Intervention de Robert Tropeano

Réunion du 8 novembre 2012 à 15h00
Journée nationale en mémoire des victimes de la guerre d'algérie et des combats en tunisie et au maroc — Vote sur l'ensemble

Photo de Robert TropeanoRobert Tropeano :

En 2002, grâce à la ténacité de plusieurs familles politiques, dont celle des radicaux de gauche, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.

Aujourd’hui, au Sénat, nous sommes face à nos responsabilités. Pour ma part, je considère qu’il est temps de dépasser le tabou, le déni, le silence que l’État a trop longtemps entretenu sur la question de la guerre d’Algérie.

À l’échelon local, nous sommes nombreux à avoir choisi depuis longtemps la date du cessez-le-feu pour rendre hommage à tous les acteurs, à toutes les victimes de ce conflit. Chaque année, le 19 mars, dans de nombreuses communes, notamment la mienne, les élus et les associations d’anciens combattants laissent de côté les clivages et les passions pour permettre ce rassemblement du souvenir.

Oui, c’est vrai, les hostilités se sont malheureusement poursuivies après le 19 mars 1962. Personne ne souhaite oublier les blessures indélébiles infligées aux rapatriés et aux harkis. Terre natale pour les uns, terre ancestrale pour les autres, l’Algérie est encore une plaie ouverte pour beaucoup d’entre eux. On peut et on doit le comprendre. À mon sens, le choix du 19 mars ne retire rien au respect que la France leur doit éternellement.

Désormais, il faut avancer pour acter la réconciliation nationale. C’est l’objectif tacite de la proposition de loi.

Cette réconciliation, nous la devons tout d’abord à la troisième génération du feu, qui a besoin de se retrouver, de se rassembler autour d’une date symbolique ayant du sens et rappelant son retour définitif en métropole. Tous les anciens combattants qui ont été marqués dans leur chair et dans leur cœur par un conflit qui leur était à l’époque souvent étranger, mais néanmoins imposé par le sens du devoir, attendent désormais depuis trop longtemps.

Cette réconciliation, nous la devons aussi aux jeunes générations. Nous, leurs aînés, avons la charge de garantir la transmission d’une mémoire de vérité dépassionnée et objective. Cette exigence que nous devons toujours avoir pour l’histoire de notre pays est aussi, en l’espèce, le moyen de ne pas laisser naître de nouvelles incompréhensions, qui se manifestent parfois là où on ne les attend pas.

Enfin, cette réconciliation, nous la devons aussi à l’Algérie contemporaine. Un passé assumé est la condition de l’approfondissement des relations entre Alger et Paris. Cela vaut dans les deux sens. C’est d’ailleurs le vœu du gouvernement actuel, comme l’a récemment rappelé François Hollande à Dakar. C’était déjà celui de François Mitterrand, lorsqu’il déclarait à Alger, le 1er décembre 1981 : « Le passé est le passé. Regardons maintenant et résolument vers l’avenir. »

Mes chers collègues, en 1999, la guerre d’Algérie a retrouvé son nom. En votant cette proposition de loi aujourd’hui, cinquante ans après ce conflit, nous lui rendons sa mémoire, une mémoire dépouillée de ses traumatismes et commune à toutes les victimes, qu’elles soient militaires ou civiles.

Je rappellerai pour conclure, à la suite de Jean-Jacques Mirassou et de notre rapporteur Alain Néri, que c’est notamment grâce aux appelés du contingent, et à la demande du général de Gaulle, que le putsch d’avril 1961 fomenté par un quarteron de généraux n’a pas abouti. Comme notre collègue René Garrec, je faisais partie de ces appelés d’Algérie qui ont passé vingt-huit mois dans les Aurès.

Oui, ces appelés ont sauvé nos institutions républicaines, et ce serait leur rendre hommage que de reconnaître le 19 mars comme date officielle de la fin de la guerre d’Algérie ! Aussi, le RDSE votera-t-il majoritairement pour cette proposition de loi.

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