Intervention de Catherine Procaccia

Réunion du 12 novembre 2012 à 21h45
Financement de la sécurité sociale pour 2013 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Catherine ProcacciaCatherine Procaccia :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai entendu tout à l’heure les déclarations de Mmes Touraine et Bertinotti sur les priorités du projet de loi de financement de la sécurité sociale en matière de famille, mais je demeure frappée par l’indigence du texte sur le sujet. Si je devais qualifier ce budget, j’emploierais volontiers l’adjectif « vide ».

Vide, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale l’est d’un point de vue textuel, puisque seuls deux articles concernent la famille.

Vide, il l’est également d’un point de vue financier. Les 400 millions d’euros de recettes votés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative de cet été ont été intégralement dépensés dans l’éphémère augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, déjà été oubliée par tous. En outre, vous n’avez pas cherché à réduire le déficit de la branche, ni à présenter des mesures plus ambitieuses.

J’ai été également très étonnée de découvrir votre position sur la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, la TSCA, pour les contrats d’assurance maladie dits « responsables et solidaires » ; vous vous êtes résignés à son maintien alors que vous étiez farouchement opposés au mécanisme. Je le rappelle, l’an dernier, la commission avait déposé un amendement – je salue M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, qui en avait pris l’initiative – tendant à la suppression du dispositif. Ayant toujours été hostile à cette taxe, parce que ce sont les assurés qui, je le répète, paient le surcoût, je vous aurais suivi avec plaisir dans cette voie, même s’il s’agissait d’une des propositions du candidat Hollande. Cependant, pour l’instant, il n’y a rien sur la TSCA !

Je voudrais faire plusieurs remarques concernant les dépenses.

Tout d’abord, le versement en tiers payant du complément mode de garde pour les familles modestes recentre les problématiques d’accueil des jeunes enfants et du choix du mode de garde par leurs parents. J’y suis favorable.

J’en profite pour souligner l’action volontariste du gouvernement de François Fillon, qui aura tenu son engagement d’atteindre 200 000 places d’accueil, dont la moitié en accueil collectif.

La garde à domicile demeure le mode de garde le plus répandu, en raison, d’une part, de la souplesse qu’il offre sur l’ensemble du territoire et, d’autre part, de la flexibilité de ses horaires, plus importante qu’en accueil collectif. Toutefois, c’est aussi le mode le plus coûteux pour les parents. À cet égard, je crains les conséquences du tour de vis donné à la niche « nounou ». §

En effet, le projet de loi table naïvement sur l’hypothèse que les familles vont conserver leurs modes de garde et les mêmes modalités de paiement. Or il n’en sera rien. En touchant au crédit d’impôt, vous allez démolir le vecteur fiscal qui a permis de lutter en partie contre le travail dissimulé. Il est donc réaliste de prévoir un retour aux pratiques de fraude et de travail non déclaré, qui étaient si répandues avant l’adoption de la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

De nombreux parents qui ont déjà énormément de difficultés pour trouver une nounou qui accepte d’être déclarée – car telle la réalité en région parisienne, dans mon département et dans ma commune ! – vont revenir au système D, en déclarant moins d’heures ou en optant pour un tarif plus faible.

En Espagne, où le même dispositif a été voté récemment, le volume mensuel d’heures de travail déclarées des nourrices a diminué de 30 %. Cette mesure aura pour conséquence immédiate de faire basculer dans l’illégalité plusieurs milliers de salariés, ainsi que les entreprises spécialisées les employant, et de diminuer les rentrées fiscales. C’est le contraire de l’objectif visé !

En outre, je crains que cela ne touche de plein fouet les femmes, plus encore les femmes seules, car le surenchérissement du coût incitera celles qui perçoivent les salaires les plus modestes à rester chez elles, les éloignant ainsi un peu plus de l’emploi.

À mon avis, vous roulez à contresens, et à grande vitesse. C’est dangereux. Vous allez provoquer un accident démographique en remettant en cause un élément important de la politique familiale.

Un dernier point a attiré toute mon attention et m’a d’autant plus surprise qu’il n’a pas sa place dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, me semble-t-il. Je parle du congé de paternité et d’accueil de l’enfant. Plusieurs ministres l’ont évoqué pour s’en féliciter.

Or une telle transformation, adoptée par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, me paraît prématurée. Le conseil des ministres vient d’adopter votre projet de mariage entre personnes de même sexe ; le texte devrait être débattu dans quelques mois au Parlement. Non seulement cela constituerait un cadre juridique plus approprié que le PLFSS, mais, en plus, vous n’anticiperiez ainsi pas sur des dispositions souhaitées par une minorité de personnes et que vous voulez opposer à toutes les familles.

Et je n’évoque pas les aspects juridiques d’une telle disposition. En reconnaissant le rôle du ou de la partenaire de la mère en matière de congé, vous niez totalement le père naturel de l’enfant, qui peut, lui aussi, vouloir contribuer à l’accueil de ce dernier. Qui arbitrera ce conflit ? Quels en seront les recours ? Telles sont les raisons pour lesquels, avec mes collègues, nous souhaitons la suppression de cet article.

Enfin, et même si ce point ne relève pas formellement de la branche famille, je souhaite terminer mon intervention sur la contraception des mineures. La limite minimale à quinze ans me paraît incompréhensible. Préférez-vous qu’une jeune fille âgée de quatorze ans et quelques mois soit obligée de subir une IVG plutôt que de rembourser ses contraceptifs ?

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