Intervention de Jean-Luc Fichet

Réunion du 6 novembre 2012 à 14h30
Principe de participation du public défini à l'article 7 de la charte de l'environnement — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Luc FichetJean-Luc Fichet :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, je vais, le temps de cette intervention, prêter ma voix à Odette Herviaux, qui ne peut intervenir dans le débat.

Moins de deux mois après la Conférence environnementale, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui manifeste une double volonté : faire vivre la démocratie environnementale, mais aussi favoriser la rationalisation législative.

Alors que le gouvernement précédent n’a pas pris en compte les décisions du Conseil constitutionnel, dont la première était pourtant connue dès l’automne 2011, le gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, s’est immédiatement emparé de l’enjeu de la participation, qui doit contribuer à l’édification de l’écologie du XXIe siècle, fondée sur la transparence, le dialogue et, surtout, la confiance à rétablir entre tous les acteurs.

Au-delà des inconstitutionnalités qui rendent nécessaire l’adaptation de notre législation, ce projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini par l’article 7 de la Charte de l’environnement s’inscrit dans la perspective d’une transition écologique et citoyenne. La feuille de route issue de la Conférence environnementale précise ainsi que « le passage à une participation effective suppose, d’une part, que son rôle dans la mise en œuvre et le suivi des politiques soit renforcé et, d’autre part, que soient levés plusieurs freins tenant notamment à l’insuffisance de l’information et de l’éducation du public, à la disponibilité des acteurs et à la complexité des procédures ».

Le principe de participation du public, déjà consacré dans le code de l’environnement par la loi dite « Barnier » en 1995, a été élevé au rang constitutionnel par l’article 7 de la Charte de l’environnement, puis confirmé en l’espèce par des décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État. Je relis cet article : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».

Aux termes de cet article, le principe de participation s’appuie sur deux piliers cohérents et autonomes : le droit d’accès à l’information environnementale et la participation à l’élaboration des décisions ayant une incidence sur l’environnement.

Le Conseil constitutionnel relève, pour sa part, que les dispositions relatives à l’information du public ne peuvent avoir trait à la participation du public. En effet, informer n’est pas participer.

À cet égard, les amendements adoptés par la commission du développement durable, en particulier ceux qui sont proposés par notre excellente rapporteur et qui mettent en œuvre les principes de transversalité et de traçabilité, représentent des apports fort utiles.

Je voudrais, cependant, ajouter une condition intrinsèque qu’il conviendra d’aborder rapidement dans le cadre d’un partenariat entre les cinq collèges du Grenelle, à savoir l’éducation et la formation, car si l’information semble accessible à tous, la participation, pour être effective et significative, exige des connaissances intellectuelles et culturelles parfois très pointues, comme le prévoit l’article 8 de la Charte de l’environnement.

La généalogie de la participation puise également ses racines dans la convention d’Aarhus, qui rappelle que les États signataires s’engagent à garantir « les droits d’accès à l’information sur l’environnement, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement ». À ce titre, je voudrais me féliciter une nouvelle fois de ce que la Cour de cassation, dans le procès de l’Erika, a consacré la reconnaissance juridique du préjudice écologique et a proposé de le définir comme une atteinte directe ou indirecte à l’environnement.

Dans le cadre du projet de loi relatif à la responsabilité environnementale, le Sénat avait, pour sa part, été à la pointe de ce combat en donnant aux collectivités la possibilité d’« exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect au _ territoire sur lequel ils exercent leurs compétences et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l’environnement ainsi qu’aux textes pris pour leur application ».

L’affermissement et l’élargissement du principe pollueur-payeur devront, néanmoins, être encouragés ; je sais pouvoir compter sur votre détermination, madame la ministre.

Le présent projet de loi, quant à lui, met en lumière les liens ténus qui existent entre démocratie représentative et démocratie participative. Il serait contre-productif de vouloir les opposer : la seconde est en effet protégée et organisée par la première. Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont ainsi interprété l’article 7 de la Charte de l’environnement comme l’affirmation de la compétence exclusive du législateur pour organiser la participation du public.

Tel est notamment le sens de l’annulation des décrets relatifs à la participation du public en matière d’autorisation de culture d’OGM.

L’adoption du présent projet de loi permettra également d’étendre le champ d’application de l’article L. 120-1 du code de l’environnement, limité actuellement aux seules décisions réglementaires de l’État et de ses établissements publics, à l’ensemble de leurs décisions autres qu’individuelles.

Très sensible aux problématiques maritimes, ma collègue tenait à insister sur l’article 5 du projet de loi, qui modifie l’article L. 914-3 du code rural et de la pêche maritime, suivant en cela la rédaction retenue pour l’article L. 120-1 du code de l’environnement.

Connaissant bien les désaccords qui surgissent régulièrement en ce qui concerne les décisions relatives à la pêche maritime et à l’aquaculture, elle forme le vœu que la nouvelle procédure visée aux articles L. 120-1 et L. 120-2 du code de l’environnement facilite le dialogue citoyen et expert pour réduire les conflits d’usage, encourager le développement responsable des zones maritimes et littorales et maintenir le dynamisme de ces territoires.

L’abandon du critère d’incidence directe et significative nous semble particulièrement opportun dans la mesure où l’intégration croissante des principes du développement durable, avec la logique de long terme qui les sous-tend, rend vaines les tentatives de segmentation et de gradation.

Simultanément, c’est l’intégralité du droit administratif que le principe de participation est susceptible de bouleverser. Les « conditions et limites » de l’application du principe de participation étaient jusqu’à présent définies à l’article 244 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement. La rédaction de cet article procédait principalement du souci de l’administration de prévenir une inflation des procédures de participation. Nous devons toujours garder ce souci à l’esprit lorsque l’on parle de simplification législative.

Le périmètre des décisions « ayant une incidence sur l’environnement » est désormais beaucoup plus vaste. Le Conseil d’État l’a interprété comme visant autant les décisions individuelles que réglementaires, et c’est ce qui est mis en œuvre par le présent projet de loi.

Je souhaite donc que le travail qui sera engagé par le Gouvernement en matière d’harmonisation législative et réglementaire s’inspire de la perspective dessinée par le Conseil d’État dans son rapport public 2011 : Consulter autrement, participer effectivement et, je me permets cet ajout, dans la simplification des procédures.

S’agissant de la question, politiquement sensible, du recours aux ordonnances – c’est l’article 7 du projet de loi -, le groupe socialiste soutient la position de notre rapporteur.

Par le passé, notre collègue Odette Herviaux s’est régulièrement opposée à cette méthode qui masquait trop souvent la volonté du Gouvernement de réduire le rôle du Parlement ou de masquer une certaine impréparation.

Cependant, la responsabilité politique commande aujourd'hui d’actualiser notre législation dans des délais très courts. Que l’opposition s’en émeuve m’étonne, car alors pourquoi n’a-t-elle donc rien fait depuis octobre 2011 ?

Par ailleurs, madame la ministre, vous nous avez donné des garanties fortes et remarquables quant à la transparence, la concertation et l’ouverture dont vous entendez faire preuve dans l’élaboration et la ratification de ces ordonnances.

Avant de conclure, je souhaiterais attirer votre attention sur la nécessaire territorialisation de la démocratie participative et des procédures de consultation directe, gage d’une plus grande proximité et d’une meilleure efficacité de la participation. Les élus locaux ne doivent pas être une nouvelle fois les grands oubliés de la modernisation législative et réglementaire.

Après les états généraux de la démocratie territoriale, nous devons garder en permanence à l’esprit leurs demandes répétées pour que ne soient pas condamnés ou reportés indéfiniment des projets de développement du fait d’un excès de normes et de recours contentieux parfois très médiocrement motivés.

Par conséquent, je souhaite que, dans le dialogue qui va s’instaurer entre l’État et les collectivités, cette préoccupation ne soit jamais mise de côté par le Gouvernement. Le Sénat, représentant de ces mêmes collectivités, est prêt à participer à ce dialogue.

Madame la ministre, compte tenu des engagements que vous avez pris devant nous, de la feuille de route de la Conférence environnementale, qui nous oblige collectivement, compte tenu aussi de l’urgence législative, nous voterons ce texte.

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