Intervention de Sophie Joissains

Réunion du 8 novembre 2012 à 15h00
Journée nationale en mémoire des victimes de la guerre d'algérie et des combats en tunisie et au maroc — Article 2

Photo de Sophie JoissainsSophie Joissains :

Ces entretiens, s’ils ont décidé le cessez-le-feu de la part de l’armée française, n’ont jamais eu de valeur ni d’application bilatérale.

Les conclusions des entretiens qui se sont déroulés à Évian portent le nom de « déclarations », sans valeur juridique sur le plan international. De plus, elles ont immédiatement été rejetées par les instances dirigeantes de la rébellion, qui ont désavoué les représentants qu’elles avaient délégués à Évian.

La date du 19 mars correspond donc non pas à un accord international, mais à un cessez-le-feu de l’armée française sur le sol algérien, c’est-à-dire à un cessez-le-feu unilatéral.

Traditionnellement, une telle décision s’apparente à un armistice, conduisant à une interruption des combats entre les deux parties et à la mise en œuvre de procédures, destinées notamment à préserver les populations civiles. En l’occurrence, la décision ne fut mise en œuvre que par le commandement français, qui l’imposa à ses troupes, avec la rigueur d’une organisation militaire conventionnelle. L’armée française reçut l’ordre de s’enfermer dans ses cantonnements et de n’intervenir qu’en cas de légitime défense.

Les instances dirigeantes de la rébellion réfugiées à Tripoli n’ayant pas validé le cessez-le-feu, les combattants de la force de libération nationale ont commencé le massacre des civils et de ceux que la France avait désarmés. À partir du 19 mars et jusqu’à l’exode total des Européens d’Algérie, il y a eu plus de victimes d’origine européenne ou algérienne que durant toute la guerre.

Assassinats et enlèvements ont alors connu une virulence accrue : 3 000 pieds-noirs ont été enlevés et jamais retrouvés. Pour la période antérieure, entre 1954 et 1962, on recense 2 788 pieds-noirs tués et 875 disparus, ce qui, en proportion, fut bien moindre. C’est dire le déchaînement de violence qui a suivi cette date du 19 mars 1962. Nombreux sont les harkis – entre 60 000 et 65 000, selon les chiffres officiels, mais certains vont jusqu’à parler de 150 000 –, désarmés par l’armée française, comme le cessez-le-feu l’exigeait, qui ont péri de façon atroce.

La Direction de la mémoire du patrimoine et des archives du ministère de la défense et des anciens combattants a recensé 386 militaires français qui ont trouvé la mort après le 19 mars 1962.

Quelle belle date à commémorer ! Qui peut raisonnablement penser qu’elle correspond à une paix retrouvée pour toutes les familles de ces victimes ?

Imaginez le cynisme et l’horreur…

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