Intervention de Éric Doligé

Réunion du 24 octobre 2012 à 14h30
Simplification des normes applicables aux collectivités territoriales — Demande de renvoi à la commission

Photo de Éric DoligéÉric Doligé :

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je me permettrai de faire d’abord une remarque d’ordre général sur l’organisation de nos travaux et ses conséquences.

Je constate que nous disposons de quatre heures pour examiner cette proposition de loi : or ce délai arrivera à son terme dans vingt minutes, alors que nous venons seulement d’entamer la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission. Et encore, aujourd'hui, une seule motion de procédure a-t-elle été déposée ! Il est clair que, avec un tel délai, si trois motions de procédure sont déposées sur une proposition de loi – ce que notre règlement autorise –, et quand bien même celle-ci ne comporterait qu’un article affecté d’un seul amendement, aucune proposition de loi ne pourra jamais être complètement discutée et, a fortiori, adoptée.

Jean-Pierre Michel nous a aimablement proposé de revoir le règlement du Sénat. Mais rappelez-vous, mes chers collègues : il n'y a pas si longtemps – le changement de majorité avait déjà eu lieu –, lors de l’examen de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial, à l’issue des quatre heures imparties, comme nous n'avions guère avancé, une réunion s'est tenue de manière subreptice pendant cinq minutes, vers 19 heures, et il a alors été décidé que nos travaux se poursuivraient la nuit, ce qui a permis d'aller bien au-delà des quatre heures : le débat a duré sept ou huit heures ! Cela prouve bien que le règlement, tout comme les normes, peut faire l’objet d’adaptations : il suffit de le vouloir !

Je souhaite maintenant revenir sur l'avis rendu par le Conseil d'État au sujet de la présente proposition de loi, puisque M. Favier vient d’aborder ce point. Il avait déjà été soulevé en commission des lois, notamment par M. Alain Richard, qui avait affirmé en substance : « Cet avis est la propriété de M. Doligé et je ne vois pas pourquoi ce serait la propriété d’un seul sénateur. »

Je l'ai déjà indiqué dans la discussion générale, mais je le répète, car Jean-Pierre Michel ne l'a sans doute pas entendu : il y a des règles et, en l’occurrence, la règle dit que c’est le président du Sénat qui dispose de cet avis. Il se trouve que, entre le moment où l’avis du Conseil d’État a été sollicité et celui où il a été prêt, le président du Sénat a changé. Or le Conseil d’État n’a pas voulu remettre son avis au nouveau président tant que celui-ci ne l’aurait expressément demandé, montrant par là que c’est bien au président que cet avis « appartient ». Le président en fait ensuite ce que bon lui semble.

À ma connaissance, mais cela figure dans le compte rendu de la réunion de la commission des lois, le président Sueur a demandé au président du Sénat de lui remettre l’avis du Conseil d'État. J’ai eu connaissance de son contenu parce que, bien sûr, par courtoisie ou par gentillesse, on me l'a transmis, mais il ne me revenait pas de le communiquer puisqu'il s'agit d'un document qui « appartient » au président du Sénat et que celui-ci est libre de le diffuser comme il l'entend.

En écoutant les motivations qui ont poussé le groupe CRC à déposer cette motion, je viens de prendre conscience que le règlement du Sénat, à moins que ce ne soit la Constitution, permettait de renvoyer plusieurs fois le même texte à la commission. En effet, sur proposition de Jacqueline Gourault, au mois de février dernier, ce texte a déjà fait l’objet d’un tel renvoi. Et voilà qu’on propose aujourd'hui de le renvoyer à nouveau à la commission ! Cela peut durer longtemps ! À la limite, si mon groupe décidait de l’inscrire une nouvelle fois dans sa niche parlementaire dans quelques mois, il pourrait être de nouveau renvoyé à la commission…

Par conséquent, je souhaite savoir précisément si une telle procédure est réellement admise. Si c’est le cas, on sous-entend, comme l'a fait notre collègue à l'instant, que la commission n'a pas fait son travail, ce que je ne peux imaginer. Comment comprendre qu’en huit mois la commission n'ait pas pu étudier à fond l'article 1er ?

Le Président de la République, qui a été cité de nombreuses fois au cours de cette discussion – notamment par nous-mêmes, ce qui témoigne, au passage, de notre ouverture d’esprit – a, tout comme le président du Sénat, évoqué la notion d'adaptabilité. Or celle-ci est au cœur de notre réflexion et de notre démarche ! Si, en huit mois, la commission des lois n'a pas été en mesure de dire précisément de quoi il retourne, je me demande comment on parviendra à le faire en trois mois, puisque c'est a priori au mois de janvier prochain que nous examinerons une nouvelle fois ce texte.

Sur ce dossier, en vérité, un travail considérable a déjà été accompli. Des amendements très précis ont été déposés. Plus de 260 propositions ont été retenues parmi les 900 qui ont été examinées. La direction générale des collectivités locales s’est livrée à une étude approfondie, analysant tous les articles et procédant à des analyses très fouillées. Je serais donc bien surpris que l’on parvienne à des résultats différents en menant des enquêtes complémentaires !

Le Président de la République l’a affirmé voilà quelques jours : nous allons être confrontés à des problèmes d'application des lois, notamment à des problèmes de délais. La date de 2015 a été mentionnée. Eh bien, c’est vous, madame le ministre, qui allez devoir régler ce problème, et j’imagine que cela ne va pas être facile.

L’argument des CCAS a, une fois de plus, été avancé et, même si j'y ai déjà répondu des dizaines de fois dans cet hémicycle, en donnant des exemples, je veux y revenir.

Les maires des communes de 300, de 400 ou de 500 habitants sont obligés de mettre en place un CCAS parce que la loi les y oblige. Nous avons reçu un grand nombre de courriers sur ce point. Il leur faut alors prévoir un budget, dépenser de l'argent avant même d'en avoir reçu – alors que c'est le conseil municipal qui fait le travail !

Il faut le savoir, les 260 et quelques propositions ont été inspirées par des suggestions émanant au moins autant d'élus de gauche que d'élus de droite ; je pense notamment au président de l’Assemblée des départements de France ou au président de l’Association des régions de France, dont la sensibilité politique est plutôt celle de la majorité de cet hémicycle. Les propos qu’ils ont tenus lorsque je les ai auditionnés peuvent être consultés par tout le monde. Pourtant, ces propositions sont rejetées par un certain nombre d'entre vous !

Alors, madame le ministre, je vous souhaite bon courage pour la suite, car vous allez vous heurter aux mêmes difficultés.

Je souhaite revenir également sur le chiffre de 2 milliards d'euros qui a été mentionné. On nous explique qu’il y a des économies à faire. On nous a annoncé qu’en 2014-2015 l'État devrait récupérer 2, 5 milliards d'euros sur les collectivités. Autrement dit, on va nous reprendre 2, 5 milliards et, là, on nous explique qu’on peut « gratter » 2 milliards chaque année, alors qu’il n’était question que de 800 millions à 900 millions d'euros l'année dernière. Ce sont les chiffres de notre ancien collègue Alain Lambert.

En tout cas, si l’on est pressé de récupérer ces sommes, on ne manifeste pas le même empressement quand il s’agit de voter un texte de simplification des normes !

Vous verrez les difficultés qui nous attendent si l'on renvoie encore ce texte en commission. Je ne suis d'ailleurs pas certain que la commission ait envie de le voir inscrit très rapidement à l’ordre du jour de nos travaux : elle préfère sans doute privilégier le texte qui sera proposé sur l’initiative du président du Sénat.

Je rappelle que certains ont suggéré d’analyser les propositions qui ont été formulées en matière de normes lors des états généraux de la démocratie territoriale. Je vous invite à examiner ces propositions et à essayer d’établir un texte précis sur cette base. Dans le cadre de l’atelier n° 1, que présidait Jacqueline Gourault, j’ai entendu tous les participants se plaindre de ce que les normes étaient trop nombreuses et trop coûteuses, en un mot insupportables. Mais ce n’est pas avec ce genre de remarques que l’on rédige une proposition de loi ! Ce ne sont pas les considérations émises pendant les états généraux qui nous permettront de concevoir un texte cohérent.

Au cours de ces états généraux, les élus ont simplement dit et répété qu’ils commençaient à en avoir assez des normes, ou du moins qu’il y avait une certaine saturation en la matière, et qu’il fallait donc trouver des solutions. Ces solutions, nous les avançons. Contrairement à ce qu’ont affirmé les orateurs qui siègent sur le côté gauche de cet hémicycle, les états généraux ne nous ont pas fourni les propositions nécessaires à la rédaction d’un projet de simplification des normes. Les participants nous ont seulement dit : « Faites-nous quelque chose sur les normes. » Eh bien, ce quelque chose, il est là, et nous avons tout de même mis quelques mois à le préparer !

Tous les ministères ont travaillé de manière extrêmement fine et précise. Ce ne sont pas les ministres qui, à l’époque, m’ont fait part de leurs observations : ce sont les services des ministères. Je vous montrerai, mesdames les ministres, les tableaux qu’ils ont élaborés, indiquant, pour chaque mesure, si elle était faisable ou non, et si elle relevait de la circulaire du décret ou de la loi. Cela montre bien qu’un travail très sérieux a été réalisé.

Ma proposition de loi ne comportait que trente-trois articles. J’aurais aimé – mais nous n’en avons plus le temps –que nous profitions de ce support pour ajouter, comme l’a souhaité Hervé Maurey, un certain nombre de dispositions pertinentes. Nous aurions pu faire preuve d’imagination pour améliorer le quotidien de nos collectivités territoriales. Malheureusement, cela n’a pas véritablement été le cas. Certes, douze amendements concernant les maisons de retraite ont été déposés ; c’est intéressant, mais ce n’est pas le cœur du sujet.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne souhaite pas que cette proposition de loi soit renvoyée à la commission. La commission a eu au moins huit mois pour examiner le texte et formuler des propositions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion