J'ai évolué de la même manière. La loi votée la semaine dernière maintient le délit d'entrée irrégulière sur le territoire, il ne faudrait pas se mettre en incohérence avec elle. Il est exact que les conditions de vie d'un demandeur sont déterminantes pour la qualité de sa demande d'asile. La procédure prioritaire produit une ségrégation : la sélection initiale est-elle bonne ?
Un délai court est important pour l'intégration des demandeurs d'asile. La proposition n° 12 ne crée pas une obligation légale, elle suggère d'imiter pour les demandes d'asile ce qui se fait déjà de manière informelle dans les commissariats lors des dépôts de plainte pour viol, et qui n'est pas absurde.
Les propositions que vous qualifiez de luxe doivent être mises en regard des pratiques de nos partenaires européens. Il y a plus d'officiers de protection en Grande Bretagne qu'en France pour deux fois et demie moins de demandes d'asile. C'est pourquoi nous soulignons leur charge de travail. Nous avons acquis la conviction que la tutelle par le ministère de l'Intérieur ne se traduit par aucune forme de pression sur ces agents. En revanche, la précarité de leurs conditions de travail, notamment pour les contractuels, peut nuire à leur capacité à se concentrer sur la problématique, parfois très grave, de ceux qu'ils reçoivent.
L'idée d'une grande agence de l'asile est moins une proposition qu'une piste de réflexion. Souhaitons-nous que l'OFPRA se concentre sur la qualité de sa procédure, ou faut-il que l'agence de l'asile soit coresponsable de l'ensemble des demandeurs d'asile, avec un budget beaucoup plus important et la capacité à faire des arbitrages pour traiter les dossiers au mieux ?
Nous avons observé les conditions de travail devant la CNDA : les formations de jugement traitent treize ou quatorze affaires par jour, quand les juges britanniques consacrent une demi-journée à chaque affaire. Les agents qui participent en France à ce type de décision sont surchargés par rapport à ceux d'autres pays. Ce qui peut sembler un luxe par rapport à ce qui existe chez nous ne l'est pas par rapport à d'autres pays d'Europe. Nous accordons à peu près le même nombre de protections que l'Angleterre, qui reçoit 2,5 fois moins de demandes mais a un taux d'acceptation bien plus important que nous. Si l'on rapporte le nombre de protections à la population nous ne sommes pas en haut du classement : notre procédure est lourde, et environ 9% des demandes nous viennent d'outre-mer, ce qui réclame, pour un traitement centralisé, l'organisation de visioconférences, d'audiences foraines de la CNDA...