La conjoncture financière très instable justifie l'examen de cette proposition de résolution européenne par notre commission. La mise en place de l'union bancaire à l'échelle de la zone euro fait partie, depuis le sommet de la zone euro et le Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, des principales solutions esquissées pour résoudre la crise de la monnaie unique. Elle est l'une des grandes priorités politiques de l'Union européenne.
L'union bancaire vise à briser un cercle vicieux et décorréler le risque souverain et le risque bancaire. Il s'agit dans un premier temps de relever le niveau d'exercice de la supervision bancaire en la confiant à la Banque centrale européenne (BCE), possibilité déjà prévue par le traité. Un superviseur européen serait à la fois plus efficace et moins suspect d'éventuels conflits d'intérêts. L'union bancaire comprend deux autres piliers : un cadre unique de résolution des défaillances bancaires, et un système de garantie des dépôts.
L'union bancaire est un acte politique fort des Européens pour sortir à la fois de la crise des dettes souveraines et de la crise bancaire. Cette proposition de résolution européenne, adoptée à l'unanimité par la commission des affaires européennes, montre la détermination du Sénat à engager le débat au niveau national, pour en identifier les enjeux, les avantages et les conséquences de long terme.
Je n'ai rien retranché du texte de Richard Yung. En introduction, celui-ci rappelle notre dernière résolution européenne sur la réglementation prudentielle bancaire. Il est en effet utile, alors que les Etats-Unis viennent de reporter la mise en oeuvre de Bâle III, d'évoquer le contexte général et les nécessités du financement des entreprises et des collectivités territoriales. Je propose de préciser les raisons d'être et l'objectif de l'union bancaire : mettre un terme aux soupçons sur la solidité du secteur bancaire européen en harmonisant les pratiques de supervision. A cet égard, la conduite de tests de résistance par les superviseurs nationaux a jeté un doute sur la qualité et l'impartialité de certains d'entre eux vis-à-vis des banques qu'ils contrôlent. L'introduction précise enfin que le projet d'union bancaire comprend trois volets, et que le mécanisme de supervision unique (MSU) en discussion pourra ensuite être complété par un cadre commun de résolution des crises bancaire et par un système de garantie des dépôts.
Premier point de la proposition de résolution : se déclarer favorable au principe de l'union bancaire et prendre acte du calendrier. Il me semble utile de rappeler que la Commission s'inscrit dans la droite ligne des conclusions du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012. Un nouvel alinéa exprime le souhait que le mécanisme de surveillance unique (MSU) soit opérationnel, même partiellement, dès la première moitié de l'année 2013.
Le champ des établissements bancaires concernés est un enjeu de la négociation à l'échelle européenne. La France, avec la Commission européenne, a toujours été favorable à une intégration de l'ensemble des banques. L'Allemagne souhaite que soient seules concernées les banques systémiques, pour protéger, dit-on, ses banques régionales et caisses d'épargne locales, pour certaines moins solides, et toutes politiquement sensibles. Je partage avec Richard Yung le principe de l'intégration de toutes les banques dans le mécanisme de supervision. Son texte précise que même dans le cas probable d'une mise en place graduelle du dispositif, l'objectif reste celui d'une couverture complète. Il s'agit ici d'assurer le jeu égal de la concurrence : les crises bancaires européennes les plus graves ont frappé des établissements non systémiques, comme Bankia ou Northern Rock.
Il s'agit également d'un intérêt stratégique pour la France : son réseau étant très concentré, la couverture des seules banques systémiques placerait l'ensemble de ses établissements sous la supervision de Francfort, tandis qu'en Allemagne, seule la Deutsche Bank le serait ! Le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, l'a d'ailleurs rappelé lors de son audition par notre commission des finances le 16 octobre 2012 : « si la supervision européenne ne devait viser que les grandes banques, la France devrait s'y opposer ».
Je ne propose pas de modifications au texte de Richard Yung s'agissant des règles internes de la BCE en tant que superviseur.
La France soutient le principe d'une responsabilité de la supervision confiée à la BCE. Toutefois, comme le système européen des banques centrales, le système européen des superviseurs devra fonctionner sur une base décentralisée, la préparation et la mise en oeuvre des décisions étant confiées au superviseur national.
Les décisions du Conseil européen de juin dernier laissaient entendre que le MSU était une condition nécessaire mais non suffisante pour que le mécanisme européen de stabilité (MES) puisse recapitaliser directement les banques, sans avoir à recapitaliser les Etats membres. Cependant, plusieurs ambiguïtés demeurent : une fois le MSU en place, quelles seront les autres conditions posées à une recapitalisation des établissements ? A quelles banques cette possibilité sera-t-elle ouverte : aux banques déjà en difficulté, notamment espagnoles, ou à celles qui le deviendront ? Je demande que les termes du débat soient clarifiés, ce qui ne préjuge pas de la position que nous prendrons sur le fond.
Il faut préciser que le MSU est ouvert aux Etats non membres de la zone euro. Les modalités techniques d'une telle participation sont en cours de définition à Bruxelles. Elles doivent être attractives, afin que les Etats qui ont vocation à rentrer dans la zone euro se rapprochent progressivement de ses standards. De plus, les secteurs bancaires de ces pays sont dominés par des établissements de la zone euro : en Pologne par exemple, 70 % du secteur bancaire est d'origine étrangère. Il est donc légitime que les superviseurs nationaux soient associés à une supervision qui a des impacts immédiats sur leur propre système bancaire et économique. Ces précisions ne valent évidemment pas pour le Royaume-Uni, qui a déjà fait savoir qu'il ne souhaitait pas rentrer dans le MSU.
Je soutiens la proposition de Richard Yung d'articuler le MSU avec l'Autorité bancaire européenne, qui a fait la preuve de son utilité en termes d'harmonisation réglementaire. Celle-ci continuera à jouer un rôle important en tant qu'autorité de régulation pour les Vingt-sept.
Une extension à terme de la supervision européenne aux autres établissements financiers que sont les chambres de compensation et les assurances devra également être envisagée.
Je voudrais insister sur les modalités de contrôle démocratique du superviseur européen. Richard Yung propose que celui-ci soit l'une des missions explicites de la conférence interparlementaire de l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). C'est une idée intéressante car la soutenabilité des finances publiques des Etats de la zone euro est très dépendante de la santé des différents secteurs bancaires. Mais compte tenu de la rédaction de l'article 13 du TSCG, il n'est pas certain que cela soit juridiquement possible. C'est pourquoi je propose d'ajouter une deuxième possibilité : la création d'une commission ad hoc au sein de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (Cosac). En outre, il me semble utile de prévoir l'audition du futur président du comité de surveillance de la BCE par le Parlement national lorsque le superviseur européen identifie une situation de crise sur un établissement bancaire de cet Etat et prend les premières mesures pour y remédier - relèvement des niveaux de fonds propres, révision de la gouvernance. Par exemple, si le superviseur européen était installé, nous pourrions lui demander des comptes sur sa gestion de la situation du Crédit immobilier de France (CIF), comme nous l'avons fait avec l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP).
Enfin, la Commission européenne a déjà présenté une proposition de directive fixant un cadre de redressement et de résolution des défaillances bancaires. Ce projet oblige les Etats membres à disposer de procédures et d'autorités dédiées. Toutefois, la Commission européenne a précisé au Conseil européen d'octobre dernier qu'elle comptait proposer un projet de législation pour l'établissement d'un mécanisme de résolution unique pour les Etats participant au MSU. La proposition de la commission des affaires européennes soutient ces travaux. Il s'agit en effet de l'étape ultérieure de réalisation de l'union bancaire. Je propose de demander que cette éventuelle autorité commune de résolution tienne compte des économies nationales : les secteurs bancaires ont encore une forte assise nationale, si bien que les crises bancaires ont des conséquences économiques, sur l'emploi et le crédit, sensibles à l'échelle nationale. Voyez Dexia ou le CIF. Aussi est-il essentiel que l'autorité de résolution commune en tienne compte. Je vous propose également de suggérer que les autorités nationales de résolution - en France, essentiellement l'ACP - soient associées au cadre commun de résolution.
La France doit avoir une position en pointe. Nous avons en effet des atouts à faire valoir et nous devons rester vigilants sur le périmètre des établissements soumis au contrôle du MSU.