... et évaluant le nombre de morts parmi les manifestants algériens à plusieurs dizaines.
C’est en 1999, sous un gouvernement dirigé par Lionel Jospin, que la guerre d’Algérie a enfin été reconnue et nommée.
C’est en 2001 que Bertrand Delanoë a fait apposer une plaque reconnaissant ces faits tragiques sur le pont Saint-Michel.
C’est en 2011 que François Hollande, alors candidat, s’était rendu à Asnières pour assister au dévoilement d’une plaque commémorative sur laquelle il est inscrit : « De ce pont, et d’autres ponts de la région parisienne, des manifestants algériens ont été jetés dans la Seine le 17 octobre 1961, victimes d’une répression aveugle. À leur mémoire, le 17 octobre 2011. »
C’est en 2012 que, pour la première fois, un chef d’État en exercice exprime une reconnaissance publique longtemps attendue…
Les historiens ont fait leur office. Ils nous rappellent qu’en octobre 1961 la guerre d’Algérie dure depuis sept ans. Le général de Gaulle est Président de la République et Michel Debré, Premier ministre. Des négociations publiques ont lieu entre les émissaires de l’Élysée et le FLN.
Dans le même temps, le FLN intensifie ses attentats en métropole – de même que l’OAS – pour faire pression sur les autorités françaises. Plusieurs centaines de policiers et de militaires ont été tués ou blessés par le FLN dans l’Hexagone depuis 1954. À Paris, la tension est extrême. Les policiers de quartier sont équipés de gilets pare-balles. Des sacs de sable protègent les commissariats. Le FLN décide alors d’organiser une manifestation contre le couvre-feu dans la capitale. Passant outre à l’interdiction de la manifestation par le préfet de police de Paris, Maurice Papon, des milliers d’Algériens se rassemblent.
Voilà le contexte qui va conduire à l’événement sanglant qui nous occupe aujourd’hui. Il faut le rappeler, car on en manque sinon l’essentiel.
La répression fut extrêmement brutale et meurtrière. Elle aurait fait, selon les historiens, entre plusieurs dizaines et plusieurs centaines de victimes parmi les manifestants désarmés ; les corps de certaines victimes seront retrouvés dans la Seine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec toute la mesure requise et le recul d’un demi-siècle, chacun doit observer qu’il s’agit là d’un événement d’une gravité exceptionnelle.
À ceux pour qui la critique du devoir de mémoire est devenue une figure presque obligée, je veux dire que l’on ne construit pas une démocratie sur des mensonges et des falsifications.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais enfin vous dire que ce retour lucide que nous accomplissons collectivement et dans l’honneur vaut aujourd’hui pour la France, et il en sera de même, j’en suis convaincu, pour l’Algérie. Aucune avancée en la matière ne peut être unilatérale.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable à la proposition de résolution du groupe CRC.
Cette résolution accompagnera les efforts des historiens dans leur travail. Elle sensibilisera, j’en suis sûr, nos concitoyens aux exigences de vérité et de justice qui nous unissent, et à la volonté de nous tourner vers un avenir partagé, sans nous détourner d’un passé dont nul ne peut plus nier l’existence. §