Certaines lois ont la vie brève : les juridictions de proximité, créées en septembre 2002 puis modifiées en 2003 et en 2005, doivent être supprimées le 1er janvier 2013. Ce texte vise à prolonger leur existence de deux ans, ce en quoi le Sénat confirmera l'avis de notre commission sous une précédente majorité.
Les juges de proximité ont compétence sur les litiges jusqu'à 4 000 euros en matière civile et sur les contraventions des quatre premières classes en matière pénale. Ils ont pour particularité de pouvoir exercer une profession en plus de leurs missions judiciaires. Ce point, qui ne fait toujours pas consensus au sein de la profession, pourra être révisé si nous votons le report de leur abrogation.
Les auditions ont montré que les arguments contre les juges de proximité demeurent identiques depuis leur création. La complexité du système pour les justiciables, d'abord. Comment s'y retrouver entre juges d'instance et juges de proximité ? La précarité de ceux-ci, ensuite : ils sont recrutés pour sept ans et leurs missions sont sans cesse remodelées. En fin de compte, le recours à des personnes qui n'étaient pas des magistrats professionnels pour statuer en dernier ressort sur un contentieux de masse qui concerne le quotidien des Français.
Les juges de proximité ont cependant pris une place importante dans le traitement du contentieux de masse : ils tranchent 15 à 20% des affaires civiles. Les supprimer au 1er janvier 2013 signifierait augmenter d'autant la charge de travail des juges d'instance dont les responsabilités se sont déjà considérablement accrues avec la réforme des tutelles et la judiciarisation de notre société. Ou alors, il faudrait compenser leur disparition par la création de plus d'une soixantaine d'ETP, ce qui n'est pas envisagé. De plus, les juges de proximité, seraient reservés au sein des audiences collégiales des tribunaux de grande instance, qui traitent de questions techniques pour lesquelles ils n'ont pas de qualification particulière et devraient recevoir une formation supplémentaire. J'ajoute que leur nombre, en raison de leur situation très précaire, diminue : 420 à 430 aujourd'hui, contre 600 l'an dernier.
D'où la proposition de M. Jean-Sueur : se donner un délai, non pas forcément en vue d'obtenir de nouveaux postes, mais afin de réfléchir à la répartition des compétences entre les juridictions et à l'organisation de la justice. Cette réflexion, qui est engagée à la Chancellerie, l'est aussi au sein de notre commission : Mme Borvo Cohen-Seat et M. Détraigne ont rendu un excellent rapport sur la réforme de la carte judiciaire, que prolongera la mission d'information sur la justice de première instance, qui m'a été confiée avec M. Détraigne. On a beaucoup bousculé la justice ces dernières années ; donnons-nous le temps et les moyens de construire une justice de proximité plus efficace et mieux répartie entre les juridictions.