Intervention de Martial Bourquin

Réunion du 24 octobre 2012 à 14h30
Simplification des normes applicables aux collectivités territoriales — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Martial BourquinMartial Bourquin :

Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, voilà maintenant plus d’un an que le Sénat examine la proposition de loi de notre collègue Éric Doligé, preuve, s’il en est, que la simplification est une affaire décidément beaucoup plus compliquée qu’il n’y paraît… Faire simple s’avère parfois compliqué, et en voulant faire simple, on peut ajouter de la complexité à la complexité.

Je rappellerai que notre assemblée, prenant la mesure de l’inflation normative, s’est, à plusieurs reprises, saisie de cette question. Le rapport Belot, publié en février 2011 au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, évoquait, à juste titre, la maladie de la norme. Dans celui qu’il a rédigé en juin de la même année, Éric Doligé identifiait 268 dispositions, aussi variées qu’essentielles, pouvant être simplifiées.

Bien entendu, j’ai été, comme l’ensemble de nos collègues, très sensible aux résultats du sondage réalisé lors des états généraux de la démocratie territoriale, qui mettait en exergue la nécessité, aux yeux de tous les élus, de simplifier les normes, notamment en matière d’urbanisme et de marchés publics.

La proposition de loi de notre collègue Éric Doligé vise donc un objectif qui fait consensus, dans cet hémicycle comme parmi les élus. Pour autant, j’ai déjà eu l’occasion de le dire en commission et en séance, je crains que le travail réalisé ne soit pas toujours à hauteur des enjeux. Certaines des dispositions proposées, sous couvert de simplification, sont sujettes à contentieux.

La commission des affaires économiques s’est plus particulièrement intéressée aux articles 19 à 26 de la proposition de loi, qui ont trait à l’urbanisme. Partageant en cela la position de la commission des lois, elle propose de supprimer les articles 20, 21, 23, 24 et 26, pour les raisons que je vais développer.

L’article 20 instaure des secteurs de projets, dans lesquels le règlement d’urbanisme serait suspendu et où les objectifs des orientations d’aménagement et de programmation deviendraient directement opposables aux demandes individuelles.

Si un plan local d’urbanisme comporte de nombreuses contraintes, il est toutefois possible de le modifier assez facilement, d’autant que la plupart de ces contraintes sont facultatives.

En outre, la souplesse introduite par l’article 20 ne serait qu’apparente : en contrepartie de plus grandes marges de manœuvre, l’autorité administrative verrait ses décisions davantage contestées.

Les dispositions de l’article 21 relèvent du domaine réglementaire, puisqu’elles prévoient la faculté de regrouper les dossiers de création et de réalisation d’une zone d’aménagement concerté.

L’article 23 modifie les règles de caducité des clauses des cahiers des charges de lotissements. Il est, à mon sens, anticonstitutionnel, car il porte atteinte à la liberté contractuelle des colotis.

L’article 24 prévoit d’autoriser les promesses de vente ou de location d’un terrain situé dans un lotissement avant la délivrance d’un permis d’aménager. Les maires pourraient alors se trouver placés devant le fait accompli et privés de la possibilité de négocier sereinement les actes ou d’éventuelles modifications.

Enfin, l’article 26 limite les obligations imposées par le plan local d’urbanisme en matière d’aires de stationnement. Il s’agit, on en conviendra, d’un cavalier législatif.

Telles sont les propositions de modification et les réserves que formule la commission des affaires économiques.

Par ailleurs, compte tenu des amendements rédactionnels déposés par Mme la rapporteur, la commission des affaires économiques approuve l’article 10, qui simplifie le recours au mandat en matière d’aménagement, l’article 22, qui dispense, fort logiquement, d’un certain nombre de diagnostics en cas de vente d’un bâtiment voué à la destruction, et l’article 25, qui encadre la négociation d’une convention de projet urbain partenarial.

Mes chers collègues, j’exprimerai à cet instant une opinion toute personnelle.

La simplification des normes est un grand sujet. En tant que maire, je constate tous les jours la difficulté de mener à bien des projets, dont la durée de réalisation s’allonge souvent du fait de la multiplicité des normes.

Il importe donc que nous nous attelions à la simplification normative, mais de façon beaucoup plus approfondie, en nous appuyant notamment sur les résultats de l’enquête effectuée et sur les conclusions des ateliers organisés dans le cadre des états généraux de la démocratie territoriale.

Un travail de fond est nécessaire. Notre collègue Éric Doligé a le mérite de poser le problème. Cependant, de nombreuses questions restent en suspens et doivent être encore approfondies. Il faut, pour cela, conserver une certaine distance et, surtout, ne pas ajouter de la complexité à la complexité. Combien de fois, en voulant simplifier, n’avons-nous pas complexifié les choses ?

Certains d’entre nous ont participé aux travaux de la mission commune d’information sénatoriale sur la désindustrialisation des territoires. Dans tous les territoires où nous nous sommes rendus, nous avons fait le même constat : il y a une demande pressante de simplification de la part des chefs d’entreprise et des responsables d’agences de développement, qui nous invitent à rendre plus simple la création d’entreprise et à faciliter la mise en œuvre des projets.

Nous avons appris que, dans l’industrie pharmaceutique, l’instruction d’un projet pouvait prendre deux ans, voire deux ans et demi, alors que la durée de vie d’un produit n’est que de cinq années.

Il nous faut mener ce travail en gardant la distance et la profondeur d’analyse nécessaires pour parvenir à une simplification, au bénéfice de la compétitivité de nos entreprises, de notre industrie. En effet, la question de la compétitivité est trop souvent abordée sous le seul angle des coûts, alors que ce n’est pas l’unique dimension du problème.

Mesdames les ministres, chers collègues, il convient de rendre notre société plus dynamique et plus fluide. Un travail de simplification est donc absolument nécessaire. §

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