Intervention de Élisabeth Lamure

Commission des affaires économiques — Réunion du 14 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission « économie » - examen du rapport pour avis

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure, rapporteur pour avis :

Je vais maintenant aborder le volet « commerce extérieur » du projet de loi de finances pour 2013 concerne deux actions du programme 134 pour un montant de 124 millions d'euros :

- 104 millions au titre de l'action 7 « Développement international des entreprises », qui couvre les dépenses de fonctionnement et d'intervention de l'Agence française pour le développement international des entreprises - Ubifrance ;

- et 20 millions d'euros pour la nouvelle action 20 « Financement des entreprises et de l'attractivité du territoire », qui comprend la subvention pour charges de service public de l'Agence française pour les investissements internationaux - AFII, ainsi qu'un modeste volant de dépenses d'intervention, avec essentiellement des bonifications à des prêts accordés par l'État à des PME.

En dépit de cette place modeste dans la nomenclature budgétaire, le commerce extérieur est pris en charge par un ministère de plein exercice, ce qui est en adéquation avec l'importance de l'enjeu.

Le déficit commercial de la France est un révélateur de notre perte de compétitivité. Je me contenterai de deux observations :

- nos parts de marché représentaient à peu près les deux tiers de celles de l'Allemagne en 2000 contre un tiers aujourd'hui. Selon les études économiques, il est difficile de trouver une corrélation évidente entre notre déficit et l'orientation sectorielle ou géographique de nos échanges : l'essentiel se situe dans une grandeur non mesurable qui correspond à l'attrait des produits ;

- d'autre part, la Commission européenne a estimé, en février 2012, que la France avait dépassé un seuil d'alerte qui nous place parmi les douze pays ayant fait l'objet d'une analyse approfondie de leurs déséquilibres économiques. Le diagnostic européen du 30 mai dernier indique que « la croissance des exportations est plus lente en France que dans l'ensemble de la zone euro » alors que le commerce mondial se développe et appelle la France à une correction de trajectoire.

J'ajoute que dans certains pays, comme les Etats-Unis, le déficit commercial est un indicateur fragile. Le directeur général de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), estime qu'en valeur ajoutée, le déficit commercial américain est inférieur de 50 % à celui que mesurent les statistiques fondées sur la valeur des produits au moment de leur passage en douane. En Zone euro et en France notre déficit ne serait réduit que d'à peu près 20 % en valeur ajoutée. Le commerce mondial a profondément changé tandis que les indicateurs sont restés immobiles et il convient de les réaménager ou de les analyser plus finement. L'OMC commence à s'emparer du sujet.

Je salue au passage la capacité de la France à former et à exporter ses talents au niveau des organisations internationales, ce qui illustre peut-être aussi le fait que la « matière grise » de notre pays a, de façon générale, parfois un peu trop tendance à s'orienter vers l'administration plutôt que vers les filières industrielles internationalisées.

En ce qui concerne les remèdes à cette détérioration, il faut distinguer les mesures ponctuelles et les fondamentaux stratégiques.

Au titre des mesures utiles mais ponctuelles, je citerai tout d'abord le thème de la réciprocité. Comme je l'ai rappelé au cours de l'audition de la ministre du commerce extérieur, on a pu craindre, au tout début du quinquennat, que le Gouvernement place au centre de sa stratégie en matière de commerce extérieur l'application stricte du principe de réciprocité. Or le directeur général de l'OMC a opportunément rappelé des faits incontournables : les parts de marché de la France se réduisent là ou les règles de réciprocité sont respectées (ce qui concerne les deux tiers de notre commerce extérieur). Inversement nos exportations progressent plutôt vers les zones où la réciprocité est encore imparfaite.

La compétitivité est bien l'axe majeur du redressement de notre commerce. Je précise d'ailleurs qu'au sein de la zone euro, les Etats membres sont, par définition, privés de l'arme de la dévaluation : cependant, une hausse de la TVA a un effet équivalent, puisqu'elle frappe les importations mais pas les exportations, et la plupart de nos voisins l'ont utilisée au cours des dernières années.

Parmi les mesures utiles mais ponctuelles, l'accompagnement des PME à l'exportation mérite d'être soigneusement examiné. Le récent rapport de M. Louis Gallois préconise la concentration de l'effort de soutien sur les entreprises déjà exportatrices ou celles qui montrent leur capacité à exporter durablement, en tablant sur leur effet d'entraînement naturel sur les autres entreprises. « Il peut être à l'inverse dangereux et inefficace -je cite le rapport- de pousser artificiellement sur les marchés étrangers des PME qui n'y sont pas suffisamment préparées ». Le même rapport regrette le « dénigrement » des grands groupes français alors même qu'ils constituent un avantage décisif dans la compétition internationale : nos 200 premières entreprises emploient 28 % des salariés des secteurs marchands, réalisent 62 % de la recherche industrielle et 50 % des exportations.

Au cours des auditions, on m'a cependant fait valoir que, pour les PME, grandir, c'est souvent s'internationaliser. De plus, la confrontation avec la réalité internationale est parfois un excellent moyen, à la fois, de combattre une certaine « sinistrose » ambiante et de se rendre plus attentif aux caractéristiques de la demande étrangère pour enclencher une interaction vertueuse entre l'innovation et l'exportation.

Quoi qu'il en soit, il y a une nécessité de mieux coordonner les actions de soutien aux exportations avec la mise en place d'une structure permanente à la fois au niveau national, rassemblant, Ubifrance, les réseaux consulaires, les Douanes et les Conseillers du commerce extérieur, et au niveau régional. Lors de son audition du 23 octobre dernier, Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, est convenu de la nécessité de lutter contre l'éparpillement des « pavillons » de promotion des produits français à l'étranger et a estimé souhaitable d'accroître la présence des représentants des régions au conseil d'administration d'Ubifrance pour contrôler le respect des engagements pris par cet établissement et pour favoriser la coordination des initiatives de soutien aux exportations.

Enfin, à l'intérieur de la question du financement des entreprises exportatrices, qui est absolument essentielle aujourd'hui - hors grands groupes, certains évoquent un assèchement du financement par crédit bancaire en 2012 des exportations - je vous propose de marquer notre soutien au principe de l'intégration d'un volet international à la nouvelle Banque publique d'investissement (BPI). Toutefois, la mise en place de la BPI n'aura qu'un impact limité et ne satisfera que partiellement la préconisation du rapport Gallois tendant, d'une part, à un alignement des conditions de crédit et des garanties export sur le meilleur niveau constaté dans les pays avancés et, d'autre part, à la création d'un « prêteur direct » public.

Au cours des auditions, j'ai relevé une piste intéressante qui consisterait à rechercher des financements à l'exportation en dehors du crédit bancaire, par le recours à des emprunts obligataires garantis par l'État, qui pourraient être souscrits par des investisseurs institutionnels. Là aussi, je suggère d'interroger le gouvernement sur ses intentions dans ce domaine.

Concernant les fondamentaux stratégiques, je ne reviens pas sur le rapport de M. Louis Gallois, ni sur le « virage » de l'approche économique du Gouvernement. Permettez-moi cependant de mentionner deux « non-dits » dans ce débat.

Tout d'abord, à propos de la question des 35 heures que j'ai soulevée lors de l'audition de Louis Gallois, je citerai un document. Il s'agit du premier rapport publié en 1997 par le Conseil d'analyse économique. Il concluait qu'une réduction de la durée du temps de travail de 39 à 35 heures payées 39 représente potentiellement un choc de coût du travail de 11,4 % supérieur à celui des années quatre-vingt. Ces chocs avaient été à l'époque suivis d'une perte de compétitivité, d'une augmentation massive du chômage et d'un recul industriel sans précédent. Les contraintes sont aujourd'hui plus grandes ; nous avons renoncé à l'arme défensive de la dévaluation et la concurrence mondialisée est plus intense qu'il y a quinze ans.

Très rapidement, je voudrais aussi évoquer la « compétitivité - temps » évoquée dans le rapport publié en juillet 2012 sous l'égide de Terra Nova « Investir dans l'avenir - Une politique globale de compétitivité pour la France ». Louis Schweitzer y rappelle qu'en France, les investisseurs perdent beaucoup plus de temps qu'ailleurs en autorisations, permis de construire, enquêtes publiques, concertation, lenteur des procédures de plans sociaux. Tout en approuvant ce propos, je le nuancerai parce que d'autres praticiens du commerce international, m'ont rappelé, pendant mes auditions, que le parcours de l'exportateur français était également semé d'embuches dans un certain nombre de pays émergents.

Je termine en rappelant qu'avec 56,2 % de dépenses publiques par rapport au PIB, c'est-à-dire un des plus forts ratios du monde, notre Économie et nos exportations ont avant tout besoin d'une amélioration de notre compétitivité fiscale. Sur ce point, le projet de loi de finances pour 2013 me semble aller à contre-courant.

Puisque le programme 134 que nous examinons concerne également le volet « Tourisme », permettez-moi d'en dire un mot. La France demeure la première destination touristique mondiale avec, en 2011, plus de 81 millions de visiteurs étrangers. L'enjeu est immense : il se chiffre à près de 40 milliards d'euros de recettes, un solde net de 7,5 milliards d'euros d'entrées de devises, un million d'emplois directs et autant d'emplois indirects sur l'ensemble de nos territoires. Pourtant, le tourisme ne fait plus l'objet d'un programme comme l'année dernière. Le projet de loi de finances pour 2013 les intègre en tant qu'action au sein du programme 134.

Au total, je souhaite émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission Économie car :

- le volet tourisme y est traité avec trop de légèreté ;

- le commerce extérieur a besoin de moyens supplémentaires (accompagnement des PME, organisation des structures...), pour soutenir et développer nos exportations.

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