Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 6 novembre 2012 à 14h30
Principe de participation du public défini à l'article 7 de la charte de l'environnement — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».

En adoptant cette phrase incluse dans la loi de 2005, qui donnait force constitutionnelle à la Charte de l’environnement, le Parlement avait clairement affirmé sa volonté d’inscrire la Constitution française dans le droit fil de la convention d’Aarhus. Ratifiée par la France en juillet 2002, très exactement dix ans après le sommet de la Terre à Rio, cette convention des Nations unies s’appuyait sur le principe 10 de ce très beau texte que reste la déclaration finale de Rio en 1992 : « La meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens au niveau qui convient ».

Ainsi, notre discussion d’aujourd’hui ne doit pas se résumer au fait d’adopter, en procédure accélérée, un projet de loi d’application permettant de résoudre un certain nombre de contentieux juridiques et de censures du Conseil constitutionnel, mais elle doit permettre d’affirmer notre volonté politique de répondre aux grands enjeux environnementaux et, pour ce faire, d’associer étroitement les citoyens.

Ce n’est pas totalement notre culture, autant le reconnaître. La tradition française a fait de l’État le garant unique de l’intérêt général, et nous avons construit un système de lois et de grands corps d’État qui est censé répondre à toutes les interrogations, car il est le détenteur du savoir et du pouvoir.

C’est donc le savoir qu’il s’agit ici de partager, et donc probablement aussi un peu le pouvoir. Ce texte s’inscrit bien dans une forme d’évolution culturelle, pour ne pas parler de « révolution » – le mot a été utilisé avant moi –, ce qui n’est pas si simple ; un certain nombre d’événements récents le montrent d’ailleurs clairement, j’aurai l’occasion d’y revenir.

Le projet de loi allant dans le bon sens, le groupe écologiste le votera sans hésitation, en espérant qu’une majorité claire se dégagera pour l’adopter. Je rappelle que, lors du vote de la Charte de l’environnement, c’était bien la majorité de droite de l’époque, en 2005, qui avait soutenu ce texte voulu par Jacques Chirac. Les écologistes avaient d’ailleurs approuvé par leur vote la Charte de l’environnement. C’était un peu moins vrai pour les autres groupes de gauche… Mais c’était une autre époque, et je ne doute donc pas que nous parviendrons aujourd’hui à un consensus encore plus large.

Le travail constructif en commission – à ce titre, je salue Mme la rapporteur – ne nous en a-t-il pas montré le chemin ? Il a déjà permis plusieurs améliorations, notamment en ce qui concerne le temps du débat public. Ce dernier était beaucoup trop court et nous l’avons un peu étendu, même si ce n’est peut-être pas encore suffisant, mais seul l’usage nous le dira.

Quoi qu’il en soit, cette séance peut être l’occasion d’autres améliorations. Dans cette optique, le groupe écologiste proposera plusieurs amendements, par exemple sur l’extension de l’accès à l’information détenue par les entreprises soumises à la législation en vigueur sur les installations classées pour la protection de l’environnement, ICPE.

Surtout, il nous paraît essentiel que l’ensemble du dispositif soit doté d’un organisme garant qui, en assurant le suivi des procédures, apportera au citoyen l’assurance que sa mobilisation et ses avis seront pris en compte. C’est un point important, qui nous rapprochera des pays les plus en avance sur ces questions. Par exemple, Mme la rapporteur l’a évoqué, le Québec a mis en place en 1978 un bureau d’audiences publiques sur l’environnement, ou BAPE, organisme consultatif et indépendant chargé d’informer et de consulter la population. Ce BAPE organise donc des consultations, des débats, innove en s’appuyant sur les nouvelles technologies de l’information, mais met aussi en place des procédures de médiation. Car il ne s’agit pas uniquement de recueillir des avis en laissant l’État, ou tout autre décideur, seul juge de leur utilisation.

Si cette Charte de l’environnement a une logique, c’est bien de mettre en place un processus permettant d’adopter les projets parce qu’ils sont partagés. Comme l’affirmait la rapporteur de la commission des lois à l’Assemblée nationale en 2004, Mme Kosciusko-Morizet en l’occurrence, « la participation ne doit pas avoir lieu à un moment où les choix ont été faits par l’autorité publique ». On ne peut mieux dire !

Demander un avis et ne pas en tenir compte, c’est s’exposer à bien des difficultés.

Imaginons, par exemple, un vaste projet, du genre aéroportuaire, pour lequel on commencerait un grand débat public sur la question de savoir si la plateforme actuelle est saturée, débat qui se conclurait sur une réponse négative : non, cette plateforme ne l’est pas et ne le sera jamais.

Imaginons ensuite que, malgré tout, les promoteurs du projet poursuivent, mais en avançant de nouveaux arguments qui n’étaient pourtant pas au cœur du débat public.

Imaginons, toujours, une étude coût-bénéfice, pièce réglementaire adossée à l’enquête publique du même projet, quelques années après.

Imaginons encore que ce calcul des bénéfices soit fondé sur une valeur économique donnée à l’heure économisée par les heureux bénéficiaires de ce nouvel équipement, à un prix jamais connu et jamais utilisé dans d’autres enquêtes de même nature, rendant ainsi très précieuse - extrêmement précieuse - l’heure gagnée par n’importe quel touriste partant pour une semaine de vacances en Tunisie ou aux Baléares.

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