Intervention de Philippe Marini

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 14 novembre 2012 : 3ème réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission « anciens combattants mémoire et liens avec la nation » - examen du rapport spécial

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur spécial :

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » poursuit, assez naturellement, en 2013 sa pente décroissante, avec une contraction de 2,5 % de ses crédits, soit un budget de 3,07 milliards d'euros en crédits de paiement. Cette baisse régulière s'explique, pour l'essentiel, par la diminution de la population des ayants droit. Le nombre de bénéficiaires de la pension militaire d'invalidité (PMI) chuterait de 2012 à 2013 de 14 500 personnes, et celui des bénéficiaires de la retraite du combattant de 43 200.

De plus, pour la première fois depuis plusieurs années, il n'y aura pas de revalorisation majeure des droits à réparation. Cependant, le budget prend en compte l'extension en année pleine de la majoration de 4 points intervenue au 1er juillet 2012 de la retraite du combattant que nous avions unanimement soutenue.

Abordons les trois programmes de la mission.

Les crédits du programme 167 « Liens entre la nation et son armée » augmentent légèrement de 1,2 % à 119,4 millions d'euros.

Ceci reflète un effort particulier dont on ne peut que se réjouir sur l'action 2 « Politique de mémoire », dont les crédits augmentent de 43,3 % pour s'établir à 17,2 millions d'euros. Il s'agit souvent d'augmentations de dotations qui ne font que mettre en oeuvre des engagements précédemment pris.

Ainsi, parmi les moyens supplémentaires de 2012 à 2013 :

- 1 million serait consacré à l'érection, près des Invalides, d'un monument aux morts en OPEX, ce qui, trente ans après l'attentat du Drakkar à Beyrouth, prend un sens particulier. Ce budget semble assez large pour ériger un tel monument ;

- 2 millions d'euros devraient permettre d'assurer la contribution du ministère de la défense au GIP « Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale ». Nous aurons besoin des précisions du ministre pour connaître les missions précises qui lui seront dévolues. En effet, lors de la préparation budgétaire, le ministre délégué avait semblé ouvrir la voie à un élargissement de ce GIP à d'autres conflits et, en particulier, aux commémorations de la Seconde Guerre mondiale. Ce sont des aspects qui devront être précisés ;

- 1 million d'euros enfin sera consacré au programme de rénovation 2011-2018 des sépultures de guerre dans le cadre de la préparation des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale. Cette augmentation des moyens correspond à une montée en puissance décidée dès 2010.

Je souhaite, à ce titre, m'arrêter sur le contrôle budgétaire que j'ai mené sur la mise en oeuvre du programme pluriannuel 2011-2018 de rénovation des sépultures de guerre à la veille des commémorations de la Première Guerre mondiale. Ce programme porte principalement sur la rénovation d'une trentaine de nécropoles nationales pour un montant de près de 35 millions d'euros.

Au cours de ce contrôle, j'ai observé que la mise en place de ce programme s'est accompagnée de l'augmentation significative des moyens budgétaires. Cependant, certaines sous-consommations montrent que les évaluations initiales des coûts des rénovations sont, pour certaines, imparfaites mais également que des appels d'offres ont engendré des résultats favorables.

La déclinaison annuelle de ce programme entre la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère et l'ONAC, particulièrement son Pôle des sépultures de guerre installé à Metz, se fait de façon intelligente pour prendre en compte l'évolution du calendrier commémoratif et les reports de crédits existants. Je souhaite, par ailleurs, souligner la grande qualité des personnels rencontrés et dédiés à cette mission. J'ai pu entendre des propos d'une grande technicité sur les coûts et la fabrication des stèles destinées à nos nécropoles militaires.

J'ai formulé à l'issue du contrôle plusieurs recommandations. Il serait souhaitable qu'à l'avenir une meilleure concertation avec les associations d'anciens combattants puisse se mettre en place afin de prendre en compte leur sensibilité à la modification de lieux auxquels ils sont très attachés. J'ai également suggéré, lors de mes différentes rencontres, que puisse être explorée, pour les rénovations et plus largement pour la mise en valeur des lieux de mémoire, la piste du mécénat qui comporte des dispositions fiscales attractives.

Pour revenir à la programmation budgétaire en 2013, j'ai souhaité insister dans ce rapport sur le besoin que des moyens puissent être mobilisés en faveur de la préservation du patrimoine de guerre. Ceci vaut particulièrement pour toutes les localisations du front de la Première Guerre mondiale, lorsque les troupes en stationnement ont aménagé des grottes. Il existe de nombreux sites, par exemple dans la vallée de l'Aisne, où sur tout le front on retrouve des sculptures représentatives de la vie au front, des monuments sous-terrains dont la préservation est difficile. Si on veut préserver ce patrimoine, il faudra y mettre quelques moyens en partenariat avec les collectivités territoriales.

Ce programme porte également le soutien de la Journée Défense et citoyenneté pour 102,2 millions d'euros en légère baisse de 3,8 millions pour prendre en compte la baisse du plafond d'emplois de 1 555 à 1 518 ETPT. Je rappelle qu'après la suspension du service national, les effectifs de la Direction du Service national avaient augmenté significativement.

Le principal programme, 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », voit ses crédits baisser de 2,6 % à 2 839,3 millions d'euros pour les raisons démographiques évoquées précédemment. Cette baisse démographique se répercute sur l'action « Administration de la dette viagère » qui regroupe les PMI et la retraite du combattant. Les crédits de cette action reculent de 84,5 millions d'euros.

Il convient de demander au ministre délégué de préciser ses intentions pour une catégorie particulière d'anciens combattants, ceux qui ont cumulé quatre mois de service en Algérie à cheval sur la date du 2 juillet 1962. Actuellement, ils ne peuvent bénéficier de l'obtention automatique de la carte du combattant. Il faudrait oeuvrer en faveur de ce changement.

Ce programme porte également les crédits d'action sociale de l'ONAC. Ils progressent, comme lors des derniers exercices, de 500 000 euros à 20,6 millions. Ce sont ces crédits qui permettent entre autres d'accorder l'aide différentielle aux conjoints survivants qui bénéficie à plus de 4 600 personnes dont les revenus sont inférieurs à 900 euros par mois - seuil revalorisé au 1er avril dernier de 66 euros.

J'émets un regret, celui que depuis un an le dossier visant à développer une aide similaire pour les anciens combattants les plus démunis n'ait pas avancé. Le ministre devra s'engager à faire avancer ce dossier.

Le troisième programme, le programme 158, qui porte sur l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, voit sa dotation légèrement baisser de 5,2 % en crédits de paiement pour prendre en compte l'évolution du nombre de dossiers attendus.

Je veux enfin signaler un problème de prévisibilité de la dépense fiscale. Celle-ci est estimée à 505 millions d'euros en 2013, soit plus de 16 % des crédits de la mission. Cette dépense, qui représente au fil des ans une part de plus en plus importante de l'effort public en faveur des anciens combattants, est surtout marquée par une sous-évaluation récurrente.

Ces observations me conduisent à vous proposer d'adopter les crédits de la mission sans modification.

Concernant les articles rattachés, ils sont au nombre de quatre. Ils ont tous été introduits à l'Assemblée nationale et concernent des demandes de rapports auxquelles le Gouvernement s'est montré favorable. Ces rapports, souhaitons-le pourront éclairer de leur contenu des décisions futures.

L'article 62 bis, introduit par un amendement de Daphna Poznanski-Benhamou, rapporteure de la commission de la défense, demande un rapport au Gouvernement sur la situation des conjoints survivants pensionnés au delà de 2 000 points pour envisager la possibilité de leur revalorisation. Cet objectif au profit des conjoints survivants est légitime, mais le fait que soit évoquée, dans la formulation de demande de rapport, la possibilité de recourir à une taxation des pensions des grands invalides, m'invite à vous proposer de nous en remettre à la sagesse du Sénat.

L'article 62 ter, introduit par un amendement du même auteur, demande un rapport au Gouvernement sur la possibilité d'étendre l'aide différentielle aux conjoints survivants aux résidants hors de France. Je vous propose, pour des raisons de cohérence, de donner un avis favorable à cet article.

L'article 62 quater, introduit par un amendement du même auteur, demande un rapport au Gouvernement sur l'application de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. Il s'agit en particulier d'évaluer l'action qui a été celle de la Fondation pour la Mémoire de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie. Cependant, la demande de rapport porte sur toute la loi. Je vous rappelle que les crédits consacrés aux rapatriés et harkis, et en particulier aux allocations qui leur sont versées, sont inscrits au titre de la mission « Égalité des territoires, logement et ville ». C'est pour cette raison que je vous propose de nous en remettre à la sagesse du Sénat.

Enfin, l'article 62 quinquies, introduit par des amendements identiques des groupes GDR et UDI, demande un rapport au Gouvernement sur l'opportunité et les modalités de modification du décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 pris en application de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Il s'avère qu'au vu du nombre peu élevé d'indemnisations, 1 % des dossiers déposés, cette demande semble légitime. Cependant je ne sais pas dans quelle mesure cette demande prend en considération la récente modification du décret d'application par le nouveau décret n° 2012-604 du 30 avril 2012. Ce dernier prévoit l'élargissement de la liste des maladies radio-induites ainsi que celui des zones géographiques concernées et, selon les données communiquées, plusieurs dizaines de cas sont déjà en cours de réexamen sur cette base. C'est pour cette raison que je vous propose de nous en remettre à la sagesse du Sénat.

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