Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 30 octobre 2012 à 9h30
Questions orales — Protection des consommateurs

Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation :

Monsieur Vaugrenard, je vais m’efforcer de vous répondre de la manière la plus précise possible.

M. le Premier ministre m’a confié la mission de protéger les consommateurs et de préparer un projet de loi sur la consommation, qui figurera, je l’espère, à l’ordre du jour du Parlement au printemps prochain.

À cet égard, vous avez raison de le souligner, le travail commencé sous la précédente législature au travers du projet de loi présenté par M. Lefebvre, alors secrétaire d’État à la consommation, qui avait été largement enrichi par le Sénat, n’a pas été mené à son terme.

Dans le cadre du projet de loi « consommation » sur lequel je travaille actuellement, il n’est pas question de faire table rase des travaux qui ont été menés par le Sénat. J’entends en tout cas, au travers de ce texte, viser deux objectifs principaux, qui en constitueront, si j’ose dire, les morceaux de choix.

Le premier a trait aux voies de recours ouvertes aux consommateurs afin qu’ils puissent obtenir réparation des préjudices qu’ils auraient subis. Comme vous l’avez dit, il y a des « trous dans la raquette » en matière de protection des consommateurs, notamment pour ce qui relève des contentieux de masse.

Le second objectif concerne les pouvoirs donnés à l’administration chargée de faire respecter les droits des consommateurs. Dans ce domaine, nous constatons que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, qui est l’administration chargée de la protection des consommateurs, la police de la consommation en quelque sorte, ne dispose pas forcément des mesures administratives indispensables.

Je vous confirme donc qu’avec le ministre de l'économie, M. Pierre Moscovici, et en lien avec la garde des sceaux, Mme Christiane Taubira, nous introduirons dans le droit français les actions de groupe afin de permettre aux consommateurs ayant subi de petits dommages individuels de se coordonner et d’obtenir efficacement réparation.

Aujourd’hui, nombreux sont les consommateurs qui subissent un préjudice. En agissant isolément, il est très compliqué d’obtenir réparation, ou l’énergie qu’il faut déployer est telle qu’on hésite, voire qu’on renonce à tenter d’obtenir réparation du préjudice subi. Avec les actions de groupe, nous allons permettre à ces consommateurs de mutualiser les démarches, de se coordonner de façon à obtenir réparation auprès d’un professionnel, d’une entreprise, qui aurait commis une telle faute. C’est un tort majeur fait à la société. Ce moyen de recours qui n’existe pas aujourd'hui sera introduit dans le droit français si ce projet de loi est adopté.

Pour autant, nous voulons éviter les dérives « à l’américaine » qui, globalement, aboutissent à enrichir davantage encore les cabinets d’avocat plutôt qu’à protéger les consommateurs.

Il faut aussi réfléchir au champ d’application de cette disposition : pour être comprise, l’action de groupe doit être réservée aux préjudices matériels et économiques ; à ce stade, son champ d’application ne doit pas être étendu aux préjudices liés à l’environnement ou à la santé.

Je veux aussi améliorer et renforcer dans ce projet de loi les moyens de la DGCCRF. En effet, pour certains types d’infraction, la sanction administrative est préférable à l’encombrement des tribunaux. Par ailleurs, certains types d’infraction peuvent difficilement être constatés par les agents de la DGCCRF. Ainsi, pour l’agent de la DGCCRF, il est très compliqué de vérifier qu’un vendeur agissant pour un établissement de crédit met en œuvre l’obligation qui lui est faite par la loi de proposer au consommateur un crédit amortissable ou un crédit renouvelable dès lors que cet agent est obligé de notifier sa qualité avant de procéder au contrôle. Bien sûr, dans ce cas, le vendeur proposera les deux crédits, mais on constate aujourd’hui que, dans 90 % des cas, c’est un crédit renouvelable qui est contracté par le consommateur.

Je souhaite donc le renforcement, dans le projet de loi « consommation », de l’encadrement du crédit renouvelable, qui avait été engagé au travers de la loi Lagarde.

De ce point de vue, nous allons réfléchir à la meilleure manière de mettre en œuvre l’obligation de l’offre alternative crédit amortissable ou crédit renouvelable pour tout bien d’équipement de plus de 1 000 euros.

La formation des forces de vente et les cartes de fidélité sont également des points de préoccupation. Aujourd’hui, lorsqu’on souscrit une carte de fidélité, on souscrit souvent aussi un crédit renouvelable. Dans ces domaines-là également, nous allons étudier de quelle façon nous pouvons améliorer la protection des consommateurs

Enfin, puisque vous avez évoqué le fichier positif, j’ajoute que nous réfléchissons aussi à la meilleure manière d’éviter le « crédit de trop », celui qui mène au surendettement. La mise en place d’un registre regroupant les crédits contractés par les emprunteurs, que les établissements de crédit auraient l’obligation de consulter au moment de l’examen de toute demande, est une des voies à l’étude.

Ce sera l’objet du travail du Parlement et du Gouvernement de faire de ce projet de loi un instrument de protection des consommateurs. Vous avez à juste raison insisté, monsieur le sénateur, sur la nécessité d’informer les consommateurs dans une période où le pouvoir d’achat est contraint par la crise. Qu’ils puissent disposer du maximum d’informations est en effet essentiel. C’est ce à quoi je travaillerai au nom du Gouvernement, en bonne intelligence, je l’espère, avec le Sénat.

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