Intervention de Rémy Pointereau

Réunion du 24 octobre 2012 à 14h30
Simplification des normes applicables aux collectivités territoriales — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Rémy PointereauRémy Pointereau, rapporteur pour avis :

… quoiqu’il ait été amputé de plusieurs de ses articles essentiels depuis son passage en commission des lois.

Le constat est unanime : nos élus locaux ploient sous la charge grandissante et exorbitante des normes qu’on leur demande de respecter ou de mettre en application. Ce sujet, loin d’être nouveau, revient trop souvent au cours des réunions que nous organisons régulièrement, les uns et les autres, au sein de nos départements et dans le cadre de l’Association des maires de France. Contrairement à ce qu’a dit précédemment notre collègue Didier Guillaume, cette question n’est pas apparue lors des états généraux de la démocratie territoriale : son importance a simplement été confirmée.

Je veux saluer la qualité du travail de notre collègue Éric Doligé, initialement saisi du sujet au travers d’un rapport. Il faut rappeler que les associations d’élus avaient été très largement associées à ses travaux, dont une première traduction législative a été rejetée, en février dernier, par l’actuelle majorité de cette assemblée. Cette obstruction était plus que regrettable, sachant le caractère d’urgence de la simplification normative pour nos élus locaux. La majorité a semblé, cette fois, consentir à l’adoption du présent texte ; mais à quelles conditions ? Nous le verrons au fil de la discussion.

Le Président de la République lui-même a admis récemment que « nous ne pouvons plus accepter cette situation en termes de coût pour les collectivités, en termes de délai pour les procédures ». On ne peut évidemment que s’en réjouir.

Il a également souhaité que le droit des collectivités à expérimenter et à adapter les normes qui leur sont applicables soit étendu, ce qui est également positif. Or c’est précisément ce que prévoyait l’article 1er, que la commission des lois a souhaité supprimer.

La possibilité d’adapter les normes aux capacités des collectivités locales en fonction de la taille des communes répondait à une forte attente des élus, spécialement de ceux des départements et des communes du monde rural. Il est évident que l’application uniforme, sans aucune prise en compte de la réalité, de la loi ou du règlement sur l’ensemble du territoire crée des incohérences et des difficultés totalement injustifiées pour de petites communes !

Le président du Sénat a récemment appelé la commission des lois et la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation à « lui faire de nouvelles propositions » de simplification, dont les orientations ont été données, le 6 octobre dernier, par le Président de la République.

La majorité aurait pu profiter de l’examen de cette proposition de loi de M. Doligé pour apporter une traduction législative à certaines de ces orientations et donner du temps à ce débat. Tel n’est pas le cas.

J’en viens maintenant à la présentation des quatre articles dont la commission du développement durable a été saisie pour avis.

L’article 28 tend, d’une part, à reporter de six à neuf mois le délai, à compter de la clôture de l’exercice, dans lequel le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale doit présenter le rapport annuel sur le prix et la qualité du service pour ce qui concerne, notamment, les services de distribution d’eau potable et d’assainissement.

Cet article rend obligatoire, d’autre part, la transmission des données du rapport au système d’information de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA. La commission du développement durable a déposé un amendement tendant à rendre facultative cette transmission pour les communes de moins de 3 500 habitants.

L’article 29 avait pour objet de faire du service de gestion des eaux pluviales, actuellement service public administratif, un service public industriel et commercial, comme le sont déjà les services de distribution d’eau potable et d’assainissement. Cette réforme semblait, a priori, de nature à homogénéiser les conditions de fonctionnement de tous les services locaux chargés de l’eau et de l’assainissement.

Toutefois, ce changement de nature impliquerait un financement par redevance. Or, le texte de l’article 29 ne prévoyait pas d’autre ressource que l’affectation de la taxe annuelle sur les eaux pluviales, qui est facultative et d’un rendement très insuffisant. La commission du développement durable a donc proposé la suppression de cette disposition, manifestement inaboutie. M. Doligé est d’ailleurs du même avis, puisqu’il a présenté en commission un amendement de suppression de l’article 29.

L’article 30 vise à unifier à l’échelon régional, en un plan unique de prévention et de gestion des déchets, les trois catégories de plans existant actuellement : le plan régional d’élimination des déchets dangereux, le plan départemental de prévention et de gestion des déchets non dangereux, et le plan départemental de gestion des déchets issus de chantiers du bâtiments et des travaux publics.

À cet article, la commission du développement durable a apporté trois modifications : la première vise à faire siéger au sein de la commission consultative qui contribue à l’élaboration et au suivi du plan régional unifié des représentants des groupements de communes ; la deuxième tend à faire siéger des représentants des associations agréées de consommateurs, comme c’est actuellement le cas au niveau des plans départementaux ; la troisième a pour objet de supprimer une disposition qui autorisait la Corse à déroger à la limite de 60 % du volume des déchets produits fixée pour le dimensionnement des installations d’incinération et d’enfouissement des déchets ultimes.

Enfin, l’article 31, dans sa rédaction initiale, permettait aux communes de plus de 50 000 habitants, qui sont tenues d’élaborer un plan climat-énergie territorial, de confier cette mission à une intercommunalité dont elles sont membres.

À cet article, la commission du développement durable a proposé de reporter du 31 décembre 2012 au 31 décembre 2013 la date butoir pour adopter les plans climat-énergie territoriaux, afin d’introduire un peu de souplesse dans le dispositif.

Telles sont les modifications apportées à la proposition de loi par la commission du développement durable. Je donnerai aussi mon avis, au cours de la discussion des articles, sur les cinq amendements portant sur le titre IV, en m’exprimant à titre personnel puisque la commission ne s’est pas réunie pour les examiner.

J’observe avec grand intérêt que deux de ces amendements, déposés par nos collègues Hervé Maurey et Alain Houpert, abordent le problème du financement des services d’assainissement. En effet, les règles applicables en matière de service public de l’assainissement non collectif, ou SPANC, apparaissent comme un cas d’école en termes d’imposition de contraintes nouvelles aux collectivités territoriales sans que toutes les conséquences en aient été bien mesurées.

Je rappelle que le SPANC, institué par la loi sur l’eau du 3 janvier 1992, devait être effectivement mis en place avant la fin de l’année 2005. Or, par la loi sur l’eau du 30 décembre 2006, il a fallu repousser au 31 décembre 2012 l’entrée en vigueur du premier contrôle des installations existantes et revoir le régime du SPANC.

Aujourd’hui, alors que l’échéance du 31 décembre 2012 approche, la mise en œuvre du SPANC apparaît toujours aussi problématique sur le terrain. Je peux, à cet égard, m’appuyer sur l’analyse critique faite par le Conseil d’État dans son rapport de 2010 sur le droit de l’eau. Il y est indiqué que de 70 % à 80 % des quelque 5 millions d’installations d’assainissement autonomes seraient non conformes aux normes en vigueur, ce qui implique que, au rythme actuel des réhabilitations, estimé à 30 000 par an, il faudrait cent trente ans pour parvenir à une situation normale.

Si nous pouvions contribuer, par ces deux amendements, auxquels je donnerai un avis favorable, à faire en sorte que les normes en matière d’assainissement soient un peu plus réalistes et soutenables financièrement, nous rendrions un grand service aux communes.

En revanche, je donnerai un avis défavorable à un amendement qui tend à autoriser les communes à moduler le tarif de l’eau sur l’année en cas de variation saisonnière de la consommation. Il m’est en effet apparu que son dispositif serait d’application complexe et surtout que celui-ci excédait largement son objet, puisqu’il ouvre cette faculté de modulation à toutes les communes, qu’il y ait ou non un effet saisonnier.

Enfin, même si la commission des lois est d’un avis contraire, je ne peux pas être favorable au dernier amendement, car il tend à supprimer l’article 30, que la commission du développement durable a, pour sa part, approuvé.

En conclusion, j’espère vivement que cette séance permettra l’adoption du texte d’Éric Doligé et la réintroduction de principes essentiels pour faciliter la vie quotidienne des élus. Si nous pouvions travailler à rendre les lois plus réalistes et plus propres à répondre aux besoins quotidiens de nos concitoyens, nous rendrions un grand service à nos élus et aux collectivités locales.

À l’instar de mes collègues de l’opposition, je regrette profondément que nous ne disposions que de quatre heures pour débattre de ce texte important, alors même que certains créneaux sont inexploités. Par exemple, nous aurions pu poursuivre la discussion ce soir. Est-ce cela, cette démocratie territoriale que l’on nous a tant vantée lors des récents états généraux organisés par le Sénat ? §

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