Madame la ministre déléguée, le cumul de mandats et son corollaire, l’absentéisme parlementaire, nuisent au bon fonctionnement de la démocratie. Pour les parlementaires, le problème concerne avant tout le cumul de lourdes fonctions exécutives locales, telles que celles de maire de grande ville ou de président de conseil général, lesquelles correspondent elles aussi à une activité à temps plein.
À la veille de l’élection présidentielle, les députés et les sénateurs socialistes avaient tous cosigné une proposition de loi interdisant le cumul abusif d’un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale.
Il apparaît que, malgré cet engagement solennel de l’actuelle majorité, les élus qui profitent du système sont aussi nombreux à gauche qu’à droite. C’est ainsi qu’un combat d’arrière-garde est engagé par ceux qui s’accrochent au statu quo.
À titre d’exemple, je constate que l’actuel président du groupe socialiste du Sénat, par ailleurs maire d’une très grande ville, est en pointe pour défendre les cumulards, alors qu’il a cosigné la proposition de loi socialiste à laquelle je viens de faire allusion. Je comprends donc assez mal sa position actuelle !
De même, je suis indigné que, dans Le Figaro du 9 juillet 2012, certains parlementaires aient prétendu que seuls les titulaires d’un exécutif local étaient de bons sénateurs. Selon eux, les autres ne seraient que des « élus hors-sol, coupés de la gestion quotidienne des collectivités ». Ainsi, je serais un élu « hors-sol, coupé de la gestion quotidienne des collectivités », et tout cela parce que, à la suite de mon élection en 2001, j’ai refusé de conserver une fonction exécutive locale…
Il n’empêche que, lors des élections sénatoriales de 2011, et sans avoir reçu l’investiture d’aucun parti politique, j’ai très largement devancé les deux autres listes de droite qui, elles, avaient une investiture et étaient conduites par des « super-cumulards ». Conseiller général de base depuis trente ans, les réalités du terrain, je les connais ! Je n’ai pas besoin d’être président de conseil général ou maire de grande ville ! Je dirais même mieux : c’est parce que je n’ai pas d’exécutif local que j’ai le temps de m’occuper des réalités du terrain !
Enfin, certains prétendent que le Sénat peut bloquer le futur projet de loi organique sur le cumul de mandats au motif que, aux termes de l’article 46 de la Constitution, « les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées ». Ils sont donc prêts à se livrer à un chantage pour négocier un régime dérogatoire permettant aux sénateurs, et à eux seuls, de continuer à cumuler. Cela donnerait du Sénat une image désastreuse : nos concitoyens pourraient penser qu’il est un repaire de cumulards uniquement soucieux de préserver les avantages qui s’attachent à leur situation personnelle.
Quoi qu’il en soit, la majorité de gauche contrôle dorénavant l’Élysée, l’Assemblée nationale et le Sénat. Le Président de la République et le Gouvernement n’ont donc aucune excuse pour ne pas respecter leurs engagements, d’autant qu’il semble possible de passer outre à un éventuel blocage sénatorial. En effet, deux décisions du Conseil constitutionnel, respectivement en date du 3 mars et du 9 avril 2009, ont considéré que, si « chaque assemblée est concernée par les mêmes dispositions », la loi organique n’est alors pas « relative au Sénat » au sens de l’article 46 de la Constitution.
Le ministre de l’intérieur partage-t-il cette analyse ? Si oui, madame la ministre, je vous demande de confirmer que le Président de la République, le Gouvernement et la majorité parlementaire respecteront leurs engagements en matière de cumul.