Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’exercice auquel nous sommes soumis dans le cadre de l’examen du PLFSS pour 2013 est difficile, car il est très contraint. Les marges de manœuvre financières sont serrées, mais l’enjeu est bel et bien de définir une politique plus juste. Gageons qu’il s’agit là d’un projet de loi de financement intermédiaire, qui permettra d’assainir progressivement la situation économique grevée par les erreurs et les déficits accumulés par les précédents gouvernements de droite, quoi qu’en pense M. Bas. C’est en tout cas un PLFSS responsable et solidaire.
Malgré tout, le projet de loi de financement pour 2013 accompagne de grandes orientations sociales visant par exemple à assurer une retraite digne à nos concitoyennes et à nos concitoyens, un égal accès aux soins, une meilleure protection des salariés et un soutien renforcé des familles modestes.
Au total, 600 millions d’euros supplémentaires ont été crédités à la branche famille afin de limiter l’ampleur du déficit à 2, 7 milliards d’euros au lieu de 3, 3 milliards d’euros. Ce n’est pas rien !
Des mesures nouvelles sont proposées par le Gouvernement, malgré le contexte tendu, afin de soutenir les familles, notamment les plus exposées à la crise.
Le Gouvernement propose ainsi une méthode et des objectifs afin d’adapter l’offre en matière d’accueil de la petite enfance. Mme la ministre Dominique Bertinotti a par exemple engagé une concertation avec l’ensemble des parties prenantes, non seulement les parents, mais aussi les professionnels et les élus, dans quatre régions françaises métropolitaines. Il s’agit de mieux appréhender les besoins des familles, de faire connaître les bonnes pratiques locales afin, ensuite, de définir les axes prioritaires qui seront intégrés à la convention d’objectifs et de gestion qui sera conclue entre l’État et la CNAF pour la période 2013-2016.
Cette méthode est prometteuse, car il existe de fortes disparités dans les territoires tant en termes de qualité des réponses proposées que de places disponibles. On constate ainsi un écart allant de 26 à 76 places d’accueil pour 100 enfants selon les territoires. Les concertations locales permettront de s’appuyer sur des expériences concrètes qui pourront être analysées, voire généralisées. Cette méthode est la bonne, elle a fait ses preuves.
Les objectifs sont non seulement quantitatifs, mais également qualitatifs, car augmenter le nombre global de places d’accueil ne suffit pas. Il faut adapter l’offre aux lieux de vie des familles et combiner les réponses le plus souvent. Il faut aussi poursuivre la professionnalisation des personnels en charge de la petite enfance. Ces réponses doivent se construire avec l’ensemble des acteurs locaux impliqués.
L’État jouera, en lien avec la CNAF, les collectivités et les familles, son rôle stratégique de cadrage de la politique globale en matière d’accueil de la petite enfance et garantira un accès équitable à ces services sur l’ensemble du territoire national. Agir ainsi, c’est permettre aux parents d’exercer une activité professionnelle. C’est aussi concourir à l’égalité entre les femmes et les hommes sur le plan professionnel et dans la prise en charge des responsabilités familiales.
Parallèlement, le PLFSS pour 2013 vient en aide aux familles modestes confrontées à des difficultés pour financer l’accueil de leurs enfants.
Aujourd’hui, les familles doivent faire l’avance des frais de garde pour l’assistante maternelle ou pour la garde à domicile, en attendant le remboursement de l’aide de la CAF à terme échu. Il est proposé ici de mettre en place, à titre expérimental pour une durée de deux ans, un système de tiers payant pour les ménages ayant des ressources inférieures au montant du RSA dans un premier temps. L’aide de la CAF sera alors versée directement à la salariée. La famille s’acquittera du solde de la rémunération auprès d’elle. Cette mesure sera particulièrement appréciée des familles qui confient leur enfant à une assistante maternelle, notamment en milieu rural, où ce mode d’accueil est le plus fréquent. Nous ferons bien sûr un bilan de cette expérimentation avant de la généraliser.
Voici une méthode qui mérite de devenir plus systématique afin d’innover dans le secteur social : expérimenter grandeur nature, évaluer, analyser avant, le cas échéant, de généraliser.
Une autre mesure est proposée, à la suite des travaux de l’Assemblée nationale, en faveur des familles surendettées risquant d’être expulsées de leur logement. Il s’agit de permettre le rétablissement automatique de toutes les allocations logement, à l’instar de l’aide personnalisée au logement, dès lors qu’un dossier de surendettement est jugé recevable. Le rétablissement de ces droits devrait permettre à ces ménages une sortie plus rapide de l’ornière financière dans laquelle elles se trouvent.
Toutefois, une politique en faveur des familles ne se résume pas aux mesures inscrites à la branche familles du PLFSS. Chaque budget doit pouvoir supporter la part relative aux actions en faveur des enfants, des jeunes et des familles relevant de ses responsabilités. Ainsi, le Fonds national de financement de la protection de l’enfance prévu pour soutenir la politique de protection de l’enfance assurée par les conseils généraux ne peut être abondé uniquement par le budget de la sécurité sociale. En effet, la prise en charge par les départements des mineurs isolés étrangers impacte leurs budgets alors même que ce jeune public relève principalement des politiques liées à l’entrée sur le territoire. Je me réjouis d’ailleurs des discussions qui se sont enfin engagées entre l’Assemblée des départements de France et les ministères concernés afin de trouver des solutions adaptées à la prise en charge de ces jeunes et tenables pour les départements.
Une politique en faveur des familles ne se réduit pas non plus à une politique nataliste. Ce doit être un engagement global misant fortement sur la jeunesse, sur l’avenir. Elle doit prendre en compte les familles dans toute leur diversité, de composition, de lieu d’habitation, de parcours de vie, de niveau de revenus, d’origines culturelles, d’état de santé. Les familles doivent pouvoir trouver des réponses adaptées à leurs besoins tout au long de leur vie et sans discrimination.
Toutes les mesures votées ou actuellement en discussion visant à favoriser l’égalité entre les familles, d’une part, et entre les femmes et les hommes, d’autre part, sont autant de jalons qui construisent l’environnement familial et sociétal de notre jeunesse. Car tout se tient !
L’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, soit une hausse de plus de 70 euros par enfant, a été un signe fort pour les trois millions de familles les plus modestes qui en ont bénéficié. Elle a concerné, dans une large majorité, des familles monoparentales. Dans 85 % des cas, ce sont les mères qui sont à la tête de ces familles. De même, se reposer la question de la scolarisation en maternelle dès l’âge de deux ans constitue un axe fort d’une politique familiale plus juste.
Par ailleurs, le PLFSS pour 2013 corrige une iniquité flagrante à l’égard des familles homoparentales, laquelle a d’ailleurs été signalée par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE. À la suite des travaux de l’Assemblée nationale, un amendement visant à créer un « congé de paternité et d’accueil de l’enfant » sera discuté. Il vise à permettre au compagnon ou à la compagne de la mère qui sera présent lors de l’arrivée de l’enfant de bénéficier de ce congé rémunéré de plein droit.
L’ensemble des mesures d’aide aux familles joue incontestablement un rôle de redistribution, particulièrement en temps de crise. Les collectivités locales, notamment via les centres communaux d’action sociale, les CCAS, soutenus notamment par le milieu associatif, complètent l’aide apportée aux familles rencontrant d’importantes difficultés.
Il nous faudra résolument poursuivre nos efforts pour que les familles les plus modestes soient davantage aidées, comme l’a d’ailleurs souligné Mme la rapporteur Isabelle Pasquet. Je pense notamment aux familles monoparentales, qui sont les plus exposées financièrement, comme le montre le rapport annuel du Secours catholique publié la semaine dernière. Il vaut mieux aider précocement plutôt que de compenser ensuite par des mesures de protection de l’enfance très coûteuses financièrement, mais aussi socialement. Je pense également au congé de maternité, dont sont privées les femmes en situation de précarité face à l’emploi, car elles n’ont pas suffisamment droit aux indemnités journalières. Dans le département de la Loire-Atlantique, la CAF et la CPAM estiment que ces femmes étaient au moins 10 % en 2011. Il nous faut revoir cette question afin de favoriser une plus grande équité.
Nous devons repenser notre système d’aide aux familles afin de renforcer ses fonctions de redistribution et de réduction des inégalités, comme le préconise d’ailleurs la Cour des comptes dans son rapport pour 2012. Une remise à plat s’impose pour redonner une cohérence d’ensemble aux différentes aides. La Cour des comptes insiste sur la nécessité de revoir l’économie d’ensemble des prestations familiales sous conditions et modulables en fonction des ressources des ménages, d’une part, en renforçant l’aide aux familles vulnérables et, d’autre part, en réformant la prestation d’accueil au jeune enfant en ciblant plus étroitement les familles bénéficiaires.
Je souscris tout à fait à ces préconisations, qui vont dans le sens d’une plus grande justice redistributive, car les familles nous attendent.