Monsieur le secrétaire d'État, le golfe d’Aden est le deuxième axe de transport maritime au monde avec un flux de 16 000 navires par an. C’est notamment 30 % du pétrole brut mondial qui transite à cet endroit. Cette route maritime, passant par le canal de Suez, est donc capitale pour le commerce international.
Les coûts de transport de fret, déjà fortement compressés par une concurrence qui conduit souvent à faire de la sécurité des navires une variable d’ajustement, sont affectés par le développement de la piraterie en mer.
L’économie de la pêche est touchée. Je rappelle à cet égard que les quatre cinquièmes de la production de thon tropical proviennent de l’océan Indien.
L’enjeu est aussi humanitaire, car cette zone est empruntée par les navires du PAM, le programme alimentaire mondial, qui sont mis en difficulté pour ravitailler les Somaliens.
Les actes de piraterie ont doublé entre 2007 et 2008. La France a été durement touchée, la Bretagne en particulier.
Face à cette recrudescence, l’Union européenne a réagi, à travers le lancement de l’opération Atalanta, prévue jusqu’à décembre 2009.
Cette opération permet de protéger les navires marchands ou ceux qui sont affrétés par le programme alimentaire mondial. Elle a également vocation, en tant que réponse militaire, à créer un contexte de dissuasion.
Le bilan dressé par le contre-amiral Philip Jones, le 13 mai dernier à Bruxelles, souligne les évolutions positives que cette opération a entraînées : l’escorte systématique des navires du PAM, l’encouragement des compagnies maritimes à organiser des navigations groupées, mais aussi la capture de cinquante-deux pirates, ainsi que l’interception de plusieurs navires « mères » qui servaient de base logistique.
Ces mesures participent aussi à démontrer que la navigation sous l’égide d’un pavillon européen est synonyme d’atouts, et non de contraintes, comme peuvent le laisser entendre les nombreux armateurs qui font le choix d’immatriculations complaisantes.
La coopération entre le Kenya et l’Union européenne en témoigne, car elle a permis de créer un appareil juridique qui autorise la poursuite et l’emprisonnement des pirates sévissant dans le golfe d’Aden.
On peut cependant craindre que le déploiement militaire européen n’ait qu’un effet limité ou ponctuel sur le phénomène, car il nous faut rappeler l’état d’extrême pauvreté dans lequel se trouve la population somalienne.
Il convient donc, certes, de s’attaquer aux causes profondes de la piraterie, mais aussi combattre la misère.
Le retrait total de l’État somalien dans l’exercice de ses missions régaliennes fait de ces côtes un terrain propice au développement des organisations mafieuses.
Cette situation favorise le passage d’une piraterie spontanée à une piraterie organisée où la sophistication croissante des moyens employés nécessite une réponse, elle aussi, de plus en plus sophistiquée.
Les pirates sont ainsi dotés d’une logistique pilotée de l’intérieur des terres somaliennes et utilisent également des bases extraterritoriales qui rendent d’autant plus difficile leur identification.
Cette dilution et ce développement laissent craindre une progression exponentielle du phénomène si la réponse n’est pas rapide et adaptée.
La priorité de l’opération militaire est en premier lieu aujourd’hui de protéger les bateaux du PAM et de la flotte de pêche, mais je souhaiterais connaître les mesures qui seront prises par la France afin d’assurer à plus long terme la protection de l’ensemble des navires vulnérables, étant entendu que le succès de ces opérations, tant dans le cadre d’Atalanta que de la marine française, dépendra des ressources militaires qui seront mises à leur disposition, y compris de la possibilité de mobiliser des unités telles que le GIGN, dépendant certes maintenant du ministère de l’intérieur, mais toujours militaire et spécialement formé à la prise d’otages.