Intervention de Éric Doligé

Réunion du 24 octobre 2012 à 14h30
Simplification des normes applicables aux collectivités territoriales — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Éric DoligéÉric Doligé :

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, diminuer les dépenses publiques est un besoin vital pour notre société. Il nous a fallu beaucoup de temps pour en prendre conscience. Pourtant, dès les années quatre-vingt-dix, nombre de pays avaient déjà pris des décisions courageuses, réformé profondément leur organisation territoriale et celle de leur administration et accepté des remises en cause structurelles.

Ainsi, le Canada, certains pays d’Europe du Nord comme la Suède, la Finlande ou encore le Danemark, n’ont pas hésité à tailler dans leurs dépenses administratives et à réduire la voilure.

Les études sur l’évolution de ces différents pays montrent clairement que leur déficit public a largement régressé et qu’ils connaissent même des excédents. Pour autant, ils n’ont pas cassé la croissance ni pénalisé l’emploi.

Le monde des entreprises a compris depuis fort longtemps que, pour être compétitif, il faut abaisser ses coûts et produire sans entraves superflues.

Parallèlement, l’État continue à produire des contraintes et des charges nouvelles, qu’il n’est en mesure de compenser que par des taxes et des impôts nouveaux, entraînant une perte de compétitivité amplifiée. De plus, il a une fâcheuse tendance à mettre au banc des accusés les chefs d’entreprise créateurs de richesses. Nous voyons chaque jour les dégâts que suscitent, dans l’industrie, la mise en cause des grands groupes. Nous en constatons l’inefficacité pour le redressement.

Lorsque le Président de la République Nicolas Sarkozy a décidé un moratoire sur toutes les normes applicables aux collectivités locales et qu’il a nommé un commissaire à la simplification, j’ai compris que nous prenions enfin la bonne direction, que nous ralliions le parti de la compétitivité. En effet, moins d’entraves de la part de la sphère publique, c’est plus de souplesse pour notre économie.

En janvier 2011, le Président de la République m’a demandé de proposer, « en prenant en considération les propositions formulées par les principales associations d’élus […], des mesures de simplification, ambitieuses et concrètes, pour desserrer les contraintes et alléger les coûts excessifs qui pèsent […] sur nos collectivités territoriales, en s’attachant à identifier les normes qui doivent être prioritairement modifiées en raison de leur caractère inadapté et coûteux », l’objectif étant « de rendre notre cadre juridique plus propice à l’initiative et à l’investissement publics ».

Durant quatre mois, j’ai pu ainsi auditionner les présidents des associations d’élus, les dirigeants de nombreux syndicats et les responsables de l’ensemble des ministères produisant des normes. Tous, quelle que soit leur sensibilité, m’ont clairement indiqué que les normes étaient un frein à la compétitivité, une source de complexité, voire une perte de temps, ainsi que, pour nos collectivités, naturellement, une cause de coûts supplémentaires, systématiquement répercutés sur les citoyens et l’économie.

Dans un contexte financier difficile, où les collectivités locales exercent de nombreuses prérogatives autrefois dévolues à l’État, la prolifération normative incarne la fracture entre, d’un côté, un État central, prescripteur de dépenses et de contraintes nouvelles, et, de l’autre, des collectivités locales devant sans cesse mobiliser des crédits nouveaux pour financer des dispositifs pensés et conçus à l'échelon national.

Devant l’empilement des textes, la perspective d’une simplification fédère l’ensemble des acteurs locaux. Ceux-ci aspirent tous à une évolution du mode de gouvernance, afin que les problèmes quotidiens que rencontrent les collectivités locales dans l’application des normes soient durablement pris en compte.

De ces multiples échanges, j’ai pu retenir vingt grands principes à respecter ; je n’en citerai que quelques-uns.

Premièrement, pas de réforme de collectivités territoriales sans une évaluation préalable partagée des politiques locales. À cet égard, il sera intéressant de voir comment seront prises en compte les propositions formulées durant les états généraux de la démocratie territoriale.

Deuxièmement, pas de nouveaux textes réglementaires sans une évaluation réaliste et un avis motivé de la CCEN, la Commission consultative d’évaluation des normes, l’objectif étant d’imposer la sincérité de l’évaluation des coûts de l’ensemble des textes par cette instance. À l’heure actuelle, nous constatons que la fourchette des évaluations fournies par les services de l’État est souvent fort éloignée de la réalité.

Troisièmement, il faut donner une véritable place aux collectivités locales dans l’élaboration de la réglementation européenne, mais ne pas ajouter nos normes franco-françaises aux règles européennes, car cela nous pénalise un peu plus encore dans la course à la compétitivité.

Quatrièmement, il importe de réduire l’instabilité juridique.

Cinquièmement, il convient d’organiser le reflux normatif. Le Président de la République vient de demander aux différents ministères de s’attaquer au stock en la matière, mais aussi de supprimer une norme chaque fois que l’on en crée une.

Sixièmement, il faut pallier l’absence de décrets d’application. Comme Bruno Sido l’exposait encore lundi dernier au Président de la République, nous attendons que des décrets déjà prêts paraissent sur les possibilités de rapprochement entre les SDIS, les services départementaux d’incendie et de secours, et les conseils généraux.

Septièmement, il est nécessaire d’adapter les normes à la taille des collectivités. Cette notion d’adaptabilité, si chère au Président de la République et au président du Sénat, fait l’objet de l’article 1er de la proposition de loi.

Enfin, nous devons faire face au manque d’ingénierie publique dû à la disparition de nombreux services déconcentrés de l’État.

Des auditions auxquelles j’ai procédé, et dont résultent 262 propositions visant à simplifier le droit applicable aux collectivités, il est ressorti que la simplification était urgente : face à l’engrenage normatif qui entrave l’action des collectivités territoriales, il faut procéder à un changement de la gouvernance normative entre l’État et ces dernières.

L’allégement des contraintes supportées par les collectivités eu égard à l’existence de normes rigides et coûteuses est une nécessité. Il convient de changer en profondeur la culture normative de l’État et d’imposer une obligation de résultats plutôt que de moyens.

À ce titre, j’ai proposé, notamment, de limiter à quinze le nombre des ministères. Je le constate, les candidats à la présidence de la République se fixent souvent un objectif proche, mais ils ne parviennent jamais à le mettre en œuvre. J’ajouterai que je suis intimement persuadé qu’il faut également avoir le courage de réduire très sensiblement le nombre des parlementaires.

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