bourg-en-Bresse. Ainsi, lorsque je prends le train à Dole, les voyageurs en provenance de Suisse sont peu nombreux. La ligne ferroviaire desservant Lausanne nous inquiète vivement. En définitive, le massif jurassien est contourné par le nord et par le sud.
À titre d’illustration, je tiens à vous faire part de l’expérience que j’ai vécue ce matin, en venant au Sénat. Ne sachant pas à quelle heure ma question orale serait examinée et voulant arriver tôt, j’ai décidé de prendre le TGV à Bourg-en-Bresse. Je me suis donc fait conduire en taxi à la gare de cette ville, car je vous rappelle que l’on ne dispose plus de moyen de transport ferroviaire pour se rendre à Bourg-en Bresse depuis Lons-le-Saunier. Comme souvent, le TGV est arrivé à Bourg-en-Bresse avec vingt minutes de retard, puis à Paris avec quarante minutes de retard.
Quant à mon collègue Gilbert Barbier, qui devait se rendre à Dole, son train en provenance de Lausanne est parvenu avec deux heures de retard à la gare de Lyon…
Vous le constatez, monsieur le ministre, ne serait-ce que pour les élus jurassiens, il devient bien difficile de se rendre à Paris.
Je connais votre dynamisme et je souhaite que tous ensemble nous soyons exigeants afin que la branche sud de la LGV soit enfin réalisée. Certes, sa mise en place ne se fera pas dans les toutes prochaines années, mais nous aimerions au moins garder un espoir pour l’avenir du département du Jura, de même que pour celui de la Bresse, que vous représentez.
Comme vous, monsieur Bailly, c’est la France que je représente !
La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 1623, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation difficile des enseignants suppléants au sein des instituts médico-éducatifs, ou IME.
Je tiens, tout d’abord, à mettre en lumière le fait que les instituteurs suppléants des IME, établissements sous contrat simple, n’ont aucune possibilité d’être titularisés, contrairement aux enseignants des établissements privés sous contrat d’association, qui peuvent l’être au bout de six ans d’exercice. De plus, ils n’ont aucune possibilité d’avancement et ne peuvent prétendre à aucune augmentation de salaire. J’ai ainsi à l’esprit l’exemple, dans mon département, d’une institutrice suppléante d’un IME qui est toujours à l’indice 191 et perçoit une rémunération d’à peine 1 100 euros mensuels, après près de dix ans d’activité.
Qu’il me soit permis de souligner que, même si tous ces enseignants ne font pas carrière dans cette profession, certains l’exerçant quelques années avant de s’orienter vers d’autres types de postes, une part non négligeable de suppléants, passionnés par leur mission, travaillent dans ce secteur depuis plusieurs années. Au quotidien, ils font preuve d’un courage et d’une abnégation sans faille, auprès d’un public relativement difficile.
Je vous rappelle que, si ces instituteurs sont nommés par une autorité privée et sont salariés de droit privé, il n’en demeure pas moins qu’ils sont rémunérés par l’État. Je m’interroge donc sur la possibilité de mettre fin à cette injustice et d’améliorer les conditions matérielles de ces enseignants.
Je souhaiterais savoir combien d’enseignants suppléants officient dans des IME et, plus largement, dans des établissements sous contrat simple. Quelles mesures envisagez-vous de mettre en œuvre pour faire évoluer la situation de ces enseignants et pour la rapprocher de celle des personnels des établissements sous contrat d’association avec l’éducation nationale ? Le projet de loi de programmation de l’école, dont vous avez annoncé la prochaine présentation au Parlement, pourrait être l’occasion d’une telle réforme.
Monsieur le sénateur Jean-Claude Carle, instaurés par la loi du 2 janvier 2002, les instituts médico-éducatifs sont agréés pour dispenser une éducation et un enseignement spécialisés à des enfants et des adolescents atteints de déficience à dominante intellectuelle. C’est avec raison que vous avez salué l’engagement et la qualité des personnels qui travaillent en leur sein.
Comme vous le savez, l’objet des IME est donc d’assurer l’épanouissement des enfants et des adolescents en difficulté, afin de les intégrer, de la manière la plus complète possible, dans le cadre de la vie sociale et professionnelle.
Les enseignants suppléants qui y officient accomplissent un travail remarquable. Je tiens d’autant plus à souligner leur engagement qu’ils contribuent à la prise en charge des élèves en situation de handicap en milieu scolaire ordinaire comme adapté. Afin qu’ils remplissent leur tâche dans les meilleures conditions, l’accompagnement des pouvoirs publics me semble nécessaire.
S’agissant de votre interrogation sur la situation professionnelle des enseignants en IME et des mesures envisagées pour les rapprocher des personnels sous contrat d’association, je souhaite vous apporter les précisions suivantes.
Aujourd’hui, 300 maîtres suppléants exercent dans les IME. Salariés de droit privé, ils sont employés par les établissements sur la base du code du travail, dont les dispositions les distinguent des enseignants de l’enseignement privé sous contrat d’association, ceux-ci étant liés à l’État par ce contrat, en application de la loi Debré, que nous connaissons bien tous les deux, monsieur le sénateur.
Dans ce contexte, lorsqu’ils remplissent, naturellement, les conditions prévues par le code du travail, seuls leurs employeurs disposent de la compétence pour requalifier leur contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
Néanmoins, comme à vous, il me paraît tout à fait essentiel d’offrir des perspectives d’évolution professionnelle à ces maîtres contractuels.
Dans cette optique, et bien que n’étant pas l’employeur de ces personnels, l’État leur ouvre des possibilités de carrière identiques à celles de leurs collègues en fonction dans les établissements sous contrat d’association. Ils peuvent ainsi se présenter, sous réserve de remplir toutes les conditions requises, aux différents concours internes de recrutement de l’enseignement privé. En cas de réussite, ils se verront attribuer un contrat ou un agrément définitif dans l’enseignement privé sous contrat et seront rémunérés en fonction de l’échelle de rémunération d’enseignant titulaire.
De plus, il a été demandé à toutes les académies d’ouvrir un second concours interne réservé aux maîtres suppléants qui justifient au minimum de trois années de services effectifs en cette qualité.
Enfin, dans le cadre des dispositions de la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, il est prévu d’autoriser ces personnels à faire acte de candidature aux voies de recrutement spéciales ouvertes dans l’enseignement privé, afin de leur permettre d’accéder aux échelles de rémunération de professeurs titulaires.
Toutes ces mesures concrètes n’ont qu’une finalité, monsieur le sénateur : offrir des perspectives professionnelles à des maîtres contractuels, qui s’investissent totalement sur le terrain aux côtés des élèves des IME, et lutter contre la précarité.
Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous avez bien voulu m’apporter et de l’intérêt que vous manifestez à l’égard de ces enseignants suppléants qui accomplissent un travail formidable auprès d’enfants en situation difficile.
Vous avez évoqué des perspectives d’évolution dont pourraient bénéficier ces 300 enseignants, notamment l’ouverture d’un second concours interne en leur faveur. Soyez assuré que je serai extrêmement vigilant sur ce point.
La parole est à M. Robert Navarro, auteur de la question n° 117, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, des élus de l’Hérault m’ont alerté sur les difficultés qu’occasionne la procédure dite d’« affectation multi-critères ».
Comme vous le savez, cette dernière concerne l’orientation des élèves après la classe de troisième vers des filières professionnelles scolaires de l’enseignement public uniquement. Les élèves sont ainsi dirigés vers les secondes professionnelles, les BEP, les BEPA, les CAP et les CAPA.
Or le problème que rencontrent certains élus dans l’Hérault, et que l’on retrouve ailleurs en France, est que cette procédure ne concerne pas les élèves qui veulent partir en apprentissage ni ceux qui souhaitent s’inscrire dans un établissement privé.
Je citerai, à titre d’exemple, le cas du lycée privé agricole de Gignac, situé dans l’Hérault. Cet établissement, qui n’a jamais cessé de s’agrandir et de s’améliorer depuis sa création, en 1965, anime notre territoire de façon exceptionnelle. Des générations d’élèves y ont été formées directement sur le terrain.
Nos élus sont très souvent impliqués dans ces centres d’enseignement fortement implantés localement.
Or, depuis la mise en place de cette nouvelle procédure d’orientation, il y a tout juste deux ans, ce lycée privé agricole rencontre des difficultés de recrutement : en effet, il n’est pas référencé dans la procédure d’affectation multi-critères. Voilà comment un simple détail technique a un impact dramatique sur le terrain et sur l’action politique des élus locaux !
Cet établissement, association loi de 1901, qui regroupe une cinquantaine de communes est pourtant une réussite, prônant depuis sa création des valeurs que vous partagez, monsieur le ministre, telles que le respect d’autrui, la tolérance et la laïcité. La participation demandée aux familles est particulièrement raisonnable et permet la scolarisation de tous les enfants, quelle que soit leur origine sociale.
Ces différents principes, chers à l’établissement, constituent une réponse adaptée aux besoins des jeunes en difficulté. Je me suis déjà rendu à plusieurs reprises dans ce lycée, monsieur le ministre, et je puis vous assurer que l’équipe parvient à réconcilier les jeunes avec l’école !
Monsieur le ministre, je sais que vous souhaitez, dans le cadre de la refondation de l’école de la République, accorder une attention particulière aux innovations pédagogiques ; je connais, par ailleurs, votre ouverture d’esprit et votre goût pour la réflexion.
Face à la diversité de la jeunesse, il n’existe pas un seul modèle éducatif : il y a plusieurs façons différentes et complémentaires d’enseigner.
Aussi, je vous serais particulièrement reconnaissant de m’indiquer les mesures que vous comptez prendre afin d’aider cet établissement innovant, ainsi que d’autres, à poursuivre son développement dans de bonnes conditions, notamment en revoyant le fonctionnement de la procédure d’orientation.
Monsieur le sénateur Robert Navarro, la question que vous soulevez est sérieuse et préoccupante.
La procédure dite « de pré-affectation automatique multicritères », ou PAM, relève d’une application informatique qui calcule le barème de chaque élève pour chaque vœu exprimé à partir de critères définis par l’académique concernée.
Cette procédure a été généralisée à toutes les académies depuis 2008. Cette aide à la décision des directeurs académiques des services départementaux de l’éducation nationale permet à chaque élève une seule affectation sur son vœu le mieux placé, en tenant compte de la capacité d’accueil des établissements publics demandés.
L’application a fait ses preuves. Elle garantit l’homogénéité de traitement et la transparence des règles d’affectation, notamment pour les familles. C’est donc un principe auquel nous sommes attachés.
Elle permet également la mise en œuvre d’une politique éducative académique adaptée aux spécificités de chaque territoire. Elle permet, enfin, un traitement équitable, et pas seulement transparent, de tous les dossiers.
Vous regrettez, monsieur le sénateur, que cette procédure ne concerne pas les élèves qui désirent partir en apprentissage ni ceux qui souhaitent s’inscrire dans un établissement privé.
L’application a été conçue pour affecter les élèves dans les lycées publics, ce qui exclut, en principe, l’affectation en lycée privé sous contrat d’association, en lycée privé agricole, comme celui de Gignac, ou en centre de formation d’apprentis, CFA.
Dans le public, les élèves bénéficient du principe de l’affectation tandis que, dans le privé sous contrat, s’impose le principe de l’inscription des élèves en fonction du choix des parents et des établissements ; le privé y tient. Il s’agit donc de deux systèmes différents.
Néanmoins, l’application d’affectation des élèves sur le net, AFFELNET, offre la souplesse permettant tout paramétrage souhaité par les autorités académiques dans le cadre de conventions qui peuvent être passées avec les recteurs.
Ainsi, certaines académies, notamment Aix-en-Provence, Bordeaux ou Caen, dans le cadre d’accords avec les autorités diocésaines, affectent les élèves issus de la troisième dans les établissements privés sous contrat. Ces affectations sont possibles si tout le monde est d’accord.
Enfin, dans certaines académies, moins nombreuses, des dispositifs expérimentaux ont permis d’attribuer des places en CFA. L’outil internet permet cette procédure ; il faut uniquement que les partenaires acceptent qu’elle soit mise en œuvre.
S’agissant plus particulièrement de l’académie de Montpellier, à laquelle vous êtes naturellement très attaché, monsieur le sénateur, des discussions sur l’intégration de l’enseignement privé sous contrat dans la procédure AFFELNET ont été ouvertes. Les directeurs diocésains sont au courant de cette initiative, qui a été évoquée lors d’une réunion académique des chefs d’établissement privé sous contrat, en juillet dernier.
Si les discussions débouchent sur un accord, ce que vous souhaitez, monsieur le sénateur, et que j’encouragerai, la procédure AFFELNET pourrait concerner dès 2013 les établissements privés sous contrat. Le dispositif permettrait alors de croiser au moment opportun les informations détenues par les deux appareils de formation sans intervenir dans leurs logiques différentes, chacun conservant ses critères de recrutement.
Si c’est la voie vers laquelle souhaitent se diriger les autorités diocésaines de Montpellier et ceux qui sont chargés de l’établissement privé agricole de Gignac, l’État est disposé à faire sa part du chemin.
Je remercie M. le ministre de la qualité de sa réponse.
Je suivrai attentivement, avec le recteur d’académie, l’évolution de ce dossier sur le terrain.
La parole est à Mme Bernadette Bourzai, auteur de la question n° 136, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, ma question porte sur les conséquences de la réforme du baccalauréat « sciences et technologies industrielles », STI, et du baccalauréat professionnel.
La réforme du bac STI a été réalisée par le gouvernement précédent et est entrée en vigueur à la rentrée 2012-2013. Elle inquiète fortement les acteurs de la filière, qui craignent que la spécificité de la voie technologique ne soit mise à mal.
En effet, avec l’abandon des aspects pratiques de la formation dans la nouvelle série « sciences et technologies de l’industrie et du développement durable », ou STI2D, cette réforme risque d’entériner une vision purement académique de la filière, qui avait conduit le Conseil supérieur de l’éducation nationale à émettre un avis négatif sur les programmes.
Or c’est notamment grâce à l’approche très concrète du métier pratiquée par les enseignants que cette filière constitue une voie de réussite pour des élèves qui n’étaient pas nécessairement destinés à faire des études supérieures.
Cette réforme, outre qu’elle rend inutiles les investissements énormes consentis par les régions pour équiper les lycées et qu’elle contraint ces dernières à de nouvelles dépenses, prive de nombreux lycées polyvalents d’un recrutement qui leur était spécifique et leur permettait, notamment en milieu rural, de maintenir des formations et des emplois locaux.
Le risque est grand de voir les élèves se détourner de ces filières, ce qui diminuera leur recrutement et, à terme, posera aussi la question du recrutement de personnels d’encadrement intermédiaire dans les entreprises.
De nombreux exemples illustrent ces constats, comme celui du lycée polyvalent Pierre-Caraminot de ma ville d’Égletons, établissement qui, avec la disparition de sa spécialité en génie civil, base de sa notoriété, risque de perdre l’essentiel de son recrutement qui est régional, interrégional et même national. Ce lycée est menacé de fermeture à terme, ce qui aura des conséquences économiques et sociales immédiates pour la région.
Les enseignants ne nient pas la nécessité d’une réforme des baccalauréats technologiques pour aborder la formation de manière plus transversale, comme l’exige l’évolution des techniques, mais ils s’interrogent sur la volonté de maintenir la spécificité de la filière STI, à savoir une pédagogie fortement ancrée dans des activités pratiques et technologiques.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je souhaite également vous alerter sur un sujet parallèle, celui du baccalauréat professionnel en trois ans. Cette année était la première année où se présentaient à l’examen deux générations d’élèves, ceux qui ont préparé leur bac pro en trois ans, conformément à la réforme, et ceux qui, comme les années précédentes, ont suivi une formation en quatre ans. Dans ces domaines, les enquêtes réalisées révèlent une différence significative du taux de réussite entre les deux générations. Cette différence est la démonstration que certains élèves ont besoin de quatre ans et que, là aussi, la réforme a été faite dans la précipitation et sans véritable concertation avec les enseignants.
Monsieur le ministre, quelles réponses pouvez-vous apporter aux professeurs et aux élèves inquiets d’une telle évolution éducative ?
Madame la sénatrice, dans un contexte de hausse générale du niveau des qualifications, il est apparu nécessaire de réformer la filière technologique pour élargir l’éventail des études et l’accès aux diplômes de l’enseignement supérieur.
En prenant un peu de distance avec les événements et les polémiques, on constate qu’en vingt ans les filières technologiques et professionnelles ont considérablement contribué à l’accès aux études longues des publics concernés. Ce sont d’ailleurs elles qui supportent l’essentiel de la démocratisation des études longues.
Pour parvenir à cet objectif, qui demeure, les disciplines enseignées dans le cadre de l’enseignement technologique doivent être plus transversales et moins spécialisées afin de rendre possibles des choix d’orientation plus ambitieux qu’auparavant. Cela se traduit, par exemple en classe de terminale, par une organisation pédagogique hebdomadaire qui réserve quinze heures aux enseignements généraux – français, histoire-géographie, mathématiques, langues vivantes – et quinze heures aux enseignements technologiques.
Je suis personnellement très attaché à cet équilibre entre les matières générales et les matières plus techniques – nous aurons ce débat dans l’avenir –, et cela vaut également pour les lycées professionnels.
Cet équilibre concilie trois impératifs : la possibilité de poursuivre des études plus longues, qui correspond d’ailleurs à une demande des entreprises, l’accès à l’emploi, mais aussi le développement de compétences et de connaissances qui font d’un individu un citoyen.
S’agissant des critiques et des craintes que vous relayez, madame la sénatrice, elles sont en grande partie le résultat de la méthode choisie par le précédent gouvernement pour mettre en œuvre cette réforme. La nouvelle voie technologique fut imposée aux enseignants comme aux collectivités territoriales de façon extrêmement brutale, sans aucun dialogue ni concertation. C’est l’inverse de la méthode que nous avons adoptée avec le Premier ministre. Surtout dans le domaine éducatif, une réforme qui n’est portée ni par les personnels ni par les collectivités locales et qui ne se construit pas dans la concertation a des effets pervers, induit des échecs et engendre, comme vous l’avez montré, des résistances.
C’est la raison pour laquelle, dès mon arrivée au ministère de l’éducation nationale, pour atténuer les effets négatifs de cette méthode très douloureuse pour un certain nombre de personnels et pour leur redonner confiance, j’ai demandé aux recteurs d’être particulièrement attentifs à chaque situation individuelle. Un plan de formation spécifique doit ainsi accompagner et soutenir les enseignants dans la procédure de changement de discipline.
J’ai demandé à mes services de réaliser une évaluation du dispositif. En effet, en visitant les établissements, j’ai eu le sentiment que mes consignes n’avaient malheureusement pas été suffisamment mises en œuvre et qu’un certain nombre de professeurs n’ayant pas démérité étaient encore dans l’inquiétude et la souffrance.
Je souhaite aussi, madame la sénatrice, répondre à vos interrogations sur la situation du lycée polyvalent Pierre-Caraminot d’Égletons, qui est spécialisé dans les métiers du génie civil et qui connaît une importante diminution du nombre d’élèves suivant la filière technologique et industrielle.
La baisse indéniable des effectifs s’explique non par la réforme de la voie technologique, mais par des particularités locales ayant un peu d’ancienneté.
On constate, d’abord, un très faible taux de passage de la troisième vers la seconde générale et technologique durant les années précédentes dans le collège de la ville : 45 % pour une moyenne nationale de 60 %.
On constate, ensuite, une baisse du recrutement hors académie, du fait de la création dans les régions voisines de lycées des métiers du génie civil.
Enfin, on relève des contraintes, que vous connaissez mieux que quiconque, liées aux transports scolaires. Elles ne sont pas négligeables pour un lycée rural.
Pour revaloriser leur lycée, les équipes pédagogiques ont intégré trois nouvelles dimensions : premièrement, la dimension européenne, le lycée Caraminot étant devenu « pôle européen », ce qui permet aux élèves volontaires de faire un voyage d’étude à l’étranger ; deuxièmement, l’extension des formations, par l’ouverture d’une nouvelle discipline, « Création et activités artistiques », avec une option « Patrimoine » ; troisièmement, la confirmation du lycée dans le dispositif des « cordées de la réussite ».
J’en profite pour féliciter la vitalité et l’esprit d’anticipation de l’équipe pédagogique.
Madame la sénatrice, vous abordez également le baccalauréat professionnel. Vous le savez, la réforme ayant fait passer la préparation de ce diplôme de quatre années à trois années a permis d’augmenter de 80 % le nombre de bacheliers professionnels, malgré un taux de réussite en légère baisse.
Demeurent tout de même des difficultés.
D’abord, et nous le voyons dans le cadre de cette réforme, un jeune sur trois en situation de décrochage scolaire est issu du lycée professionnel. Et les choses se jouent dès le début.
Ensuite, l’accès aux formations post-bac, notamment au BTS, des bacheliers professionnels reste un parcours du combattant.
Les causes du décrochage scolaire des élèves sont liées à une orientation souvent plus subie que choisie, à la faible mobilité des jeunes de cette filière et à une absence de passerelles entre les différentes formations.
Cela fait partie des éléments importants de la loi d’orientation et de programmation que nous vous présenterons bientôt ; des dispositions résultent d’ailleurs des travaux de la concertation auxquels vous avez participé. Il s’agit de hisser l’enseignement professionnel à la hauteur du formidable atout qu’il représente pour la France.
Les élèves de cette filière sont nos futurs artisans, commerçants, ouvriers qualifiés, techniciens, ingénieurs. Ils contribueront à la richesse et au redressement de notre pays.
Je souhaite donc que la voie professionnelle offre des parcours fluides du CAP jusqu’au baccalauréat professionnel et que les bacheliers professionnels puissent avoir un meilleur accès aux formations de BTS et de techniciens supérieurs, en étant accompagnés pour y réussir. C’était d’ailleurs un engagement du Président de la République. Cela figurera évidemment dans le texte législatif.
Nous voulons changer le système d’orientation, avec la création du service public territorialisé de l’orientation et la mise en place d’un parcours d’orientation individualisé, qui commencera dès la sixième pour l’ensemble des élèves. Il faut aussi permettre des avancées à des rythmes différents pour les élèves de l’enseignement professionnel.
Par conséquent, et je vais dans votre sens, madame la sénatrice, je souhaite que la possibilité d’un parcours en quatre ans soit rétablie pour les élèves les plus fragiles, en leur permettant d’obtenir d’un diplôme intermédiaire en deux ans, puis leur baccalauréat deux ans après. Nous le voyons bien, tous les élèves n’arrivent pas à cheminer du même pas ; cela a causé trop de décrochages.
Ces différentes propositions figureront dans la loi d’orientation.
Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse très circonstanciée et de l’attention que vous portez à la situation de nombreux élèves et enseignants qui souffrent.
Ce que vous venez de manifester faisait, à mon avis, largement défaut à votre prédécesseur. Je l’avais interrogé sur le même sujet, mais je n’ai jamais obtenu de réponse ; je le regrette, surtout quand je constate les dégâts sur le terrain.
La méthode que vous avez développée, celle de la concertation, permettra effectivement, je le crois, à l’éducation nationale de se reconstruire et de se redéployer. Vous pouvez compter sur ma volonté de vous aider dans cette entreprise.
La parole est à M. Dominique Watrin, auteur de la question n° 142, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, près de 850 emplois sont supprimés chaque mois dans le Nord-Pas-de-Calais. Et cette véritable saignée s’opère dans une région qui souffrait déjà d’un fort taux de chômage !
Je voudrais d’abord souligner la lutte exemplaire des 250 salariés de l’entreprise Doux à Graincourt-lès-Havrincourt, qui occupent leur abattoir de volailles depuis plus d’un mois. Ces salariés ne se résignent pas, et pour cause : cette unité de production, qui irrigue le tissu économique rural en fournissant une activité importante aux éleveurs, fait des bénéfices, ainsi que l’atteste le rapport comptable fourni par les liquidateurs. Au demeurant, cette activité a des débouchés : la France importe 40 % de ses besoins en volailles.
Cependant, le tribunal de commerce, composé exclusivement de dirigeants d’entreprise, n’a pas validé cette thèse. Rappelons à ce sujet le potentiel conflit d’intérêts soulevé par les syndicats et la presse à propos de la présence dans la formation de jugement de sept juges qui seraient en lien avec Doux...
Les salariés sont prêts à soutenir la poursuite de l’activité de l’unité du Pas-de-Calais. Il a donc été acté que, si cette unité était jugée « modernisable » au terme de l’expertise financée par l’État, ce dernier investirait avec la région. Dans le cas contraire, il s’engagerait à ce que tous les salariés licenciés bénéficient d’un maintien de salaire à 100 % pendant un an. Pour le même coût, une aide à la reprise permettrait de pérenniser 250 emplois. C’est mieux.
Pourtant, les salariés ont l’impression que, malgré quelques avancées, qu’il faut souligner, il y a un manque de volonté politique au sommet de l’État pour finaliser ce projet. Que pouvez-vous leur répondre ?
Même questionnement pour les salariés de Durisotti : quels engagements le Gouvernement peut-il peut prendre sur la nécessité de revoir le contenu des appels d’offres de l’État afin de ne pas défavoriser les entreprises françaises qui, comme celle-ci, recherchent également des financements ?
Meca Stamp International bénéficie d’un savoir-faire unique en France et ses débouchés sont assurés : le carnet de commande est plein. Un plan de reprise est en cours d’élaboration avec plusieurs associés. Que comptez-vous faire pour éviter toute cessation d’activité hâtive et apporter à ce projet le renfort financier nécessaire pour maintenir le plus possible d’emplois ?
Arc International a vu ses effectifs passer de 12 000 salariés à 5 680 en dix ans. L’entreprise a prévu une nouvelle baisse de ses effectifs à l’échéance de l’accord de méthode, fin 2012. Les salariés s’inquiètent d’une nouvelle réduction en raison de la priorité affichée par l’actionnaire de produire en Chine, aux Émirats arabes unis et aux portes mêmes de l’Europe, en Russie. D’où 880 départs à la retraite programmés d’ici à 2015, dont un sur deux seulement sera remplacé. Sans parler des 1 500 salariés qui pourraient « opportunément », aux yeux de la direction s’entend, bénéficier de « retraites anticipées amiante », mais sans être remplacés. Confirmez-vous une telle information ?
Monsieur le ministre, d’une manière plus générale, quelle action déterminante le Gouvernement compte-t-il entreprendre pour stopper une telle hémorragie d’emplois et assurer la pérennisation de toutes les entreprises que j’ai citées ?
Monsieur le sénateur Dominique Watrin, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser mes collègues Michel Sapin et Thierry Repentin, qui sont en ce moment même auditionnés par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sur les crédits de la mission « Travail et emploi ».
Les entreprises que vous avez citées, et qui relèvent de secteurs d’activité très différents, ont effectivement supprimé de nombreux postes dans votre département. Le nombre total de licenciements économiques cette année est sensiblement supérieur à celui de l’année précédente à la même période : 3 041 à la fin du mois de septembre 2012, contre 2 799 en 2011, ce qui traduit une dégradation sérieuse de la situation économique depuis de très nombreux mois.
Une telle situation est préoccupante pour tous les travailleurs concernés et pour toutes les familles touchées directement ou indirectement par le chômage. Le Gouvernement veille donc à ce que les salariés victimes d’un licenciement économique soient accompagnés le mieux possible pour retrouver au plus vite un emploi.
Les salariés victimes de licenciement économique dans les entreprises de moins de 1 000 salariés et dans les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire peuvent être accompagnés dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, le CSP. Ce dispositif, dont je reparlerai, vise à favoriser le retour à un emploi durable, le cas échéant au moyen d’une reconversion. L’allocation versée dans le cadre du CSP pendant un an équivaut à la quasi-intégralité du salaire net antérieur. Dans le Pas-de-Calais, à la fin du mois de juillet 2012, 2 267 salariés licenciés pour motifs économiques sont entrés dans le dispositif.
N’en doutez pas, monsieur le sénateur, le Gouvernement se mobilise ; tous les outils de la politique de l’emploi sont mis en œuvre pour aider les salariés.
Dans le cas de l’abattoir du pôle frais de Doux situé à Graincourt-lès-Havrincourt, dès le début du mois d’août, et parallèlement aux efforts déployés par le Gouvernement pour préserver au mieux l’emploi du pôle frais, l’État a mis en place une cellule d’appui à la sécurisation professionnelle pour l’ensemble des 253 salariés, afin qu’ils bénéficient d’un accompagnement particulier pour les soutenir et les aider dans leurs démarches de reconversion.
La mise en place de ce type de cellule est exceptionnelle, mais elle répond à une situation elle-même exceptionnelle, sur un bassin d’emploi qui souffre. Les salariés licenciés sont ensuite pris en charge dans le cadre du CSP.
Le Gouvernement s’est également engagé à débloquer un million d’euros pour le fonds de revitalisation permettant de soutenir des projets économiques créateurs d’emplois sur ce territoire.
Monsieur le sénateur, nous sommes particulièrement conscients de la situation préoccupante de l’emploi dans le Pas-de-Calais et de la nécessité d’agir rapidement. C’est pourquoi nous avons attribué 1 442 contrats d’accompagnement dans l’emploi supplémentaires au Pas-de-Calais pour le second semestre de 2012, en plus de l’enveloppe initiale de 5 902 de juillet 2012, soit une enveloppe totale de 7 344 contrats d’accompagnement pour le second semestre.
Notre action est tout entière tournée vers l’emploi. Vous le savez, dès le mois de juillet, une grande conférence sociale réunissant l’ensemble des partenaires s’est tenue à l’initiative du Gouvernement. Elle donne déjà ses premiers résultats. Les partenaires sociaux – c’est la méthode de la concertation, celle que j’évoquais tout à l’heure – viennent de conclure un accord interprofessionnel sur le contrat de génération, et la loi créant les emplois d’avenir vient d’être enfin promulguée. Ce sont plusieurs centaines de milliers d’emplois qui seront créés ou sauvegardés dans les mois à venir. D’autres négociations importantes sont en cours, y compris sur la sécurisation de l’emploi.
Monsieur le sénateur, j’espère vous avoir convaincu que le Gouvernement est mobilisé pour faire de l’emploi sa priorité et qu’il porte une attention particulière au département du Pas-de-Calais.
Je suis heureux d’entendre M. le ministre confirmer ce que j’ai évoqué.
La situation de l’emploi dans le Pas-de-Calais est en effet préoccupante.
À mes yeux, le nombre d’entreprises concernées par des menaces de fermeture ou des réductions d’activité et d’emploi justifie la demande, formulée dès le mois de juillet par le secrétaire national du parti communiste français et par la présidente d’alors de notre groupe, Nicole Borvo, d’un moratoire général sur l’ensemble des plans de licenciement collectifs.
Un tel moratoire serait d’autant plus légitime que, les exemples que j’ai mentionnés le montrent, il faut parfois laisser du temps au temps, afin que les projets de reprise puissent être menés à terme pour devenir effectifs, en obtenant tous les soutiens nécessaires.
En outre, on ne peut ignorer que, dans les cas que j’ai cités, s’illustrent aussi des stratégies financières.
Monsieur le ministre, vous affirmez que le Gouvernement est mobilisé. Pour ma part, j’ai le sentiment qu’il ne prend pas la juste mesure de l’impatience des salariés confrontés à de telles situations. Ils attendent beaucoup plus du Gouvernement, notamment des mesures nettement plus vigoureuses, afin qu’ils ne soient plus considérés comme de simples variables d’ajustement des difficultés rencontrées. En disant cela, je ne vous adresse pas un reproche personnel, monsieur le ministre ; j’exprime une demande très vive à l’égard de l’ensemble du Gouvernement.
Je suis convaincu qu’un certain nombre de lois doivent être adoptées, notamment pour donner plus de pouvoirs aux salariés dans les entreprises. C’est, me semble-t-il, le seul moyen d’éviter certaines dérives patronales que l’on a pu constater et de répondre à des stratégies financières qui jouent contre l’emploi.
Je m’étonne tout de même que le ministre du redressement productif n’ait pas pu, ou pas voulu, répondre à ma question, alors qu’il était là voilà quelques instants.
Je prends néanmoins acte des quelques éléments que vous avez fournis, monsieur le ministre. Je relève que, sur les contrats aidés, il s’agit d’un simple rattrapage : j’avais en effet écrit à M. Sapin pour indiquer que nous étions fortement pénalisés dans la répartition de l’enveloppe nationale des contrats aidés. Je me réjouis donc que mon intervention ait porté.
Je souhaiterais tout de même que vous transmettiez les questions précises que j’ai soulevées aux différents ministres chargés de ces dossiers, afin que je puisse obtenir des réponses plus détaillées et les transmettre à mon tour aux salariés concernés.
La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 64, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ma question porte sur la protection des consommateurs, et notamment sur le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs.
Alors que ce projet avait été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale au mois d’octobre 2011, puis au Sénat en décembre, il n’a malheureusement pas été inscrit à l’ordre du jour en deuxième lecture avant l’interruption des travaux parlementaires, c'est-à-dire avant les élections présidentielles et législatives.
Pourtant, ce texte traitait de sujets majeurs pour notre économie. Il avait été amélioré de manière significative par le travail des deux assemblées, qui l’ont enrichi d’une quarantaine d’articles. Le Sénat, en particulier, a adopté un certain nombre de mesures renforçant les droits des consommateurs et dynamisant la concurrence dans de nombreux secteurs. J’ajoute que la qualité du rapport présenté par notre collègue Alain Fauconnier a été soulignée par tous.
Par ailleurs, un groupe de travail a été mis en place afin d’étudier l’opportunité de créer un fichier positif permettant de prévenir le surendettement des ménages. Il devrait rendre ses conclusions très prochainement. Nous aurons à les examiner avec une grande attention, tant les situations de détresse dues, notamment, au surendettement sont de plus en plus fréquentes, compte tenu de la crise économique et sociale que nous traversons.
Cependant, plutôt que d’inscrire à l’ordre du jour ce projet de loi en deuxième lecture, le gouvernement précédent a préféré soumettre au Parlement des textes plus « médiatiques ». De ce fait, ce projet de loi sur la protection des consommateurs est finalement tombé aux oubliettes, ce qui est fort regrettable.
La nécessité d’adopter des mesures concrètes visant à améliorer les conditions dans lesquelles les citoyens opèrent leurs choix de consommation, et donc souvent leur pouvoir d’achat, est pourtant plus que jamais d’actualité. Particulièrement durant cette période de crise, nous devons envoyer un message fort de soutien aux consommateurs de notre pays.
Le Gouvernement a annoncé, au début du mois de septembre, que des réflexions allaient être engagées sur l’action de groupe ; nous nous en félicitons. C’est une procédure très attendue par nos concitoyens, qui leur permettra d’obtenir réparation des préjudices qu’ils subissent dans leurs relations commerciales. Le bon sens conduit en effet à considérer que les consommateurs sont plus forts à plusieurs que chacun seul dans son coin.
Vous avez également indiqué travailler à l’encadrement du crédit renouvelable, qui favorise, nous le savons, le surendettement des ménages les plus précaires.
Pouvez-vous nous détailler, monsieur le ministre, l’ensemble des actions que le Gouvernement met en place dans le cadre de l’amélioration de la protection des consommateurs, et nous présenter le calendrier suivant lequel ces actions seront présentées au Parlement, en particulier au Sénat ?
Monsieur Vaugrenard, je vais m’efforcer de vous répondre de la manière la plus précise possible.
M. le Premier ministre m’a confié la mission de protéger les consommateurs et de préparer un projet de loi sur la consommation, qui figurera, je l’espère, à l’ordre du jour du Parlement au printemps prochain.
À cet égard, vous avez raison de le souligner, le travail commencé sous la précédente législature au travers du projet de loi présenté par M. Lefebvre, alors secrétaire d’État à la consommation, qui avait été largement enrichi par le Sénat, n’a pas été mené à son terme.
Dans le cadre du projet de loi « consommation » sur lequel je travaille actuellement, il n’est pas question de faire table rase des travaux qui ont été menés par le Sénat. J’entends en tout cas, au travers de ce texte, viser deux objectifs principaux, qui en constitueront, si j’ose dire, les morceaux de choix.
Le premier a trait aux voies de recours ouvertes aux consommateurs afin qu’ils puissent obtenir réparation des préjudices qu’ils auraient subis. Comme vous l’avez dit, il y a des « trous dans la raquette » en matière de protection des consommateurs, notamment pour ce qui relève des contentieux de masse.
Le second objectif concerne les pouvoirs donnés à l’administration chargée de faire respecter les droits des consommateurs. Dans ce domaine, nous constatons que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, qui est l’administration chargée de la protection des consommateurs, la police de la consommation en quelque sorte, ne dispose pas forcément des mesures administratives indispensables.
Je vous confirme donc qu’avec le ministre de l'économie, M. Pierre Moscovici, et en lien avec la garde des sceaux, Mme Christiane Taubira, nous introduirons dans le droit français les actions de groupe afin de permettre aux consommateurs ayant subi de petits dommages individuels de se coordonner et d’obtenir efficacement réparation.
Aujourd’hui, nombreux sont les consommateurs qui subissent un préjudice. En agissant isolément, il est très compliqué d’obtenir réparation, ou l’énergie qu’il faut déployer est telle qu’on hésite, voire qu’on renonce à tenter d’obtenir réparation du préjudice subi. Avec les actions de groupe, nous allons permettre à ces consommateurs de mutualiser les démarches, de se coordonner de façon à obtenir réparation auprès d’un professionnel, d’une entreprise, qui aurait commis une telle faute. C’est un tort majeur fait à la société. Ce moyen de recours qui n’existe pas aujourd'hui sera introduit dans le droit français si ce projet de loi est adopté.
Pour autant, nous voulons éviter les dérives « à l’américaine » qui, globalement, aboutissent à enrichir davantage encore les cabinets d’avocat plutôt qu’à protéger les consommateurs.
Il faut aussi réfléchir au champ d’application de cette disposition : pour être comprise, l’action de groupe doit être réservée aux préjudices matériels et économiques ; à ce stade, son champ d’application ne doit pas être étendu aux préjudices liés à l’environnement ou à la santé.
Je veux aussi améliorer et renforcer dans ce projet de loi les moyens de la DGCCRF. En effet, pour certains types d’infraction, la sanction administrative est préférable à l’encombrement des tribunaux. Par ailleurs, certains types d’infraction peuvent difficilement être constatés par les agents de la DGCCRF. Ainsi, pour l’agent de la DGCCRF, il est très compliqué de vérifier qu’un vendeur agissant pour un établissement de crédit met en œuvre l’obligation qui lui est faite par la loi de proposer au consommateur un crédit amortissable ou un crédit renouvelable dès lors que cet agent est obligé de notifier sa qualité avant de procéder au contrôle. Bien sûr, dans ce cas, le vendeur proposera les deux crédits, mais on constate aujourd’hui que, dans 90 % des cas, c’est un crédit renouvelable qui est contracté par le consommateur.
Je souhaite donc le renforcement, dans le projet de loi « consommation », de l’encadrement du crédit renouvelable, qui avait été engagé au travers de la loi Lagarde.
De ce point de vue, nous allons réfléchir à la meilleure manière de mettre en œuvre l’obligation de l’offre alternative crédit amortissable ou crédit renouvelable pour tout bien d’équipement de plus de 1 000 euros.
La formation des forces de vente et les cartes de fidélité sont également des points de préoccupation. Aujourd’hui, lorsqu’on souscrit une carte de fidélité, on souscrit souvent aussi un crédit renouvelable. Dans ces domaines-là également, nous allons étudier de quelle façon nous pouvons améliorer la protection des consommateurs
Enfin, puisque vous avez évoqué le fichier positif, j’ajoute que nous réfléchissons aussi à la meilleure manière d’éviter le « crédit de trop », celui qui mène au surendettement. La mise en place d’un registre regroupant les crédits contractés par les emprunteurs, que les établissements de crédit auraient l’obligation de consulter au moment de l’examen de toute demande, est une des voies à l’étude.
Ce sera l’objet du travail du Parlement et du Gouvernement de faire de ce projet de loi un instrument de protection des consommateurs. Vous avez à juste raison insisté, monsieur le sénateur, sur la nécessité d’informer les consommateurs dans une période où le pouvoir d’achat est contraint par la crise. Qu’ils puissent disposer du maximum d’informations est en effet essentiel. C’est ce à quoi je travaillerai au nom du Gouvernement, en bonne intelligence, je l’espère, avec le Sénat.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, notamment des précisions que vous avez apportées, notamment, sur les voies de recours, sur les moyens supplémentaires donnés à l’administration, qui sont, comme vous l’avez souligné, indispensables et, enfin, sur l’efficacité et la lisibilité dont il convient de faire preuve dans la défense du consommateur.
Je me félicite également que vous envisagiez une échéance au printemps prochain pour la discussion du texte sur la consommation. Je souhaite que cette échéance soit respectée, car les travaux menés à la fois par les députés et par les sénateurs sur la défense du consommateur ont été considérables. Le fait que nous puissions revoir tout cela dans des délais raisonnables me satisfait pleinement.
De même qu’il n’est pas bon d’opposer le social à l’économie, il n’est pas bon d’opposer les droits du consommateur au monde de la distribution, de l’entreprise ou de l’économie. De meilleurs droits du consommateur peuvent, au contraire, permettre une amélioration des produits et donc de la compétitivité, tout comme le social peut être bénéfique à la performance économique.
Ce travail-là me semble donc utile et particulièrement intéressant dans la période que nous traversons. À travers vos propos, monsieur le ministre, on voit bien que le Gouvernement fait ce qu’il dit après avoir dit ce qu’il ferait. Je le souligne avec d’autant plus de plaisir que cela nous change de la décennie précédente.
La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 139, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur la question de l’exonération des heures supplémentaires des enseignants.
La loi de finances rectificative du 16 août 2012 a supprimé les dispositions de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, qui exonérait de CSG – contribution sociale généralisée – et de CRDS – contribution au remboursement de la dette sociale –, les heures supplémentaires effectuées par les enseignants à la demande des collectivités territoriales.
Cette exonération des charges devant être imputée sur la retenue pour pension puisque l’URSSAF devait continuer à encaisser les montants dus, il avait été demandé aux collectivités territoriales d’avancer ces sommes, lesquelles étaient censées leur être remboursées chaque trimestre, à compter de l’exercice 2010, par le ministère de l’éducation nationale sur présentation d’états justificatifs. Dans les faits, il n’a jamais été donné par le ministère d’instruction en ce sens aux inspections d’académie ou aux rectorats.
Aux questions orales portant sur ce même problème que j’avais posées au gouvernement précédent en décembre 2010 puis en décembre 2011, il m’avait été répondu que le « Gouvernement [était] attentif à trouver une solution » mais que celle-ci « [exigeait] une analyse fine et subtile ». Il faut croire qu’elle est particulièrement fine et subtile, en tout cas complexe puisque, à ce jour, le dossier n’est toujours pas réglé ! §
Si l’exonération n’existe certes plus du fait de la loi de finances rectificative du 16 août dernier, il n’en demeure pas moins que des sommes ont été avancées par les collectivités territoriales depuis des années et qu’elles ne leur ont jamais été remboursées.
Cette situation faisant peser sur les collectivités territoriales une charge indue, puisqu’elle devrait au contraire revenir à l’État, je vous saurais gré, monsieur le ministre, de m’indiquer de quelle manière le Gouvernement entend régler définitivement ce passif.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur, à défaut d’être fin et subtil, je serai en tout cas franc et honnête dans mes réponses.
Nouveaux sourires.
Je salue tout d’abord la constance avec laquelle vous soulevez ce problème devant l’actuel gouvernement comme vous l’aviez fait devant le précédent.
La situation a changé pour les flux, puisque nous avons décidé en loi de finances rectificative de remettre en cause l’exonération et la défiscalisation des heures supplémentaires et l’exonération de cotisations sociales. Si, pour l’avenir, ce problème est donc de facto réglé, la question des stocks reste posée.
Nous nous sommes mis à travail depuis cinq mois, mais dans ce délai nous n’avons pas pu régler aussi vite qu’on pourrait le souhaiter ce problème auquel le précédent gouvernement n’avait pas lui-même remédié. J’espère qu’il sera réglé l’année prochaine, que vous n’aurez pas à reposer pour la quatrième fois la même question en octobre, novembre ou décembre 2013. §En tout cas, nous entendons la régler.
Pour l’heure, en effet, le problème du remboursement par l’État du stock des exonérations de cotisations salariales avancées par les collectivités relatives à des heures supplémentaires – la plupart du temps pour du soutien scolaire – au titre de la période allant de janvier 2010 à août 2012, reste à traiter.
Le circuit permettant à l’État d’assurer le remboursement de ces avances n’a de fait pas encore été déterminé pour les heures supplémentaires des enseignants. Les raisons pour lesquelles cette question est difficile à traiter sont connues : certains obstacles doivent être levés, sur lesquels se concentre un travail interministériel d’ores et déjà engagé.
Ce travail porte d’abord sur le contrôle des demandes de remboursement, qui s’avère d’une redoutable complexité, notamment parce que la certification du service fait est très difficile à établir.
En outre, l’absence de justificatif à l’appui des demandes de remboursement ne permet pas au comptable d’engager les deniers publics avec toutes les garanties nécessaires.
Pour l’ensemble de ces raisons, il est, à ce stade, difficile de procéder à une juste évaluation, en tout cas à une évaluation complète des sommes dues à chaque collectivité.
Nonobstant ces arguments, la situation n’a que trop duré et les services des ministères de l’économie et des finances, du budget – je vous prie d'ailleurs d’excuser l’absence de Pierre Moscovici et de Jérôme Cahuzac, qui justifie que je vous réponde aujourd'hui –, de l’éducation nationale et de l’intérieur travaillent de concert sur cette question dans l’espoir que ces deux obstacles seront levés et que vous n’aurez pas à nous interpeller une nouvelle fois l’année prochaine sur le même sujet.
Monsieur le ministre, nous sommes sur la même longueur d’onde : nous souhaitons tous deux qu’il ne soit pas nécessaire de reposer cette question l’année prochaine.
Je vous demande simplement de bien vouloir transmettre le message à vos collègues directement concernés – le ministre délégué chargé du budget et le ministre de l’éducation nationale – et faire en sorte que les instructions soient données afin qu’une solution, même si elle est quelque peu complexe à mettre au point, soit apportée à ce problème, qu’il n’est pas raisonnable de laisser traîner pendant des années.
Je compte donc sur vous, monsieur le ministre, et je vous remercie d’avance.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 135, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget.
Monsieur le ministre, ma question concerne la suppression de la brigade des douanes de Carteret, dans la Manche, annoncée pour la fin de 2012.
La brigade de Carteret, qui est composée de sept agents, remplit, au regard de la lutte contre la fraude, des missions de service public essentielles – je pense en particulier à l’indispensable surveillance des ports et gares maritimes – sur l’ensemble de la côte ouest du département de la Manche, que vous connaissez bien, monsieur le ministre.
La suppression de cette brigade, décidée au début de l’année pour des raisons purement budgétaires, serait à mes yeux particulièrement dommageable et, à dire vrai, difficilement compréhensible vu l’importance des missions qu’elle accomplit : il ne pourrait en résulter qu’un déficit de contrôles douaniers sur un territoire qui, compte tenu de sa façade maritime et de sa proximité avec les îles Anglo-Normandes, se trouve plus que d’autres exposé à des risques de trafics locaux et internationaux.
De surcroît, il est prévu que les attributions de la brigade de Carteret seront simplement déléguées à la brigade de Cherbourg, sans augmentation d’effectifs. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que des conséquences néfastes en termes d’efficacité du travail des agents des douanes soient à craindre. Les agents ne disposeront plus des conditions nécessaires pour remplir leurs missions aussi bien qu’ils le font encore aujourd’hui, notamment celle du contrôle transfrontières dans les gares maritimes de Carteret et Diélette pour les liaisons avec les îles Anglo-Normandes, qui sont, je le rappelle, hors de l’Union européenne en raison de leur statut d’appartenance à la Couronne britannique et non à l’État du Royaume-Uni.
Par ailleurs, ce transfert des missions policières de la brigade de Carteret vers celle de Cherbourg viendra directement bouleverser le travail de l’unité de Cherbourg, qui sera contrainte de restreindre l’ampleur de sa lutte contre la fraude sur le port de Cherbourg.
Ce sont donc deux unités qui souffriront de cette restructuration : l’une disparaissant, l’autre se voyant confier les missions de celle qui a disparu à 40 kilomètres de là.
La qualité de l’ensemble du service public des douanes sur cette zone s’en trouvera affectée, ce qui me semble particulièrement regrettable.
J’ajoute que certains agents mutés à Cherbourg reviendront travailler épisodiquement à Carteret, ce qui représentera une distance aller et retour de 80 kilomètres.
Je précise en outre que cette suppression fait déjà suite à celle de la brigade de recherche de Cherbourg et de la brigade territoriale de Valognes, qui étaient respectivement dotées de cinq et six emplois.
J’aimerais connaître, monsieur le ministre, les mesures que le Gouvernement entend engager pour sauvegarder le service public assuré par la brigade de Carteret, afin que le contrôle douanier dans la Manche puisse être exercé dans les meilleures conditions.
Monsieur le sénateur, votre préoccupation est légitime et je vais m’attacher à vous apporter la réponse la plus précise possible.
La douane est effectivement en première ligne dans la lutte contre les trafics illicites, tels ceux qui portent sur les produits stupéfiants, les cigarettes de contrebande ou les produits de contrefaçon. Du reste, l’actualité nous rappelle régulièrement, avec des saisies réalisées dans des conditions parfois difficiles, l’importance des missions exercées par la douane pour la protection du territoire et la sécurité de nos concitoyens.
L’action des services douaniers chargés de la surveillance n’est cependant pas circonscrite à la lutte contre la fraude. D’autres missions leur sont également confiées, comme les contrôles des migrations à certains points de passage frontaliers aériens et maritimes, que la douane partage avec la police de l’air et des frontières.
C’est le cas de la brigade de Carteret qui est spécifiquement chargée de la tenue de deux points de passage frontaliers, à Carteret même et à Diélette, ouverts pendant la période touristique dans le cadre des liaisons maritimes mises en place avec les îles Anglo-Normandes. Sa participation à la lutte contre la fraude est donc relativement modeste. Dans le département de la Manche, ce rôle est principalement assuré par la brigade de Cherbourg, avec laquelle la brigade de Carteret travaille déjà depuis plusieurs années en réseau.
De surcroît, la brigade de Cherbourg assurant elle-même la tenue d’un point de passage frontalier à l’aéroport de Cherbourg-Maupertus, elle dispose de l’expertise requise pour procéder aux contrôles des sites proches de Carteret et de Diélette.
Le regroupement des brigades de Carteret et de Cherbourg s’inscrit par ailleurs dans une démarche plus générale de modernisation du dispositif douanier de surveillance en Normandie, afin d’en rationaliser le fonctionnement, en consolider les résultats et en améliorer l’efficacité. Cela se traduit notamment par un resserrement du réseau de surveillance et un redéploiement des moyens opérationnels sur les ports du littoral, comme ceux de Caen-Ouistreham, de Honfleur-Deauville et de Dieppe, où la douane est le mieux à même d’appréhender les trafics.
Les effectifs de la brigade de Cherbourg resteront quant à eux inchangés, la prise en charge des contrôles sur les points de passage frontaliers de Carteret et de Diélette étant compensée par la baisse d’activité observée sur le port de Cherbourg.
Au terme de ce processus, six services douaniers verront leur implantation confirmée dans le département de la Manche, trois à Cherbourg, avec un bureau à compétence fiscale, une brigade de surveillance terrestre et une brigade garde-côtes, et trois autres à Granville, avec un service cidricole, une brigade de surveillance terrestre et une brigade de surveillance nautique.
Effective à la fin de cette année, la fermeture de la brigade de Carteret fait l’objet d’un suivi spécifique de la part du préfet de la Manche et plus particulièrement du sous-préfet de Cherbourg. Cette mesure a également donné lieu à une concertation avec les agents et les représentants du personnel au sein d’instances locales de dialogue social. Les sept agents de Carteret bénéficieront des dispositions d’accompagnement social conformes au protocole arrêté en 2008 avec les organisations syndicales nationales de la douane. À cet égard, je tiens à vous assurer que tous ces agents resteront en poste dans la Manche, à Cherbourg ou à Granville.
Le maintien d’un service public de qualité présent sur l’ensemble du territoire constitue l’une des priorités de ce gouvernement. Cette exigence ne saurait cependant se réduire à un statu quo et doit pouvoir se conjuguer avec la recherche d’une meilleure organisation pour une efficacité renforcée, notamment dans un secteur aussi sensible que celui de la lutte contre la fraude.
Le projet au sein duquel s’inscrit la fermeture de la brigade de Carteret nous paraît pleinement répondre à ce double objectif de maintien d’un haut niveau de service public et de rationalisation des moyens, sans nuire à l’efficacité du service.
Vous qui connaissez bien cette région, vous savez combien le littoral est long entre Granville et Cherbourg, ce qui rend indispensable, à mes yeux, la présence d’une brigade à Carteret.
J’ai l’impression que l’activité de lutte contre les trafics qu’a pu mener cette brigade a été minimisée et il me semble que votre argumentation est plus administrative qu’opérationnelle.
Je me permettrai, avec un peu de malice, de faire observer que la brigade de surveillance intérieure de Montbéliard, qui était récemment menacée de suppression pour les mêmes raisons, a été sauvée grâce à diverses mobilisations et a pu conserver ses effectifs. Vous pourriez peut-être transmettre le message au ministre du budget, bien sûr, mais aussi au ministre de l’économie en leur expliquant que ce qui a prévalu pour Montbéliard pourrait s’appliquer à Cherbourg. §C’est un clin d’œil amical que j’adresse au Gouvernement !
En vérité, j’ai le sentiment que le discours de l’administration, en l’occurrence des douanes, n’a pas varié entre le début de l’année et maintenant, comme s’il n’y avait pas eu de changement de majorité à la fin du printemps ! Comme si la RGPP qui était en vigueur en début d’année était reconduite… Il serait donc peut-être utile de réexaminer cette décision.
Je me permets d’insister, monsieur le ministre, car, vous le savez, la Manche est un département dont les frontières sont très largement littorales. Cela signifie qu’elles sont, sans jeu de mots, extrêmement perméables. Dans ces conditions, transférer à Cherbourg cette brigade et lui demander d’aller faire des vacations à Barneville-Carteret revient à faciliter la tâche de ceux qui cherchent à tromper la vigilance des douaniers !
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.