Intervention de Hélène Lipietz

Réunion du 24 octobre 2012 à 14h30
Simplification des normes applicables aux collectivités territoriales — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission, amendement 20

Photo de Hélène LipietzHélène Lipietz :

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le sujet de la simplification revient sur nos pupitres. Est-ce si utile, ou, plus exactement, est-ce vraiment le bon moment ?

Je ne conteste nullement le constat établi par notre collègue Joël Labbé lors de l’examen de cette même proposition de loi en février dernier : « L’inflation des règles entraîne un coût exorbitant. Comme vous le savez, la commission consultative d’évaluation des normes l’a estimé, pour l’année 2010, à 577 millions d’euros. L’instabilité de ces normes est également problématique : en dix ans, 80 % des articles du code général des collectivités territoriales ont été modifiés. »

Cette inflation pose un problème réel non seulement aux collectivités territoriales, mais également aux citoyens et citoyennes, car la stabilité juridique est une valeur démocratique. En effet, la sécurité juridique cohérente et fonctionnelle, portée par les cahiers de doléances avant la Révolution française, est inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Mais je pense aussi aux entreprises et aux organisations qui contractent avec les collectivités, ou encore à toutes ces associations qui dépendent des collectivités pour une partie de leur budget.

Il est évident, on vient de l’entendre, que nous sommes tous ici conscients de la nécessité de simplifier l’ordonnancement législatif.

La semaine dernière, nous avons examiné une proposition de loi du groupe du RDSE visant à faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes, qui, fait assez rare pour être souligné, a été votée à l’unanimité, et dont l’application va, je l’espère, faciliter la tâche de bon nombre de conseils municipaux dans la gestion de leur patrimoine.

S’il est urgent de procéder à une réforme d’envergure des normes applicables aux collectivités territoriales, un processus est d’ores et déjà en cours actuellement. Il réserve une large place à la concertation, et nous sommes nombreux sur ces travées à y avoir participé.

Le bilan de ces états généraux est en cours d’analyse et le processus de dialogue se poursuit entre le ministère et les collectivités.

Je vous pose donc la question, mes chers collègues : devons-nous précipiter ce processus en votant un peu rapidement une loi, qui, si elle n’est pas mauvaise en soi, surtout après son examen attentif par la commission des lois et les autres commissions compétentes, risque de trancher trop vite des questions de fond dont nous aurons, selon toute vraisemblance, à traiter de nouveau au cours du printemps 2013 ?

Ce serait un bien mauvais signal adressé à tous les participants aux états généraux si nous légiférions ainsi sans tenir compte de leur avis. Nous avons besoin d’un peu de recul. En matière législative comme partout ailleurs, la précipitation est mauvaise conseillère.

Cela ne remet absolument pas en cause selon moi notre objectif de garantir l’efficacité de l’État et de tous ses échelons territoriaux. Au contraire, il serait certainement mal perçu que nous votions trois lois différentes en l’espace de quelques mois. En ce sens, je vous rappelle les propos du président du Sénat, qui, lors de la conclusion des états généraux, a évoqué une sorte de « maladie de la norme » et proposé de « s’attaquer de manière plus structurelle à l’inflation des normes ».

Or, vouloir simplifier les normes, c’est déjà, encore et toujours faire de la norme…

Je pense d’ailleurs que la position du groupe écologiste sera identique sur les deux autres textes qui seront proposés début novembre concernant l’amélioration du statut de l’élu local et la lutte contre l’inflation normative. Il est urgent d’attendre l’aboutissement d’une réflexion commune et complète sur ces sujets.

Un projet de loi relatif aux recherches en archéologie est aussi annoncé ; or le texte que nous examinons aujourd’hui viendrait bousculer certaines dispositions de ce futur projet de loi.

Pourtant, cette proposition de loi, amplement remaniée par la commission des lois et les autres commissions qui ont eu à en connaître, ne manque pas d’articles intéressants.

Je rappellerai tout d’abord l’article 1er, hélas ! supprimé par la commission des lois, qui devra évidemment être repris pour permettre une meilleure adaptation de la réglementation à la taille des collectivités, sans pour autant remettre en cause le principe d’égalité devant la loi. L’une des pistes à suivre lors de l’examen de l’acte III de la décentralisation pourrait être un approfondissement de l’expérimentation locale. Celle-ci est déjà consacrée par l’article 72, alinéa 4, de la Constitution, mais cette disposition est malheureusement trop peu utilisée.

Le renforcement du rôle de la commission consultative d’évaluation des normes, prévu à l’article 2, est également très intéressant. Cette instance aurait ainsi le pouvoir de se prononcer sur le volume des stocks normatifs et l’administration serait obligée de motiver sa décision lorsqu’elle s’écarte de l’avis rendu par cette dernière.

Je mentionnerai enfin l’article 5, qui prévoit de rendre accessibles aux citoyens toutes les décisions des collectivités sous forme dématérialisée. Cet article manque toutefois d’ambition ; il aurait pu aller encore plus loin en proposant une échéance pour la mise en place d’une plate-forme nationale permettant la publication de l’ensemble des décisions des collectivités. Cela n’empêcherait évidemment pas la consultation de ces documents sous forme papier, tout le monde n’ayant pas accès à internet.

Certains amendements devront aussi être repris dans la discussion sur les collectivités territoriales. Je pense notamment à l’amendement n° 20, qui vise à étendre aux agents des EPCI le droit de conduire des tracteurs avec un simple permis B, droit jusqu’ici réservé aux employés communaux.

Par ailleurs, les écologistes veilleront, dans les prochains mois, à ce que tous ces dispositifs soient accessibles à l’ensemble des citoyens et, surtout, à ce que tous les citoyens puissent participer à l’élaboration de la loi ou soient en mesure de mieux comprendre ses modalités d’élaboration.

Bref, vous l’aurez compris, le groupe écologiste votera contre la proposition de notre collègue, laquelle ne nous semble pas s’inscrire dans le tempo du travail législatif. Il votera surtout contre le renvoi du texte à la commission, car ce renvoi ne permettrait toujours pas de le replacer dans le tempo normal du processus législatif.

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