Monsieur le secrétaire d’État, en janvier dernier, ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin attirait déjà l’attention de M. le secrétaire d’État chargé des transports sur l’absurdité du projet de transfert du SETRA à Sourdun, en Seine-et-Marne.
Dans sa réponse, M. Bussereau indiquait : « Le site de Sourdun, que je ne connaissais pas, mais que j’ai découvert aux côtés du Président de la République, doit permettre au SETRA de rester un service d’études d’excellence. »
Depuis, la publication au début du mois d’avril dernier de l’étude de faisabilité réalisée par le MEEDDAT, le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, est venue bousculer quelque peu cette belle certitude.
Rappelons que, en octobre 2008, les agents du service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements, le SETRA, ont appris leur délocalisation vers Sourdun, en lieu et place de Marne-la-Vallée, où ce service de l’État devait rejoindre un pôle scientifique et technique de visibilité mondiale et pour lequel des investissements et aménagements avaient déjà été engagés par les collectivités territoriales concernées. L’étude de faisabilité, réalisée postérieurement à cette annonce, précise d’ailleurs : « Par ses missions, le SETRA s’inscrit complètement dans les défis du Grenelle de l’environnement et dans le pôle scientifique et technique de Marne-la-Vallée. »
Ce changement brutal et arbitraire, annoncé sans concertation des salariés comme des collectivités territoriales, paraît clairement incohérent sur le plan tant économique qu’environnemental.
Dans le même ordre d’idée, le 26 mars dernier, Christian Blanc, évoquant le projet du Grand Paris, déclarait au Figaro : « À l’est de Paris, nous avons décelé, autour de la cité Descartes à Champs-sur-Marne, un potentiel pour créer un pôle spécialisé dans la croissance verte et le développement durable. » Je ne sais pas qui l’a décelé. Apparemment, ce n’est pas le MEEDDAT !
Le SETRA y a bien toute sa place. Son transfert à Sourdun est donc, je persiste à le dire, une ineptie.
Et le Gouvernement, qui ne semble pas être à une incohérence prêt, en rajoute.
En effet, le fameux « bâtiment paysage », baptisé « XXL », qui devait accueillir le SETRA dans le pôle de Marne-la-Vallée, financé par des crédits publics, se trouve inutilisé. Il faut donc le remplir. En conséquence et, comme d’habitude, sans la moindre concertation avec les intéressés, c’est maintenant l’Institut d’urbanisme de Paris, l’IUP, qui dépend de l’université Paris 12-Val-de-Marne, qui devrait remplacer le SETRA. C’est un jeu de chaises musicales, mais pas très amusant.
Le projet « XXL » n’a pas été prévu pour un usage universitaire. Il nécessiterait des modifications très coûteuses et suscite déjà une vive contestation des professeurs concernés, qui ne voient, en cet énième avatar du départ du 2e régiment de hussards de Sourdun, aucune amélioration de vie et de travail de l’IUP.
J’en reviens à Sourdun. L’étude de faisabilité annonce que des aménagements importants doivent désormais y être effectués, dont une grande part est à la charge des collectivités territoriales. L’étude précise également que « les agents du SETRA ne pourront raisonnablement travailler à Sourdun sans déménager. Dès lors, se posent les questions d’accès au logement, de recherche d’un nouvel emploi pour le conjoint [...] ».
Sur le plan environnemental, les effets de ce transfert seront catastrophiques : les salariés du SETRA effectuent 12 000 déplacements professionnels par an, participent à 1 200 réunions et accueillent 4 000 visiteurs par an, venant de province, voire de l’étranger. Concernant ces visiteurs, l’étude reconnaît « qu’ils ne se rendront vraisemblablement pas à Sourdun pour des réunions d’une durée inférieure à la journée et dans une fréquence moindre qu’aujourd’hui et qu’il paraît donc indispensable de prévoir des lieux d’accueil du SETRA sur la région parisienne », notamment à Paris et à Marne-la-Vallée ! Vous connaissez, monsieur le secrétaire d’État, le coût des locations dans cette région !
Pour s’y rendre, les salariés devront faire l’aller-retour entre Sourdun et Paris, soit près de 200 kilomètres par réunion. Un comble pour un service dépendant du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui avait réussi à optimiser son bilan carbone en 2008 !
Sur le site même de Sourdun, les retombées économiques de ce transfert sont d’autant plus discutables que moins de 10 % des salariés concernés se déclarent aujourd’hui prêts à y suivre le SETRA. Depuis l’annonce de cette délocalisation, le SETRA a déjà perdu cinquante agents qui ont, soit anticipé leur départ en retraite, soit été mutés vers un autre service, et une trentaine de départs sont prévus d’ici à la fin de ce mois. L’hémorragie sera bien pire l’année prochaine.
Je souhaiterais conclure, monsieur le secrétaire d’État, en citant le dossier de presse présentant les mesures d’accompagnement territorial liées aux restructurations de défense à Sourdun et Provins, rédigé pour votre visite sur place, le 27 août 2008 : « Ces délocalisations doivent répondre à un double objectif : territorial d’abord, en concernant en priorité les villes fortement touchées ; d’efficacité ensuite. Il s’agit non de créer de nouvelles charges de structures, mais de rechercher, par ces nouvelles opportunités, des formes d’organisation qui soient gagnantes pour tous. »
Ces conditions étant loin d’être remplies sur le site de Sourdun, je souhaiterais connaître les éléments probants qui peuvent encore aujourd’hui justifier à vos yeux, monsieur le secrétaire d’État, la cohérence et le caractère indispensable de ce transfert contraire au principe de développement durable et extrêmement coûteux, dans une période où aucune piste d’économie budgétaire n’est à délaisser.