Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 8 novembre 2012 à 15h00
Journée nationale en mémoire des victimes de la guerre d'algérie et des combats en tunisie et au maroc — Article 1er

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

Par parenthèse, je ferai remarquer que traiter dans un même texte des combats en Tunisie et au Maroc et de la guerre d’Algérie n’est pas tout à fait pertinent, même si les souffrances sont identiques. En effet, la IVe République, que l’on dénigre en général volontiers, avait su décoloniser la Tunisie et le Maroc, mais il est vrai qu'il s'agissait précisément de colonies, et non pas de départements français.

Monsieur le rapporteur, vous avez donc rappelé avec passion ce que fut, pour les appelés du contingent, pour leurs familles, mais aussi peut-être pour les jeunes qui s'apprêtaient à partir à leur tour, le 19 mars 1962.

Mes collègues de l'UMP et l’UDI-UC ont expliqué pourquoi, si nous reconnaissons aux appelés du contingent le droit de revendiquer le 19 mars comme une date majeure dans leur engagement, nous demandons que l’on n’en fasse pas un événement pour la France tout entière, sanctionnant en quelque sorte la fin de la présence de notre pays en Algérie.

En tant qu'ancien ministre de la défense, je puis attester que, pour les militaires, appelés ou de carrière, qui servaient en Algérie, le 19 mars 1962 est la date à compter de laquelle ils ont été obligés de choisir entre l’observation de la discipline et le respect de la parole donnée aux compagnons qui s’étaient engagés avec eux. Ce fut un déchirement pour l'immense majorité de ces militaires, qui a conduit bon nombre d’entre eux à sacrifier leur carrière.

Pour avoir été l’ami de Pierre Messmer, je puis vous dire que ce jour a marqué pour lui une véritable souffrance. Si ce formidable combattant du XXe siècle, au service de la liberté et d'idéaux que nous partageons tous ici, eut un regret, ce fut celui d'avoir donné l'ordre d'abandonner ceux qui avaient accompagné l'armée française. En réalité, personne ne croyait, au printemps 1962, que le départ serait irréversible et que l'autorité de l'État ne pourrait pas s’exercer. C'est pourtant ce qui advint…

C'est la raison pour laquelle le 19 mars 1962 reste, pour l'armée française, une déchirure, conséquence tragique de la primauté de la discipline sur la parole donnée.

Une autre raison me conduit à m’opposer à cet article.

Aujourd'hui, notre pays est riche de sa diversité. Il est riche de ses anciens combattants d'Afrique du Nord, dont nous avons tous évoqué l'engagement au sein de leurs associations. Il est riche de ses pieds-noirs qui ont réussi en métropole. Il est riche, enfin, du regard que nos compatriotes portent sur la formidable œuvre accomplie en terre d'Afrique, en particulier la libération du 15 août 1944.

Mais aujourd'hui, la France compte une catégorie nouvelle de citoyens, qui n’existait pas en 1962 et à laquelle il importe d'apporter une réponse : celle des Français d'origine algérienne, qui sont nos concitoyens, nos frères, mais qui ont une autre histoire. Dans quelques années, un fossé ne risque-t-il pas de se creuser entre nos compatriotes, à propos du 19 mars, en fonction de leur origine ?

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