Intervention de Roland Ries

Réunion du 6 novembre 2012 à 14h30
Principe de participation du public défini à l'article 7 de la charte de l'environnement — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Roland RiesRoland Ries :

Le Président de la République lui-même pointait ce problème voilà un mois, en conclusion de son discours à la Sorbonne en demandant que « pour tout nouveau texte, toute nouvelle norme soit accompagnée de la suppression d’une autre ». Quelle sagesse, et quel travail en perspective !

Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, et ce « mal français » de la sédimentation normative continue d’alourdir et de rendre de plus en plus difficile le processus décisionnel.

Nos textes de lois, nos décrets d’application, nos règles administratives sont devenus d’une telle complexité et d’une telle opacité – il faut bien le dire – que non seulement ils exigent, pour leur compréhension, l’assistance d’experts, mais ils deviennent également bien souvent des pièges, car les avocats s’engouffrent dans cette complexité normative pour mieux contester l’opportunité de la décision publique elle-même.

En d’autres termes, l’inflation normative aboutit de plus en plus à créer ce qu’on peut appeler des « niches à recours » sur lesquelles se constituent toutes les jurisprudences paralysantes pour la décision publique.

J’ajoute que le principe de précaution, inscrit à l’article 5 de cette même charte de l’environnement, et donc également à valeur constitutionnelle, lorsqu’il est poussé à ses limites, n’est pas non plus de nature à faciliter la décision publique.

Enfin, la méfiance instinctive à l’égard des élus locaux, qui est bien dans la tradition jacobine française, en dépit des lois de décentralisation, contribue, elle aussi, à multiplier les obstacles sous la forme d’un contrôle tatillon et d’une hypertrophie législative et réglementaire.

Et pourtant, mes chers collègues, nous le savons tous, qui mieux que les élus locaux connaît les réactions de leurs administrés, qu’ils côtoient au quotidien et qui les interpellent jour après jour ?

Je vais prendre deux exemples, tirés du Grenelle II : la possibilité de taxer des plus-values foncières liées à l’investissement public dans les projets de transport en commun en site propre, ou TCSP, et la possibilité de mettre en place un péage urbain.

Ces deux dispositions, pourtant votées par une majorité tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, sont restées lettre morte parce que le législateur, notamment notre assemblée, il faut le reconnaître, a mis tellement de conditions à ces mises en œuvre concrètes qu’aucun élu local ne s’y est risqué jusqu’à présent.

La meilleure façon de bloquer toute mise en œuvre, c’est de complexifier et d’instaurer des normes supplémentaires qui font bien évidemment reculer les élus locaux.

Je ne cite que ces deux exemples, particulièrement frappants, mais il y en aurait bien d’autres. Tous démontrent que le mieux est très souvent l’ennemi du bien et que le corset réglementaire est source non seulement de blocages au moment de la décision publique mais également de longs contentieux, lourds pour nos finances publiques, notamment au niveau local.

Madame la ministre, mes chers collègues, dans un monde où tout va de plus en plus vite, à un moment de crise où la déconnexion entre le temps économique et le temps politique est de plus en plus flagrante, il nous faut revoir en profondeur nos modes de fonctionnement en ce qui concerne aussi bien le travail législatif et réglementaire que nos procédures de décision publique.

Moins de lois, des lois plus simples, des procédures transparentes : telles sont, de mon point de vue, les vraies conditions d’une participation accrue des citoyens à la préparation et au contrôle de la décision publique.

Sur tous ces points, madame la ministre, mes chers collègues, il reste beaucoup à faire. C’est une raison de plus pour commencer rapidement, car il est urgent de préparer plus efficacement les décisions publiques grâce à une participation éclairée et responsable du public. J’espère que les états généraux de la démocratie environnementale que vous nous avez annoncés pour le printemps prochain nous permettront d’avancer dans le sens de la simplification, de la cohérence et de la transparence.

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