Intervention de Jean-Étienne Antoinette

Réunion du 12 novembre 2012 à 21h45
Financement de la sécurité sociale pour 2013 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Étienne AntoinetteJean-Étienne Antoinette :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le thème de la transition semble être le fil conducteur de la discussion de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Tout d’abord, on constate une amélioration, puisqu’à un héritage financier catastrophique succède un effort important de redressement des comptes sociaux.

Ensuite, on note une temporisation, car s’il reprend nombre d’objectifs formulés par le Sénat, ce texte ne porte pas encore les réformes d’ampleur nécessaires au renforcement de notre protection sociale. Cependant, en laissant du temps au Haut Conseil du financement de la protection sociale, ce projet de budget pour 2013 propose des mesures importantes pour protéger notre système de santé contre les atteintes qui lui ont été portées. C’est donc bien de rénovation qu’il s’agit.

Enfin, on remarque une transition dans l’examen législatif. La tension que les élus d’outre-mer connaissent particulièrement bien entre les préoccupations sociales légitimes, les solutions que l’on pense les mieux adaptées pour améliorer la condition de nos concitoyens et la nécessaire solidarité avec un Gouvernement que l’on souhaite toujours plus à l’écoute menace de réduire la discussion de ce texte devant notre assemblée à un bref épisode entre deux prises de décisions de nos collègues du Palais-Bourbon.

Ce risque me conduit à évoquer plus particulièrement deux mesures sur lesquelles je souhaite attirer l’attention.

Il s’agit, tout d’abord, du financement de l’hôpital.

À raison, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 abroge la convergence tarifaire et reporte l’application de la tarification à l’acte.

À raison encore, ce budget double la dotation destinée au Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés et illustre la priorité donnée à l’hôpital.

Il me revient cependant d’insister une nouvelle fois sur la faiblesse de la prise en compte du caractère singulier de la situation des établissements de santé en outre-mer.

L’offre de soins dans ces départements est plus qu’insuffisante, les difficultés y sont multipliées par les charges qui restent bien supérieures à celles qui sont supportées par les établissements métropolitains : frais des évacuations sanitaires de la Guyane vers la Martinique ou la métropole, difficultés de recrutement de praticiens spécialistes, indemnités de vie chère des personnels...

Est-il encore besoin de rappeler ce qui fait le surcoût financier des entreprises de santé en outre-mer ?

Un exemple suffit pour illustrer les conditions d’exercice budgétaire proprement hallucinantes du centre hospitalier de Cayenne : le mètre cube d’oxygène liquide revient à 9 800 euros, alors qu’il coûte environ 300 euros en métropole. Le surcoût dépasse ainsi 1 million d’euros pour le budget annuel de cet établissement.

Il paraît donc nécessaire que la revalorisation du coefficient géographique correcteur et la répartition du financement des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation se réalisent et tiennent compte des besoins des acteurs locaux de santé pour une offre de soins d’une qualité identique sur l’ensemble du territoire.

Les praticiens ont chiffré à 30 % le coefficient géographique, contre 26 % aujourd’hui, en Guyane, mais également en Martinique ou en Guadeloupe. Cette mesure nécessaire pour éviter l’étranglement financier des centres de soins dans les départements français d’Amérique aura-t-elle une traduction d’ici au mois de mars prochain ?

Par ailleurs, comme dans de nombreuses régions de France, la démographie médicale est sinistrée en outre-mer, notamment en Guyane.

Si, en dehors des différentes incitations financières visant à augmenter l’attractivité d’un territoire vis-à-vis des professionnels de santé, les réponses à apporter interviennent sur plusieurs champs qui vont bien au-delà du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, il est important que cette problématique soit avancée comme une priorité lors de nos débats.

L’offre de soins étant déterminée par l’État, au moyen, notamment, du numerus clausus et de différents schémas d’organisation, peut-être faudrait-il utiliser la voie législative pour mieux organiser, de manière plus égalitaire, la répartition de cette offre de soins sur le territoire français.

Je pense qu’il est inutile de rappeler que les inégalités de santé ont, elles aussi, un impact défavorable sur les dépenses : une prise en charge tardive des patients alourdit le coût de leur traitement.

La seconde transition que je souhaite aborder est celle du régime de cotisation des particuliers employeurs. Le Gouvernement avance de sérieux arguments en faveur de la suppression de l’assiette forfaitaire : l’abrogation de cette niche fiscale qui ne renforce pas la protection sociale des employés se justifie au regard de son coût.

Toutefois, la suppression de la possibilité de choisir la cotisation forfaitaire entraînerait celle d’autres régimes spéciaux fondés sur cette possibilité. Dans les départements d’outre-mer, la cotisation sociale forfaitaire due pour l’emploi à domicile était établie, depuis 1994, sur une assiette de 0, 76 SMIC dans les Antilles et la Guyane et de 0, 4 SMIC à la Réunion.

L’étude d’impact du PLFSS pour 2013 reste muette sur les conséquences de l’application de cette abrogation générale dans les départements d’outre-mer, qui bénéficiaient de ce régime forfaitaire avantageux. Madame la ministre, je ne peux penser que vous ne serez pas attentive à cette situation particulière, et j’espère donc que vous conserverez le dispositif en l’état, au moins jusqu’à la réception des travaux du Haut Conseil du financement de la protection sociale au printemps prochain, ou d’une étude circonstanciée des effets de l’abrogation de cette cotisation forfaitaire dans les départements d’outre-mer.

Enfin, je souhaite aborder la question du pouvoir d'achat des retraités, qui fait l’objet de plus de débats encore que celui des autres citoyens. En effet, l’augmentation de la pauvreté des personnes âgées conduit de plus en plus de retraités à poursuivre une activité professionnelle au-delà de 70 ans. Cette situation remet en cause le principe même de la protection sociale dans notre démocratie.

L’évolution est particulièrement problématique dans les outre-mer : alors même que le coût de la vie y est élevé, les seniors doivent faire face à une baisse brutale de leurs revenus du fait de la suppression de la majoration de 40 %, qui s’ajoute au manque à gagner résultant du mode de calcul de la pension. La pauvreté étant un déterminant de la santé, si nous n’opérons pas rapidement une transition permettant une hausse du niveau de vie des seniors, il y aura inéluctablement à terme un impact négatif sur les dépenses de santé, d’autant que les seniors représentent une part croissante de la population.

La transition entre notre protection sociale actuelle et celle que nous souhaitons pour les années à venir doit se traduire par une amélioration. L’offre de soins, déjà à l’agonie en outre-mer, ne saurait résister à une nouvelle dégradation.

En conclusion, je voterai le PLFSS pour 2013, mais je resterai vigilant quant aux réponses du Gouvernement aux préoccupations que je viens d’exposer.

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