Depuis plusieurs mois, la mobilisation au sein des IUFM, les instituts universitaires de formation des maîtres, – par exemple à l’IUFM de Laon, dans l’Aisne – témoigne de la très forte inquiétude des futurs enseignants et de leurs professeurs à l’égard du projet de réforme de la formation des métiers de l’enseignement.
Le système des IUFM peut, évidemment, être amélioré, mais il a aujourd'hui le mérite d’offrir aux futurs enseignants un cursus équilibré, fondé sur deux piliers : d’une part, l’enseignement théorique des savoirs et, d’autre part, l’apprentissage du métier d’enseignant grâce à une année au cours de laquelle les enseignants stagiaires alternent formation universitaire et formation professionnelle en situation, c’est-à-dire devant les élèves.
La réforme proposée aujourd'hui suscite quatre inquiétudes.
La suppression de l’année de formation en alternance, dite « année de stage », sous le statut de fonctionnaire stagiaire rémunéré permettra incontestablement de réaliser des économies pour le budget de l’État. Mais, parallèlement sera détruit un fonctionnement équilibré qui, associant formation théorique et formation professionnelle, a pour avantage de doter les futurs enseignants des connaissances théoriques nécessaires et des méthodes pédagogiques permettant la transmission de ces connaissances.
Une inquiétude existe quant à la première année de prise de fonction, qui reposerait sur une alternance entre deux tiers de temps en classe et un tiers en formation continue, alors que la proportion était jusqu’à présent inverse.
La deuxième inquiétude résulte du recrutement au niveau master 2. Quel sera le contenu de ces masters ? Existera-t-il un cadrage national garantissant une unité des formations sur l’ensemble du territoire ?
La troisième inquiétude que génère cette réforme n’est pas la moindre : la suppression de l’année de stage rémunérée n’emporte pas seulement la disparition d’une année de pratique pourtant nécessaire ; elle sonne le glas d’un système de recrutement démocratique, qui offrait aux jeunes de tous milieux la chance d’accéder à la fonction enseignante et, par voie de conséquence, à une promotion sociale et à un surcroît de dignité. Quels seront ceux qui pourront dorénavant s’offrir le sacrifice, ou plutôt le luxe, de trois années d’études supplémentaires ?
La quatrième inquiétude vise la disparition du maillage territorial que formaient les IUFM dans chaque département. Dans l’Aisne, l’IUFM comprend ainsi une soixantaine de formateurs – professeurs d’IUFM et maîtres formateurs – qui assurent la préparation au concours de 180 PE1, la formation professionnelle de 172 PE2 – professeurs des écoles stagiaires –, la formation continuée des nouveaux enseignants titulaires – 135 T1, 100 T2 – et des enseignants en poste dans le département, ce qui représente au total 4 668 journées-stagiaires pour l’année.
Ne sommes-nous pas confrontés à la perspective de la disparition totale à Laon du pôle universitaire de formation des maîtres, avec toutes les conséquences sociales, économiques, culturelles et humaines qui en découleraient pour la ville et le territoire ? Je n’évoquerai pas en cet instant les interrogations du conseil général de l’Aisne, propriétaire des bâtiments, qui a investi plusieurs centaines de milliers d’euros depuis 1997.
Monsieur le ministre, bien des interrogations et des inquiétudes demeurent aujourd'hui. Quels éléments de réponse pouvez-vous nous apporter ? Il y va de l’avenir de l’école républicaine.