À mon sens, cela mérite réflexion.
Je voudrais ici témoigner de l’incompréhension de mes amis, membres de comités luttant depuis des années pour la reconnaissance de la tragédie du 17 octobre 1961: « Notre joie a été gâchée, disent-ils. Nous ne comprenons pas que l’on avance d’un pas et que l’on recule de deux dans le même temps ! » Comme je les comprends ! Car la mémoire assumée ne peut se concevoir que comme un tout.
On ne peut prétendre reconsidérer sur des bases saines les relations d’amitié entre deux peuples sans envisager les événements dans leur globalité. Reconnaître, d’un côté, la responsabilité de l’État français le 17 octobre 1961 et, de l’autre, oublier les massacres de Sétif en 1945, les morts du métro Charonne, la disparition du mathématicien communiste Maurice Audin, le tragique abandon des Harkis, la misère des rapatriés, l’OAS et ses exactions... non, cela ne se peut !
J’ose donc espérer que la raison l’emportera et je suis signataire, avec plusieurs personnalités d’horizons très divers, d’un manifeste contre le transfert des cendres du général Bigeard.
Je conclurai en vous appelant, mes chers collègues, à œuvrer ensemble pour une réponse cohérente et globale aux attentes des populations qui, des deux côtés de la Méditerranée, aspirent depuis si longtemps à la construction d’une solide et saine amitié, qui nous acquitte d’un passé dont les conséquences n’ont que trop perverti les chances d’un futur apaisé. §